Sur la pochette de son album Hystérie !, Régina Demina s’affiche comme une lolita steam-punk nipponne qui nous fait la moue sur fond de papier peint représentant des fleurs carnivores. On entame l’écoute, des chuintements et des battements synthétiques se font entendre, puis la voix langoureuse de Régina Demina, entre susurrement et ahanement, nous obnubile.
Madame Demina avait publié un premier microalbum en 2018, L’été meurtrier, chez Kwaidan Records. Cette étiquette, fondée par Marc Collin, regroupe entre autres La Féline, Nouvelle Vague et Jay-Jay Johanson. Avec l’aide de Collin, des producteurs Jérôme « Blackjoy » Caron et Sam Tiba, ainsi que du collectif électro-gabber Contrefaçon, Régina Demina a créé Hystérie !, premier opus complet à teneur érotisante. L’auditeur distrait pourrait assimiler ce qu’il entend ici à des ritournelles électro-bonbon à la Lio ou Mylène Farmer. Qu’il se détrompe, les dix pièces que nous enfile Régina Demina sur Hystérie ! s’élèvent dans la stratosphère pop grâce à des qualités évidentes.
Tout d’abord, la qualité littéraire des textes, qui comportent des références aisément repérables et d’autres moins, comme les paroles de L’homme jasmin qui pourraient être inspirées d’un récit de l’artiste allemande Unica Zürn. Le contenu est généralement troublant, émouvant, provocateur et aguichant : relations destructrices et autres amours brutaux, inceste, désirs exacerbés, onirisme inquiétant, inhumanité et morbidité.
Ensuite, les mélodies séduisantes, ainsi que les rythmes et ornements confectionnés de sous-genres synthétiques parfaitement amalgamés. Bref, ces chansons devraient s’avérer aussi efficaces pour la transe que pour la danse.
Madame Demina, qui a vu le jour à Kaliningrad en Russie, vit en France depuis l’âge de quatre ans. Elle correspond à l’archétype de l’artiste à volets multiples : danseuse, actrice, créatrice d’art visuel, musicienne qui s’intéresse autant à la musique contemporaine qu’à la pop, réalisatrice de courts-métrages et conceptrice d’installations sonores. Son Hystérie ! est un objet sonore à la fois hétéroclite et soudé, à la fois glacial et chaud, propre à émouvoir même les musicophiles les plus stoïques.