La dernière proposition de l’énigmatique artiste afro-américain s’inscrit à la fois entre rupture et continuité avec ses plus récentes créations alors qu’il tend à quitter les rivages de l’expérimental pour une approche plus commerciale sans pour autant restreindre l’éventail de son audace.
Nomade des genres à la démarche résolument souveraine, Yves Tumor réussit la délicate gymnastique de s’éparpiller tout en parvenant à une œuvre rayonnante de cohérence. Heaven To A Tortured Mind est un opus raffiné qui enchante d’une part par la complexité de ses arrangements, la grande précision de ses pistes vocales et ses textures sensuelles et éthérées, mais brille également par sa prose bigarrée aux formes multiples, le souffle confortable de son R&B, l’élasticité de ses guitares électriques et son psychédélisme à la P-funk. Il se fait l’héritier improbable quoique convaincant de Prince, du glam rock de T. Rex et de David Bowie. La palette est ample et voluptueuse. L’enchaînement des pièces nous réserve sans cesse des surprises et démontre une polyvalence limpide et maîtrisée. À titre d’exemple, la ballade Strawberry Privilege est une perle craquante de pop aérienne tandis que Asteroid Blues revendique un krautrock langoureux.
Il s’agit en tous points d’une offrande imbibée de romantisme en parfaite cohésion avec l’image éclatée de ce personnage qui se dérobe aux conventions. Une invitation à se dissoudre dans les tréfonds de son âme qui confirme hors de tout doute la position privilégiée de cet artiste dans une classe à part.