La musique contemporaine ‘’accessible’’ a le vent dans les voiles, et le terme lyrique pour la qualifier a peut-être le dos large, mais c’est finalement une bonne chose car ça laisse pas mal d’espace pour la créativité. Cet album bellement interprété par deux solides interprètes chambristes, l’altiste Frédéric Lambert et la pianiste Chloé Dumoulin, traverse un large panorama de la nouvelle musique savante qui se veut ‘’lyrique’’, autre terme pour mélodique et tonale. Les premières œuvres au programme sont moins convaincantes dans leur prétention à la ‘’nouveauté’’, car écrites exactement comme aurait pu le faire Robert Schumann (dans le cas de Trois poèmes de Jeanne Landry, et Romance d’Alain Payette), Debussy, Max Bruch ou Chostakovitch (la Sonate op. 37 de Michel R. Edward) et du coup ressemblent plus à des pastiches qu’à des œuvres vraiment créatives (elles sont néanmoins très jolies, il faut le reconnaître, et je suis certain que Robert, Claude et Dmitri auraient été contents s’ils les avait écrites).
C’est avec le reste du programme que le terme ‘’Nouveau lyrisme’’ prend vraiment du sens. Alto-Neptune de Denis Gougeon, extrait de ses Six thèmes solaires, marque fortement son appartenance à une esthétique de fin de 20e siècle, tout en optant pour la clarté mélodique et une tonalité élargie, sombre, mais résolument tonale. Gougeon est l’un des artistes les plus stimulants du Québec moderne, et on ne le joue pas encore assez. La Québécoise d’origine mexicaine Alejandra Odgers, pour sa part, est l’une des plus fortes voix de la jeune génération. On l’entend ici dans une pièce de fort caractère, aux rythmes appuyés et bourrée d’une énergie motorique, Discusión (Discussion) de 1998. Disons que ça parle fort entre l’alto et le piano!
Finalement, le Nocturne boréal de Julie Thériault est la pièce la plus nouvelle de l’album (elle date de 2025) et ma préférée du disque (avec celle de Gougeon, je dirais). Elle s’amorce certes par une première partie élégante, en forme d’élégie mélancolique, façon 19e siècle, mais graduellement, des motifs répétés nous indiquent le passage de l’impressionnisme, puis de l’école minimaliste, et le glissement de l’harmonie initiale vers un chromatisme plus serré témoigne, lui, de l’aventure atonale, mais sans s’y lover véritablement. Cela se termine dans l’atmosphère initiale, mais avec des coloris qui n’auraient pas été aussi facilement permis à une autre époque. J’adore.
La qualité inventive des œuvres au programme est inégale, mais les bons moments sont assez forts pour surpasser les réticences. Et le jeu des deux interprètes est impeccable.