S’il y a un truc que le musicophile ne peut reprocher à Jacques Barbéri, Philippe Perreaudin et Laurent Pernice, qui forment le groupe Palo Alto, c’est de produire de la poutine grand public. Depuis plus de trente ans, cette formation française ose et tente. Ses irréductibles membres ont tâté de tout : musiques improvisées puis composées; réorientations vers l’électronique, l’industriel et le post-punk, entre autres; collaborations avec divers créateurs, dont les groupes français Klimperei et Déficit des Années Antérieures; participation à la bande-son du film Louise-Michel; hommages à Tuxedomoon, Ptôse, Nino Ferrer, The Residents et au cultissime auteur de science-fiction J. G. Ballard; adaptation vidéo de La Chasse au Snark de Lewis Carroll; création de l’étiquette spécialisée Halte aux Records et on en passe.
Une constante demeure, toutefois, dans le parcours de Palo Alto : le recours aux références littéraires, surtout de science-fiction. Rien d’étonnant puisque Jacques Barbéri est auteur de SF à part entière. Sur le double album Difference and Repetition – A musical evocation of Gilles Deleuze, un autre écrivain de SF est d’ailleurs mis à contribution : Alain Damasio, qui a écrit et déclamé les trois textes de la pièce Triptych, soit Gilles Deleuze est mort, Longtemps après l’écho du combat et Chaosmos.
Outre Damasio, les risque-tout de Palo Alto ont aussi convié d’autres personnages singuliers à ce projet qui non seulement commémore le pop philosophe Deleuze, mais salue l’album Third des proto-progueux Soft Machine. Ainsi, sur The Tears Of Nietzsche, Richard Pinhas plaque sa guitare distordue sur son propre essai Les Larmes de Nietzsche – Deleuze et la musique. Le multi-instrumentiste Thierry Zaboitzeff (ex-Art Zoyd) violente Rhizome de son violoncelle électrique. Puis, le chevalier de l’avant-garde new-yorkaise Rhys Chatham pimente de sa trompette la pièce Différence et répétition.
Au fil de ces quatre pièces de presque vingt minutes chacune, des synthés à foison, des percussions naturelles et électroniques ainsi que divers sons d’origines non identifiées s’imbriquent aux instruments et voix susmentionnés. En résulte un capharnaüm harmonieux dont l’apparente complexité ne doit en rien rebuter le musicophile, qui y fera de roboratives trouvailles.