Le moins qu’on puisse dire, c’est que le saxophoniste Colin Stetson a du souffle. On l’entend tout au long de son dernier album, son premier en six ans. Qu’elle soit utilisée volontairement pour créer du rythme ou par pure nécessité biologique, la respiration y est omniprésente et nous rappelle constamment l’élément humain qui est au cœur de ces mélodies hypnotiques. À la fois rafraîchissant et drôlement nostalgique, When We Were That What Wept for the Sea regroupe des compositions captées sur le vif et avec peu de réenregistrements d’appoints.
On y retrouve le jeu signature de Colin Stetson, soit des boucles de mélodies arpégées exécutées à haute vitesse et à travers un bain de réverbération. Axé sur les variations du matériau musical plutôt que le développement structurel, le style d’écriture de Stetson s’inscrit dans l’héritage du minimalisme. Les cellules mélodiques étant construites sur un petit réservoir de notes, on y perçoit tout de même des échos de gammes majeures et mineures qui agissent comme autant de percées d’espoir à travers la mélancolie introspective qui parcourt l’album.
À d’autres moments, le tempo ralentit et laisse place à la voix chantée de Stetson, filtrée à travers l’anche de ses instruments. En chantant dans son saxophone, il arrive ainsi à créer des textures multiphoniques dont le résultat complexe n’a d’égal que la simplicité de la mélodie vocale qui en est à la source. Par ailleurs, l’album surprend à plusieurs reprises, notamment lors de The Lighthouse II et III. Le premier de ces deux morceaux est structuré autour d’un bourdon et d’une mélodie de cornemuse, sorte de drone écossais minimaliste, alors que le second est une ballade chant et piano. Passant ainsi par des niveaux d’intensité variables, l’album reprend les meilleurs coups de Stetson et y parsème de nouvelles idées, justifiant pleinement une écoute de plus d’une heure.