Luciano Berio, c’est le son qui devient sens. Le son qui, jusqu’au-delà des mots et au-delà du chant traditionnel, est manipulé avec soin, mais audace. Et pour ses son, Berio choisissait souvent la voix comme véhicule expressif. Qu’elle se manifeste sous formes d’onomatopées virtuoses, connectées telles les barres transversales d’une séquence ADN à une sinuosité indéniablement mélodique, ou qu’elle soit comme l’avatar contemporain de mélodies anciennes, la voix chez Berio est multidisciplinaire et multiforme. Le programme rend un hommage senti à cet arc-en-ciel sonore de l’un des plus géniaux créateurs du 20e siècle. La Sequenza III pour voix de femme, cette fantaisie onomatopéique dont je parlais plus haut, ne cessera de vous dérouter tout en vous fascinant et vous collant à votre siège tellement il s’agit d’un exercice à la fois avant-gardiste, virtuose, poétique et attrayant. Cries of London nous ramène dans une sorte de Londres médiéval dystopique, où les harmonies auraient été importées d’une dimension parallèle, alors que les superbes Folksongs, authentiques airs populaires, qui nous font traverser le monde , ‘’à la Berio’’ bien entendu. Quelques adorables mélodies (E si fussi pisci, There is no tun), non exemptes elles non plus de savoureuses onomatopées, finissent de donner à cet album un charme fou. La diction impeccable et la limpidité des textures générées par Les cris de Paris sous la direction de Geoffroy Jourdain en font un essentiel pour ceux que la chose vocale de niveau très très supérieur intéresse.
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