L’une des plus géniales artistes de sa génération dirige un ensemble constitué des meilleurs espoirs de la relève instrumentale et vocale issus de deux écoles ultra prestigieuses : la Royal Academy de Londres et l’école Juilliard de New York. Barbara Hannigan, qui peut se passer de présentation, impressionne autant lorsqu’elle dirige un orchestre que quand elle chante (ou même les deux, comme les Montréalais et les Torontois ont eu l’honneur de le constater plus tôt en 2024!).
Le répertoire choisi est à l’image de l’artiste. En effet, ce programme de musique de chambre de Stravinsky, majoritairement puisé dans le corpus néoclassique de l’entre deux-guerres du compositeur russe, est constitué de joyaux délicatement ciselés, finement tracés en silhouettes dépouillées et modelés sur des architectures sveltes et pointillistement dentelées. Cette musique ne souffre aucune approximation et il ne fait pas de doute que la Canadienne a su insuffler son propre sens de l’excellence et du perfectionnisme maniaque à ses jeunes musiciens.
Cela dit, le supplément d’âme s’enseigne et se transmet difficilement. Si le concerto Dumbarton Oaks est une réussite totale (à mon avis), et si l’Octuor déborde de caractère et de truculence, certaines pièces, comme le plus difficile Septuor (influencé par Schoenberg), ne convainquent pas totalement même si tous les points sont mis sur les ‘i’ et toutes les barres sur les ‘t’’. Les jeunes sont apparemment convaincus, mais l’éclat nécessaire ne se manifeste pas.
La jeune soprano Alexandra Heath se démarque dans quelques raretés plaisamment acidulées (Three Japanese Lyrics, Three Little Songs) qu’on aimera réécouter souvent, d’autant plus que leur durée dépasse à peine quelques battements de cœur.
Un album inspirant mené de main de maestra par Hannigan, et propulsé dans la plupart des cas par la passion encore toute fraîche de jeunes artistes à surveiller.