It’s the age of doubt/ And I doubt we’ll figure it out / Is it you or is it me? / The age of anxiety (Are you talking to me?) Voilà la première strophe de la première chanson du sixième album studio d’Arcade Fire, formation phare de Montréal comme chacun sait, et dont les membres sont aujourd’hui dispersés sur les continents nord-américain et européen.
Ainsi, en 2022, Arcade Fire s’exprime à l’ère de l’inquiétude. Ainsi, Arcade Fire évoque très clairement le déclin de l’empire américain. Comme nous tous, Arcade Fire attend l’éclair et la lumière, sans obtenir de réponse. Arcade Fire n’a alors d’autre choix que de s’en remettre à l’amour inconditionnel des êtres soudés dans l’adversité. Arcade Fire conclut cet opus dans le refuge d’un nous des gens qui s’aiment dans la conjoncture actuelle, thème central de l’album. Parfaitement conscients de la régression historique mondiale sur laquelle nous ramons actuellement, les leaders du groupe en expriment poétiquement les fractures, les sombres perspectives… et un espoir plutôt mince dans la fraternité de communautés encore vibrantes malgré tout.
Coréalisé par Win Butler et Régine Chassagne avec le concert de Nigel Godrich, à qui l’on doit les albums de Radiohead et plusieurs autres, notamment le meilleur album de Paul McCartney au cours des dernières décennies (Chaos and Creation in the Backyard), cet opus se veut d’abord un retour aux valeurs premières du supergroupe. Aux côtés de Nigel Godrich, on aurait pu s’attendre à d’importantes avancées formelles, des sons inédits, de nouveaux espaces sonores investis. Mais Arcade Fire n’est pas Radiohead et Nigel Godrich a probablement saisi qu’il fallait servir le fameux band plutôt que de le pousser à se surpasser conceptuellement. Le groupe de Win et Régine cherche d’abord à faire des chansons percutantes, très souvent construites à la manière d’hymnes fédérateurs comme c’est le cas depuis Funeral, sorti en 2004.
On observe plutôt le polissage des genres constitutifs du son Arcade Fire : indie rock, folk rock, indietronica, dance-punk, arrangements de cordes et instruments à vent, évocations de la new wave ou de mentors tels David Byrne, David Bowie ou Bruce Springsteen. Mais surtout, on retrouve l’identité première du fameux band à travers quelques titres clés, ces fameuses apothéoses chansonnières précédées d’une montée dramatique.
En somme, les qualités premières sont bien présentes et rassureront les fans désireux de retrouver le groupe de leur jeunesse au tournant du millénaire. Les autres reconnaîtront qu’Arcade Fire a fait du Arcade Fire avec intensité et conviction… sans bouleverser quoi que ce soit de ce qu’on en connaît.