Il est tout à fait approprié que le nom de cet album soit une question : de nombreux morceaux d’Animal Collective combinent le rock classique et psychédélique avec des expérimentations de synthétiseurs électroniques pour une expérience aussi nostalgique et chargée de références qu’elle est unique et imprévisible.
Soul Capturer a l’allure d’une chanson de boys band des années 60 – une simple progression d’accords de guitare avec de forts grattements joue sur de fréquentes harmonies vocales. La chanson répète le rythme jusqu’à ce qu’il soit tellement ancré dans l’esprit de l’auditeur qu’il peut l’entendre lorsque les synthés ondulants prennent le dessus, transformant les mélodies en un bruit de mouche qui bourdonne. Comme son nom l’indique, ce morceau évoque l’âme des groupes de rock classiques qui ont conquis le cœur de nombreuses personnes, puis il déforme la musique jusqu’à la rendre méconnaissable.
Broke Zodiac joue purement sur le style décontracté du rock des années 70 pour servir de contrepoint au morceau suivant, Magicians From Baltimore, qui s’appuie sur des influences électroniques. Dans ce dernier morceau, des battements de tambour lourds et peu fréquents émergent du violon silencieux, chaque troisième coup de tambour étant suivi d’un carillon et d’un larsen croustillant. L’espace entre les notes donne de la dimension à la chanson ; il donne à l’auditeur l’impression de trébucher dans un rêve vide. Lorsqu’il est complètement envoûté, accroché aux mots lents du chanteur, le tempo s’accélère pour un entracte étonnamment intense où chaque mot est ponctué de paroles fortes. Ce morceau, plus que tous les autres, démontre la puissance d’Animal Collective lorsqu’il équilibre la batterie.
Defeat est le point culminant de l’album. Il est très proche du rock progressif des années 80 : mélodies lentes, fluides et trippantes ; voix brutes avec des paroles métaphoriques sur la perte et le passage à autre chose ; beaucoup de fondus enchaînés ; et des voix qui chantent ou s’harmonisent en arrière-plan. Un instrument qui ressemble à un thérémine produit un léger feedback, attirant l’attention sur la nature enregistrée de la chanson. Ces éléments, combinés au nom « Defeat » et à la durée de 22 minutes, suggèrent qu’Animal Collective n’essaie pas seulement de créer une histoire, mais aussi d’expliquer un phénomène humain. Il s’agit du sentiment que l’on ressent lorsque le parcours d’une personne, peut-être dans ses relations ou ses objectifs personnels, passe d’une idée à une réalité, puis à un échec. Une défaite.
La chanson change aux alentours de neuf minutes, développant un rythme cohérent à mesure que les gens chantent et que le synthétiseur augmente la tonalité. Les plans sont enfin mis en œuvre et les paroles « What have we become » reflètent la reconnaissance d’un changement rapide. Soudain, le rythme plus lent revient alors que les voix résonnent au-dessus du bruit des vagues. La contemplation reprend, mais plus sombre cette fois. La chanson se termine sur une note troublante et inconfortable, utilisant les mêmes notes de violon glissant et de larsen que précédemment pour accentuer le chant brut et maladroit. Les motifs qui étaient autrefois synonymes de succès ressemblent désormais à des échecs.
Ce sentiment puissant pourrait porter l’album à lui seul. Même sans Defeat, la variété stylistique et l’innovation des autres chansons suffiraient amplement à recommander l’album.