Plus tôt cette année, la compositrice et interprète française Angèle David-Guillou, installée en Angleterre, a conclu sa trilogie Mouvement. Même si elle a été entreprise bien avant la première quinte de toux à Wuhan, cette œuvre rend très bien – en particulier le dernier volet, Sans Mouvement, une méditation à l’orgue de près d’une heure – le sentiment d’enfermement vécu à l’échelle planétaire en raison du confinement, tout en jouant avec l’idée même du temps.
Il est peu probable que David-Guillou ait eu des informations privilégiées sur le virus à l’époque et qu’elle ait pu prédire à la semaine près l’annonce d’un vaccin, lumière au bout du tunnel. Quoi qu’il en soit, son synchronisme est à nouveau excellent. A Question of Angles est une œuvre pour ensemble, tout comme l’était En Mouvement, paru en 2017, avec cordes et saxophones, auxquels s’ajoutent un thérémine sur la pièce-titre et un chœur sur le dernier morceau, Quid Pro Quo. La musique y est audacieuse et exubérante. La première salve, la puissante Valley of Detachment, est si martiale qu’on a l’impression que la notion de « détachement » doit être entendue au sens militaire.
En Mouvement comporte plusieurs pastiches, notamment de Philip Glass et Michael Nyman, et l’esprit de ces deux compositeurs demeure présent tout au long de Question of Angles, David-Guillou ne semble pas vouloir s’en cacher. À Glass, elle emprunte les tonalités stridentes et les motifs mélodiques lents, avec des montées et des descentes dramatiques qui se succèdent rapidement, et à Nyman, la pulsion implacable, la fougue et la douleur lancinante. Elle a cependant sa propre voix et, comme la plupart d’entre nous, elle a beaucoup à dire sur cette épreuve que nous traversons.