Depuis plusieurs mois, les États-Unis brûlent de l’intérieur. Malheureusement, l’homme aux commandes ne se préoccupe guère d’éteindre l’incendie et prend même un malin plaisir à jeter de l’huile sur le feu. L’intense groupe de noise Uniform embrasse les flammes de ce chaos ambiant lors d’un rituel d’immolation purement symbolique et cathartique, filmé à la pleine lune par Jacqueline Castel et auquel officiait l’écrivain Mitch Horowitz le 4 juillet dernier. S’inspirant du roman Au-dessous du volcan de Malcolm Lowry et du célèbre roman graphique The Killing Joke d’Alan Moore, le chanteur Michael Berdan continue d’explorer la dualité de la figure de l’anti-héros, prisonnier d’un malaise existentiel perpétuel à l’image du mythe de Sisyphe. Dispatches From the Gutter est le deuxième single de l’album Shame qui paraîtra sous le label Sacred Bones le 11 septembre prochain. À écouter à vos risques et périls.
Quoi voir
Lena Deluxe : «En haut des cimes»
On danse la Javanaise dans le clip d’En haut des cimes, de l’auteure-compositrice-interprète Lena Deluxe. C’est le premier extrait de Santaï, son second album qui paraîtra cet hiver, cinq ans après Mirror for Heroes, enregistré à Hudson, NY, avec le très couru Henry Hirsch. La multi-instrumentiste lilloise a rencontré en Indonésie le guitariste Ipin Nur Setiyo, féru comme elle des sonorités stupéfiantes de la deuxième moitié des sixties, mais aussi de musique traditionnelle javanaise. Dans cette vidéo réalisée par Fanny Caillibot, Lena erre sous la canopée au son des rythmes enivrants de la guitare d’Ipin Nur Setiyo et du kendang de Gagah Pacutantra. À 2 min 31 s, le tempo frénétique se réduit en blues pâteux, pendant que danse la princesse archère Srikandi et que Lena s’apprête à succomber au « python des souvenirs ».
Frankie and the Witch Fingers : «Cavehead»
Pour annoncer la sortie de leur prochain album, les agités du bocal du groupe californien Frankie and the Witch Fingers reviennent avec un 45 tours sur le label Greenway Records (Moonwalks, L.A Witch, Stonefield) et s’offrent en parallèle un clip pour le titre de la face A, Cavehead. Le morceau, qui conserve la même frénésie ludique du précédent album ZAM, mélange les percussions endiablées des Talking Heads avec des riffs de guitare dans le style garage des Oh Sees ou des King Gizzard. Le clip met en scène avec beaucoup d’humour un homme primitifqui goûte à pas mal tout ce qui lui tombe sous la main en se fiant uniquement à son instinct de survie. Il découvre par hasard un aliment un peu différents des autres : des champignons hallucinogènes. Propulsé dans la quatrième dimension, l’homme des cavernes s’éveille dans un mystérieux monde parallèle coloré où des esprits lèvent le voile sur un secret jusque-là bien gardé : celui d’être conscient de sa propre mortalité. La vidéo illustre de façon délirante une théorie controversée émise par l’ethnobotaniste Terence McKenna sur l’origine de la conscience humaine. Selon lui, la molécule de psilocybine aurait eu un impact sur l’évolution du cerveau humain, comme le développement du langage et de la pensée visuelle. Pour l’instant impossible à démontrer, cette théorie refait surface en même temps que la renaissance des recherches sur le potentiel thérapeutique des molécules psychédéliques.
Jacob Chegahno : «Ookpik»
Le folk-rocker anichinabé Jacob Chegahno est décédé en 2017 après avoir vécu de nombreuses années avec la spondylarthrite ankylosante. Il a cependant laissé un petit legs derrière lui, les morceaux qui composent Buffalo, son album posthume et l’une des premières parutions de Wiretone Records, le jeune label indépendant et studio d’Owen Sound, en Ontario, dirigé par David Chevalier, un ancien membre du groupe de Chegahno qui estime que ses chansons méritent d’être entendues. On entend beaucoup de Neil Young dans la musique de Chegahno, dans le jeu un peu déglingué de sa guitare sur certains passages ainsi que dans sa voix usée et vulnérable. Il chuchote presque sur sa reprise d’une efficacité déchirante de Run to the Hills d’Iron Maiden, une chanson d’autant plus puissante venant d’un artiste des Premières Nations. Le titre électro-folk décalé et poignant Ookpik, pour lequel Chevalier a réalisé une vidéo tendre et affectueuse, est un hommage aux emblématiques poupées hibou inuites en peau de phoque, un coup de chapeau au sculpteur de Cape Dorset Teetee Curley, ami de Chegahno, et un doux rappel de ce à quoi sont confrontées les populations du nord du Canada.
Byg Ben Sukuya, MC Yallah & Jora MC : «Money Makes Money»
Compensant leurs budgets faméliques par leur enthousiasme et leur ingéniosité, le cinéaste ougandais Nabwana IGG et ses concitoyens du bidonville de Wakaliga à Kampala ont fait un tabac en 2015 avec le film d’action effréné Who Killed Captain Alex? (coût de production : 85 $ US). Depuis, les productions de Ramon Film ont si bien réussi que Wakaliwood est devenu une entité culturelle respectable. Voici maintenant que la maison produit un premier vidéoclip. Utilisant le système D comme pour ses longs métrages, Money Makes Money se veut le fer de lance d’une campagne de financement pour donner au village de Bulambuli un modeste mais sérieux coup de pouce économique. Produit par Baru, sur une direction musicale de Bana Mutibwa, Money Makes Money réussit à faire passer le message. Enfin, plus ou moins. Une chose est sûre cependant, le passage avec MC Yallah, qui a récemment lancé le EP Mama Waliwamanyii fait avec le producteur irlandais Eomac et paru sur le très éclectique label Phantom Limb, est à ne pas manquer.
Los Cogelones : «Danza de Sol»
Issus, la tête haute, de Ciudad Nezahualcóyotl et parcourant le vaste monde pour aller là où on veut bien les entendre, Los Cogelones ne sont pas seulement mexicains, mais mexica, et ils revendiquent leur héritage indigène bec et ongles. Les quatre frères ont agrémenté leur garage-punk acéré de surf, de paroles en nahuatl et de fragments de la culture des Premières Nations, et s’attaquent à des problèmes brûlants d’actualité comme la brutalité policière. Pour souligner la sortie de leur nouvel album, Hijos del Sol, ils viennent de lancer une vidéo du premier extrait, Danza de Sol. Dans ce film d’animation réalisé à l’Estudio Pneuma de Mexico, des bouts de papier prennent vie de façon saisissante.
!!! : «Do the Dial Tone»
Une nouvelle parution des vétérans californiens du dance-punk !!! (alias Chk Chk Chk pour la prononciation) est toujours un événement qui mérite trois points d’exclamation. Après l’album Wallop de l’an dernier, le groupe sortira le EP Certified Heavy Kats le 31 juillet. Réalisée par l’animateur berlinois primé Cheng-Hsu Chung, la vidéo de Do the Dial Tone, en donne un avant-goût. Un appel à ne pas manquer.
Jello Biafra et The Guantanamo School of Medicine : «Taliban USA»
L’ineffable Jello Biafra et son Guantanamo School of Medicine viennent de lancer un nouveau clip qu’on n’attendait pas. Taliban USA est leur première chanson en sept ans. La pièce, vitriolique à souhait, devrait se retrouver sur le prochain album du groupe, Tea Party Revenge Porn, qui doit sortir vers la fin de l’été ou à l’automne sous le label Alternative Tentacles de Jello Biafra.
Black & Red : « On The Day The Earth Went Mad »
Jaz Coleman ne décolère pas! Le chanteur de Killing Joke présente avec ce clip son nouveau projet Black & Red en compagnie du maître du didgeridoo Ondrej Smeykal. Coleman, qui est allé chercher jusqu’en Australie pour trouver un virtuose du didgeridoo, s’est finalement rendu compte qu’il en demeurait un pas très loin de chez lui, à Prague! La paire dévoile ici sa première pièce, l’apocalyptique chanson On The Day The Earth Went Mad, qui touche grosso modo aux mêmes sujets préoccupant Killing Joke depuis plus de 40 ans. Ce n’est pas Jaz Coleman qui est fou, c’est le monde qui l’est…
Ce trio d’Oakland vient de faire paraître un clip pour son nouveau single Supermind. Formé en 2017, le groupe propose une musique fortement teintée de références post-punk de la fin des années 70, Wire et The Fall en tête, avec un son peut-être un peu plus musclé. Le clip a été tourné et monté à distance durant le confinement en utilisant des images de l’artiste vidéo McHank et des images captées par les téléphones des membres du groupe. Low Praise a deux EP à son actif, Expectation(s) et Tanning Beds, et prévoit sortir un autre single au courant de l’été.
La Terre a fait le tour du soleil 20 fois depuis la sortie de A Song for the Sun, le dernier album du Sun Ra Arkestra. Dirigé par le vénérable saxophoniste Marshall Allen depuis la mort du parrain du jazz cosmique en 1993, l’ensemble a gardé l’esprit explosivement exploratoire de Sun Ra, et en fait sortira un nouvel album à l’automne, sur Strut, label bien funky. En attendant, pour donner un avant-goût, ils ont sorti une nouvelle version de « Seductive Fantasy », à l’origine sur On Jupiter de 1979. Elle est à la fois séduisante et fantastique, d’autant plus qu’elle est accompagnée des images incroyables de Chad VanGaalen, rockeur indie canadien et illustrateur / animateur psychédélique par excellence.
Bravery in Battle : «Parmi des millions»
Installé entre Paris et Nantes, le sextet français Bravery in Battle est précis à propos de la bataille qu’il mène. Son nouveau projet ambitieux, The House We Live In – Penser le monde de demain, regroupe un spectacle multimédia, un DVD, un livre et, bien sûr, un album, où de luxuriants paysages post-rock servent de support aux paroles d’un ensemble de voix mondiales dignes d’une oreille attentive – des militants, des scientifiques et des icônes culturelles, tous ayant des perspectives importantes sur la catastrophe de l’anthropocène et sur la manière dont nous pourrions espérer en contrer les effets. Parmi eux, l’astrophysicien d’origine montréalaise Hubert Reeves, qui énonce de dures vérités d’une charmante voix chantée, que l’on peut voir et entendre ici (sous-titrée pour les non-francophones) dans Parmi des millions.