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La compagnie Soledad Barrio & Noche Flamenca a été crée en 1993 par Martín Santangelo, cofondateur, directeur artistique et chorégraphe, et Soledad Barrio, cofondatrice, chorégraphe et danseuse étoile. Depuis les années 1990, leur société de production est considérée aujourd’hui comme l’un des meilleurs représentants de la tradition flamenco. Leur offre la plus récente est un programme unique et captivant intitulé « Searching for Goya ». Cette production spéciale, conçue par Martin Santangelo, promet d’être une exploration extraordinaire des liens profonds entre l’art du flamenco et l’emblématique peintre espagnol Francisco Goya. Prévu pour se produire en janvier à Montréal, nous nous sommes entretenus avec Martin avant ses nombreuses premières et tournées pour parler du spectacle.
Soledad Barrio & Noche Flamenca se produiront au Théâtre Maisonneuve à 20h le 18 janvier 2024.
PAN M 360 : Merci d’être avec nous Martin. Nous sommes très excités par ce programme très spécial. Avez-vous commencé à présenter la série ?
Martin Santangelo : Oui, nous venons de faire officiellement la première mondiale à Seattle, Washington la semaine dernière. Et la semaine précédente, nous avions eu la première officielle. Nous y travaillons et y travaillons depuis environ un an. Et bien sûr, j’y travaille depuis quatre ans. Nous étions donc très, très heureux et soulagés de faire la première mondiale. Cela s’est très bien passé. J’en étais très content.
PAN M 360 : Eh bien, je me demande, à votre avis, quelle est réellement la mesure d’une bonne performance ?
Martin Santangelo : C’est une très bonne question. Une bonne performance pour moi est que le public comprenne ce que j’essaie de dire. C’est la première mesure. C’est bien au-delà du fait qu’il s’agisse d’un bon ou d’un mauvais spectacle, que la compréhension de ce que j’essaie de faire parvient au public. Et en fin de compte, il est également extrêmement important qu’il se produise quelque chose de cathartique. Parce que la catharsis est inhérente au flamenco. Cela fait partie du flamenco. C’est pour cela que le flamenco existe. C’est une façon pour les gens de continuer leur vie face ou à la place d’une impossibilité.
Le flamenco est un mécanisme de catharsis. C’est un cri qui existe pour que les gens puissent se réveiller le lendemain et continuer leur vie. Donc ma mesure du succès est une : qu’est-ce que j’essaie de faire ? Qu’est-ce que j’essaie de faire comprendre dans ma performance ? Et puis deuxièmement, est-ce que j’utilise le flamenco de la manière appropriée ? Et ces deux choses se sont produites la semaine dernière lors de la première mondiale. Voilà donc ma mesure du succès. Bien sûr, les choses peuvent être meilleures. Les choses peuvent toujours être meilleures. Nous allons reprendre les répétitions la semaine prochaine.
PAN M 360 : Avez-vous déjà senti que parfois cette histoire très réelle derrière le flamenco était négligée ? Il est peut-être important de connaître ses origines pour profiter au maximum de l’expérience.
Martin Santangelo : Je veux dire, ça aide seulement d’être conscient. Cependant, le flamenco est assez mondial, dans le sens où il a été créé par 28 cultures différentes. Ce n’est pas seulement l’espagnol. Cela concerne les Nord-Africains, les musulmans, les juifs, les juifs séfarades, les chrétiens, les indiens du nord qui ont émigré en Espagne. Et ils se sont tous mélangés pendant 900 ans. Et beaucoup de ces cultures ont été réprimées et elles ont crié et ont créé le flamenco. Alors bien sûr, il peut être utile de connaître les origines de cette tradition… En même temps, nous constatons… nous constatons actuellement beaucoup d’oppression des cultures partout dans le monde. Les choses n’ont donc pas changé historiquement. Donc, dans un sens, vous pouvez également vous identifier à ce qui se passe dans le flamenco à l’heure actuelle.
Et donc si vous avez la chance de remonter aux origines, tant mieux. Si vous ne le faites pas et que vous y êtes simplement exposé et si c’est fait correctement, je suis presque sûr que vous le ressentirez. Vous comprendrez. Une compréhension intuitive.
PAN M 360 : Et bien sûr, ce programme a une touche Goya particulière. Était-ce votre idée ?
Martin Santangelo : Oui, je suis tombé amoureux de Goya il y a environ quatre ans pendant la pandémie. Je le connaissais un peu, mais je ne le connaissais pas profondément. Et vous savez, il y a une citation géniale d’un critique d’art que nous avons mise dans le programme : « voir Goya, c’est se voir soi-même » – et c’est tout à fait vrai. Goya révèle vraiment qui nous sommes, notre nature humaine, nos insuffisances, notre brutalité envers les autres êtres humains. Et les animaux aussi, ce qui est intéressant, car il va dans tout le monde de la tauromachie. Il l’appelle. Il dénonce la violence que les êtres humains exercent envers les animaux. Quelque chose avec lequel il a dû faire face toute sa vie. Il aimait vraiment la tauromachie mais il détestait la partie violente de celle-ci. Et donc il nous fait vraiment voir ce que la violence, la guerre, la brutalité font les uns aux autres, leurs effets. De ce que nous nous faisons les uns les autres.
PAN M 360 : Y a-t-il une pièce en particulier qui a ouvert les portes pour ainsi dire ?
Martin Santangelo : Oui, il y en avait ! On l’appelle « les folies », ou « Los disparates » en espagnol. Il s’agit d’une série qu’il a réalisée vers la fin de sa vie, que de nombreux artistes considèrent aujourd’hui comme le début de l’art moderne et de l’art abstrait. Et c’est un dessin ou une lithographie, une gravure d’une femme sur un cheval faisant un tour de magie ou faisant un spectacle devant un public. Et vous regardez la lithographie, l’image, et vous voyez la première chose que vous voyez, c’est un public. Donc vous regardez un public, regardez… un spectacle. Et ça l’est, c’est incroyable. C’est un peu voyeuriste. Nous le faisons dans le spectacle et c’est une femme qui danse sur un cheval et il y a un moment où elle fait ça dans le spectacle. C’est extraordinaire.
Et vous voyez ce public démoli, sous-alimenté, regardant l’un des plus beaux spectacles du monde. Et c’est comme, vous savez, un monde magique pour eux. C’est donc, c’est, c’est vraiment une peinture assez compatissante de regarder ces citadins sans beaucoup d’éducation assister à un spectacle incroyable. Et c’est mon rêve, vous savez, de pouvoir faire de l’art pour les gens qui en ont vraiment besoin. Donc ça a été le début pour moi, ça m’a ouvert les portes comme tu l’as dit.
PAN M 360 : Et quel a été votre processus pour traduire, vous savez, un support visuel en une chorégraphie flamenco ?
Martin Santangelo : Quel n’a pas été le processus ! Oui, j’ai essayé tout et n’importe quoi parce que c’est une chose très nouvelle pour moi de prendre un artiste visuel et de le traduire en danse ou en chanson. Il s’agit simplement de comprendre en profondeur ce que Goya veut dire. Et puis, avec mon langage, avec la musique, la chanson, et je dis, d’accord, comment puis-je dire ça ? Parce que j’ai commencé à faire le truc typique, c’est-à-dire une imitation des images originales, mais c’était un peu un désastre. Parce que tu ne peux pas vraiment le faire. Mais je pourrais lui voler certaines choses comme son sens de la composition. Parce que c’est un génie en ce sens.
Après environ un an de travail sur ce projet, j’ai réalisé que je ne pouvais pas simplement imiter les images car elles ne disaient rien de nouveau. Il me fallait trouver un point de rencontre entre la narration émotionnelle du flamenco et la narration narrative de Goya, de ce que nous racontent ses images. Et puis j’ai commencé à trouver ma voie, ou du moins, je commence à trouver ma voie.
PAN M 360 : Et que pouvez-vous dire du rôle de Soledad dans tout cela ?
Martin Santangelo : Le rôle de Soledad dans tout cela a été déterminant. Elle a été très patiente avec moi, parce que j’ai passé tellement de mois, de semaines et d’heures à parler et à parler et à discuter avec elle d’idées. Et nous faisons des allers-retours. Je parle, elle danse, elle danse et je regarde. Elle convertit une grande partie de ce que j’ai en tête en réalité physique. Donc ça a été, vous savez, un vrai cadeau pour moi. Elle est extraordinaire. Et on se comprend, ce qui est génial.
En ce qui concerne l’autre partie, la partie musique, je travaille généralement là-dessus seul avec les musiciens. Et puis je lui donne sous forme de carte, la musique qui est en grande partie faite, à environ 90 %. Et puis elle prendra ça, prendra mes idées et sortira une chorégraphie extraordinaire. Nous sommes donc co-créateurs de ce processus. Co-créateurs absolus.
PAN M 360 : Je vois. Cela doit être incroyable de voir enfin votre vision prendre vie après tout ce temps. Combien de concerts avez-vous devant vous ?
Martin Santangelo : En ce moment, nous avons beaucoup de spectacles à New York. Je pense à 20 ou 25 concerts, ce qui est super, car ce sera comme travailler les muscles. Maintenant que nous avons brisé la glace, nous allons continuer à travailler sur le spectacle et simplement le perfectionner. Il y a tellement d’autres choses que j’aimerais faire.
PAN M 360 : Donc chaque performance est toujours un peu différente ?
Martin Santangelo : Un peu, ouais. Et, vous savez, quand on fait un spectacle un mercredi et un jeudi, je peux répéter jeudi ce qu’on a fait mercredi.
PAN M 360 : Cela semble épuisant. Surtout pour une tradition aussi exigeante et cathartique comme vous le dites. Quel est ton secret Martin? Yoga?
Martin Santangelo : Ha, eh bien, je nage beaucoup. C’est ma méditation. Et oui, c’est épuisant mais c’est aussi tellement enrichissant, ce travail. Parce que, tout d’abord, on comprend des choses plus profondes dans la vie avec des artistes comme Goya. J’ai commencé à comprendre les choses, à voir les choses d’une manière nouvelle grâce à lui. Et bien sûr, chaque prestation me redonne beaucoup d’énergie. Vous savez, je serais perdu sans ce travail.
PAN M 360 : Je vois, c’est vraiment du donnant-donnant. C’était tellement intéressant de vous entendre parler de ce projet. Il est clair que vous avez passé beaucoup de temps à essayer de pénétrer dans le monde de Goya. Et je trouve qu’avec ce genre d’efforts, en fin de compte, on ne sait jamais vraiment ce que ressentaient réellement ces artistes, ni d’où ils venaient réellement. Parfois, je me demande ce qu’ils penseraient de nous.
Martin Santangelo : Ce serait fascinant.
PAN M 360 : Imaginez si Goya était dans votre public !
Martin Santangelo : Ouais. Je ne sais pas s’il se lèverait et partirait ou m’emmènerait boire un verre de vin rouge !
PAN M 360 : J’aime penser qu’il le ferait ! Ce fut un vrai plaisir Martin. Je suis extrêmement excité pour cette performance, je vous souhaite, à vous et à l’équipe, tout le meilleur pour vos performances.
Martin Santangelo : Nous aussi, nous l’attendons avec impatience. Merci beaucoup.