Raffaele Attanasio : des dark rooms à la note bleue

Entrevue réalisée par Elsa Fortant
Genres et styles : jazz / jazz électro

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Les fans de gros son qui connaissent le DJ-producteur italien pour sa techno décapante seront étonnés ! Attanasio, qui est aussi pianiste de formation, dévoile une proposition électro jazz sur Axis, l’étiquette du maestro Jeff Mills. Après la curiosité, c’est la contemplation : l’album est excellent.

Discutons cet inattendu avec l’intéressé. 

PAN M 360 : Quel est le parcours créatif qui t’as mené à Nuovo Futuro ?

Raffaele Attanasio : Presque tout le monde a été surpris par cet album. La première chose est qu’il ne s’agit pas d’un changement de direction mais d’un objectif. Il est complètement centré sur moi en tant que musicien et non sur ma carrière de DJ, de producteur. Au début, j’ai proposé d’autres musiques à Jeff Mills mais il m’a encouragé à jouer du piano. C’est un perfectionniste et ce processus de création a été vraiment long, un an environ.

PAN M 360 : En quoi ce processus diffère-t-il de celui que tu suis habituellement pour produire de la techno ?

Raffaele Attanasio : C’était différent, c’est certain. Le processus créatif a été long mais en même temps simple. J’ai enregistré des sessions instrumentales entières d’environ 30 minutes de tous les instruments, puis j’ai extrait l’essentiel et édité le tout. 

PAN M 360 : Tu parles de jam sessions, as-tu travaillé avec d’autres musiciens ?

Raffaele Attanasio : Oui bien sûr, au début, l’album était plus électronique, comme les parties de batterie, j’ai utilisé au départ la 909 parce que j’en suis friand. Mais il manquait quelque chose au groove, alors j’ai décidé de tout changer avec l’édition de la batterie et de la basse, une basse acoustique, avec deux de mes plus chers amis et professeurs, Francesco Varchetta et Mario Urciuoli. Après l’enregistrement de la batterie et de la basse, c’était parfait. J’ai vraiment aimé faire des sessions. Maintenant, on travaille sur la performance live. La pandémie en Italie, c’est assez catastrophique mais on va essayer de monter sur scène dès qu’on le peut. Je suis impatient de jouer en live avec mon groupe, mes amis et surtout sur scène avec Jeff Mills. Moi avec mon groupe, et lui avec son groupe. Je pense que ce serait génial. 

PAN M 360 : Comment te sens-tu à l’idée de monter sur scène pour jouer du piano ? Est-ce que c’est différent que lorsque tu joues de la techno ?

Raffaele Attanasio : Je ne me sens pas stressé, peut-être timide quand je joue du piano ou d’autres instruments. À chaque fois que je joue de la techno en live, je suis stressé. Tout le processus des sets live est un peu stressant parce que chaque club est différent, chaque système de son est différent, chaque ingénieur du son est différent… Donc à chaque fois c’est un peu difficile, il faut s’adapter mais je préfère les sets live parce que je les apprécie plus que les DJ sets. 

PAN M 360 : À propos de la musique jazz, quelle est ton histoire avec ce genre ?

Raffaele Attanasio : La relation que j’ai avec le jazz remonte à l’époque où j’étudiais le piano. J’ai commencé à jouer du piano il y a 27 ans ! Vers 2006, j’étais épuisé de toutes les leçons classiques de piano et j’avais besoin de bouger parce que je m’ennuyais. J’ai commencé à étudier le jazz et le blues et maintenant j’étudie à nouveau, je continue à apprendre. 

PAN M 360 : Y a-t-il un morceau particulier qui t’as fait tomber amoureux du jazz ?

Raffaele Attanasio : Il y a une œuvre d’art, c’est l’histoire du jazz : Duke Ellington avec Caravan. Depuis 10 ou 15 ans, je cherche le nouveau son du jazz, la nouvelle ère, la nouvelle école comme Hiromi Uehara. J’aime le jazz, mais avec Nuovo Futuro, je m’intéresse aussi au rock progressif comme Pink Floyd, Emerson, Lake & Palmer, Tool… Le dernier morceau de l’album, La città gioca d’azzardo, est vraiment très progressif. Je me concentre sur ce genre de musique, mais tout est influencé par le jazz. 

PAN M 360 : Il existe une tradition italienne du jazz depuis les années 60, avec le développement de différentes scènes à Rome et à Milan. Comment Nuovo Futuro se rattache-t-il à ces scènes ?

Raffaele Attanasio : Le son du morceau principal, Parlesia, n’est pas vraiment le jazz italien typique de Stefano Bollani. C’est le son typique du sud de l’Italie. Surtout de Naples, avec des musiciens comme James Senese, Pino Daniele de la scène napolitaine des années 1970. Après la deuxième guerre mondiale, dans le sud de l’Italie, en particulier à Naples, il y avait des bases de l’OTAN, nous avions des marins Américains et quand ils sont venus en Italie, ils ont importé le son des États-Unis à Naples. À partir de ce moment, Naples a créé un style mêlant mélodie méditerranéenne et jazz américain. Parlesia est la fusion du style de jazz américain et du son méditerranéen de l’Italie du Sud. En Italie du Sud, nous parlons deux langues, l’italien et le napolitain, Parlesia est une autre langue réservée aux musiciens de rue. 

PAN M 360 : Comment vois-tu la relation entre le jazz et la musique techno ?

Raffaele Attanasio : Je la décrirais ainsi : le jazz est une femme élégante, fascinée par un homme voyou, un voyou qui serait la techno. Vous combinez les deux et vous êtes proche de la perfection.

PAN M 360 : Quand j’ai vu la pochette de l’album, j’ai tout de suite pensé au surréalisme, les éléments dégoulinants donnent l’impression d’invoquer l’esprit de Dali, qui remet en question la perception du temps et de l’espace. Avais-tu ces éléments en tête lorsque tu travaillais sur Nuevo Futuro ?

Raffaele Attanasio : Je suis tout à fait d’accord avec toi, quand j’ai vu l’œuvre, j’ai eu une perception du surréalisme. Quand j’ai commencé la création de Nuevo Futuro, on était en pleine pandémie, donc j’ai pensé que pour le meilleur ou pour le pire, il y aura toujours un nouvel avenir, mais aussi, un changement de ce que sera ce nouvel avenir. L’album est un message clair d’optimisme.

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