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Sorti en janvier 1973 sous étiquette Polydor, Light as a Feather fait l’objet d’un culte, tout comme le premier enregistrement de la formation jazz fusion Return to Forever. À l’époque de sa sortie, ce deuxième opus n’avait pas eu l’impact de la seconde configuration du groupe, son impact a toutefois gagné en importance pour finalement s’avérer un élément majeur de la discographie de Chick Corea… passé à une autre dimension.
La question se pose encore chez les fans: plus world et moins rock, la première configuration de Return To Forever serait-elle finalement la plus marquante ?
Peu importe la réponse, le choix d’en interpréter la matière est plus que pertinent au Festival international de jazz de Montréal, peu avant sa clôture dominicale. La mort récente de Chick Corea, décédé à 79 ans d’un cancer détecté trop tard, justifie d’autant plus une telle évocation devant public.
Et… puisqu’ils en jouent régulièrement la matière depuis quelques années, voilà une occasion importante d’en faire valoir l’interprétation : Coral Egan, chant, Alain Caron, basse électrique, Paul Brochu, batterie, Yannick Rieu, saxophone soprano, Dan Thouin, Fender Rhodes. Sous l’impulsion de ce dernier, ce projet de réinterprétation a pris du gallon.
Alors pourquoi Light as a Feather? Pour cette rencontre entre jazz progressif américain et brésilien. Pour la très haute inspiration mélodico-harmonique. Pour cette immense contribution au jazz vocal. Pour la qualité exceptionnelle de son personnel.
Dans la foulée du jazz électrique alors en pleine effervescence, Chick Corea y jouait exclusivement le Fender Rhodes. Autour de lui, le percussionniste Airto Moreira et son épouse, chanteuse et percussionniste Flora Purim, respectivement âgés de 80 ans et 79 ans, proches collaborateurs brésiliens du compositeur génial et multi-instrumentiste Hermeto Pascoal. Réunis dans cette première configuration du groupe Return To Forever, les collègues états-uniens de Corea se sont tous avérés de grands musiciens. Les parties destinées aux bois et anches étaient assurées par le flûtiste et saxophoniste ténor (dans ce contexte) Joe Farrell, décédé prématurément (1986) du syndrome myélodysplasique à l’âge de 48 ans. Jeune prodige de la contrebasse et de la basse électrique, Stanley Clarke en était à ses premières armes dans les ligues majeures du jazz, il a aujourd’hui 70 ans. Pour ces séances désormais mythiques, il s’était concentré exclusivement sur le jeu de contrebasse.
Parlons de tout ça à la chanteuse Coral Egan, réjouie de remonter sur scène pour y chanter la matière de Light as a Feather.
PAN M 360 : Vous avez commencé à interpréter le contenu de Light As a Feather il y a quelques années. De fil en aiguille, le projet s’est trouvé un public, ce qui le mène jusqu’au Festival international de jazz. Racontez!
Coral Egan : Oui! Je chante avec une gang de musiciens incroyables. Nous le faisons depuis au moment et nous avons beaucoup de plaisir à le faire.
PAN M 360 : Votre objectif est une interprétation personnelle de l’album et non une reproduction absolument fidèle à sa version originelle.
Coral Egan : Exact. Nous ne faisons pas l’intégrale parfaite, c’est un p’tit peu interprété à notre façon. Il faut quand même laisser aller les musiciens! Nous ne faisons pas non plus les pièces de l’album dans le même ordre, nous nous permettons donc d’interpréter ce répertoire. Mais je comprends que certains aimeraient une relecture parfaitement fidèle, c’est tellement cult e! Mais ouf… je crois aussi qu’il faille laisser mes amis s’exprimer.
PAN M 360 : Comment t’es-tu d’abord imprégnée de Light as a Feather?
Coral Egan : Je sais pas vraiment (rires) Consciemment, longtemps je ne connaissais pas tant cette musique-là, mais ça m’est revenu lorsque je m’y suis concentrée car ma mère (Karen Young) écoutait sans cesse du jazz à la maison. Et donc j’avais écouté cette musique sans savoir qui jouait ou chantait. Ça faisait partie de moi.
PAN M 360 : À l’évidence, cet album a très bien vieilli, probablement mieux que les albums de Return to Forever qui s’ensuivirent.
Coral Egan : Oui! Les influences brésiliennes sont aussi marquantes dans cet album, les pièces jazz samba était cutting edge en 1972-73… peu avant que je naisse haha! J’essaie de m’imaginer ce que c’était de découvrir un tel album au moment où il est sorti, ça devait être quand même spécial. C’était aussi tout un effort de faire du jazz chanté dans les années 70. Les mélodies sont peut-être moins capotées que d’autres de Chick Corea, mais c’est très beau!
PAN M 360 : Les textes de ces chansons étaient de Neville Potter, ami scientologue de Chick Corea, lui même fervent de ces croyances. Qu’en penser?
Coral Egan : Les textes ne sont pas mes préférés. Ma première perception, c’était le côté cliché des années 60, l’amour et la liberté… avant que j’en sache les fondements spirituels dont les scientologues reconnaissent les codes. Mais bon…
PAN M 360 : Plusieurs, comme nous ont appris ça plus tard. Cet album n’en demeure pas moins extraordinaire.
Coral Egan : C’est vrai. Et je m’estime chanceuse de chanter avec d’aussi bons musiciens! Il me rendent les choses faciles, je ne ressens pas beaucoup de difficultés avec un tel accompagnement. Tellement le fun! Je n’ai pas non plus besoin de faire les percussions comme le faisait Flora Purim à l’époque, car Paul fait tout, remplit chaque espace. En tant que chanteuse, j’aime vraiment reprendre ce matériel. C’est un travail stimulant que d’honorer ce travail, y mettre sa propre couleur tout en en respectant l’esprit. Et lorsque les musiciens improvisent, lorsque Alain Caron fait un solo, je fonds (rires)! C’est pour moi une sorte de master class.
PAN M 360 : Évidemment, la mort de Chick Corea justifie d’autant plus ce choix, n’est-ce pas ?
Coral Egan : Absolument. Chick Corea est extrêmement important dans le jazz. Parce qu’il nous a quittés cette année, nous avons accepté la proposition du FIJM de mettre de l’avant et honorer cette musique extraordinaire.