Porte-parole des Nuits d’Afrique 2023, Angélique Kidjo a encore beaucoup à dire et à chanter

Entrevue réalisée par Alain Brunet
Genres et styles : Afrique / afrobeats / afropop / afrosoul

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Interviewée en visio-conférence alors qu’elle était de passage à Paris pour des séances studio avant de se rendre au Danemark et au Royaume-Uni, Angélique Kidjo se prête au jeu des questions de PAN M 360. Peu avant son retour sur les planches montréalaises, soit ce mercredi 12 juillet au MTELUS en guise de coup d’envoi des Nuits d’Afrique 2023, l’artiste béninoise transplantée à Brooklyn a encore beaucoup à dire et à chanter !

PAN M 360 : Vous êtes une figure de proue de l’Afrique culturelle depuis longtemps, vous le demeurez. Vous êtes auréolée de prix aux États Unis, en Europe, en Afrique. Évidemment, votre rôle de porte-parole des Nuits d’Afrique a plus de poids que jamais. Comment voyez-vous ce rôle en 2023 ?

Angélique Kidjo : Je tiens simplement à ce que les choses soient mises en relief. Mon rôle en tant qu’artiste venue d’Afrique, c’est de faire de la musique qui n’a pas de frontières. La musique que j’ai écoutée quand j’étais enfant, elle venait du monde entier. Comme disait Miriam Makeba, pourquoi alors est ce qu’on nomme notre musique world music ? Qui se donne le droit de définir qui est le premier monde ? Le deuxième? Le troisième ? Ça agaçait énormément Miriam. et elle avait raison.

PAN M 360 : Oui effectivement, la world music, qui désigne la musique des pays non occidentaux, est une expression à bannir.

Angélique Kidjo : Au fil du temps c’est devenu une catégorie qui désigne le ghetto. C’est-à dire qu’on ne peut pas sortir de ce trou. Une musique est une musique, peu importe d’où elle vient, c’est pourquoi ’ai toujours refusé d’être mise dans une case, une catégorie, un genre précis. Je suis un être humain, on ne peut pas me dire parce que je viens d’Afrique, je n’ai pas le droit de faire ceci ou cela en musique. La colonisation, c’est terminée, l’esclavage c’est terminé… certains devraient en prendre note! Alors pourquoi continue-t-on à maintenir ce rapport de force qui n’a pas raison d’être ?

PAN M 360 : Nous ne sommes pas majoritaires à éviter de hiérarchiser la musique selon les genres, les cultures, les races ou les nations mais nous sommes de plus en plus nombreux. Vous-même n’avez jamais fait de la musique strictement béninoise, sans oublier vos racines. Alors…

Angélique Kidjo : La musique, c’est ça. Quand les gens me parlent d’appropriation culturelle, je dis « Mais attendez, de quoi parlez-vous au juste ? » La musique, ça se partage, ça n’a pas d’agenda, ça n’a pas de couleur, ça n’a pas de frontières. On s’inspire les uns les autres. Ce sont les mêmes notes que nous utilisons du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest. Où qu’on soit sur cette planète, nous travaillons avec les mêmes outils sonores. Forcément, quand on est ouvert au monde, il y a des influences qu’on a d’un peu partout. Nous sommes tous des immigrés de quelque part.

PAN M 360 : En même temps, vous êtes de nouveau la porte-parole d’un festival qui s’appelle Nuit d’Afrique, qui quand même se concentre essentiellement sur l’Afrique et ses communautés vivant partout dans le monde. Vous êtes quand même porte-parole d’un festival qui privilégie l’ascendance africaine.

Angélique Kidjo : Oui, et ces Nuits d’Afrique sont déclinées au pluriel, ça prend en compte tous les cieux africains, sur tous les continents. C’est l’Afrique dans sa globalité qu’on célèbre et ça a toujours été ça. On ne peut plus parler de LA musique africaine, il y a DES musiques africaines. Donc pour moi, les Nuits d’Afrique, c’est un départ pour mieux comprendre que nous vivons sous des cieux différents.

PAN M 360 : Et donc, c’est encore important qu’il y ait des plateformes ou des plateaux d’artistes qui représentent toute la mouvance africaine depuis des siècles sur cette Terre.

Angélique Kidjo : Oui. Et, comme partout ailleurs, les jeunes artistes africains d’aujourd’hui sont en train de casser les codes. Ils n’en ont rien à cirer des radios commerciales, des interviews dans les vieux journaux, bref de tous les anciens procédés de mise en marché. Internet les a rendus des stars sur le continent africain et aussi hors de l’Afrique. Ainsi, une jeune artiste née sur le web il y a deux ans peut aujourd’hui cumuler des milliards de vues. La donne est donc en train de changer, parce que la technologie est en train d’ouvrir la richesse culturelle, musicale du continent africain.

Aussi, le public africain devient de plus en plus pointu, diversifié et autonome. S’il n’a pas envie d’écouter un artiste de l’Occident, il ne se le fait pas imposer. Avant, on se disait qu’il fallait écouter ça parce que ça venait de l’Amérique. Aujourd’hui, ça vient d’Afrique et de partout dans le monde. Chacun a envie d’écouter ce qui l’intéresse.

PAN M 360 : Vous avez traversé le début de la mondialisation de la pop ouest-africaine soit dans les années 80, 90, 2000, 2010 jusqu’à maintenant. Quelles sont vos perceptions du contexte actuel dans votre pratique artistique?

Angélique Kidjo : Maintenant, c’est beaucoup plus compliqué pour les jeunes d’avoir une carrière, parce que le business ne fonctionne plus de la même façon. Les droits de l’auteur sont réduits comme peau de chagrin. Alors quand on ne fait pas de concert, on ne gagne plus grand-chose. Les jeunes artistes d’aujourd’hui seront-ils patients ? C’est un moment trop incertain pour qu’on prédise quoi que ce soit. Mais ce qui est certain, c’est que ça a complètement changé.

PAN M 360 : C’est aussi vrai en Afrique qu’en Occident?

Angélique Kidjo : Oh oui ! Avant, les artistes consacrés comme moi, Youssou (N’Dour), Salif (Keita) ou d’autres arrivaient à vivre de leurs droits d’auteur. Mais ils n’y arrivent plus parce que la façon dont est calculé le nombre de passages de votre musique sur Spotify ou sur d’autres plateformes n’est plus la même. Les très gros artistes récupèrent tout l’argent et les autres même pas les miettes. Et ça, ce n’est pas juste.

PAN M 360 : Que souhaitez-vous en ce sens?

Angélique Kidjo : Il faut que des législations se mettent en place pour protéger la propriété intellectuelle. Tout n’est pas à vendre dans le contexte de la mondialisation ! Mais où est passée la souveraineté des cultures et de leurs pays ? Au nom du profit mondialisé, tous les pays se fragilisent. Si c’est cette direction, on s’en va dans le mur.

PAN M 360 : Maintenant, si on revient à la musique et que l’on parle de votre propre progression . Vous avez toujours été dans un mélange impliquant vos propres sources ouest-africaines et béninoises, mais aussi le funk, le groove, le R&B, le jazz. Vous avez fait ça avec votre mari toute votre vie. En termes de production, vous aviez toujours eu cette vision dès le début.

Angélique Kidjo : C’est Léopold Sédar Senghor qui disait « L’avenir appartient au métissage. » C’est inévitable. Les gens qui s’accrochent à la pureté de la race et qui passent leur vie entière à haïr des gens qui ne leur ont rien fait, qu’ils ne connaissent pas, ils gaspillent leur vie parce que c’est inévitable. S’il n’y avait pas eu de mélange, l’homo sapiens que nous sommes aujourd’hui ne serait pas là. C’est le métissage et les forces qui viennent d’ailleurs, qui permettent aux êtres vivants d’évoluer. On ne peut plus être un être humain en pensant ne pas pouvoir vivre avec les autres. Il y a un danger certain pour la pérennité de notre présence sur Terre si on laisse ces pensées extrêmes prendre de plus en plus de place. S’il n’y a plus de diversité, il n’y a plus d’humanité.

PAN M 360 : Vous refusez donc l’autarcie et l’isolationnisme!

Angélique Kidjo : On ne peut vivre seul. Seul, on ne crée rien de consistant. Nous sommes là les uns pour les autres. On parle des langues différentes, notre humanité évolue dans cette différence et la musique est au centre, elle est un langage commun. Je suis une personne très curieuse, je peux chanter dans différentes langues et ma voix change au gré de chaque langue. Quand une chanson me prend au tripes, je dois y donner naissance. Je ne sais pas faire autrement.

PAN M 360 : Vous avez lancé l’album Mother Nature en 2021. Parlez-nous donc de vos dernières aventures musicales, ce qui vous a inspiré en production, vos collaborations souhaitées.

Angélique Kidjo : Mother Nature a commencé avec le début de la pandémie. J’étais censée donner un concert le 14 mars 2020 à Carnegie Hall avec Manu Dibango, afin de célébrer les 60 ans des pays qui sont devenus indépendants en Afrique. Deux jours avant, le concert a été annulé et je suis revenue à Paris pour être plus proche de ma maman, car c’est cinq heures ou six heures de vol de Paris à Cotonou. Le 28 mars 2020, mon beau-père meurt de la covid. Quelques semaines après, Manu Dibango en meurt aussi… un mois après, Tony Allen. D’une absurdité incroyable !

Je me suis dit alors , qu’est ce que je fais ? Je n’ai plus de concert mais j’ai un studio à la maison. Alors il me faut continuer à écrire de la musique. Je me suis mise à préparer cet album. Quelques mois plus tard, en octobre, il y a un mouvement de révolte au sein de la jeunesse du Nigeria, contre la violence policière. Et là, c’est un autre coup de poing. Je savais qu’un jour, la jeunesse serait dans la rue pour une telle indignation. Je contacte alors Yemi Alade qui me dit qu’elle est aussi dans la rue. Je lui dit de sortir de là car les autorités tirent sur les gens sans savoir qui sont les casseurs et ceux qui ne le sont pas. Je lui dis que la seule arme que nous avons, c’est la musique. Je l’enjoins de quitter la rue et de réfléchir avec moi sur ce qu’on peut faire. Partir par une discussion constructive exclut la violence, orale ou physique. Yemi a accepté, nous avons fait la chanson Dignity et ça a commencé là.

PAN M 360 : Vous avez alors manifesté votre penchant pour les afrobeats!

Angélique Kidjo : Je me suis dit bon, je vais aller maintenant vers cette nouvelle génération d’artistes en leur demandant : qu’avez-vous envie de dire ? Qu’est-ce qui vous inspire? Qu’est-ce qui vous mobilise? Les changements climatiques, dont le continent africain va payer un des plus lourds tributs? On a commencé comme ça. Et en fait, Mother Nature est pour moi un album de transmission parce que la transmission des savoirs est au centre de notre africanité et aussi de notre humanité. Sans la parole, notre cerveau ne se développe pas. Sans la parole, nous ne sommes pas des humains.

PAN M 360 : Vous avez donc travaillé avec les plus jeunes, Mr Eazi, Burna Boy, Yemi Alade, Shungundzo , Sampa The Great, Blue Lab Beats, Ghetto Boy, EARTHGANG, sans vouloir exclure les plus expérimentés, Salif Keita ou même M.

Angélique Kidjo : Ce qui fut particulièrement intéressant pour moi, ce fut voir le professionnalisme de cette nouvelle génération. Je leur faisais parvenir mes voix et mes propres pistes en maquettes, et ils me renvoyaient des trucs impeccables. C’est un rêve devenu réalité que d’avoir atteint un tel professionnalisme africain dans la production. Avant, il n’y avait pas assez d’outils alors qu’aujourd’hui avec Internet et un ordinateur, on peut faire des choses absolument fantastiques. Et l’on peut travailler à distance.

PAN M 360 : Vous n’aviez pas trop le choix de travailler à distance pendant la pandémie!

Angélique Kidjo : Oui, c’était un peu frustrant pour moi parce que j’aurais bien aimé avoir les gens dans mon studio pour qu’on puisse jouer et chanter ensemble. Mais quand même… ça s’est fait parfaitement bien. Il faut être flexible, les choses changent, il faut changer avec. Ça a toujours été mon but dans la vie, de ne penser qu’à aujourd’hui et demain. Donc je me suis adaptée à toute cette technologie et ce type de production à distance. Je continuerai à le faire.

PAN M 360 : Les afrobeats sont très présents dans l’album Mother Nature.

Angélique Kidjo : Les musiques du Nigeria ont toujours été dans mes préférences. Mais il y a aussi le dancehall jamaïcain dans les afrobeats, il y a le R&B, il y a le funk. Ces rythmes ont tous des racines africaines, ces rythmes font partie de l’ADN des humains. Chacun d’entre nous porte un peu d’Afrique.

PAN M 360 : Avez-vous toujours le feu sacré pour la scène?

Angélique Kidjo : Je ne peux pas ne pas vivre sans la scène. S’il y a un paradis sur terre, c’est la scène. Quand je monte sur scène, c’est un éternel recommencement : aucun concert n’est acquis à l’avance. Comme maman avait l’habitude de me dire, il faut être prêt à être nu spirituellement pour monter sur scène. Quand on comprend cette idée, on est vraiment au service de la musique. Votre ego vous permet de monter sur scène et de lutter contre le trac, la peur de la scène, le trac. Une fois qu’on a passé ça, tout le reste, c’est que du bonheur.

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