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Cette édition du Montréal Mundial m’a permis de rencontrer Maritza, une auteure-compositrice qui a un parcours pas banal. Cette dominicaine adoptée par un couple québécois a fait partie de la première cuvée de Star-Académie, il y a 20 ans. Par la suite, elle a pris une trajectoire musicale plus personnelle, indie-folk, pour arriver à une nouvelle étape, en 2022 : l’album Quien Eres, entièrement en espagnol, où Maritza assume ses racines latinas. Nous nous sommes rencontrés dans les coulisses du Mundial.
PAN M 360 : Maritza, tentons de reconstituer votre parcours, qui débute dans une petite ville de République Dominicaine.
MARITZA : Je suis née Maritza Severino-Pegueiro. Mais, quand j’ai deux ans et demi, ma famille pauvre et nombreuse me confie à l’adoption, entre autre pour des raisons de santé. C’est comme ça que je deviens Maritza Bossé-Pelchat, de l’Ancienne Lorette, en banlieue de Québec. Je suis devenue complètement québécoise, c’est comme si mes racines n’existaient plus.
PAN M 360 : Mais vous ne deviez pas passer inaperçue dans cette banlieue très homogène, non?
MARITZA : Tout-à-fait et c’est important d’en parler. Dans les années 80, j’ai vécu beaucoup de racisme, particulièrement à l’école primaire. C’était confrontant pour moi, car, dans ma tête, j’étais devenue blanche. Je ne savais pas comment réagir, j’attendais juste que les insultes finissent. Mes parents adoptifs étaient aussi sous le choc, ils ne s’attendaient pas à cela. Aujourd’hui encore, ça se produit mais beaucoup moins.
PAN M 360 : En 2001, vous vous installez à Montréal, comment la musique s’installe dans votre vie?
MARITZA : Au départ, j’étais très complexée par ma voix. Mais plus je chantais, plus je sentais l’impact positif sur ma vie. J’ai pris des cours de chant et, en 2003, mon professeur me suggère d’aller passer les auditions de Star Académie. J’y suis allée en me disant que ce serait une bonne expérience. À mon grand étonnement, ils m’ont choisi, j’ai donc participé à la première cohorte de cette émission, qui a emballé tout le Québec.
PAN M 360 : Ça a dû être une formidable expérience, mais vous n’êtes pas restée longtemps dans le giron de Star Académie. Et il y a eu un bon intermède, si je puis dire, avant le retour à la musique.
MARITZA : Star Académie, c’était beaucoup de pression mais c’était très formateur, ça m’a fait grandir. Ça m’a permis de rencontrer des tas de musiciens et de gens de spectacles. En même temps, je n’étais pas très confortable dans ce moule très standardisé. J’avais besoin de plus de liberté et j’ai assez rapidement cassé mon contrat avec les producteurs de Star Académie.
Par la suite, j’ai fait des études en Intervention sociales en relation d’aide auprès des jeunes. J’ai travaillé dans des Centres Jeunesse et dans des organismes communautaires. En 2009, j’ai co-fondé RAIS, Ressources Adoption, un organisme qui vient en aide aux adoptés et aux adoptants, par toutes sortes de moyens. Tout cela prend encore beaucoup de place dans ma vie et a sans doute influencé ma trajectoire musicale.
PAN M 360 : Par la suite, vous faites deux disques en français, de l’Indie Folk, un EP éponyme en 2012 et l’album Libérons-nous en 2017. Comment arrive l’idée de faire un album et d’écrire des chansons en espagnol?
MARITZA : Ça a été un processus très long. J’ai grandi sans parler espagnol. J’avais pris un cours au CEGEP et je n’ai pas vraiment eu un coup de coeur pour la langue. J’avais compris que ma famille dominicaine m’avait abandonnée, j’avais du ressentiment, inconsciemment. Un jour, je rentre du CEGEP et mes parents me disent : « Il faut qu’on parle ». J’ai alors appris que trois de mes soeurs biologiques cherchaient à me retrouver depuis plusieurs années. C’était un choc.
J’ai appris que cette partie de ma famille dominicaine avait immigré près de Boston, aux États-Unis. Je pouvais communiquer en anglais avec une de mes soeurs. Graduellement, nous nous sommes réunies. J’ai commencé à apprendre l’espagnol. J’ai revu ma mère biologique, à Boston. Quand j’ai eu ma fille, qui a aujourd’hui dix ans, c’est comme si ça avait interpellé mes racines. J’ai commencé à m’intéresser en profondeur à la République Dominicaine, à la culture latino-américaine. Je me suis rendu à plusieurs reprises en République, pour rencontrer ma famille qui est la-bas. Je m’y suis fait des amis. Ça a beaucoup amélioré mon espagnol!
PAN M 360 : Quelle a été la première chanson écrite en espagnol?
MARITZA : Ma mère biologique fredonne sans arrêt, j’adore sa voix. J’ai eu envie de faire un duo avec elle, en espagnol. Je l’ai invité à venir enregistrer à Montréal et ça a donné la chanson Para Ti (Pour Toi), qui termine l’album Quien ères. C’était une façon pour moi de lui dire que je ne lui en voulais plus. Ça a été un moment magnifique. Par la suite, j’ai continué d’écrire et nous avons fini par avoir assez de chansons pour faire un album.
PAN M 360 : Personnellement, j’ai beaucoup aimé cet album, est-ce que je me trompe si je dis que c’est un disque très personnel?
MARITZA : Vous avez raison, ça raconte plusieurs facettes de mon histoire. Quien Ères aborde mon identité, qui je suis, ça parle de périodes plus sombres que j’ai vécues. Querida Nina, je la dédie à ma fille. Te Espero parle d’ouverture à l’amour. Dans mes spectacles, j’explique le contexte des chansons en français pour faire en sorte que le public québécois comprenne bien.
PAN M 360 : Quelles ont été vos influences musicales pour ce disque?
MARITZA : Il y a Chavela Vargas, la grande chanteuse mexicaine, l’incontournable Lhasa De Sela, qui m’a marquée. Les chanteuses mexicaines Natalia Lafourcade, Sylviana Estrada, et Carla Morrison, une belle artiste. Mais il y’a aussi des influences americana. David Thiboutot, avec qui j’ai écrit les chansons, est un grand fan de Calexico. Je remercie aussi Juan Sebastian Larobina, qui m’a beaucoup aidé pour la prononciation en espagnol.
PAN M 360 : Quien Eres est sorti il y’a plus d’un an, en fin de pandémie, il n’a pas été aussi entendu qu’en temps normal, allez-vous faire une tournée?
MARITZA : En ce moment, j’essaie d’organiser cela. Il faudra sans doute attendre à l’automne prochain pour une tournée québécoise et canadienne. Je travaille aussi sur un autre album, qui sera également en espagnol, mais dans des tonalités musicales différentes. Je n’aime pas me répéter.
Et c’est un de mes rêves de voyager avec la musique. Et je souhaite que ma participation au Mundial favorise cela.