Keiko Devaux, la mémoire des sons, un rêve de Marconi

Entrevue réalisée par Alain Brunet
Genres et styles : musique contemporaine

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« Opéra épisodique sans trame narrative , L’écoute du perdu explore et étudie notre lien émotionnel au son, la manière de retenir les événements sonores et la musique en mémoire, le déclenchement de ces souvenirs, ainsi que notre façon de transformer, de déformer et essentiellement de recréer ces souvenirs éclairs»

Voilà les fondements de cette œuvre imaginée par Keiko Devaux pour trois voix humaines, flûtes, clarinettes, violoncelle, synthétiseur et percussion – ensemble Paramirabo. La compositrice montréalaise nous en résume clairement les enjeux :

PAN M 360 : Comment tout cela a-t-il commencé?

KEIKO DEVAUX : Ça a commencé par une conversation avec Jeff Stonehouse (directeur artistique de Paramirabo et aussi du Vivier), il était ouvert à différentes possibilités et il me donnait carte blanche. Dans le contexte de mes études de doctorat, je travaillais alors sur la mémoire, surtout la mémoire du son et ses différentes implications.  

PAN M 360 : Votre intérêt pour la mémoire des sons vous aurait donc menée à la création, au-delà d’un troisième cycle universitaire?

KEIKO DEVAUX : J’étais fascinée par (le physicien, inventeur et homme d’affaire italien) Guglielmo Marconi, notamment parce qu’il croyait que les ondes sonores avaient une vie éternelle et qu’on pourrait éventuellement concevoir une machine capable d’en capter toutes les fréquences, tous les moments sonores historiques. J’ai trouvé ça super beau comme concept! Ça m’a nourrie.  

PAN M 360 : Dans ce contexte fantasmatique, votre connaissance des phénomènes autour de la mémoire a aussi été clairement approfondie!

KEIKO DEVAUX :  J’étais obsédée par ces histoires autour de la mémoire. Au-delà de cet intérêt pour Marconi, sur la science de la mémoire et du son, je me suis intéressée à la mémoire flash ou la mémoire épisodique. En fait, toutes les formes de mémoire qu’ont les humains. Plus l’émotion d’un moment  est forte, plus sa mise en boucle est dans notre mémoire, plus ça devient distortionné. Et j’ai trouvé super intéressant que nos moments les plus précieux peuvent aussi être les plus distortionnés. J’ai aussi appris que les épisodes sensoriels mis en mémoire sont vraiment clairs – la texture, l’odeur, etc. On oublie certains aspects de ces épisodes, une phrase, une couleur, mais l’émotion reste intacte.

PAN M 360 : Comment le projet a ensuite pris forme ?

KEIKO DEVAUX : J’ai donc proposé à Jeff  cette idée qui germait dans ma tête  et il a trouvé le concept super cool. J’ai envisagé ensuite la possibilité de travailler avec des voix lyriques et « jouer physiquement » avec le texte; je préférais  effectivement une mise en texte à un livret, je voulais la collaboration de différents auteurs plutôt que de travailler sur une trame narrative avec un seul librettiste. J’ai suggéré à Jeff de composer une grande pièce où chaque mouvement représenterait une mémoire flash individuelle, ce qui justifiait l’approche  avec différents auteurs. J’ai donc joint Daniel Canty, Kaie Kellough et Michaël Trahan. Je voulais que les textes soient bilingues et conçus ici. J’ai suggéré à Kaie qu’il écrive un texte lié à la mémoire d’un livre. À Michaël, j’ai souhaité un texte sur la mémoire d’une personne. À Daniel Canty, qui était aussi fasciné par ce thème de la mémoire, j’ai demandé d’écrire le prologue et l’épilogue, une voix narrative de Marconi avec ces questions : les sons ne meurent-il jamais ? Où se trouvent-ils dans l’espace ?

PAN M 360 : Comment cela s’est il concrétisé dans la forme finale de cet « opéra épisodique sans trame narrative” ?

KEIKO DEVAUX : Le prologue annonce l’idée (texte de Daniel Canty). Un premier mouvement illustre la mémoire épisodique d’une personne (texte anglais de Kaie Kellough). Un deuxième nous présente la mémoire contrastante d’une autre personne (texte français de Michaël Trahan). Un troisième fait un genre de synthèse qui représente la machine où on traverse plusieurs mémoires – une mise en texte de moi-même avec des fragments entremêlés des écrits de nos auteurs, avec leur permission. Et on termine avec l’épilogue (Daniel Canty). Ces auteurs sont vraiment formidables dans leurs styles respectifs, dans le rythme de leurs phrases, le choix de leurs mots !

PAN M 360 : Évidemment, il fallait habiller ce concept afin qu’il rayonne sur scène. Comme vous y êtes-vous prise?

KEIKO DEVAUX :  Avec l’appui du Groupe Le Vivier (dont Jeff est aussi le directeur artistique), on avait plus de moyens. J’ai commencé alors à visualiser la pièce et j’ai considéré alors qu’il fallait mettre de l’emphase sur la dimension visuelle avec des éclairages, projections et aussi une mise en scène pour en souligner la dimension théâtrale. J’ai alors discuté avec la metteure en scène Marie Brassard, pour avoir un feed-back et finalement elle a adoré l’idée de mettre en scène cet opéra avec sa formidable expertise. Elle a apporté toute son équipe, scénographe, éclairagiste, projections de Karl Lemieux.

PAN M 360 : À votre manière, donc, vous avez donc imaginé ce que serait cette machine fantasmatique de Marconi, à qui l’on doit l’invention de la radio.

KEIKO DEVAUX :  Comme on change de canal à la radio, on change de canal dans cette œuvre en y présentant plusieurs mémoires différentes, pour ensuite se trouver dans la machine. 

PAN M 360: Ça ne pourrait être plus limpide !

ARTISTES:

INFOS ET BILLETS pour les représentations de samedi, 15h et 18h30 à la Fonderie Darling, C’EST ICI

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