Gus Englehorn : stimulation de l’imaginaire, influences surréalistes et lutte dans la boue en Alaska

Entrevue réalisée par Stephan Boissonneault

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Il y a Gus Engle, que connaissent peut-être les amateurs de planche à neige, puis il y a la musique de Gus Englehorn, qui nous rappelle les joies de l’enfance, quand on s’inventait des histoires fantastiques au fond des bois avec ses amis. Ancien surfeur des neiges professionnel, Gus Englehorn est désormais musicien à part entière. Il lance cette semaine Dungeon Master, un deuxième album bizarre et rafraîchissant de pop-rock avant-garage.

Ses textes semblent tirés de romans chimériques remplis de sorciers, de chevaux, d’araignées et de lieux surréalistes et inexpliqués. Dans une industrie musicale souvent insipide, Gus Englehorn prouve qu’on peut être qui on veut.

Dungeon Master est constellé de guitares sautillantes, de synthés étincelants, de glockenspiel et de batterie vaporeuse. Gus vous entraîne dans son odyssée sombre; il est très difficile de s’ennuyer en écoutant Dungeon Master, on a l’impression de participer à un jeu où l’on choisit sa propre saga.

Nous avons rencontré l’auteur-compositeur-interprète né en Alaska, et maintenant établi à Montréal, pour en savoir plus sur ses inspirations, son amour du merveilleux et sa conjointe, Estée Perda, qui joue de la batterie sur ses albums et dont on dit qu’elle joue comme une Moe Tucker (batteuse des Velvet Underground) qui aurait consommé de la sauge divinatoire.

PAN M 360 : Je n’avais jamais entendu un son comme le tien auparavant. J’aime beaucoup quand ça m’arrive, car j’interviewe des musiciens tout le temps. Quand tu écris tes chansons, est-ce que tu y intègres des cris ou de longs « ahhhhh »?

Gus Englehorn : C’est un peu comme si je jouais de la guitare et que je mettais des paroles libres par-dessus. La plupart des choses me viennent spontanément. Un exemple : Estée va faire une peinture et j’essaierai de la faire rire avec des paroles folles et d’autres trucs. Je ne pense pas avoir déjà « écrit » un long « ahhhh » (rires).

PAN M 360 : Donc, les paroles sont davantage axées sur ce que tu ressens en jouant de la guitare ou d’autres instruments?

Gus Englehorn : Oui, ça se passe de deux façons : soit j’écris une courte histoire et que je mets de la musique dessus, soit que je songe à de petites histoires pendant que je joue.

PAN M 360 : C’est de là que vient le titre Dungeon Master? Tu écris de petites histoires du type Donjons et Dragons?Gus Englehorn : J’ai toujours été passionné par la fantasy, comme les jeux vidéo, les livres et les films, mais le titre vient en fait d’un de mes concerts. Au moment où je lançais mon premier album, Death and Transfiguration, j’avais une version non terminée de la chanson The Gate, et un spectateur criait « Encore! » quand je l’ai jouée. Ce gars est venu me voir après et m’a dit « J’adore tes paroles, ça me rappelle un peu Donjons et Dragons. Tu es comme le Maître du donjon, là-haut, qui nous guide dans cette campagne folle ». Ça m’a donné une direction à prendre, celle de ce « Maître du donjon » qui vous guide de manière omnipotente, dans ces situations étranges!


PAN M 360 : Je pense que le titre de l’album a vraiment du sens. Et la chanson Exercise Your Demons ressemble beaucoup à l’histoire d’un nécromancien qui vous jette un sort.

Gus Englehorn : Oui, exactement. Je suppose que c’est l’ambiance que je voulais créer! (rires)

PAN M 360 : La pièce Terrible Horse m’a aussi vraiment marqué. Elle ressemble à un flux de conscience.

Gus Englehorn : C’est l’une de mes préférées, sur l’album. J’ai juste songé à un horrible cheval qui rue sur son maître, s’enfuit, puis s’abreuve à une rivière empoisonnée. Son âme quitte son corps de cheval, se retrouve en enfer et tente de s’échapper. C’est aussi l’histoire d’un fêtard, d’une personne qui a un problème d’alcool, qui boit dans une rivière empoisonnée et devient grossier. C’est une petite fable, je suppose. Beaucoup de chansons de cet album en sont, sans doute.

PAN M 360 : Tu étais un planchiste professionnel avant de devenir musicien. Qu’est-ce qui t’a amené à faire de la musique?

Gus Englehorn : J’ai commencé à jouer de la guitare à l’âge de 16 ans, il me semble. J’écrivais des chansons pendant mes années de planche à neige, j’ai toujours fait ça. Puis, oui, je pense que je songeais au jour où je serais trop vieux pour faire de la planche et que je me disais « Il faut que je fasse quelque chose, je ne veux pas juste me mettre en petite boule et mourir ». Alors j’ai continué à essayer d’écrire des chansons. Je ne savais toujours pas comment y arriver, quand ma carrière de surfeur des neiges a pris fin, même si j’avais essayé pendant des années. Il y a donc eu une période de trois ou quatre ans où j’ai vraiment essayé d’apprendre à écrire de la musique. Je me réveillais et j’essayais de faire une maquette ou quelque chose comme ça. Puis, j’ai créé mon premier album après avoir été fauché pendant trois ou quatre ans, sans travail.

PAN M 360 : Et quand tu essayais constamment d’écrire des chansons, de quoi t’inspirais-tu? D’autres musiques?

Gus Englehorn : Je pense que j’écris des chansons simplement pour stimuler mon imagination et être aussi créatif que possible. Ça vient donc en grande partie de ce désir d’explorer de nouvelles idées. Mais, il y a aussi l’influence des films et de différents mouvements artistiques comme le surréalisme et le mouvement dada. Et puis il y a des artistes comme les Pixies, Daniel Johnston, Leonard Cohen et mes expériences personnelles, je suppose.

PAN M 360 : Et ta conjointe, Estée, t’accompagne à la batterie. Comment cela a-t-il commencé?

Gus Englehorn : Nous étions ensemble depuis dix ans quand j’ai lancé mon premier album. Mon « groupe » était configuré différemment; nous jouions tous les deux de la guitare, nous avons essayé de jouer avec d’autres mais ça n’a jamais vraiment marché. Puis, finalement, Estée s’est mise à la batterie et ça a vraiment marché. Elle peut faire n’importe quoi. Elle est très douée en musique.

PAN M 360 : Est-ce qu’elle t’aide à écrire tes textes?

Gus Englehorn : Je les écris seul, mais avant d’entrer en studio, elle ajoute la batterie, nous faisons de petites démos et essayons tous les deux de trouver des arrangements différents. Mais, parfois c’est elle qui s’occupe de la plupart des lignes de basse et du glockenspiel.

PAN M 360 : Tu as vécu à de nombreux endroits : en Alaska, à Salt Lake City, à Hawaï. Dirais-tu que cela a influé sur ta trajectoire de musicien ou de créateur?

Gus Englehorn : Oui, je crois. Je pense que le simple fait d’être en Alaska a un effet sur notre cerveau. On a l’impression d’être caché du monde, et il y a beaucoup d’expressions particulières et d’individualité, beaucoup de personnages singuliers. Donc, on se sent libre de faire ce que l’on veut. Cela a influé sur mes idées, comme individu.

PAN M 360 : Avez-vous eu l’occasion de faire des concerts là-bas?Gus Englehorn : Nous avons joué l’été dernier dans mon patelin d’origine, un village de pêcheurs appelé Ninilchik. C’est une sorte de festival bluegrass qui s’appelle Salmon Fest. Les gens étaient plutôt sympas, même si certains semblaient un peu horrifiés! Les festivals en Alaska peuvent être assez déments. Durant le concert, il pleuvait à boire debout. À la fin, un tas de gens luttaient dans la boue! C’était assez fou, je crois que ce genre de trucs n’arrive qu’en Alaska!



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