Festival de Lanaudière | Sol Gabetta et les rencontres fortuites

Entrevue réalisée par Alexandre Villemaire

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Réuni pour la première fois sur la scène de l’Amphithéâtre Fernand-Lindsay le 25 juillet, la violoncelliste de renom Sol Gabetta, les Violons du Roy et Bernard Labadie présenteront un concert mettant à l’honneur la musique de l’époque classique avec des compositeurs tels Mozart, Haydn et Carl-Philipp Emanuel Bach. Très active sur plusieurs scènes et festivals tant à Europe qu’à l’international, Alexandre Villemaire eu l’occasion de discuter avec elle au sortir de sa première rencontre avec l’orchestre.

PAN M 360 : Ce concert à Lanaudière est votre seul arrêt estival au Canada. Parmi tous les choix et possibilités de festivals qui ont cours durant l’été, qu’est-ce qui vous a amené à faire cet arrêt au Festival de Lanaudière?

Sol Gabetta : C’est souvent, une combinaison de choses J’avais déjà des invitations aux États-Unis et j’ai toujours dit à mon agence que je trouvais très dommage de ne pas jouer plus au Canada. Il m’a dit, écoute, je sais qu’il y a un très beau festival au Canada, on va voir. J’avais déjà entendu parler du Festival de Lanaudière et je savais que c’était un excellent festival. On était déjà sur une participation aux États-Unis avec le Festival de musique d’Aspen et au Festival de musique de Vail, et on m’a proposé de jouer avec cet orchestre de chambre, Les Violons du Roy, que je ne connaissais pas encore. Moi qui aime énormément les projets avec les orchestres de chambre, parce que c’est une matière qui m’intéresse beaucoup, cette transparence dans la musique, j’ai dit « Super! On va essayer ça! » C’est un peu les hasards de la vie qui nous mène à ces instants. Il faut toujours une première clé pour aller quelque part!

PAN M 360 :  Comment ce premier contact s’est-il passé avec l’orchestre?

Sol Gabetta : C’est un orchestre très raffiné. C’est très impressionnant parce que ce sont des instrumentistes qui jouent sur des instruments modernes, mais avec une telle finesse sur la corde en métal que s’en est rare. Ce n’est pas évident de jouer de façon si délicate, si légère avec ce type de cordes que par moment, on peut se poser la question : « Est-ce que c’est un groupe qui joue avec des cordes en boyaux? » Comme quoi l’esthétique musicale est tellement importante. Je pense en effet que Bernard cherche toujours cette influence musicale en premier lieu. Il a un tel sens du phrasé, et il est tellement dans la recherche de cet élément, qu’effectivement, les musiciens ont développé cette approche très fortement. C’est quelqu’un qui ne laisse pas les choses partir tout seul. Il veut les former, il veut donner une idée et un sens à la ligne musicale. Ça m’a également amené à revoir ma technique de jeu, parce que je suis habituée à jouer Bach sur des cordes de boyau. Toutes les articulations que j’avais noté avant, certaines marchaient alors que les autres ne marchaient pas du tout, parce que la corde réagit différemment, les boyaux étaient habituellement plus raides. Il faut donc trouver une légèreté dans les coups d’archet. C’était une expérience intéressante et une super comme répétition pour un programme assez intéressant aussi.

PAN M 360 : Vous avez effectivement choisi deux concertos soit le Concerto pour violoncelle no 1 en do majeur de Haydn et le Concerto en la majeur de Carl-Philipp Emanuel Bach. Qu’est-ce qui a guidé vos choix dans la sélection de ces deux œuvres et de les mettre en relation?  

Sol Gabetta : Au départ, la discussion a tourné autour de la proposition de faire le concerto ré majeur de Haydn, qui est beaucoup moins joué. Toutefois, en raison d’un emploi du temps extrêmement chargé avec tous les concerts, j’ai opté pour une œuvre très familière. Le concerto en do majeur de Haydn fait partie de son répertoire depuis l’âge de dix ans. Quant à l’œuvre de Carl-Philipp Emanuel Bach, je ne l’ai pas jouée depuis 2014. C’est un concerto tellement joli, mais ça m’a donné envie maintenant de faire les deux autres. J’espère pouvoir revenir à Lanaudière pour interpréter ces deux autres concertos! C’est très enrichissant de changer de répertoire. Je ne vais pas être la spécialiste d’un tel compositeur. Ce n’est pas ce qui m’intéresse. Ce qui m’intéresse, c’est le voyage musical. Je suis intéressée assez à tout, et c’est là peut-être la difficulté: être confronté à faire des choix. 

Mais c’était quand même une expérience très intéressante à faire, parce que je n’avais jamais joué le Carl-Philipp Emanuel Bach avec des instruments modernes. Ça marche, mais c’est une autre technique.

PAN M 360 : Il s’agit d’œuvres qui, pour l’époque, ont aussi amené des changements techniques au niveau de votre instrument, ne serait-ce que la manière de jouer, mais aussi de la nature de l’instrument comme instrument soliste, où dans la transition entre le baroque et l’époque classique, la fonction de l’instrument change passant d’un instrument de basse continue à un instrument d’accompagnement d’orchestre.

Sol Gabetta : Effectivement. La chose qu’il faut bien saisir, quand on travaille dans le répertoire baroque et classique, c’est l’importance de la basse dans l’orchestre. Toute la structure vient de là. Et souvent quand on vient toucher au répertoire sur instruments modernes plus romantique, on a tendance à vouloir suivre la mélodie et on oublie que la basse, ou la basse. Finalement, ce n’est pas que continu, parce qu’il y a beaucoup de rythmiques dans le Haydn, ou même dans le temps CPE Bach. En fait, c’est la structure de la pièce. Dans le cas de CPE Bach, c’est presque un violoncelle obligato. Un peu comme dans le Concerto pour violoncelle de Schumann, finalement où le violoncelle n’est pas si « solistique » que ça.Il est là, il a sa voix, mais en même temps, il fait partie d’une structure générale de la pièce. Dans le Haydn, ce n’est pas du tout le cas. On a la mélodie tout le temps. Avec Bach, c’est plus compliqué parce qu’il y a plus d’alternance.

PAN M 360 : Carl-Philipp Emanuel était aussi beaucoup plus jeune que Haydn au niveau de la composition, même si Haydn qui a vécu extrêmement longtemps pour son époque, qui a influencé énormément de compositeurs, dont Mozart, qui va également faire partie du concert avec une de ses symphonies

Sol Gabetta : Oui, on l’appelait même « Papa Haydn »! On ne peut pas les comparer. C’est toujours très intéressant de mélanger des compositions. Je préfère cela que de faire par exemple les trois concertos de CPE Bach. Je trouve que ça devient un peu lourd des fois.

En fait, c’est une espèce d’idéologie. Faire les Six suites de Bach, bien sûr que c’est intéressant pour le violoncelliste de les faire, pour certains publics, mais pour les autres publics, ça peut devenir un peu monotone. De faire différentes associations et mélanger le programme ça devient plus intéressant aussi pour l’auditeur parce que tout d’un coup, la tête a le temps de se rafraîchir avec un autre répertoire et de se re-concentrer. 

PAN M 360 : Vous menez une carrière très active, voire même hyperactive avec vos multiples activités et engagements. Comment gérez-vous tous ces enchaînements de concerts, de longs voyages tout en maintenant une bonne santé mentale et physique?

Sol Gabetta : C’est une bonne question. En fait, j’ai l’impression que comme tout être humain, il faut connaître ses fragilités et ses forces. Mais pour connaître ses forces, à un moment donné de la vie, évidemment, il faut accepter de tomber dans le précipice. Rien de grave, par chance, mais c’est certain que pour d’autres ça peut être différent. Ils sont obligés dans certains cas d’arrêter pendant un an, deux ans, parce que la main ne fonctionne plus, où la santé psychologique n’est pas bonne, etc. À un moment donné, plus jeune, je me suis rendu compte que je n’avais pas l’énergie de faire dix concerts différents dans le mois. J’avais toujours envie de vomir, parce qu’en fait, le corps n’arrivait pas à suivre et il était soumis à un stress continuel. Je pense qu’à ce moment-là, quand on est jeune, il faut expérimenter ce genre de choses et se dire que jamais plus nous ne nous mettrons dans ce type de situations. Pour ma part, je fais beaucoup plus de choix. J’ai encore beaucoup de concerts, mais je suis très sélective. J’ai mis des priorités. Ces priorités, ce sont des résidences avec des orchestres, avec des salles de concert. Ensuite, je fais seulement deux tournées et je me focalise sur les semaines qui m’intéressent de travailler avec certains orchestres et ensembles. Je préfère faire moins de concerts et rester plus longtemps à un endroit. Par exemple, travailler par continent. Ça serait beaucoup plus efficace et ça serait beaucoup mieux pour connecter avec une société, avec les humains. Plus on passe de temps ensemble et plus on se comprend.

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