Birds of Prrrey | Tchip-tchip et riffs incisifs

Entrevue réalisée par Florence Cantin
Genres et styles : punk

renseignements supplémentaires

À noter que je me permettrai quelques jeux de mots d’oiseaux, fidèle à l’esprit de Clarence qui, en plus d’assurer la guitare et d’offrir sa voix angélique, gère aussi les réseaux sociaux de Birds of Prrrey. Aucun calembour ne lui échappe.

Le 7 février dernier, je me suis lancée dans une séance d’observation au sein de la volière qu’est le Taverne Tour, pour voir ce trio unique : Noelle à la batterie, Clarence à la guitare et Grace à la basse. Un féroce mélange de punk, d’alt-rock et de grunge, farci d’influences DIY des années 90. De leur présence scénique se dégage une sororité qui témoigne qu’elles sont bel et bien dans leur habitat naturel. « Loud music for big hearts », voilà ce qu’elles nous proposent.

J’ai eu le plaisir de m’entretenir avec les membres de Birds of Prrrey à la suite de leur spectacle au Ministère où elles ouvraient pour Rough Francis et PRIORS. On a parlé d’amitié, de superstitions et de gars culottés qui ne se mêlent pas de leurs affaires. 

Et non, ce n’est pas une coquille…

PAN M 360 : On dit : « Prrrey ». Rrr, une consonne pour chacune des filles. Rrr, comme un rugissement. Rrr, comme dans Riot Grrrl. Est-ce que j’en oublie ?

Clarence : Un beau résumé ! Oui ! Je ne pense pas qu’on ait vraiment fait le lien entre les trois « r » et le nombre de personnes dans le groupe haha. On s’est principalement inspirées du genre musical Riot Grrrl parce que ça a été ce qui nous a liées au tout début, ce qui nous parlait le plus. On utilise les trois « r » en hommage à cette musique qui revendique, défend et laisse une place pour les émotions (surtout celles qui ne sont pas très “féminines”) des femmes.

Noelle : Longue vie à Liz Phair, Bratmobile, Bikini Kill, Le tigre et Slutever!

Grace : Le mouvement Riot Grrrl a vraiment eu une grande influence sur notre façon de jouer de la musique live.

PAN M 360 : Ce qui frappe en vous voyant sur scène, c’est la manière dont chacune a sa manière bien à elle de rayonner. Votre complémentarité est évidente. Quelle est la clé d’une complicité musicale aussi forte que la vôtre ?

Clarence : Avant même qu’on commence à faire de la musique, quand c’était encore une idée totalement comique et inatteignable, on a demandé à une de nos amies musiciennes, Julia, qui était, à ce moment-là, dans un de nos bands féminins préféré à Montréal Whoredrobe; quelle est la chose la plus importante quand on est dans un band? La réponse habituelle est qu’il faut pratiquer beaucoup, mais elle nous a dit: « You guys need to be friends. That’s the most important part ». Et c’est ce qu’on a fait. Oui, on fait de la musique ensemble, mais ce sera toujours plus important pour nous de cultiver notre amitié au-delà de jouer sur un stage. On se fait dire souvent que notre amitié se voit quand on fait un show et je pense que c’est le plus beau compliment, ça veut dire qu’on fait bien ça.

Noelle : Nous étions amies avant d’être un groupe. Je pense que nous sommes suffisamment matures pour résoudre les problèmes de manière saine chaque fois qu’un problème survient (il n’y en a pas vraiment, but you know…), et nous sommes très à l’aise l’une avec l’autre. Il n’y a que de l’amour ici et jamais de haine entre nous trois.

Grace : Nous sommes juste amies. Je ne pense pas que nous serions capables de performer ou de créer comme nous le faisons si nous ne l’étions pas.

PAN M 360 : Vous évoquez en entrevue vos rituels d’avant spectacle, notamment les superstitions très spécifiques de Grace. Quel est l’objet, ou le protocole qui possède le plus de pouvoir sur la réussite d’un show de Birds of Prrrey ? (Vous pouvez répondre à cette question en touchant du bois)

Clarence : Mmmm… Il faut que Grace ait ses bagues, il faut que Noelle fasse ses étirements et il faut que Noelle et Grace me disent de me calmer les nerfs hihihi.

Noelle : Ne pas « shout-out » notre amie Ivy avant de jouer notre chanson Doors. Sinon on la rate.

Grace : On doit faire un soundcheck avec certaines chansons et j’ai un certain pick avec lequel je vais jouer. En gros, tout ce qui n’est pas familier signifie malchance.

PAN M 360 : En peu de temps, à force de cumuler les bons shows, votre trio s’est imposé sur la scène musicale underground. Y a-t-il eu un moment précis où vous avez réalisé que les choses commençaient à décoller?

Clarence : Je pense qu’on ne le réalise toujours pas vraiment… On est toujours surprises et flattées par les demandes de shows qu’on reçoit (Tavern Tour, ouvrir pour SweetPill, ouvrir pour Sir Chloe, le Festivoix, etc.). On reçoit chaque occasion avec beaucoup de reconnaissance. Parfois le sentiment d’imposteur vient avec, mais on se dit que ce serait un trop gros prank venant de tous les gens qu’on a côtoyés s’ils haïssaient secrètement notre musique…

Noelle : LMAOO. Peut-être quand on a sorti notre EP. Il faisait une chaleur torride à La Sotterenea, mais les gens sont quand même restés pour nous. Tout le monde transpirait comme des fous.

Grace : C’était pour sûr quand les gens ont commencé à chanter nos chansons avec nous.

PAN M 360 : Énorme coup de cœur pour votre dernier EP sorti l’été dernier, Yet, we’re still growing in places. Il semble marquer une étape importante pour le groupe. Comment avez-vous abordé sa création, et en quoi reflète-t-il votre évolution depuis vos débuts ?

Clarence : Le début de la création de cet album est venu d’un parfait mélange entre nous qui voulions enregistrer plus de musique et notre bon ami Ben Rowland qui devait remettre un projet de 25 minutes pour sa classe d’électroacoustique à Concordia. On avait déjà collaboré sur False Hope (notre premier single) avec Matt Sagar et Ben et ça avait été une expérience tellement fun, c’était évident pour nous qu’on devait retravailler avec eux. La réfection de notre évolution est définitivement représentée par Training Wheels, la dernière chanson de notre EP, puisqu’on avait essayé de l’enregistrer 1 an avant, en même temps que False Hope, et on avait été incapable de jouer la chanson correctement. C’était tellement mauvais. Matt ne nous a jamais renvoyé le MP3 de cet enregistrement (thank god). Deux ans plus tard, c’est la chanson qu’on aime le plus jouer. Je pense aussi que notre processus très DIY nous représente bien en tant que groupe. Nous voulons toujours encourager les artistes montréalais et faire partie de cette communauté qui valorise les talents que possèdent les jeunes. Il y a tellement d’artistes prometteurs dans cette ville, c’est beau à voir.

Noelle : Je pense que la musique que nous faisons est en constante évolution. Même après la sortie de l’EP, nous changeons un peu la musique et continuons à ajouter des morceaux à nos chansons, une pratique à la fois. Nous avons commencé il y a environ deux ans. Ce n’est pas encore assez long pour connaître nos instruments. Pour moi, personnellement, j’ai l’impression que nos instruments sont comme une extension de nous-mêmes. Plus nous passons de temps avec eux, plus nous apprenons à les connaître et à les utiliser. J’ai hâte de découvrir de nouvelles façons de jouer de mon instrument et de créer de nouveaux sons cool.

Grace : Comme le titre du EP l’indique, c’est vraiment un testament sur nous qui grandissons ensemble, en tant que personnes, amies, et musiciennes. C’était une grande courbe d’apprentissage pour y parvenir, mais nous avons reçu une aide précieuse.

PAN M 360 : Les groupes entièrement féminins se font rares encore aujourd’hui. Dans A Man Invented Shoelaces, le premier titre de votre EP, on ressent votre esprit de résistance, votre envie de nommer les choses. Rencontrez-vous des défis liés à votre genre, que ce soit en studio ou sur scène?

Clarence : Oui. C’est étrange d’en parler parce que ce n’est pas purement et simplement de la misogynie, mais c’est juste assez bien déguisé pour nous mettre mal à l’aise. L’usage de mots qui, dans la bouche de certaines personnes, sonnent totalement corrects et, d’en la bouche d’autres, nous font sentir comme si le seul intérêt de notre groupe était notre diversité de genres. C’est démoralisant parfois, mais ça ne nous a jamais empêchées de crier, chanter et jouer encore plus fort. On le prend comme une source d’énergie, pas comme une ancre.

Noelle : OUI. Les hommes vont me dire comment jouer MON instrument ??? Like ferme-la et laisse-moi apprendre comment jouer par moi-même.

Grace : Heureusement, nous avons eu très peu de problèmes de discrimination directe, mais je pense que beaucoup de gens ont des préjugés dont ils ne sont même pas conscients jusqu’à ce qu’ils disent quelque chose de bizarre à voix haute, comme « nous voulons un groupe entièrement féminin pour ouvrir pour un concert entièrement masculin », etc.

PAN M 360 : Lors de votre performance au Taverne Tour, Clarence a lu un mot exprimant vos inquiétudes face au climat politique actuel. Avec l’élargissement de votre public, ressentez-vous le besoin d’affirmer davantage vos positions ?

Clarence : Je pense que ça a toujours fait partie de nos valeurs. Qu’il y ait 20 personnes dans une foule ou 300, notre position reste la même. Nous avons la parole, nous avons un micro et nous sommes bien conscientes de tout ce qui se passe au-delà du cadre de la salle dans laquelle nous jouons. C’est un sentiment du genre : « je sais ce qui se passe dans le monde et j’ai le privilège d’avoir un moyen de m’exprimer à ce sujet et peut-être d’aider d’une manière ou d’une autre, alors pourquoi devrais-je me censurer ? » La musique est importante, mais ce n’est pas tout.

Noelle : Bien sûr. Nous voulons parler au nom des personnes qui ne peuvent pas s’exprimer librement, qui ne sont pas autorisées à s’exprimer, qui ne sont pas prises au sérieux et/ou réduites au silence.

Grace : C’est à 100% notre travail de parler des problèmes actuels, comme tout le monde devrait le faire. Nous avons la chance de vivre dans une communauté tolérante où nous pouvons utiliser la scène pour parler de ce qui se passe dans le monde et montrer notre soutien.

PAN M 360 : Histoire que nous puissions faire un peu de visualisation pour vous. Y a-t-il une scène ou un festival où vous rêveriez de vous produire ?

Clarence : C’est drôle parce qu’à chaque fois qu’on nomme une scène ou un festival où on voudrait jouer, par hasard pur on se fait demander de jouer sur celle-ci (alors je vais viser haut). La grosse blague ce serait de faire Coachella, mais on est très loin d’y arriver haha. Pour le moment je pense qu’on serait prête à faire un plus gros stage comme le Club Soda ou le Mtelus, je pense que ça serait absolument malade.

Noelle : Osheaga lol.

Grace : South by South West!

crédit photo: vickibm

Tout le contenu 360

Joni Void veut que vous « regardiez des films expérimentaux dans le club » ou à La Lumière

Joni Void veut que vous « regardiez des films expérimentaux dans le club » ou à La Lumière

Marcus Printup à l’UdeM : sagesse, générosité, musicalité

Marcus Printup à l’UdeM : sagesse, générosité, musicalité

Pascale Picard replonge dans la création

Pascale Picard replonge dans la création

Pro Musica | Lucas Debargue, libre penseur pianistique

Pro Musica | Lucas Debargue, libre penseur pianistique

Laurence Hélie a retrouvé son nom

Laurence Hélie a retrouvé son nom

Le Quatuor Molinari et Berio, ce qu’en dit Olga Ranzenhofer

Le Quatuor Molinari et Berio, ce qu’en dit Olga Ranzenhofer

Arianne Moffatt, Airs de Jeux, idée de jouer, désir de jouer, nécessité de jouer…

Arianne Moffatt, Airs de Jeux, idée de jouer, désir de jouer, nécessité de jouer…

Arion Orchestre Baroque et l’univers de Thomas Dunford… du 16e au 20e siècle!

Arion Orchestre Baroque et l’univers de Thomas Dunford… du 16e au 20e siècle!

La Passion selon saint Jean de Bach : Un opéra sacré pour conclure la saison de l’Ensemble Caprice

La Passion selon saint Jean de Bach : Un opéra sacré pour conclure la saison de l’Ensemble Caprice

Shreez « frap » encore ! 3e album studio

Shreez « frap » encore ! 3e album studio

Marie Nadeau-Tremblay | Quand le baroque devient obsession

Marie Nadeau-Tremblay | Quand le baroque devient obsession

Kizaba : entre ancestralité et afro-futurisme

Kizaba : entre ancestralité et afro-futurisme

Caroline Savoie succombe à ses plaisirs coupables

Caroline Savoie succombe à ses plaisirs coupables

Quatuor Mivos : trois fois Reich à Bourgie

Quatuor Mivos : trois fois Reich à Bourgie

Éléonore Lagacé et  Brûlez-moi vive: pop de feu

Éléonore Lagacé et Brûlez-moi vive: pop de feu

Pro Musica | Le pianiste prodige Jaeden Izik-Dzurko : « sérieux », « introverti » et… extrêmement raffiné

Pro Musica | Le pianiste prodige Jaeden Izik-Dzurko : « sérieux », « introverti » et… extrêmement raffiné

Une invitation au voyage signée Boubé

Une invitation au voyage signée Boubé

SAT | Le Couleur change de spectre mais d’abord…

SAT | Le Couleur change de spectre mais d’abord…

Bella White : une nouvelle star de la country bluegrass

Bella White : une nouvelle star de la country bluegrass

Classic Rock… Hard Rock… Bob Rock… The Damn Truth!

Classic Rock… Hard Rock… Bob Rock… The Damn Truth!

Dicko Fils : sur La route de l’engagement et de la modernité du peuple peul

Dicko Fils : sur La route de l’engagement et de la modernité du peuple peul

Les 24 voix du CMIM : un aperçu de l’édition 2025 avec sa directrice artistique, Shira Gilbert

Les 24 voix du CMIM : un aperçu de l’édition 2025 avec sa directrice artistique, Shira Gilbert

La communion de Rose Cousins avec la nature, le piano et l’amour

La communion de Rose Cousins avec la nature, le piano et l’amour

Matthias Maute et l’art choral: du baroque au moderne, les plus récentes parutions de l’Ensemble ArtChoral vues par son directeur artistique

Matthias Maute et l’art choral: du baroque au moderne, les plus récentes parutions de l’Ensemble ArtChoral vues par son directeur artistique

Inscrivez-vous à l'infolettre