Sobrement et justement animé par André Robitaille sur l’Esplanade du Parc olympique devant un public de masse, le coup d’envoi de la 11e Virée classique de l’OSM a été une autre occasion de s’ouvrir à une conception planétaire de la musique classique, à tout le moins méditerranéenne. Faire cohabiter dans un même programme Piotr Ilitch Tchaïkovski, Hector Berlioz, Ottorini Respighi avec Joseph Tawadros, grand soliste du oud et compositeur contemporain issu de la musique classique arabe, voilà un autre signe des temps et une illustration supplémentaire de cette mondialisation inclusive de la musique classique selon l’OSM et Rafael Payare.
D’abord, les amours tragiques de Francesca da Rimini, une Italienne du 13e siècle immortalisée dans une œuvre de Dante (La divine comédie) et ayant inspiré le compositeur russe dans une œuvre écrite en 1876. Cette fantaisie symphonique comporte-t-elle des éléments de culture méditerranéenne? Dans l’inspiration romanesque, certes, mais cela ne déroge pas vraiment de la patte tchaïkovskienne dont on apprécie le génie une fois de plus. Cette œuvre vigoureuse, avec ses fusées de cordes et bois, ses pétarades de cuivres et circonvolutions virtuoses des cordes, a été servie avec éclat, passion et haute virtuosité.
Au centre du programme, nous avions l’Ouverture du Carnaval romain (1844), une œuvre vigoureuse, fondée ses thèmes de son opéra Benvenuto Cellini. Si l’impression de génie compositionnel est ici moins forte, mais l’exécution s’avère plus que correcte.
En deuxième et quatrième place au programme, l’oudiste Joseph Tawadros, natif du Caire mais élevé en Australie, nous a donné quelques indices de son hybridation de musique classique arabe en version symphonique occidentale. Originalement fringué ( chemise rose, bonnet oriental, moustache et barbe stylisées), l’instrumentiste virtuose s’est mis en scène dans deux compositions pour oud et orchestre. On sait que l’oud est un instrument à cordes très proche du luth et ancêtre des instruments à cordes pincées, à commencer par la guitare, on sait aussi que cet instrument a gagné en notoriété depuis quelques décennies. Les œuvres symphonique de Tawadros au programme ne sont pas de profonde singularité et complexité harmoniques, elles se veulent davantage une extrapolation de leurs mélodies et parties spécifiques de l’oud. Permission to Evapore évoque la mort des parents du compositeur. Comme son titre l’indique, Constantinople nous mène aux frontières de l’Occident et de l’Orient, encore là les constructions orchestrales sont relativement limitées harmoniquement, car elle sont d’abord au service de la mélodie et du rythme, comme c’est le cas de la musique classique arabe qui a, jusqu’à une période récente, évacué la polyphonie. Pour ces raisons, on peut avoir l’impression d’une pop instrumentale plutôt que de grande musique, mais c’est un leurre, car les qualités de ces œuvres se trouvent ailleurs, notamment dans cette ligne virtuose délicieusement exécutée à l’unisson par Tawadros et Andrew Wan, premier violon de l’OSM.
En dernier lieu, on a eu droit à de la musique composée en 1924, poème symphonique s’inscrivant au deuxième rang d’une trilogie consacrée à Rome. Il y a exactement un siècle, donc Ottorino Respighi exprimait en musique la grandeur de Rome et Pini di Roma en témoigne fort bien. On sent bien la modernité de certaines harmonies orchestrales mises au point au tournant du 20e siècle. Mélange de post-romantisme et de modernité, ce poème symphonique inclut différents éléments de musiques populaires, dont une marche que nous qualifierons de légionnaire en conclusion, précédée par la surimpression de chants d’oiseaux préenregistrés comme l’avait prévu Respighi. Visionnaire de son époque, dites-vous? Tout à fait approprié pour conclure ce Voyage méditerranéen précédant plusieurs autres expériences sonores inspirées de près ou de loin à la culture musicale de Méditerranée.