Une Cinquième Salle bondée, à 11h le matin, a accueilli le duo sur scène et dans la vie formé du pianiste Martin Helmchen et de la violoncelliste Marie-Elizabeth Hecker, samedi 16 août. La Virée semble bien fonctionner, et c’est tant mieux. Surtout que les deux artistes avaient concocté un programme assez solide et copieux, même pour une petite quarantaine de minutes.
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Helmchen et Hecker ont lancé le tout avec un très beau Waldesruhe [Le calme de la forêt], op. 68, n°5 de Dvořák, dans de belles dentelles mélodiques, appuyées par un jeu d’une grande délicatesse. C’était suivi de Papillon, op. 77 de Fauré, une pièce redoutable pour le violoncelle, maîtrisée correctement par Mme Hecker, quoique sans toute l’aisance souhaitée dans l’agilité des lignes virevoltantes. Un début de programme installé dans la lumière, mais qui a laissé place à la sublime grisaille du Winterreise de Schubert, dont trois extraits étaient joués, Gute Nacht [Bonne nuit], Der Lindenbaum [Le tilleul] et Der Leiermann [Le joueur de vielle]. On a ici senti l’intime complicité entre les deux artistes, et surtout la profonde compréhension de l’univers de Schubert. C’était très beau. Le clou de la matinée restait à venir : la tortueuse, voire ténébreuse Sonate pour violoncelle et piano n° 1 d’Alfred Schnittke, compositeur russe d’origine germanique du 20e siècle.
Un choix audacieux mais payant, car cette œuvre à l’énergie et l’intensité dramatique chostakovitchiennes est diablement impressionnante. Malgré l’exigence qu’elle impose aux oreilles des auditeurices, le public a salué une interprétation impeccable et passionnante, solidifiée par le fait que les deux artistes l’ont ‘’dans les doigts’’, car ils la jouent souvent ces temps-ci. Ils viennent en effet d’en publier un enregistrement sous étiquette Alpha Classics, avec d’autres sonates d’Europe de l’est. La matinée aurait pu être marquée du sceau de la quasi-perfection n’eut été de trois ou quatre tousseurs professionnels et ostentatoires, ainsi que, comble de l’horreur, une sonnerie de téléphone dans les tout derniers accords, à peine murmurés, du Schnittke. Gênant.