Un 19 août à la Virée classique : Carmina Burana, Wynton Marsalis, Schubert, Brahms, gamelan balinais, contes fantastiques, Nicolas Altstaedt, Godwin Friesen et plus encore!

par Rédaction PAN M 360

L’équipe de PAN M 360 est très présente à la Virée classique, présentée par l’OSM. Nos contributeurs.trices rapportent quotidiennement ce qu’ils.elles ont vu et entendu aux concerts présentés à Montréal jusqu’au 20 août.

Payare dirige Carmina Burana : une soirée tout en puissance

Crédit photo : Antoine Saito

La Maison symphonique était pleine à craquer hier soir pour entendre l’OSM et son chœur interpréter la très célèbre œuvre de Carl Orff, Carmina Burana. Les Petits chanteurs du Mont-Royal et trois solistes, la soprano Sarah Dufresne, le baryton Elliot Madore et le contre-ténor Nicholas Burns se joignaient également à l’orchestre pour interpréter cette œuvre. L’octobasse était également mise à contribution dans le premier et dernier mouvement.

Lorsque la roue de la Fortune commence à tourner, elle ne s’arrête pas. On peut dire la même chose de l’interprétation de l’OSM : une fois le célèbre « O Fortuna » entonné (à un tempo presque trop rapide), les mouvements suivants s’enchaînent sans laisser le temps de souffler. L’orchestre, et surtout Payare, a de l’énergie à revendre. Le chef a littéralement dansé sur le podium. Les percussions et les cuivres sont puissants, le reste de l’orchestre est solide. Le chœur, pour sa part, énonce les textes d’une manière remarquablement claire. Les chanteuses et chanteurs sont précis, et offrent une performance d’une qualité exceptionnelle. Les solistes ont brillé sur scène grâce à leurs grandes qualités vocales, mais également par leur présence scénique et leur jeu d’acteur. En effet, les solistes jouent les poèmes qu’ils chantent, donnant lieu parfois à des moments assez comiques (pensons à la complainte du cygne, interprétée par le contre-ténor).

La soirée se déroule sous le signe de la puissance, de la force et de l’émotion. On écoute et découvre Carmina Burana comme pour la première fois tant l’interprétation est audacieuse et solide. Le temps a semblé se suspendre le temps d’un concert, et on assiste à un grand moment de musique. Le public, qui a réservé ses applaudissements pour la toute fin du concert, a acclamé l’orchestre à la fin de la soirée. La représentation de cet après-midi est déjà complète, ce qui démontre l’engouement pour ce concert!

Elena Mandolini

Le Concerto pour trompette de Wynton Marsalis

Crédit photo : Antoine Saito

Même si reconnu comme un pilier du jazz coontemporain depuis près d’un demi-siècle, Wynton Marsalis a toujours été associé au monde classique. Le supravirtuose en maîtrise le répertoire et les codes depuis l’enfance, ses études supérieures à Juilliard l’ont propulsé parmi les grands interprètes classiques avant qu’il ne devienne un leader inconstesté du jazz acoustique dès le début des années 80. Plusieurs avaient alors dénigré son désir de lier le jazz au monde de la « grande musique », lui prêtant plutôt une approche conservatrice. Quatre décennies plus tard, le temps a donné raison au directeur du fameux programme Jazz At Lincoln Center dont il est toujours le directeur artistique : Wynton Marsalis ne s’est vraiment pas contenté de ressusciter le hardbop et le jazz modal des années 50-60, son parcours implique une nette appropriation des formes modernes et contemporaines de la musique classique occidentale. C’est ce que nous avons pu apprécier samedi dans cette première canadienne de son Concerto pour trompette joué par le trompettiste solo de l’OSM, Paul Merkelo. 

Déclinée en 6 mouvements, l’œuvre s’amorce par une marche construite sur des charpentes harmoniques modernes et impliquant des techniques avancées  de l’instrument solo, le tout fondé sur un groove peu commun aux orchestres symphoniques, intercalé de séquences rythmiques non binaires.  Force est d’observer que le maestro Rafael Payare et ses musiciens ont parfaitement saisi ces  enjeux orchestraux qui consistent à explorer ces univers croisés et adopter plus de souplesse dans leur exécution. Ballad, second mouvement de l’œuvre, se veut une riche évocation des grands orchestres de jazz au cœur du siècle précédent,de George Gershwin à Duke Ellington jusqu’aux grands musicals de Broadway. Consacré au legs de la trompette latine, le 3e mouvement est le plus exigeant du Concerto, tant pour les consignes destinées au soliste qu’à l’orchestre. On poursuit avec Blues, un mouvement lent qui explore la sensiblité afro-américaine dans un contexte symphonique, suivi de French pastoral avec ses allégeances impressionnistes, le tout conclu par Harlequin qui intègre toutes les couleurs mises de l’avant dans les cinq mouvements précédents. 

Paul Merkelo s’en tire fort bien, les techniques avancées prévues pour le soliste sont à la hauteur des exigences du compositeur et le soutien de l’OSM s’avère équilibré à souhait  sauf de petits détails insignifiants dans l’interprétation. Bref, une première canadienne réussie ! Souhaitons maintenant que le temps fasse son œuvre et que le public classique s’approprie ce nouveau pan de la musique sérieuse, comme l’a fait ce plus ou moins millier de mélomanes incluant des jazzophiles visiblement peu familiers avec les formes classiques.  Rappelons que cette première canadienne était précédée d’une œuvre  magnifique de feu le compositeur montréalais José Evangelista, inspiré par les 50 ans de notre métro en 2016.

Alain Brunet

Fiddler’s Tale: Wynton Marsalis, prise 2

Un peu plus tard sur la scène reconfigurée de la salle Wilfrid-Pelletier, une deuxième œuvre de Wynton Marsalis était présentée samedi. Fiddler’s Tale est une adaptation afro-américaine de L’Histoire du soldat de Stravinsky, dont la trame narrative est une rencontre entre un violoniste  et le diable. Dans le contexte d’une Amérique moderne, l’adaptation de Wynton Marsalis est entièrement écrite mais plonge ses interprètes dans un univers sonore contemporain encore plus proche du jazz que le compositeur ne l’a prévu dans son Concerto pour trompette. Les éléments de jazz primitif, jazz swing, jazz moderne ou contemporain sont entrelardés de procédés orchestraux typiques de la musique de chambre contemporaine. Pour mener à bien cette évocation stravinskienne, Marsalis avait prévu la même instrumentation que celle de L’Histoire du soldat : violon (Marianne Dugal), contrebasse, (Eric Chappell), clarinette (Alain Desgagnés), basson (Mathieu Harel), trompette (Stéphane Beaulac), trombone (James Box), percussions (Joshn Wink). Dirigée par la cheffe Dina Gilbert, cette œuvre est assortie d’une narration en temps réel entre les 9 tableaux, narration assurée de belle façon en anglais par Nantali Indongo. Intéressant, mais parfois un peu longuet. Les musiciens classiques sont désormais mieux adaptés au jazz  mais une telle œuvre exige d’en mieux maîtriser les codes de l’expressivité, ce qui n’était pas toujours le cas. Ou encore pouvait-on se questionner sur l’intégration du jazz et du blues dans cette partition. Mais bon, de manière générale, la direction de Dina Gilbert a conféré à cette interprétation l’unité et la cohésion nécessaires aux concerts réussis malgré nos réserves. 

Alain Brunet

Des folies apaisantes

Il régnait un calme et une sérénité particulière dans l’enceinte du Piano Nobile pour entendre la performance de Sylvain Bergeron à l’archiluth et Margaret Little à la viole de gambe. La thématique en filigrane était la folie et plus précisément la folia, ce fameux thème musical de la danse éponyme apparu au XVe siècle en Europe. À l’image du Dies Irae, la folia a été récupérée et utilisée par des compositeurs de toutes les époques allant d’Antonio Vivaldi à Sergueï Rachmaninov. Les deux comparses ont ainsi constitué un programme où chacune des pièces met en valeur l’interaction commune de leurs instruments, tout comme sa valeur individuelle. Particulièrement intéressante était la pièce pour viole seule A Soldiers Resolution du compositeur anglais Tobias Hume (1569-1645), lui-même soldat et ayant été au service du Roi de Suède où chacun des mouvements traduit de façon idiomatique un élément relatif la vie de soldat (marche, tambour de bataille, retraite) ou encore les Faronells divisions upon a ground de Michel Farinel (1649-1726) aux multiples caractères. Les folies d’Espagne de Marin Marais (1656-1728) sont venues conclure ce voyage musical si typique de la musique de la Renaissance qui fait s’arrêter le temps pour nous transporter dans une autre époque et dans un autre ressenti, quasi mystique.

Pédagogues, les deux instrumentistes ont pris le temps à plusieurs reprises d’exposer quelques faits sur leurs instruments respectifs, comme leur fonctionnement et leur différence avec les instruments modernes invitant même le public à venir les voir une fois la représentation terminée ce qui a permis de conclure cette avant-midi de folie de la plus conviviale des façons.

Alexandre Villemaire

Schubert et Brahms : ombre et lumière

Crédit photo : Antoine Saito

La prémisse du court concert de musique de chambre présenté sur la scène de la salle Wilfrid-Pelletier était très sombre. En effet, le programme nous parlait de résignation devant la mort, résignation parfois empreinte d’anxiété. Cependant, les sélections musicales se sont révélées pleines de lumière et de moments d’espoir. Point de larmes de tristesse en ce samedi avant-midi (mais des larmes d’émotion, peut-être…).

Le concert s’est ouvert avec Jeremy Denk au piano, qui interprétait le paisible Impromptu no. 3 en sol bémol majeur de Franz Schubert. Le caractère introspectif, méditatif et mélancolique de cette pièce se prêtait parfaitement à l’ambiance intime du concert. À travers des arpèges légers et calmes se découpe une mélodie grave, tourmentée. Le pianiste a su dépeindre avec brio et clarté toutes ces émotions.

Le Quatuor no. 3 avec piano en do mineur, op. 60 de Johannes Brahms a ensuite complètement changé le ton du concert. L’ambiance de recueillement s’est rapidement transformée en moment de frénésie musicale. L’énergie et la précision des interprètes (Jeremy Denk au piano, Alexander Read au violon, Victor Fournelle-Blain à l’alto et Nicolas Alstaedt au violoncelle) sont à saluer. Ce Quatuor recèle de nombreux défis techniques, avec les instruments qui s’échangent la mélodie, de grands contrastes de nuances et des passages rythmiques. Leur performance est à couper le souffle. On y entend tout le drame, toute la puissance et toute la fougue des compositions de Brahms.

Le public est manifestement captif de la musique : la qualité d’écoute est exceptionnelle et de longs moments de silence contemplatif séparent la fin des œuvres du début des applaudissements.

Elena Mandolini

Dutilleux, Bach et Kodály selon Nicolas Altstaedt

Sans conteste un maître de son instrument, non seulement pour son niveau technique exceptionnel mais aussi pour son expressivité, le violoncelliste allemand (aux origines aussi françaises) Nicolas Altstaedt conviait les mélomanes au Piano Nobile pour l’exécution de trois œuvres nécessitant un réaccordage de son instrument afin d’en étendre les spectres timbral et harmonique. À l’instar de plusieurs artistes classiques de la musique d’aujourd’hui, il a fait le rapprochement entre la période baroque et la musique contemporaine, enrobant une version presque rigoriste de la  Suite pour violoncelle # 5  en do mineur BWV 1011 de JS Bach, d’une œuvre d’Henri Dutilleux commandée en 1976 par Rostropovitch, Trois strophes sur le nom de Sacher (grand chef suisse dédié à la musique contemporaine) et la superbe Sonate pour violoncelle seul, op. 8 du compositeur hongrois Zoltán Kodály. 

Les techniques avancées qu’exigent cette immense sonate, désormais inscrite parmi les grands chefs-d’œuvre pour violoncelle seul, sont ici mises de l’avant par le soliste qui fait état d’un jeu hors du commun. Voilà un concert captivant du début à la fin, assorti de quelques piaillements d’oiseaux – vu l’insonorisation imparfaite de la baie vitrée de la PdA. Tout à fait tolérable dans les circonstances!

Alain Brunet

La Virée fait escale à Bali!

Crédit photo : Antoine Saito

La Virée classique a été animée durant la journée de samedi par les sons intrigants et harmoniquement si riches du gamelan indonésien. L’ensemble Giri Kedaton a offert un concert fascinant sur les planches de la salle Wilfrid-Pelletier, mais il y a également eu une série d’activités tout au long de la journée qui ont permis au public d’en apprendre plus sur cette forme d’art musical moins connue.

Tout d’abord, les visiteurs de la Virée ont eu la chance de faire partie du gamelan lors d’un atelier extérieur. Des participants de tous âges ont été invités à essayer les instruments à percussion richement décorés, un don du gouvernement indonésien en 1986, et à créer des arrangements de bases sous la direction des membres de l’ensemble. Ensuite, une causerie sur les origines du gamelan et les différents styles existants a établi une vision plus précise de ce que représente cette musique. D’origine noble, elle est néanmoins conçue pour être facile d’accès, tout en permettant une virtuosité à travers différents effectifs et différentes instrumentations.

Cette virtuosité s’est manifestée durant le concert. Le travail de recherche derrière Giri Kedaton est colossal et est le résultat de plusieurs décennies d’expérience avec des maitres balinais. On sent toute l’aise dont les musiciens font preuve devant leurs instruments respectifs. Et pas seulement un seul! Entre chaque pièce, les musiciens se réorganisaient, s’installant derrière de nouveaux instruments ou simplement dans une section différente. Même si on perçoit une certaine organisation assez proche de la tradition classique, avec la présence d’un chef, d’un soliste et de sections, on ne peut pas vraiment voir de hiérarchisation des rôles dans l’orchestre. Les musiciens ne forment qu’un tout pour offrir un véritable spectacle au public.

Le showmanship de l’ensemble était au rendez-vous. Les musiciens, vêtus d’habits traditionnels, avaient du plaisir et ça se sentait. La danse a également eu sa place durant le concert, avec deux prestations issues de la tradition et réalisées par des membres de l’ensemble. La danseuse a tout simplement volé le spectacle, avec une chorégraphie mystifiante, à base de poses et d’expressions à la fois intenses et élégantes. La danse de masque était tout aussi intrigante, avec son histoire sans mots, mais on regrette que la disposition de la scène n’ait pas été adaptée aux besoins de la mise en scène. Une grande partie du public sur les côtés n’ont pas pu observer l’entièreté de la chorégraphie. Cela n’a tout de même rien enlevé à la qualité de la musique jouée. On alterne entre des musiques plus traditionnelles et des œuvres plus contemporaines, et le concert tout entier est marbré de rythmes à la fois complexes et accessibles. On note la présence de la pièce O Bali de José Evangelista, le fondateur de l’Atelier de gamelan à l’Université de Montréal et une figure incontournable pour la musique balinaise à Montréal, qui est décédé plus tôt cette année. Un bel hommage.

Alexis Ruel

La relation épistolaire de George Sand et Frédéric Chopin accompagner par sa musique

Sous le titre Un hiver à Majorque : correspondances entre George Sand et Frédéric Chopin, la bibliothécaire à la BAnQ Esther Laforce et le pianiste Jean-Christophe Melançon, prix Étoiles Stingray – Choix du public et Prix du jeune public au Concours OSM 2022, proposaient une lecture, à la fois textuelle et musicale avec comme question : « Qu’écrivait une auteure et un compositeur sur l’un et l’autre? »  Même si cette question a trouvé réponse, le propos musical malgré une bonne construction nous a laissé un peu sur notre faim.

En ouverture de séance, Esther Laforce à rappeler que les échanges épistolaires présentés ne sont pas la correspondance intime entre les deux amants, celle-ci ayant été détruite, mais plutôt des lettres envoyées à leurs amis et dans lesquelles ils parlaient de l’un et de l’autre. C’est donc à travers des lettres adressées entre autres à Eugène Delacroix et à l’homme politique polonais Albert Grzymala que nous voyons se construire la relation de George Sand – Aurore Dupin, baronne Dudevant de son vrai nom – et Chopin. Les pièces choisies servent alors d’illustration musicale au texte des lettres dont l’oratrice nous faisait lecture. Quels morceaux par contre ? Nous n’en savons rien. Aucun programme, aucun soutien visuel pour nous aider à nous repérer dans ce sens. Les connaisseurs auront sans doute reconnu en autre le Prélude no 15 en bémol majeur dit « Gouttes d’Eau », mais les autres extraits, interprétés avec grande justesse par Melançon, il faut le savoir. On se serait pourtant attendu à savoir qu’elles sont les noms des pièces interprétées par le pianiste.

Nous pouvons absolument saluer le travail de recherche, l’excellente mise en contexte et le récit dressé par Esther Laforce, mais nous aurions aimé en avoir plus à nous mettre sous la dent. Au final, nous en avons appris sur l’un et l’autre, mais nous en aurions pris plus de ce fameux séjour à Majorque et de cet emménagement dans la chartreuse de Valldemossa qui arrive en fin d’activité et qui est si intrinsèquement lié au développement et à l’écriture des préludes. Le filon est bon, mais gagnerait à être élargi.

Alexandre Villemaire

Un OVNI à la Virée classique : humour et énergie au Complexe Desjardins

La scène du Complexe Desjardins est une idée fantastique. Quoi de mieux que de d’écouter un concert pendant le repas ou encore pendant le magasinage. L’installation durant la Virée classique a été une belle occasion d’entendre des orchestres talentueux en fond. Il a été cependant impossible d’ignorer l’énergie du concert donné sur l’heure du lunch de samedi.

L’OVNI (Orchestre à vent non identifié) a rempli l’espace du Complexe avec ses sons amples et son répertoire éclectique. La mise en musique de contes et d’histoires qui ne cachent pas leur humour absurde a été un succès, notamment grâce à la variété des styles choisis et une section de cuivres solide qui a su donner de la puissance à l’orchestre. Pleines de contraste, les œuvres étaient délicieusement frivoles à certains moments, puis imposants et pesants à d’autres. Difficile de ne pas remarquer le fameux Dies Irae dans la partition.

Alexis Ruel

Voyage à travers l’Europe et les styles à la harpe

Matt Dupont a fait découvrir au public le répertoire fascinant et varié pour la harpe. L’Espace culturel Georges-Émile-Lapalme n’était peut-être pas le meilleur endroit pour présenter un récital pour harpe seule, même amplifiée. En effet, l’Espace culturel se trouve à être un carrefour très passant et bruyant, faisant en sorte que les passages plus doux et plus graves étaient presque inaudibles. Malgré tout, Matt Dupont attire l’écoute par sa présence sur scène : après quelques notes à peine, un silence attentif s’est installé parmi les spectatrices et les spectateurs.

Au programme, quelques œuvres des 19e et 20e siècles, alliant grandes cascades de notes, passages virtuoses et mélodies humoristiques. L’interprétation de Dupont est fluide, gracieuse, assurée et puissante. On est captivé et même hypnotisé par la beauté de la musique. Entre chaque pièce, le musicien a présenté rapidement l’œuvre et son compositeur (ou sa compositrice!), élément bienvenu à cette courte prestation. Malgré les inconvénients du lieu de concert, on apprécie tout de même les œuvres et les interprétations.

Elena Mandolini

La « petite » grande musique d’Obiora et Payare

Crédit photo : Antoine Saito

Premier ensemble de musique de musique canadien constitué en grande partie de musiciens et musiciennes professionnels issus de la diversité, l’Ensemble Obiora créé en 2021 par Allison Migeon est monté sur la scène de Maison symphonique pour conclure sa deuxième année de participation à la Virée classique.  Il y a indubitablement un changement qui s’est opéré dans la dernière année quant à la vision et la portée de la Virée classique. Qu’un jeune ensemble comme Obiora soit partie prenante de la programmation et que le chef de l’Orchestre symphonique de Montréal vient les diriger pour les aider à grandir, témoigne de l’intérêt de Payare pour donner de la visibilité à d’autres ensemble.

Pour l’occasion, le chef avait choisi des pièces courtes, mais non moins dépourvues d’effets.Il pourrait être facile de tomber dans la facilité avec une pièce universellement reconnaissable comme la Petite musique de nuit de Mozart. Pas avec Rafael Payare. Tel un maître orfèvre, il va chercher des nuances et dynamiques précises, invitant les musiciens à aller jusqu’au bout des lignes musicales pour donner une complexité à cette œuvre des plus connues. Pièce phare du concert la Symphonie concertante pour deux violons no 2 en sol majeur du compositeur Joseph Boulogne, chevalier de Saint-Georges, né fils d’esclave en 1745, à vue s’associer le violon solo de l’OSM, Andrew Wan, à la violon solo d’Obiora, Tanya Charles Iveniuk dans une performance des plus dynamique et électrisante. Dans une forme inspirée du concerto grosso de l’époque baroque, les deux solistes se sont livrés à un vibrant dialogue instrumental soutenu par les membres de l’orchestre, particulièrement dans la cadence du deuxième mouvement toute la fraîcheur et la vitalité de la musique du chevalier est exprimée. Le langage musical romantique traité à la sauce classique de la Suite Holberg est venu conclure le concert. Nous avons d’ailleurs eu droit dans cette suite, après au moins une demi-heure de musique joyeuse et sautillante, au moment le plus introspectif du concert avec un Air au caractère pieux d’une douceur larmoyante. La soirée s’est terminée sur un ton festif et sous des applaudissements nourris où tant dans le public que sur scène, nous pouvions déceler un sentiment de fierté.

Alexandre Villemaire

Causerie-éclair avec Nantali Indongo

Nantali Indongo est l’animatrice de l’émission The Bridge à la radio de la CBC. On la connaît également sur la scène musicale montréalaise pour avoir fait partie durant 17 ans du groupe hip-hop Nomadic Massive. Mais dans le cadre de la Virée classique, c’est plutôt ses talents de conteuse qui seront mis à contribution. En effet, c’est elle qui sera la narratrice pour le Fiddler’s Tale de Wynton Marsalis, un conte où une talentueuse violoniste pactise avec le diable.

Le temps manquait à Nantali Indongo, cette dernière n’ayant qu’une vingtaine de minutes à consacrer à l’intervieweur avant de devoir se rendre au test de son en préparation de l’œuvre de Marsalis. Une entrevue courte, mais malgré tout très enrichissante sur les mélanges des genres musicaux s’est tenue à l’Espace culturel Georges-Émile-Lapalme. Wynton Marsalis est connu principalement pour son œuvre jazz, mais il compose tout aussi bien pour des contextes plus classiques. Dans Fiddler’s Tale, l’idiome jazz est subtilement intégré à la partition de tradition classique d’une manière si fine qu’elle va de soi. La conversation s’est cependant rapidement éloignée du lien entre jazz et classique pour plutôt discuter de hip-hop et de rap. C’est en fait une très brève et condensée histoire de ces styles qui a été présentée, comme quoi la Virée classique est la scène des rencontres musicales en tout genre.

Elena Mandolini

Les classiques du cinéma selon l’orchestre FILMharmonique

L’orchestre FILMharmonique, dirigé par Francis Choinière, est un orchestre montréalais essentiellement à cordes qui se spécialise dans l’interprétation de musique de film. On les connaît pour leurs ciné-concerts à la Maison symphonique ou à la salle Wilfrid-Pelletier, où la musique est interprétée durant la projection d’un film.

Dans le cadre de la Virée classique, l’orchestre FILMharmonique a présenté ses trames sonores favorites. Les pièces au programme sont assez attendues : La panthère rose, Cinema paradiso, La liste de Schindler et Seigneur des anneaux se succèdent. Mais l’orchestre réserve également quelques belles surprises au public, notamment un pot-pourri des thèmes du film Ratatouille, ou encore de La passion d’Augustine (dont la trame sonore de ce dernier film a été composée par François Dompierre).

Les musiciens de l’orchestre offrent un beau spectacle. Leur énergie et celle du chef est contagieuse. Bien des œuvres se terminent par une forêt d’archets suspendus dans les airs. Les solistes de la soirée (un hautboïste, une flûtiste et une violoniste) sont excellents et interprètent les œuvres avec une grande sensibilité. On redécouvre avec plaisir des morceaux très connus du répertoire de musique de film, dans la bonne humeur et le plaisir.

Elena Mandolini

Godwin Friesen en récital, délicatesse, suavité et précision

Crédit photo : Antoine Saito

Pour la majorité présente à ce récital, c’était la découverte de Godwin Friesen, lauréat du Concours OSM 2022. Ce qui frappe d’emblée chez ce jeune homme, c’est l’alliage de délicatesse et de fermeté dans son jeu pianistique. On l’observe d’abord dans la Sonate pour piano en la bémol majeur, Hob. XVI:46 de Joseph Haydn, veloutée et impeccable de précision.  Du compositeur de la période classique, on passe à un Prélude et fugue en la majeur composé par l’interprète et inspiré de Bach. On devine alors la grande intelligence du musicien, capable d’actualiser l’esthétique du génie allemand de la période baroque avant de nous servir le plat de résistance, soit une Sonate très moderne de la compositrice canadienne Jean Coulthard (1908-2000).  Le jeune virtuose conclura avec la très exigeante Rhapsodie hongroise no. 6 de Franz Liszt, un passage obligé de la musique de piano pour tout interprète ayant  de grandes aspirations. Encore là, la suavité de Godwin Friesen repose à la fois sur la sobriété de son jeu et sa précision et son éclat aux moments opportuns.

Alain Brunet

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