Le Canadien n’était plus en série. Le concert était gratuit. La manifestation de la fête des travailleurs était terminée. Vous n’aviez donc aucune raison valable de ne pas être présents, ce mercredi 1er mai, pour assister à ce concert jazz et musique du monde de la faculté de musique de l’Université de Montréal. Heureusement, la Salle Claude-Champagne était assez remplie, bien qu’il restait des places. Alors je vais vous raconter ce que vous avez manqué. Pour que, l’an prochain, vous y soyez!
La soirée a commencé par la prestation d’une nouvelle formation: l’Ensemble de tango, âgé d’à peine quelque mois mais déjà prometteur.
Dirigé par le doctorant Amichai Ben Shalev avec l’aide du professeur Jonathan Goldman, tous deux aux bandonéons, l’ensemble a exécuté des arrangements classiques de tango des années 40 et 50, comme Bahia Blanca, Danzarin, Dojos Negros et La Mariposa.
Pour compléter l’ensemble, on retrouvait sur scène quatre violonistes, un altiste, un violoncelliste, un contrebassiste et une pianiste. Ce qui donne de la profondeur à la musique.
Cela dit, l’ensemble m’est apparu parfois un peu froid, malgré la beauté des arrangements. Si, comme moi, vous avez eu la chance d’écouter du tango dans des petites boîtes en Argentine, vous avez constaté le déchirement des instruments; les violons pleurent tellement qu’on croit en voir sortir des larmes.
J’exagère un peu, bien sûr. Et je ne veux surtout pas vous dire que cet ensemble démérite. Comme nous l’a expliqué Jonathan Goldman, ce projet est tout neuf, les étudiant.e.s y travaillent hors de leurs cours, par passion. Et cette passion finira par transparaître dans le jeu des musiciens. En ce sens, de terminer sur une pièce d’Astor Piazzola, Lo que vendrá (ce qui viendra) apparaissait prophétique. Cet ensemble est à suivre.
En deuxième partie, nous avons eu droit à une expérience dont Julian Gutierrez Vinardell, le directeur musical de l’Ensemble de musique du monde, était bien fier: intégrer un quatuor à cordes d’étudiants en musique classique à une partie de son orchestre le temps de deux pièces.
D’abord, un Round Midnight de Thélonious Monk très très cubanisé dans les arrangements, avec percussions, voix et cordes. Puis Footprints, du saxophoniste Wayne Shorter, où les cordes prennent la place du saxophone. Arrangements audacieux, percussions de feux, très original. Je ne suis pas sûr que la fusion avec les cordes ait été optimale, mais, je vous le rappelle, ce sont des étudiant.e.s; s’attendre à la perfection ne tient pas la route. Et l’essai mérite d’être répété.
Pour la troisième partie, les cordes laissent place aux cuivres et le party jazz latin démarre. Ça part sur deux compositions du Cubain en résidence Julian Gutierrez Vinardell qui mène une carrière musicale prolifique à Montréal et ailleurs, en plus d’enseigner. Avec plusieurs enregistrements jazz à son nom, comme pianiste.
Les douze musicien.ne.s, en particulier les trois percussionnistes (batterie, congas, timbales), nous font rapidement comprendre qu’on n’est pas ici dans une musique cérébrale. On se lance dans le merengue, la cumbia, la rumba et tous les styles cubains, dans une posture festive. Et ça déménage.
Les deux chanteuses, Maude Brodeur et Marie-Ève Caron, déjà entendues en mars dernier avec le Big Band de l’université, ont un défi à relever de chanter en espagnol sur des rythmes parfois pas évidents. La section de cuivres plurielle intervient périodiquement pour ajouter de jolies harmonies à l’ensemble. Le pianiste, Joseph Piuze, a du talent pour improviser tout en assurant l’ossature mélodique du groupe.
Et Julian Gutierrez est omniprésent: il chante, joue des percussions, encourage tout le monde. Son plaisir d’être sur scène avec ce groupe d’étudiants est contagieux. Il a un côté showman, ce Julian.
Après dix minutes, quelques spectateurs se lèvent pour danser. Lors de la dernière pièce, El Guararey de Pastora, de Roberto Baute Sagarra, les trois quarts de la salle sont debout et se dandinent.
Bref, une soirée riche, musicalement et émotionnellement ! Soyez-y l’année prochaine!
