Vendredi a été mon baptême du 44ᵉ Festival de Jazz de Montréal. S’y replonger est toujours une bénédiction, spécialement quand il fait beau. En coup de vent, j’ai pu regarder des extraits de performances de Sunny War, qui réinvente le blues, en plein air, puis de la poétesse jazz Aja Monet, à l’intérieur. Ces deux concerts étaient gratuits, c’était plus que du bonbon.
Entre-temps, je pouvais apercevoir des enfants qui se baignaient dans les fontaines du Quartier des Spectacles et des gens de toutes origines qui se dandinaient, discutaient, souriaient. La grande scène extérieure était remplie pour écouter le jazz fusion de Cory Wong. Ce n’est pas ma tasse de thé, mais la foule semblait éprouver du plaisir. L’éclectisme du festival est très fédérateur.
Ma destination privilégiée de cette soirée était le Gésu, pour y entendre le trompettiste Ambrose Akinmusire performer en solo. Le trompettiste prodige de 42 ans est seul sur scène, presque complètement dans l’ombre. Seule sa trompette parle, parfois accompagnée de bruits de voix.
Mais quelle trompette mes amis ! Un son plein, qui habite tout l’espace. Où la virtuosité alterne avec des longues notes… et des silences parlants. Nous sommes dans la veine de son album Beauty is enough (2023), performé aussi en solo. Ambrose Akinmusire explore tous les orifices de son instrument. Il arrive à faire sonner la trompette de mille façons : parfois, c’est un long souffle de vent; parfois, le son de sa voix semble harmoniser avec le cuivre. Cette trompette éructe, argumente, berce, crie, miaule, calme, rugit, chante. Elle explore tous les demi-tons et quarts de tons possibles et impossibles. Tous ces glissements de notes qui nous font voyager dans nos têtes. Avec juste un peu de réverbération.
Je ne suis pas toujours un grand fan de la trompette. Mais celle d’Ambrose est flottante, poétique, savante, émotive, dénudée. Le monsieur est aussi un grand compositeur, comme l’ont démontré ses autres albums en groupe. À la fin du concert, il a fini par nous adresser la parole, nous expliquant que ce récital est, en partie, un dialogue imaginaire avec d’autres trompettistes décédés, notamment Roy Hargrove et Wallace Rooney. Pour ma part, au fil de l’écoute, j’ai imaginé une méditation infinie, une session de thérapie, une guerre atroce, des gens qui déblatèrent dans des manifestations et des moments de tendresse absolue. Mes voisin-e-s de siège ont sans doute entendu tout autre chose.
On entendait parfois des claquements étranges durant la prestation. Était-ce un problème de sonorisation ou des effets souhaités par le trompettiste ? Le débat entre spectateurs après le concert est resté ouvert.
Aujourd’hui, Ambrose récidivera au Gésu en compagnie du vétéran contrebassiste britannique David Holland. Plusieurs d’entre nous y retourneront.
crédit photo: David Becker pour Wiki