Tant qu’on ne peut en témoigner, le concert d’un octogénaire, voire quasi nonagénaire, est loin d’être un succès assuré. Il se peut même que la performance soit pire que la plus récente de Joe Biden… Il arrive qu’une vieille personne ne peut plus offrir grand-chose sauf sa propre légende, il vaut mieux alors rester à la maison. Ce ne fut heureusement pas le cas de George Coleman, 89 ans, pas arrêtable ! Et pas un seul cheveu gris, avons-nous noté. Nous sommes bel et bien à l’aube de la trans-humanité!
Blague à part, ce désormais mythique tenorman, invité deux soirs consécutifs à l’Upstairs cette semaine, manifestait une verdeur remarquable, bien assis devant son ténor. Jeudi soir, son petit ensemble était constitué du batteur Darrell Green et du contrebassiste Ira Coleman – aucun de lien de parenté avec son employeur, on exclut également les équipements de camping de ses accointances.
S’ajoute à ce noyau un invité aux ivoires, Montréalais d’adoption depuis qu’il y enseigne au niveau universitaire : le pianiste français Jean-Michel Pilc accepte de relever moult défis dont celui d’accompagner George Coleman, visiblement satisfait de cette contribution virtuose à sa propre escale montréalaise. On peut le comprendre. Pilc a une maîtrise admirable du répertoire ici proposé.
Et quel est ce répertoire ? Bebop et hardbop dans les thèmes et progressions harmoniques, swing polyrythmique jamais éloigné du blues, et pourquoi pas Some Day My Prince Will Come ou même la Fille d’Ipanema en fin de parcours ?
Grosso modo, se dit-on au sortir de ce set généreux et très sympa, les phrases de George Coleman n’ont certes pas le tonus de ses grandes années (50 et 60) , mais se dégonflent pas pour autant en cours d’exécution. De son saxo, le vieux sorcier extirpe des sonorités moins robustes et moins agiles mais riches, rondes, belles, sages.