électronique

Igloofest 2e soir : gros menu avec Apashe, Marie Davidson, Dileta

par Loic Minty

Marquée par des contrastes musicaux sauvages et des approches audacieuses, cette deuxième soirée d’Igloofest nous rappelle une fois de plus le dynamisme de la scène locale montréalaise. Nous avons une fois de plus été témoins de la puissance des breaks et des basses pleine puissance. Alors que les dj’s montaient le son, nous avons vu la montée en puissance des légendes locales de la récolte dans une exposition parfaite de la musique de danse.

La tête d’affiche de la scène Videotron était nulle autre que Marie Davidson. Dans ce dj set, son emblématique son synthwave a révélé ses origines dans un flux constant de techno analogique de fin de soirée, couronné par certains de ses propres morceaux comme Work it qui a fait perdre la tête à la foule. Marie Davidson nous a donné un aperçu de son génie musical et, comme lors de ses concerts, sa présence aux yeux écarquillés et ses paroles honnêtes ont attiré sans effort la foule dans son aura audacieuse et sans complexe.

Avec cette énergie, Honeydripp a prouvé une fois de plus qu’elle était la reine des sons cinétiques en liquéfiant les genres dans son propre mélange de breaks, de basses et un remix groovy de Fergalicious. Jouant avec le silence et l’espace, ses rythmes taquinent la ligne des modèles reconnaissables, occasionnellement interrompus par des sections basses influencées par le dub qui secouent la scène.

En terminant sur une note positive avec des breaks hachés qui entrent et sortent du temps, la réputation de homegrown harvest pour les longues nuits de danse n’a pas été démentie. Alors que Dileta nous entraînait dans un tourbillon temporel de rythmes de batterie de plus en plus riches et de séquences de basses acides à faire exploser le toit, la foule a rapidement compris qu’il s’agissait d’une expérience sans pareille. La vaste sélection de morceaux dark leftfield de Dileta, les transitions fluides et les accents tranchants des samples rétro ont fait groover les jeunes et les moins jeunes d’un côté à l’autre dans l’unisson.

Pendant ce temps, sur la scène de Sapporo, nous avons assisté à une montée en puissance de la folie avec Jeska, qui a réalisé une performance virtuose de drum and bass, passant d’un son large avec des breaks minutieusement précis à un style hard qui fait vibrer les têtes. Imanu n’a eu aucun mal à maintenir cette énergie grâce à ses textures synthpop bienfaisantes et a fait rebondir la foule sur des samples pop classiques mélangés à une house densément énergique.

Il semblait que la nuit se poursuivrait dans cette succession de sons de plus en plus extatiques, jusqu’à ce que, soudainement, la musique classique du répertoire d’Apashe transforme tout le festival en une scène de l’Enfer de Dante.

Alors que la brume de la rivière recouvrait progressivement les lumières fluorescentes, les gens commençaient à ralentir, s’attendant presque à ce qu’une ballerine se lance dans un pas chassé. Mais tout cela faisait partie du plan d’Apashe. Après 20 bonnes minutes, un manifeste apparaît sur l’écran et, en un instant, la scène est inondée de stroboscopes.

Le reste de la soirée était la propriété d’Apashe. Avec sa conception artistique de l’EDM combinée à la scénographie et au son à l’échelle du stade, elle restera dans les mémoires. Son style « majestueux » se caractérise par l’utilisation de visuels cinématographiques en synchronisation avec les transitions et les instruments, créant ainsi une expérience audiovisuelle hypnotique. Après un set riche en émotions, Apashe nous laisse une fois de plus avec les douces sonorités d’un orchestre qui nous emmène dans les rues de neige. Le bourdonnement de la foule se transforme en cris et nous savons tous ce dont nous venons d’être témoins : ce vendredi, l’Igloofest est à la hauteur du battage médiatique.

Première soirée Igloofest: DJ Minx côté techno

par Loic Minty

Avec la fumée qui souffle au-dessus des platines, DJ Minx fait appel à l’esprit de la musique électronique avec sa présence contagieuse.

En tant que pionnière du Detroit techno, c’est plus qu’approprié qu’elle joue durant cette première soirée du festival Igloo Fest et nous comprenons vite pourquoi. C’est avec aisance et joie qu’elle performe, mais c’est sa démarche qui la fait briller. Les gens arrivant de Sapporo, se rapprochent avec incrédulité vers cet espace intime où la foule danse en transe devant les 4 subwoofers. Les échantillons classiques de soul et disco typiques du style Detroit remplissent l’imagination avec des extraits de paroles et les basses font vibrer tout le corps. Elle termine sa performance sur un morceau enflammé que Félix Patry maitrise et relance avec un breakbeat pour débuter son set éclectique à haute vitesse. Naviguant avec facilité entre une panoplie de styles tels que le baltimore club et l’euro-dance, sa présence insouciante ne fait pas justice aux gens qui sautent en délire jusqu’à la toute fin à en perdre leurs vêtements. Ce mince aperçu du collectif Homeby6 et du festival Igloo Fest donne une soif pour la vie nocturne qui devra être continuée une autre fois. Heureusement que ce n’est que le début.

Première soirée Igloofest 2025: la fête de Tali Rose et Michael Bibi

par Félicité Couëlle-Brunet

Il est 20:30 et tout le monde attend le producteur et DJ londonien avec impatience devant  la Scène Sapporo. La joie et la bonne humeur règnent sur une cadence rythmée qu’apporte notre entourage vêtu de combinaisons hivernales assorties pour une soirée de fête.

Ça fait un moment que nous nous enjaillons sur les rythmes indie-house mélodieux de Tali Rose. Le rythme est bon, la danse est organique et la house est progressive. Petit à petit, les gens commencent à entrer en transe  alors que la DJ montréalaise augmente progressivement les fréquences de ses mélodies, jusqu’à nous faire danser sur un air presque tribal pour mettre en scène l’entrée de son collègue.

Michael Bibi a tôt fait d’implanter une dimension house assumée à la soirée, ce qui anime la foule. C’est à partir de ce moment-là qu’on se sent voyager dans les années 2010 manière dance–pop,  grâce à un attroupement de danseurs enjoués sur des mélodies up-beat. Le tout reste de la house minimale, ce qui fait que tout le monde peut danser à son rythme.Bibi souligne régulièrement son amour pour la scène blues et jazz depuis toujours, et ça se sent par ses samples de chansons remixées avec de la tech-house. A la fin de trois heures d’excitation dans la neige, la soirée se termine avec un classique de la deep-house electro, Pump Up The Jam,  ce qui insuffle un regain d’énergie à la toute fin de la soirée. La bonne énergie reste avec nous  première soirée d’Igloofest 2025 en aura été une de célébration.

chant lyrique / classique occidental / orchestre / période moderne / période romantique

OSM | Les Mahler, Payare et l’OSM: Entre grondement intérieur, lumière et fatalité, une soirée percutante. 

par Hélène Archambault

L’OSM a fait un choix éclairé de présenter les œuvres d’Alma Mahler et celles de son mari, Gustav, lors du même concert pour inaugurer 2025. L’interprétation des œuvres d’Alma côtoyant celle de son illustre mari est un clin d’œil contemporain à cette époque où plusieurs femmes musiciennes renoncent à leur carrière pour soutenir celles de leur mari.  

À vingt-trois ans, Alma, née Schindler, fréquente le milieu artistique Viennois, compose des lieder et tient à son indépendance artistique et intellectuelle. Elle rencontre Gustav Mahler en novembre 1901. De vingt ans son ainé, il conclut un marché avec elle : pour devenir sa femme, elle doit renoncer à ses aspirations de compositrice. Passionnément éprise, elle accepte et le mariage est célébré le 9 mars 1902.

Malgré cette « interdiction » de composer, Gustav suggère à Alma de retravailler les lieder et de les faire publier (dans les notes de programme, Catherine Harrison-Boisvert note que « Gustav semble avoir voulu faire amende honorable »). Il est heureux que les lieder d’Alma aient été ainsi extirpés de l’anonymat. Leur interprétation est une première pour l’OSM. Avec ces 5 lieder, l’orchestre offre une expérience d’écoute sensible, et, dans mon cas, de découverte. In meins Vaters Garten (Dans le jardin de mon père) est particulièrement touchant. La voix profonde et éclatante de la mezzo-soprano Beth Taylor est mise en valeur par l’écriture expressive de la compositrice. Mon seul bémol ?  L’orchestration de Colin et David Matthews. Un léger débalancement entre les deux partitions se fait malheureusement au détriment de la voix.

De la Sixième Symphonie, appelée « Tragique », Alma écrit qu’elle est l’œuvre la plus personnelle de son mari, celle qui serait jaillie le plus directement de son cœur. Elle rapporte aussi qu’à travers l’écriture de la Sixième Symphonie Gustav anticipe sa propre vie en musique. Trois coups du destin, symbolisés par autant de coups de marteau dans le finale – seuls deux coups seront conservés – se sont abattus sur lui aussi : la perte de leur fille Maria, emportée par la scarlatine, un diagnostic d’une maladie cardiaque incurable ainsi que la perte de son poste à l’Opéra de Vienne. La Sixième de Mahler ayant été écrite avant ces événements, cette interprétation est discutable. Mais ce récit vaut la peine d’être relaté, ne serait-ce que pour marquer l’imaginaire ! Et peut-être aussi un peu pour permettre au commun des mortels de s’attacher un peu plus au compositeur ?

Parlant d’attachement, l’OSM et Payare, dans leur interprétation, passent par le bon chemin. Dès la première mesure, le tempo est énergique sans être effréné. Le ton est donné. Le premier mouvement se déroule entre le militaire et l’évocation d’Alma, incarnée par les cordes. L’Orchestre alterne entre grondement et lumière. Payare semble jouer avec le rythme. Quoique réglé comme un métronome, le temps avec lui semble plus souple, plus vivant. Les pages de grande beauté du second mouvement exposent un dialogue entre les bois et les cuivres, où le jeu de l’orchestre est limpide. Le troisième mouvement, presque onirique, et la finale se succèdent sans trêve. Cet enchaînement semble permettre à l’orchestre de nous envouter pour finalement nous plonger dans une débandade d’émotions dans le genre « being Gustav Mahler » jusqu’à la fin. Juste l’écrire m’essouffle – l’énergie déployée par le chef d’orchestre doit faire l’envie des plus grand·es sportif·ves. Symphonie « Tragique » vous dites ? Entre enchantement, douceur et tragédie, on ne sort pas tout à fait indemne de la maison symphonique.

crédit photo: Gabriel Fournier

électronique / hip-hop / indie pop

Igloo Nouvel An: magie de minuit sur le quai Jacques-Cartier

par Léa Dieghi

Si les feux d’artifice lancés à la suite du décompte ont illuminé la scène de l’Igloofest, c’est véritablement la puissance de l’éclectisme de la musique québécoise qui a su éclairer cette fin d’année. En ce 31 décembre 2024, l’eau du fleuve saint-laurent semblait vibrer sous les accoups des basses, nous étions plus d’une cinquantaine de milliers à avoir dansé sur le quai Jacques-Cartier, pour fêter notre entrée en 2025. 

Ensemble. 

Doucement, la soirée commence. Les premières centaines de personnes se réunissent timidement face à la scène. On pousse les poussettes, réunit les enfants qui partent en courant aux quatre coins du festival. Des groupes d’amis ont déjà des bières dans les mains.   

Il y a les corps qui bougent, les instruments qui s’activent. 

Sans vraiment crier gare, alors que je m’achète un café à la crème d’érable -spécialité alcoolisée de l’Igloo, parfait pour se réchauffer le bout des doigts- les premières notes de musique détonnent, et la voix de Robert Robert réverbère à l’autre bout du site. 

Il est 20h, le show démarre.

Ils sont quatre sur scène et, dans leurs tenues décontractées, ils paraissent si petits sur l’immense scène de Vidéotron. Robert Robert, dans son jeans et son hoodie rouge, sautille partout. Il est volatil, sa voix est empreinte d’une joie de vivre qui coïncide avec son genre musical. Un peu pop, un peu house. De la musique électronique accompagnée de son lot d’acoustique, et dont les paroles aux histoires quasi universelles d’amour et d’amitié, de galères et de quotidien, font trémousser les premiers corps de cette soirée de fin d’année.

Entre ses chansons, l’auteur-compositeur-interprète n’hésite pas à partager avec le public, on est plusieurs à esquisser un sourire quand il nous dit que ses bas sont mouillés, parce qu’il a décidé de se produire sans chaussures. 

Puis, un peu comme il est entré, il repart avec humilité, sous les applaudissements du public, et le début du court DJ SET de Tallandskiinny. 

Alors on danse, de Stromae, Around the world de Daft Punk, Empire state of Mind d’Alicia Keys et de Jay-Z, pour ne citer qu’eux. Elle enchaîne les classiques des années 2000, véritable mash-up venu du passé et terrain fertile pour l’entrée en scène du groupe québécois hip-hop, un peu hybride mais carrément mythique, Alaclair ensemble. 

Avec une attitude de rois du monde, ils s’imposent sur la scène en commençant par leur titre La Famille. L’auditoire est déjà extatique, la performance est à couper le souffle. 

Entre hip-hop, funk, house, electro, et trap, ils enchaînent les classiques. La caméra les suit de près, tandis qu’ils sautent aux abords du public. Maintenant, la foule est véritablement déchaînée. Cette facilité avec laquelle leurs titres se succèdent, sans jamais perdre de leur énergie, est presque déconcertante. Ici, on a affaire à des gars qui savent ce que ça veut dire, réchauffer une piste de danse. En plein milieu de leur performance, l’hymne national du Canada en français retentit. Moment de pause, tout le monde chante en choeur. Et c’est reparti. Iconique !

Ce soir, Alaclair Ensemble semble avoir voulu nous donner une leçon: c’est comme ça, qu’on gère une foule. 

Après les beats électro, ils démarrent un slow. Avec une chanson d’amour, les couples se réunissent. Et sans vraiment qu’on s’y attende, ils disparaissent dans les coulisses. Leur show est fini, j’en aurai voulu encore plus. 

Nouveau DJ set, cette fois-ci de DJ POPTRT. Elle élève l’énergie un cran au-dessus, Champion et ses G-strings la font redescendre rapidement mais…

Ils ont beau avoir commencé doucement, nous sommes en milieu de performance,  la foule est encore plus dansante. Plusieurs personnes autour de moi me disent être venues spécialement pour la performance de cet OG de la musique électronique québécoise. Leur live est captivant, et beaucoup plus soul-jazzy que je m’y attendais. Les gens ont le sourire aux lèvres, certains chantent de concert avec la chanteuse soliste. Ça fait du bien au cœur. 

A l’approche de minuit, le site est tellement dense que la circulation en devient difficile. Pourtant, les gens continuent de se rapprocher les uns des autres, alors que CRi entre en scène, précédé par Arielle Roberge. 

Seul, face à la foule, accompagné par ses synthétiseurs et drum machines, CRi nous embarque dans son electro-house envoutante. Bientôt accompagné de Jesse Mac Cormack, puis de Louis-Jean Cormier et Klô Pelgag, Cri et ses invités nous escortent ensemble vers cette fin d’année. 

“10,9,8,7,6,5,4,3,2,1…” Les feux d’artifices explosent dans le ciel. Nous crions en accord. J’enlace mon amie en lui souhaitant une bonne année. Quelques larmes coulent sur son visage. Je réalise soudainement que toutes ces personnes autour de moi, inconnues et connues, partageront pour toujours ce souvenir vibrant de la performance de CRi et ses invités, derniers moments de 2024, et premiers bruissements de 2025. 

Electro-pop, R&B, hip-hop, trap, soul, jazz, indie-electronic, house, pour finir sur de la techno/tech-house mixé par LAURE, cet événement Igloo du Nouvel An se conclut en haute intensité de bruits et de mélodies, les pieds dans la boue d’un sol piétiné par les milliers d’enfants, familles choisies ou non, danseurs.ses, et amoureux.ses. 

Merci Igloo, son staff, ses bénévoles, et tous ces incroyables artistes pour la création de cet effort collectif et de cette célébration. 2025 commence avec le cœur débordant de musique. 

crédit photos: Alexis Monet

baroque / chant choral / classique moderne / classique occidental / période romantique

UdeM | Des voix lumineuses dans une calme nuit chorale

par Alexandre Villemaire

La nef de l’église Saint-Viateur d’Outremont était garnie d’une constellation de gens de tous âges rassemblés pour venir assister au concert, adéquatement baptisé Nuit d’étoiles, de La Chorale de l’Université de Montréal, dirigé par le chef et professeur invité à la Faculté de musique Matthew Lane, accompagné par Myriam Bernard au piano. Un concert qui était placé sous le thème intemporel de la nuit : une inspiration quasi infinie aux compositeurs et compositrices et est une manne excellente pour n’importe quelle direction musicale d’un ensemble pour sa programmation.

Les oeuvres choisit qui articulaient autour de cette thématique étaient des pièces profanes et religieuses de différentes époques, allant de la Renaissance au romantisme en passant par la musique chorale « contemporaine », soit composée par des compositeurs encore vivants. Le concert s’est ouvert avec la pièce-titre de son évènement : Nuit d’étoiles. Pièce très connue de Claude Debussy, originellement faite pour voix solo, l’ensemble a interprété une version arrangée pour quatre voix efficaces qui traduit assez bien le timbre original de la mélodie. La pièce suivante, O Schöne Nacht de Brahms, poursuit dans le même esprit avec des harmonies tout aussi diaphanes, mais plus conservatrices dans leur traitement. Ces deux pièces nous ont permis de constater d’emblée la qualité et l’homogénéité vocale qui se dégagent de cette chorale. Essentiellement composée d’étudiant·es de la Faculté de musique qui le suivent comme cours dans le cadre de leurs études, la chorale est également ouverte pour les personnes provenant d’autres facultés qui disposent déjà de connaissances musicales de base.

S’ensuivit une portion de chants à portée liturgique, soit deux Ave Mari Stella – où la Vierge symbolise l’étoile de la mer pour les marins – d’Edward Elgar et Tomas Luis da Victoria ainsi que le Stabat Mater du compositeur liechtensteinois Josef Rheinberger. Cette œuvre était la plus contrastante des trois œuvres religieuses et parmi les plus variées au niveau des dynamiques au programme. L’évocation dans ce poème du Moyen-Âge de la douleur de la mère du Christ qui assiste à sa crucifixion a été interprétée avec justesse et témérité, notamment par les voix d’hommes qui ont entonné les premières notes avec une justesse vindicative. Le caractère à la fois tourmenté et lyrique de l’œuvre a porté un nouvel élan dynamique et stylistique au programme qui est demeuré, à l’image de la voûte céleste, pétri de sonorités éthérées et de nuances douces et méditatives. Ainsi, les pièces Anand du compositeur cree Andrew Balfour, Viri Galilæi de Gonzague Monney, Stars de l’Afro-Américain George Walker et The Language of the Stars de Katerina Gimon perpétuaient cet état d’esprit. La pièce de Gimon était une autre pièce qui se démarquait du lot par son esthétique lumineuse accompagnée d’un rythme actif, sautillant et claironnant. La création de la compositrice Caroline Tremblay Empreintes enneigées était intéressante sur le plan du timbre vocal, mais redondante au niveau du développement motivique. L’élément percussif contrastant souhaité, incarné par la podorythmie de Benjamin Tremblay-Carpentier – le « tapeux de pieds » tel qu’écrit dans le programme –, était une idée mal exploitée dont la présence n’était pas totalement impertinente, mais qui, dans son utilisation, n’enrichissait pas le discours. À contrario, la pièce de clôture du concert Stars du compositeur letton Ēriks Ešenvalds faisait intervenir un savant et original mélange d’harmonies vocales combiné aux harmoniques naturelles produites lorsqu’on frotte le buvant de verres à eau. L’effet ainsi produit était tout bonnement céleste.

Les membres de la chorale ne sont peut-être pas tous des chanteurs ou chanteuses d’expérience, mais nous avons pu constater le beau potentiel et la qualité certaine que la chorale de l’UdeM peut produire, notamment par une solide capacité de performance, une écoute et une attention diligente aux nuances et aux dynamiques souhaitées instiguées par le chef.

Au-delà de l’aspect performatif noté dans le cadre d’un cours académique, les éléments sur lesquels Matthew Lane devra se pencher dans le développement de la chorale sont la projection vocale de ses étudiant·es/choristes et l’intelligibilité du texte. Certes, l’acoustique de l’église sert grandement le répertoire choral dans son ensemble, en particulier des œuvres aux harmonies ouvertes et flottantes, mais, malgré les paroles et traductions de celles-ci fournies dans le programme, la compréhension des textes, notamment ceux en français, était hasardeuse. Entendre la chorale dans une plus grande variété de styles et d’esthétiques sera également un beau et plaisant défi autant formateur pour les choristes qu’agréable pour le public.

crédit photo: Tiago Curado

baroque / chant choral / chant lyrique

Ensemble Caprice et Ensemble ArtChoral | Un Messie divinement accessible

par Alexandre Villemaire

L’Ensemble Caprice et l’Ensemble ArtChoral, tous deux sous la direction du chef Matthias Maute, ont sonné la fin de la traditionnelle « saison des messies ». Devant une Maison symphonique fortement remplie pour un dimanche après-midi, les ensembles ont présenté leur version du fameux oratorio de Georg Friedrich Haendel. 

D’emblée, il faut le dire : la version de Caprice n’est pas nécessairement pour les puristes. Déjà en ouverture, Matthias Maute a présenté avec les musiciens « son » Hallelujah, une composition patine moderne classique dans laquelle le public était invité à participer en entonnant une mélodie simple qui formait un contre-chant compétitif avec les chanteurs et chanteuses de l’Ensemble ArtChoral.

Si l’attente du public était d’assister à un Messie de Haendel conventionnel d’environ trois heures avec le ritualisme habituel qu’appellent les salles de concert et l’aura de cette œuvre, alors vous risquez d’être déçu. Parlez-en à ma voisine de siège qui n’a pas passé un bon moment entre les interventions sympathiques de Matthias Maute et les applaudissements répétés du public entre les mouvements – que le chef n’a d’ailleurs jamais corrigés. Nous pouvons vivre avec des applaudissements sincères entre chaque air, dans la mesure où le contexte familier amené par Maute s’y prêtait. Mais des applaudissements pendant que l’orchestre s’affaire à donner la note pour le départ d’un récitatif… Au moins, cela n’est arrivé qu’une fois!

Cela étant dit, ces écarts aux usages du décorum n’affectent en rien la qualité globale du rendu de l’œuvre et de l’expérience musicale. La sélection des passages effectuée par Maute ne venait en aucun cas modifier le récit de la Nativité qui est au cœur de l’œuvre. La présentation qu’il a faite de chacune des parties, en déclinant les passages importants et la nature des interventions des personnages, était une médiation fort bien venue qui donnait à ce concert une ambiance ludique. La performance, quant à elle, était vocalement et musicalement engageante, magnifiée par une dynamique de scène qui se rapprochait pratiquement plus de l’opéra que de l’oratorio à la dimension plus austère. Les quatre solistes ont offert des performances senties et incarnées dont les affects ont encore une fois été mis en valeur par la présentation de Maute. Marianne Lambert était un ange Gabriel qui volait effectivement très vite avec des vocalises véloces et aériennes portées par un son cristallin. Sa performance, tout en contraste, de l’air « I know that my redeemer liveth » a été parmi les plus beaux moments du concert. La contralto Rose Naggar-Tremblay, même si elle n’avait pas le plus grand nombre d’interventions, les a livrées avec un sens dramatique où elle était autoritaire et « crachait du feu », notamment dans l’air « But who may abide the day of His coming ». Emmanuel Hasler, qui a aussi fait montre d’une présence scénique incarnée, était juste et royal dans ces interventions portées par un timbre cuivré, alors que Geoffrey Salvas en tant que « prophète qui aura réponse à toutes nos questions » était impérial et inquisiteur dans son air « The trumpet shall sound ». 

Aux performances des solistes, les chanteurs et chanteuses de l’Ensemble ArtChoral ont également fait forte impression dans une performance rigoureuse. Les intonations étaient justes, les nuances et dynamiques exécutées avec soin et intelligence. L’intelligibilité du texte était précise du début à la fin et entonnée avec vigueur. Seul petit accroc technique du concert : une confusion à l’orchestre pour une entrée royale de percussions et de trompettes précédant l’« Hallelujah ». Pour ajouter à la vivacité du concert, l’assistance s’est instinctivement levée alors que l’ensemble a entonné l’emblématique pièce.

Au final, dans la pléthore de concerts du Messie qui peuple le temps de l’Avent, la version de Caprice et d’ArtChora est un excellent compromis entre le traditionnel et l’accessible où la rigueur et la qualité ne sont en aucun cas sacrifiées. Au contraire, ce n’est que pur plaisir.

crédit photo: Tam Lan Truong

chant lyrique / classique occidental

OSL | Un Noël enchanteur

par Alexandre Villemaire

L’ambiance était à la fête pour la représentation du concert de Noël de l’Orchestre symphonique de Laval dont la direction avait été confiée pour l’occasion au jeune chef trentenaire Thomas Le Duc-Moreau.

Même s’il n’y a pas de neige à l’extérieur, le programme de la soirée nous entraînait tout de même sur des sentiers enneigés, avec une première partie, plus classique, dédiée aux deux suites de L’Arlésienne de Georges Bizet et une seconde partie dédiée au monde musical familier des célébrations de décembre.

L’Arlésienne n’est pas une œuvre qu’on associe nécessairement dans son ensemble au temps de Noël. La Suite no 1 a été composée pour servir de musique de scène à une pièce de théâtre d’Alphonse Daudet. La pièce en elle-même fut jugée comme étant un échec, mais la musique de Bizet suffisamment intéressante pour passer à l’histoire. De la première suite, nous connaissons tous la fameuse Marche des rois dont la mélodie enrobe l’essentielle du « Prélude » qui ouvre l’œuvre. Dans une attaque déterminée, les cordes ont entonné la mélodie à l’unisson dans une sonorité métallique. Les multiples variations dans ce mouvement de dynamique ont été amenées avec assurance par Le Duc-Moreau, notamment dans le passage marqué animé, auquel il a insufflé une grande vigueur. Dans le passage suivant, le solo du basson mené par Michel Bettez manquait cependant d’éclat, probablement dû à une prise de tempo un peu trop allante pour l’indication andantino. Le reste de la suite a été marqué par un « Menuet » au rythme sautillant et à l’orchestration lumineuse, un délicat « Adagietto » et une finale en « Carillon ». Malgré le caractère obstiné que commande la nature de mouvement qui imite une série de cloches, la balance entre les vents et les cordes était déséquilibrée. La Suite no 2, moins jouée, a eu son lot de beaux moments, notamment le « Menuet » qui tresse un duo entre la harpe et les vents auquel le grand orchestre vient apporter un élément de contraste ainsi que la « Farandole » qui réintroduit le thème de la Marche des rois pour se conclure dans une fanfare éclatante.

Au retour de l’entracte, nous avons eu droit à la portion que nous pourrions qualifier de populaire du concert avec un défilé d’œuvres orchestrales et vocales de Noël. Après une interprétation par l’OSL de la « Sicilienne » tirée de Pélléas et Mélisande de Fauré, le baryton Olivier Bergeron a chanté le classique Petit papa Noël d’Henri Martinet dans un très bel arrangement idiomatique d’Éric Lagacé. L’orchestre a par la suite enchainé avec A Christmas Festival de Leroy Anderson, un des classiques par excellence du répertoire orchestral du temps des fêtes.  Le défi dans ce pot-pourri de plusieurs airs et cantiques de Noël connus réside dans les différentes transitions et les changements de caractères et de dynamique propres à chaque pièce. Thomas Le Duc-Moreau a dirigé cette pièce avec précision et élégance, passant à travers chacun des airs comme Joy to the WorldDeck the HallsGod Rest Ye Merry GentlemenVive le vent et bien d’autres avec aisance.

Un des moments forts de la soirée a été l’interprétation du Minuit, chrétiens par la soprano Magali Simard-Galdès. Elle possède un timbre clair, perçant, envoûtant et puissant qui sied parfaitement au caractère solennel de ce chant d’Adolphe Adam. Les deux jeunes chanteurs de la soirée se sont alors retrouvés pour interpréter The Twelve Days of Christmas dans un arrangement de Simon Leclerc. Orchestralement diversifié, l’enrobage musical dirigé de manière délicate par le chef, a laissé place aux chanteurs qui racontaient avec plaisir ces paroles saugrenues.

Simard-Galdès était tout à fait pétillante à la fois dans ses interventions et entre celles-ci. Notons cependant que le dosage entre la masse sonore de l’effectif orchestral et les chanteurs que vers la fin de la pièce, rendait compte de l’acoustique sèche et peu amicale de la salle André-Mathieu envers les chanteurs, dont nous perdions le texte dans les fortissimos de l’orchestre. Le concert s’est conclu avec exubérance par l’interprétation de Réjouissances de Gilles Bellemare, une fantaisie orchestrale truffée d’airs de Noël et d’airs québécois familiers.

Dans l’ensemble, l’Orchestre symphonique de Laval a livré une performance solide, chaleureuse, menée par un chef à la gestique ample, précis dans ses indications et calculé en ce qui a trait aux caractères et dynamiques. Immanquablement, le public est sorti du concert avec un excellent aperçu du temps des fêtes, avec des mélodies plein la tête.

crédit photo : Gabriel Fournier

OSM | Pini di Roma et magie à 360 degrés 

par Judith Hamel

Mardi soir, l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) s’est produit à la Maison Symphonique sous le signe des « Festivités en chants et musiques ». Une soirée pensée pour souligner à la fois le temps des fêtes et le 100e anniversaire de Pini di Roma de Respighi. La scène s’est parée d’une ambiance festive avec une couronne de Noël et de quelques chapeaux et décorations que l’on pouvait remarquer sur les volutes des contrebasses et de l’octobasse. 

Avant le début du concert, le public a été invité à une répétition éclair avec Simon Rivard pour préparer la prestation chorale de haute voltige. Une mise en bouche qui a instauré l’ambiance festive et interactive de la soirée.

Les cuivres, postés sur la mezzanine, ouvrent le programme avec Canzone XVI a 12 de Gabrieli. Le public est ensuite invité à se lever pour interpréter Mon beau Sapin et Jingle Bells. Un moment de grande musique ! Sans blague, malgré l’interprétation approximative, l’effet d’un chant collectif nous plonge inévitablement dans la convivialité des fêtes. 

C’est avec beaucoup de légèreté que l’orchestre et le chœur ont joué une suite de La fille de Neige de Rimsky-Korsakov. Ce concert participatif semble avoir eu un effet positif sur les musicien·nes, mais aussi, comme effet collatéral, sur le public qui était très bruyant ce soir. Une symphonie de bébés bavards et de toussotements que l’on connaît bien audible dans l’acoustique de la Maison Symphonique. 

Quelques minutes plus tard, on se relève pour interpréter le sautillant Il est né le divin enfant et un Good King Wenceslas à la prononciation du vieil anglais que l’auditoire a su massacrer avec enthousiasme. L’orchestre nous libère un instant pour interpréter « Le rossignol » dans Les oiseaux de Respighi, une introduction aux chants d’oiseaux qui suivront dans l’œuvre finale du concert.

On n’aura pas beaucoup entendu le chœur de l’OSM lors de cette soirée, mais leur interprétation de Tu descends des étoiles de Alfonso Maria di Liguori nous a montré leur maîtrise vocale et nous a offert un doux moment a capella. Mention spéciale aussi à la contribution des fameuses nouvelles cloches de l’OSM dans La Petite Hirondelle (Carol of the Bells)


À peine ces pièces jouées, qu’on se relève pour la troisième et dernière fois pour chanter Les anges dans nos campagnes et une version bilingue de Douce nuit ponctuée de canons involontaires du chœur en formation. Certes, ce nouveau chœur ad hoc n’a pas livré la prestation du siècle, mais on peut souligner l’effort de petits et grands et surtout le plaisir que tous·tes ont pris à s’époumoner dans la Maison Symphonique. 

La soirée se clôt avec l’œuvre qui tissait le programme du concert : Pini di Roma de Ottorino Respighi. Pour célébrer son centième anniversaire de création, les musicien·nes semblaient s’amuser autant que le public, surtout dans le premier mouvement évoquant des jeux d’enfants. 

Le troisième mouvement nous fait enfin entendre ce fameux rossignol qui a su captiver l’oreille volatile du public. Plutôt que l’enregistrement original qu’utilisait Respighi, nous avons entendu la création de Michel Léonard composée de sons d’oiseaux extraits d’enregistrements des œuvres d’orgues d’Olivier Messiaen. Pour clore en grand ce concert, six cuivres se sont ajoutés à la mezzanine pour entonner le triomphant quatrième mouvement et nous envoyer un puissant son spatialisé entre le parterre et la mezzanine. 

Au final, pour un concert du temps des fêtes qui peut parfois représenter un défi de programmation, entre un choix de répertoire trop populaire ou un énième Messie d’Haendel, ce concert a su être familial tout en intégrant des œuvres intéressantes qui permettent de démontrer les qualités musicales de l’orchestre.

crédit photo : Antoine Saito 

classique occidental / musique contemporaine

Dans le silence de la Nuit, la parole de Molinari

par Alexandre Villemaire

« Sombre, épuré et assuré de nous faire oublier les cantiques traditionnels de Noël. » C’est en ces termes, avec un brin d’ironie et d’humour, que la directrice artistique et premier violon du Quatuor Molinari a dressé l’esthétique du dernier programme de l’ensemble montréalais qui avait lieu à la salle de concert du Conservatoire de musique de Montréal avant les fêtes. Intitulé Nocturnes, ce concert n’était pas « la belle nuit de Noël » dans son sens le plus angélique, mais une évocation du caractère multiforme de la nuit, qui peut être à la fois douce et calme, mais aussi troublée et tourmentée. En introduction, Olga Razenhofer, Antoine Bareil (violons), Frédéric Lambert (alto) et Pierre-Alain Bouvrette (violoncelle) ont interprété deux extraits, soit le troisième et le cinquième mouvement du cycle Aus der Ferne de György Kurtág et Notturno de Luciano Berio. Les quatre comparses musiciens ont livré une interprétation investie avec aplomb et grande musicalité dans un univers musical aux dynamiques contrastantes et introspectives.

Dans Aus der Ferne – qui signifie « du lointain » en allemand –, les lignes musicales dépouillées et l’esthétique sobre des deux mouvements nous laissent dans un sentiment de suspension dans le temps alors que les sons nous parviennent comme des échos émanant du silence. Aus der ferne III est soutenu par le violoncelle qui martèle une pédale jouée en pizzicato dolce, autour de laquelle s’articule des traits aux cordes dans l’aigu et le médium de l’instrument, créant ainsi un état de flottement. Aus der ferne V porte le sous-titre Alfred Schlee, in memoriam. Composé par Kurtág quelques semaines après la mort de celui qui était le directeur des éditions Universal à Vienne et qui a notamment protégé des mains des nazis plusieurs grandes œuvres, ce court mouvement reprend le même écrin illustré précédemment avec la pulsation du violoncelle que les violons complètent par des interventions déchirantes et tendues avant qu’un fortissimo dissonant entonné par les quatre instrumentistes émerge de ce ton monotone, comme pour représenter le caractère tragique de la mort de Schlee.

Pièce centrale de la première partie, Notturno de Luciano Berio est une œuvre qui joue sur la dynamique du silence.  Berio disait lui-même : « Notturno […] il est silencieux, parce qu’il est fait de non-dits et de discours incomplets. Il est silencieux même lorsqu’il est bruyant, car la forme elle-même est silencieuse et non argumentative. » Ces discours incomplets, ces phrases fragmentées illustrent un discours qui se déploie constamment en allant de l’avant et qui évolue sans cesse. La dimension éclatée du discours musical est apparente et s’articule entre des moments d’une certaine sérénité et des interventions mordantes et dynamiques. Dans sa forme en apparence très ouverte, chaque instrument, chaque son et texture que ceux-ci créent ont leur importance. Et, dans ce qui peut sembler être une désorganisation, tout est calculé à la milliseconde près et rendu avec justesse et précision par les membres de Molinari.

Dernière œuvre du concert, le Quatuor no 6 de Bartók est un des sommets du répertoire du quatuor à cordes. Œuvre poignante composée vers la fin des années 30, alors que l’occupation nazie de la Hongrie commence, son caractère anxiogène et désespéré est palpable. Elle est traversée par un thème triste (Mesto) qui est réitéré sous différentes formes à travers les quatre mouvements telle une idée fixe. Dans le deuxième mouvement, le caractère martial tranche par son ironie avec le caractère sombre du thème principal. Peu à peu, la marche se transforme, se déforme, perd sa stabilité et son identité et entre dans une section rubato où le violoncelle entonne une mélodie folklorique pendant que les trois instruments poursuivent le thème de la marche, imperturbable. Le mouvement suivant reprend le caractère folklorique du précédent par une danse burlesque aux rythmes irréguliers. La pièce se conclut par le retour de la ritournelle qui envahit l’ensemble de l’instrumentarium du quatrième mouvement dans une des pages les plus intimistes du compositeur, où les nuances des instruments sont poussées dans leurs extrêmes douceurs avant de s’évanouir.

Fait rare pour un concert du Molinari, les musiciens ont offert au public un rappel avec humour: la version de Stille Nacht d’Alfred Schnittke, arrangée pour quatuor à cordes par Antoine Bareil. Le caractère ludique de cette prestation parsemé de dissonances savoureuses tranchait avec l’univers dramatique dans lequel nous évoluions depuis le début de la soirée et a apporté une certaine légèreté qui accompagnait la fin de ce programme nocturne magistral.

Au final, il n’y a qu’une seule chose sur laquelle on nous a menti : nous sommes immanquablement repartis en fredonnant « Ô, nuit de paix » !

Des nouveautés au Bar Le Ritz

par Vanessa Barron

Samedi dernier, je me suis retrouvée au Bar le Ritz pour assister à un concert de cinq groupes locaux, allant du power-pop au jazz-punk en passant par l’emo et le noise. Tout au long de la soirée, j’ai retrouvé des amis, des visages familiers et, surtout, de nouveaux groupes favoris. En voici les grandes lignes.

Photos de Amir Bakarov

Fresh Wax

Le groupe le plus marquant de la soirée était Fresh Wax, un duo basse-guitare-batterie qui a débarqué avec des lunettes de soleil de malade et une énergie détonante qui a fait trembler la peinture des planches de couleur primaire sur les murs du Ritz. Ils ont déchiré les riffs les plus fous dans des signatures temporelles hors du commun et se sont relayés au chant, hurlant des lignes percutantes que je n’ai pas comprises et qui, honnêtement, n’avaient pas besoin de l’être. La technique et la ferveur de ces deux gars étaient dignes d’un musicien de jazz professionnel. J’ai entendu dire que leurs concerts étaient encore plus fous dans les petites salles, alors je les reverrai à coup sûr.

Gondola

Gondola a été un plaisir comme toujours, car je dois avouer que je les ai vus au moins cinq autres fois cette année. Ce groupe indie-pop de quatre membres a offert une gamme complète de dynamiques et de solos complémentaires, en maintenant une cohésion serrée équilibrée par des moments d’improvisation débridée. Lyle, au chant, était vraiment à fond ce soir-là. Sa voix de baryton a porté des paroles mélancoliques avec force, évoquant l’amertume d’un chagrin d’amour avec une pointe de défi. Mon morceau préféré de la soirée était une chanson plus récente inspirée de l’émission de télé-réalité MILF Manor, intitulée « Moment I’d Like to Forget ». Je n’ai pas encore analysé ces paroles d’un point de vue freudien, mais la mélodie est accrocheuse!

Wakelee

J’ai été agréablement surpris de constater que j’ai vraiment vibré avec le set de Wakelee. En général, je suis sceptique à l’égard de la musique emo produite à Brooklyn en l’an 2024 (s’ils venaient d’un foyer culturel comme la Pennsylvanie centrale ou l’Ohio, j’aurais peut-être moins de préjugés…), mais ce set était serré, bien équilibré, et m’a totalement conquis. J’ai particulièrement aimé la façon dont les chœurs du guitariste basse s’intègrent à la mélodie principale. Ces voix en deux parties et l’affectation emo incomparable du chanteur m’ont rappelé la ballade classique de Blink-182 « I Miss You ». J’ai depuis réécouté leur single « mildlyinteresting », qui capture succinctement le pathos des demandes de conseils sur Reddit, confessant dans son refrain accrocheur que « chaque question que j’ai, je la poste sur Internet ».

Room

J’aurais aimé voir davantage le groupe d’ouverture, Room, qui avait le chant puissant et l’énergie rayonnante du bubblegum rock de groupes comme Beach Bunny et Remember Sports. J’ai attrapé deux de leurs chansons, probablement la musique la plus joyeuse d’un groupe qui avait par ailleurs un ton doomer.

Enfin, je me dois de féliciter la tête d’affiche Evergreen. Le noise-punk n’est pas ma spécialité, et mes oreilles n’ont pas réussi à trouver des accords, des mélodies ou des paroles à commenter. Par contre, j’ai vu des moshers à l’avant s’amuser comme des fous, et c’est ce qui compte.

classique persan

Au Centre des musiciens du monde : ravissement persan avec Kayhan Kalhor

par Frédéric Cardin

Hier soir au Centre des musiciens du monde de Montréal, ce sont près de 90 minutes ininterrompues de musique sublime que nous avons entendues, interprétées par l’un des plus grands musiciens au monde, Kayhan Kalhor, maître du kamancheh. Je ne parle pas ici uniquement de son statut au sein de la musique classique persane, pour laquelle il est certainement LE musicien de son époque, et peut-être même de toutes les époques, mais bien de son génie comme artiste musical, tous genres confondus. Kalhor est un virtuose et interprète dans une classe à part.

Hier, il était sur scène pour donner le dernier concert d’une vaste tournée internationale pour le programme intitulé Chants d’espoir. Il était entouré des Montréalais Kiya Tabassian au setar et Hamin Honari au tombak ainsi que de son compatriote Hadi Hosseini au chant. 

Concert de Paris (sans Hadi Hosseini) : 

Un tour de force artistique ou l’improvisation instrumentale côtoie naturellement la poésie classique persane (celle de Saadi, qui a vécu au 13e siècle) rendue avec brio par Hosseini, l’une des voix les plus affirmées et accomplies du chant classique persan. De longues mélopées savamment ornementées ont échangé avec les commentaires des instrumentistes, enchaînant épisodes contemplatifs et introspectifs, avec d’autres plus énergiques et mouvementés. Les airs qui se sont imbriqués les uns dans les autres sans aucune pause, provenaient en partie du répertoire savant mais surtout de la spontanéité des musiciens sur scènes, tous remarquables improvisateurs. Un concert qui affichait complet, investi en grande partie par de nombreux membres de la communauté iranienne, mais pas que. Un public très attentif et respectueux duquel je n’ai entendu aucune sonnerie inopinée de téléphone! Le public de l’OSM et de l’OM devrait en tirer quelques leçons…

Concert au centre des musiciens du Monde à Montréal : 

 

Montréal se doit d’être fière de ce genre d’événement car c’est un peu grâce à elle qu’il peut exister. Kiya Tabassian, de l’ensemble Constantinople, est un ancien élève de Kalhor, qui a lui-même vécu un temps tout près de la métropole (il a d’ailleurs un passeport canadien en plus de l’iranien), et Hamin Honari est déménagé de Vancouver pour pouvoir profiter des opportunités artistiques offertes ici. Et au milieu de tout cela, le Centre des musiciens du monde, qui continue d’impressionner par la qualité de ses projets et l’influence grandissante qu’il exerce sur la scène des musiques savantes non-occidentales, participant activement à construire la réputation de Montréal comme l’une des meilleures villes pour les musiques du monde en Occident, peut-être la meilleure en Amérique. 

DÈS JANVIER AU CENTRE DES MUSICIENS DU MONDE : UNE NOUVELLE SÉRIE DE CONCERTS TRÈS INTIMES, UN MERCREDI PAR MOIS. DÉTAILS À VENIR SUR LE SITE DE L’ORGANISME.

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