baroque / classique occidental

Festival classique hivernal de l’OSL | Voyage baroque convivial 

par Hélène Archambault

Pour ouvrir la 4e édition de son Festival classique hivernal, l’Orchestre symphonique de Laval (OSL) nous invite à voyager dans l’Europe du XVIIIe siècle. Sous la direction du chef Mathieu Lussier, au cœur de l’hiver, l’OSL interprète la musique de Handel, Vivaldi, Hasse, Quantz et Albinoni.

Le répertoire est choisi minutieusement : tout en présentant des compositeurs connus, l’orchestre propose des pièces qui le sont un peu moins. Mathieu Lussier, non sans humour, présente chacune d’elles à un public attentif et réceptif. Entre anecdotes, clés de compréhension et commentaires franchement rigolos, son ton convivial agrémente et enrichit le voyage.

Le concert débute avec 3 mouvements du Concerto Grosso en ré majeur, op. 6, no 5 de Georg Friedrich Handel. Antoine Bareil, Johanne Morin et Chantal Marcil, respectivement premier violon solo, second violon solo et violoncelle solo de la formation, rivalisent d’entrain. Suit le Concerto pour basson en mi mineur, RV 484. Le son de Michel Bettez, basson solo de l’OSL, est un enchantement, notamment dans le second mouvement. Interprétée tout de suite après, la Sinfonia en sol mineur, op. 5 no 6 de Johann Adolphe Hasse constitue mon plus beau moment de la soirée. L’orchestre est plein de feu et le jeu de Bareil est expressif, précis et nuancé. Le Concerto pour flûte en sol majeur de Johann Joachim Quantz est un peu moins réussi du côté du soliste Jean-Philippe Tanguay, deuxième flûte et piccolo de l’OSL. Ses attaques dans les aigus manquaient de limpidité. L’Ouverture de Vivaldi, La verità in cimento, RV 739, nous replonge dans le feu de l’orchestre, tandis que le Concerto pour hautbois en ré mineur, op. 9, no 2 de Tomaso Albinoni nous fait découvrir le jeu animé de Lindsay Roberts, deuxième hautbois et cor anglais de l’OSL. Vivaldi clôt le voyage avec la Sonate en trio en ré mineur« La follia » RV 63, proposée dans un arrangement de Mathieu Lussier, dans lequel on retrouve les trois solistes.  

La salle n’était malheureusement pas comble pour cette première soirée. Ce que j’ai à dire là-dessus, c’est que les absents ont souvent, voire toujours, tort. Les commentaires et sourires des gens à la sortie ne laissaient aucun doute : ils sont repartis le cœur en fête et bien au chaud malgré le froid qui reprenait du mordant en fin de soirée.

crédit photo: Gabriel Fournier

classique occidental

La magie des contes millénaires à la Maison symphonique

par Frédéric Cardin

Pendant que la salle Wilfrid-Pelletier voisine tremblait sous les décibels métallo-symphoniques de Voivod et de l’OSM, la Maison symphonique, refuge pourtant habituel des musiciens et musiciennes de Rafael Payare, vibrait des mille et une couleurs de contes musicaux en provenance de la Chine et de la Russie. 

En début de programme, l’Orchestre FILMharmonique sous la direction de Francis Choinière recevait la soliste Liu Fang, maîtresse du pipa chinois, un instrument de la famille des luths, dans la création d’un nouveau concerto pour son instrument signé du Québécois Christian Thomas. Thomas nous avait donné en 2023 sa Messe solennelle pour une pleine lune d’été, un opéra basé sur l’œuvre de Michel Tremblay, et qui avait été bien reçue par le public et la critique. Beaucoup plus romantique dans son langage que la Messe, le Concerto pour pipa surnommé Dragon a permis à Mme Liu de montrer l’étendue de son talent technique, malgré quelques occasionnels accrocs dans le premier mouvement. J’ai parlé de ce concerto dans une critique ailleurs sur le site (à lire ICI), je n’y reviendrai donc pas, mais je me permettrai de dire que la pièce en quatre mouvements m’a semblé plus aboutie encore que lors de mes premières écoutes sur fichiers numériques. Un signe que son audition à de quoi soutenir l’attention prolongée et répétée. En tous les cas, le public à forte représentation est-asiatique qui garnissait fort bien la salle a semblé apprécier et se réjouir. On espère que d’autres orchestres du Québec le programmeront afin d’offrir la chance à la québécoise Liu de tourner dans le Québec autant qu’à l’international.

Deuxième pièce au programme, le concerto pour violon Les papillons amoureux (Butterfly Lovers) avec le soliste, et découverte de l’année des prix Opus 2023, Guillaume Villeneuve. La performance virevoltante et scintillante de Villeneuve a donné un superbe souffle de vie à ce Roméo et Juliette chinois, dont le titre d’origine est la Romance de Liang Shanbo et Zhu Yingtai. Le concerto écrit en 1959 par Chen Gang et He Zhanhao est l’une des premières œuvres du genre dans la littérature musicale chinoise. Le style et le langage sont hyper romantiques, un peu comme si Tchaïkovsky avait vécu à Beijing plutôt qu’à Saint-Pétersbourg, mais le soliste doit réaliser plusieurs effets qui sont manifestement inspirés des techniques traditionnelles du erhu, instrument chinois qui se rapproche du violon occidental. Du gros bonbon musical, avec des mélodies attachantes et mémorables, et des coloris foisonnant, en particulier chez les bois. 

Francis Choinière avait choisi de conclure la soirée avec une autre musique évocatrice, L’Oiseau de feu de Stravinsky. Un choix judicieux, qui nous permettait de revenir vers du répertoire occidental plus habituel tout en restant collé à l’esprit féérique de la soirée. Belle tenue de l’orchestre, constitué de beaucoup de jeunes musiciens, probablement fraîchement sortis des écoles québécoises, et une direction engagée du chef. Quelques imperfections techniques dans la Danse de Kastcheï n’ont pas amoindri l’énergie que Choinière a souhaité insuffler à l’ensemble, qui s’est terminé dans une apothéose de belle ampleur. 

Un soirée qui a de toute évidence comblé un public très bigarré et diversifié. Si c’était l’un des objectifs, il a été atteint. 

Marlaena Moore s’envole lors de la sortie de son album Because You Love Everything

par Stephan Boissonneault

Originaire d’Edmonton, en Alberta, je connais l’artiste de rock indie/maximaliste Marlaena Moore, depuis un certain temps. On peut dire que j’ai suivi sa trajectoire depuis ces spectacles intimes dans les murs de la défunte salle d’Edmonton, Wunderbar, jusqu’au spectacle de son album, maintenant presque à guichets fermés, dans l’historique salle La Sala Rossa de Montréal. Elle commençait à devenir quelque peu  » célèbre à Edmonton  » sur la scène musicale vers 2016-17 avec les chansons de son album GAZE, comme le banger grungy absolu 24 Hour Drug Store.

Toutefois, on peut certainement défoncer un plafond bien connu à Edmonton et que ce soit cela, une pandémie mondiale, l’amour – ou les trois – qui aient influencé sa décision de déménager à Montréal. Au plus fort de la pandémie, elle lance Pay Attention, Be Amazed, la suite de GAZE, où elle joue moins de la guitare et se concentre sur la voix, semant peut-être les graines de son rôle actuel de chanteuse puissante accompagnée d’un groupe d’accompagnement spectaculaire.

Nous voici donc à la sortie du nouvel album Because You Love Everything (via le sous-label de Bonsound, Session) et Marlaena a l’air d’une héritière – vêtue d’une robe de cocktail étincelante et de longs gants, elle tue avec les tuyaux d’une déesse, et son groupe est en train d’écraser leurs rôles respectifs. Moore a le genre de voix qui peut vous arrêter net et commander rapidement une salle. Sa voix planante consume le paysage, même par-dessus la foule des bavardages au bar. Cela me rappelle la dernière fois que j’ai vu Angel Olsen en concert, qui a la même allure mystique.

Le groupe, composé de grands talents de la scène musicale de Montréal et du Canada, est l’arme pas si secrète de Moore. Les guitares de son partenaire musical, Scott « Monty » Munro (Preoccupations, Land of Talk) et Mischa Dempsey (Knitting) sont lumineuses, haletantes et magiques. La basse de Chrissy Lawson (Dresser, girl with dream) est épaisse, funky et serrée, et la batterie d’Andy Mulcair (également Knitting) est jazzy et parfois complètement folle. L’ensemble est aussi solide qu’un péché et propulse les interprétations live de Because You Love Everything dans la stratosphère.

À un moment donné, Marlaena fait une dédicace sincère et magnifique à son ancienne amie, qui lui a envoyé un message du monde des esprits sous la forme d’un flamant rose. Ce sont ces moments qui rendent la performance de Moore vraiment captivante ; elle est complètement authentique, trébuchant sur ses mots et devenant un peu émotive lorsqu’elle raconte l’histoire de son amie. Honnêtement, avec un talent comme le sien, elle pourrait avoir un ego démesuré et personne ne sourcillerait, mais elle reste aussi fantaisiste et réelle qu’à l’époque où elle se faisait les dents dans la bonne vieille Berta.

Vers la fin du spectacle, les rideaux se ferment et Marlaena commence à chanter sur une musique d’accompagnement lo-fi. C’est peut-être parce que j’ai pensé à David Lynch (RIP), mais l’éclat lumineux des rideaux dorés, associé à la lumière des projecteurs, au look et à la gravité de Marlaena, me donne l’impression d’assister à un spectacle au Slow Club dans Blue Velvet.

Les rideaux s’ouvrent à nouveau et le groupe est de retour. Le spectacle se termine par un rappel intime d’une chanson inédite (appelons-la « I’ve Never Been Good At Guitar » pour l’instant) où Marlaena prend la hache et gratte quelques accords.

Qu’elle ait ou non craint de  » percer  » à Montréal, Marlaena Moore y est arrivée et elle est toujours une force avec laquelle il faut compter et qui ne cesse de s’améliorer.

musique contemporaine

Le Vivier InterUniversitaire | Interpréter l’éclipse

par Judith Hamel

Ce samedi 25 janvier, à l’Espace Orange de l’Édifice Wilder, avait lieu la 9e édition du concert annuel du Vivier InterUniversitaire, mettant de l’avant les compositeurs·rices en émergence sur le terrain de la création musicale contemporaine. Huit œuvres originales ont ainsi pris vie entre les mains d’interprètes universitaires de talent. 

Le concert s’est ouvert avec Shape Games for Saxophone Quartet (2022-2023) de Leo Purich. Dans cette pièce, des éléments visuels projetés sur écran géant présentaient huit dessins géométriques. Quatre d’entre eux ont servi d’inspiration musicale pour interpréter ces formes et les traduire en sonorités qui en repoussent les limites.

On poursuit avec Eclipse (2024) d’Edwin H. Ng, une œuvre pour alto seul inspirée par l’éclipse solaire totale de 2024. Le compositeur y traduit l’obscurité qui s’impose au cœur du jour, jusqu’aux subtils rayons lumineux filtrant à travers l’ombre. C’est en comprenant cette démarche que l’œuvre prend tout son sens.  Le timbre de l’alto se prête à cette dichotomie entre ombre et lumière tandis que le jeu des cordes permet de représenter le mouvement du noircissement du jour et des rayons qui arrivent à nos pupilles bien protégées. 

La troisième œuvre au programme est Hélpide Dulce, Escampas (2023) de Pablo Jiménez. Cette pièce pour quatuor à cordes nous plonge dans un univers sonore bruissant. Des clusters surgissent, les instruments se superposent et créent un fond sonore à la fois organique et inquiétant. Un chaos organique, très bien construit, qui oscille entre un langage raffiné et une expressivité brute et évocatrice. À la Jacob Collier, Jiménez fait son salut, crocs au pied, sous des applaudissements chaleureux du public. 

Puis, l’œuvre Wistful Fragments (2024) de Jonas Regnier pour trompette avec traitement électronique en temps réel invite à une exploration de nos souvenirs auditifs en mettant en scène des enregistrements de la vie quotidienne. La sélection de paysages tels qu’une ambiance urbaine, des chants d’oiseaux, un jeu de piano, et l’enchaînement des fragments m’ont semblé manquer un peu de cohérence, mais malgré cela, l’alliage entre la trompette et les traitements électroniques était habilement construit. Le compositeur exploite à son plein potentiel les possibilités expressives du mélange entre ces deux sources sonores. 

La cinquième œuvre, Composition pour sextuor (2023) de Jules Bastin-Fontaine, met de l’avant un travail minutieux des contrepoints et des textures. Le choix des instruments favorise des superpositions sonores qui génèrent des textures nouvelles. Des corps résonnants comme les flûtes et la clarinette basse sont utilisés pour créer des fonds sonores réverbérants. Bien que l’expressivité de cette pièce n’ait pas été marquante pour moi, le soin apporté à la construction des textures mérite d’être souligné.

La sixième œuvre, Tracé, Fossile (2023) pour violon et violoncelle d’Alexandre Amat, met de l’avant les distorsions produites par une pression excessive de l’archet. Ce procédé génère des sonorités bruitistes qui imprègnent l’ensemble de la pièce. Plutôt que de s’appuyer sur des motifs mélodiques fondés sur des hauteurs, l’œuvre explore une musicalité axée sur la masse sonore, qui se densifie ou s’allège en fonction des intentions musicales. 

L’avant-dernière pièce est The Mockingbird (2024) d’Anita Pari pour quatuor à cordes. L’œuvre privilégie une musicalité d’ensemble où l’on sent un souffle commun tout au long de l’exécution. Cette cohésion permet d’amplifier les passages dramatiques. Comme le titre l’annonce, l’œuvre évoque une ambiance gazouillante alliant un langage musical raffiné et une dimension organique et poétique qui résonne de manière authentique. 

La soirée s’est conclue avec Shards of Bengaluru Bill (2023) de Alexander Bridger, une œuvre pour flûte, clarinette, accordéon, alto, contrebasse. Vêtus de couleurs vives, deux interprètes ont marqué la mesure dans certains passages de l’œuvre, un geste qui semblait planifié, mais qui nous paraissait quelque peu étrange ou avec un doute flottant. Cela dit, l’instrumentation, en particulier l’utilisation de l’accordéon et de la contrebasse, apportait une dimension sonore originale. 

Parmi les œuvres présentées, celles d’Edwin H. Ng, Pablo Jiménez et Alexandre Amat ont été mes coups de cœur de la soirée.

En somme, ce fut l’occasion de découvrir les talents prometteurs de la nouvelle génération de compositeur·rices, soit une grande majorité d’hommes malgré les valeurs d’accessibilité et d’inclusion mises de l’avant dans ce contexte. L’atteinte de la parité demeure un processus laborieux et complexe, force est de déduire.

crédit photo: Claire Martin

rock

Yseult démarre son Mental Tour à Montréal

par Sandra Gasana

C’est devant une salle comble que la chanteuse Yseult est apparue au MTelus lundi soir. À peine les lumières éteintes et la salle commençait à se déchaîner. Au loin, on entend une voix qui fait le décompte en anglais, promettant une mise en scène intriguante.
Elle est accompagnée par ses deux musiciens américains, à la guitare et à la batterie, qu’elle taquine et imite l’accent par moments durant le show. Vêtue d’un pantalon militaire, de gants blancs avec « Mental Tour » écrit dessus, des colliers autour du cou et des ceintures autour de la taille.
La chanteuse française originaire du Cameroun ouvre le bal avec Noir et semble s’éclater sur scène. Elle danse, se promène, suivie de près par un vidéaste qui capte le moment.
« Ça fait plaisir de revenir à Montréal, je suis assez émue parce que c’est la première fois que je produis une tournée toute seule », nous partage-t-elle émue, sous des applaudissements. « C’est grâce à vous que je peux faire tout ça ! », poursuit-elle.
Elle jongle entre ses classiques tels que Corps et des morceaux de son plus récent projet Mental, comme Garçon ou encore le hit Gasolina, qui a su faire danser le public. Le rock est omniprésent durant le spectacle, elle crie, elle hurle même, entre des solos de guitare électrique intenses.

« Qu’on m’enlève cette putain de perruque, je vais me mettre à l’aise », dit-elle avant de réapparaitre avec une casquette. Sa présence scénique est indéniable. « Est-ce que je peux vous partager une nouvelle chanson, une chanson qui n’est pas encore sortie ? », demande-t-elle à la foule, ravie de ce privilège. Et voilà que nous découvrons Problematic, qui plait à l’audience, surtout la section acoustique, ainsi que Hysteria, également une chanson inédite. Les applaudissements pleuvent mais c’est surtout après le morceau Corps, que la foule ne voulait pas s’arrêter d’applaudir. Elle l’a fait a capella parce qu’elle s’était promise que plus jamais elle ne la ferait en piano-voix, depuis le décès de son pianiste Nino Vella en 2024. Le public l’a d’ailleurs accompagné sur le refrain, l’un des moments forts du spectacle.

Elle a terminé avec le morceau Suicide, idéal pour clôturer le show, avant de revenir pour un rappel en mode techno. C’était peut-être un lundi soir, mais cela n’a pas empêché le MTelus d’être rempli. Prochain arrêt: New York le 3 février.

Crédit photo: Léa

Voïvod Symphonique — La symphonie s’invite dans l’ovni du métal québécois

par Laurent Bellemare

Dans une salle Wilfrid-Pelletier bien remplie avait lieu le 29 janvier  la première mondiale de Voïvod Symphonique, collaboration déjantée unifiant l’Orchestre Symphonique de Montréal au groupe mythique de métal québécois. 

Avant même l’ouverture des portes, on sentait l’engouement de cette pérégrination de métalleux dont plusieurs attendaient patiemment en file devant la traditionnelle table de produits dérivés. À ce qu’on dit, certaines personnes seraient venues d’aussi loin que le Chili pour assister à cette manifestation multisensorielle de l’épique.

Officiellement rangé dans la série des concerts pop de l’OSM, cette formule hybride métal et classique aurait pu être casse-gueule de diverses façons. Heureusement, l’introduction orchestrale et les premières notes d’Experiment  ont tôt fait de faire taire le doute: un Voïvod orchestral, ça marche!

Les morceaux de Voïvod, même dans le thrash metal le plus cru, regorgent de nutriments harmoniques, ici brillamment augmentés par l’arrangeur Hugo Bégin. Dans cette forme maximaliste, le groupe a pu faire apprécier ses compositions dans toute leur puissance cinématographique. Voilà qui rendait bien justice aux trames sonores de films qui ont inspiré le geste créateur de Voïvod depuis ses débuts.

Acoustiquement, l’alliage était somme toute plutôt réussi. À la table de mixage, il faut dire, on pouvait compter sur un Larry O’Malley aguerri en matière de projets éclectiques, notamment au Festival de Musique Actuelle de Victoriaville. 

Cependant, l’orchestre se perdait parfois sous le quatuor amplifié, devenant ainsi texture de second plan. Cela étant dit, ce n’était pas difficile de maintenir l’attention sur les arrangements toujours présents des cordes et des cuivres. Il n’y avait par contre que très peu d’interactions audibles entre la batterie et les percussions classiques, légère déception. Était-ce une question d’équilibre sonore ou d’arrangement? Quoi qu’il en soit, on aurait souhaité une plus grande exploration du potentiel rythmique du métal dans l’exécution des percussions classiques. 

Néanmoins, l’appréciation d’un concert de métal avec orchestre sans bouchons et donc  sans se brûler les cellules ciliées relève tout de même de l’exploit.

Les morceaux plus lents, tels  The End of Dormancy ou la fameuse reprise de Pink Floyd Astronomy Domine, jouée en fermeture de concert, laissaient tout l’espace nécessaire à l’OSM pour briller. Durant ces reprises de souffle, il était vraiment possible de savourer le détail des arrangements, extrapolations grandioses qui venaient colorer et remplir avec goût l’espace spectral. 

L’un des moments les plus jubilatoires du concert était sans doute la citation du Sacre du Printemps de Stravinski figurant dans la pièce Pre-Ignition,  citée textuellement dans son arrangement orchestral originel… À en donner des frissons! 

Qui plus est, l’environnement visuel de ce programme n’était pas en reste. Au-delà de la présence électrisante  d’un groupe métal au sommet de sa forme ainsi qu’un orchestre dirigé par le jeu intense et dynamique de Dina Gilbert, le public pouvait se réjouir des projections gigantesques réalisées par Marcella Grimaux On pouvait alors réinterpréter les concepts artistiques du batteur Michel Langevin. Ces animations psychédéliques, souvent post-apocalyptiques, ont magnifié l’univers mythologique de Voïvod, et ce d’une manière inédite. Chaque morceau avait son propre concept, sa propre esthétique et son style d’animation, à l’image de l’évolution discographique du groupe culte.

Concluons que Voïvod Symphonique est un franc succès. Il n’y avait pas meilleur choix de groupe pour explorer la face cachée du métal, sa face orchestrale ! On ressentait clairement que le public était charmé devant l’impact de ces deux institutions québécoises réunies sur une même scène.  

Tant d’autres pièces de Voïvod se prêteraient parfaitement à l’exercice, on est en droit d’espérer que cette rencontre se répète et dure. Ode au métal, ode au classique, ode à la longévité du groupe de Jonquière, ode à l’imagination de Michel Away Langevin et ode à la créativité sans bornes de feu Denis “Piggy” D’Amour: Voïvod Symphonique c,est  toutes ces choses et bien plus encore!

crédit photos: Gabriel Fournier

électronique

Igloofest, samedi 25 janvier / Combattre le froid par la danse avec Skepta (Mas Tiempo), MNSA, Dennis Ferrer, Cheba Iman, et tant d’autres

par Léa Dieghi

Deux scènes, deux ambiances. Et toujours plus de danse. Pour cette soirée du 25 Janvier 2025, l’équipe d’Igloofest a décidé de nous offrir une programmation particulièrement différente entre la scène principale Sapporo, et sa petite sœur Vidéotron. Si l’une était une ôde à la house, l’autre l’était au métissage entre musiques traditionnelles nord-africaines et musiques électroniques contemporaines

VIDEOTRON: Manalou, Mnsa, Nadim Maghzal, Cheba Iman. 

Déconstruction, reconstruction, hybridation entre différents genres… Les sets sur la petite scène Vidéotron ont su briller de par leurs métissages et  imbrications sonores. Et même si la scène est quatre fois plus petite (on n’a pas pris le temps de mesurer, mais on imagine!), les sets de ces artistes majoritairement issus du Canada  ont su faire fondre la neige sous nos pieds. 

Imaginez le décor. On s’enfuit derrière la scène principale, pour déboucher vers celle de Vidéotron via un tunnel de lumière. Qu’est-ce qui nous y attend ? Un public qui saute littéralement sous les à-coups des percussions. 

Afro-beat, drum and bass, drill, downtempo, hip-hop, mais aussi tech-house, tout ça mixé avec des musiques traditionnelles arabiques. 

Mnsa, arborant fièrement son foulard de la Palestine, était un soleil dans la nuit d’hiver. Avec sa bonne humeur contagieuse et son enchaînement de sons aux différents tempos, il n’a pas lâché le public une seule minute. Entre classiques pop, heavy bass lines, musiques traditionnelles arabes, le tout mixé sur un fond de techno, mes doigts, jusqu’alors glacés par la bière que je tenais entre mes mains, se sont rapidement réchauffés. 

Une ouverture parfaite pour le set de Nadim Maghzal, qui, à sa façon, a su reprendre le flambeau et faire grimper les gens -littéralement- sur les devants de la scène. Au rendez-vous ? De la musique électronique très percussive, comme on l’aime, toujours associée aux sonorités nords africaines, et à la UK Bass. 

Ces quatres artistes, de Manalou à Cheba Iman, -qui, elles aussi, nous ont offert des performances particulièrement singulières-, ont prouvé la beauté de la synergie entre la musique d’Amérique du Nord et celle d’Afrique. Ils nous ont aussi montré à quel point être un DJ, c’est avant tout faire communauté, et partager une certaine joie de vivre, ensemble.

SAPORO: Lia Plutonic, Syreeta, Dennis Ferrer, Skepta (sous son label House, Mas tiempo) “HOUSE HOUSE HOUSE” 

Un mot qui résonne, pendant que je danse face à la scène principale. 

De Lia Plutonic (Residente Montréalaise) à Dennis Ferrer, ce sont les classiques de la House musiques qui s’enchaînent, tous remixés à leur propre sauce! 

Sapporo

Derrière les quatre DJ-producteurs de la scène Sapporo, quatre différentes visions de la house musique et de ses déclinaisons. Un genre qui traverse le temps et l’espace, et qui permet de réunir un public aux horizons diverses. 

Si Syreeta nous a offert des sons un peu plus ancrés dans la culture britannique de la house musique (d’où elle vient),  son mix entre techno, voix mélodiques et rythmiques house UK s’est avéré un terrain particulièrement fertile pour accueillir son confrère d’outre-mer: Denis Ferrer, artiste influent de la scène électronique depuis plus de quinze ans. 

Tandis que Syreeta et Lia Plutonic surfaient un peu plus sur l’hybridation house et techno, Dennis Ferrer est clairement revenu aux sources de la house new-yorkaise, pour nous offrir un set très disco-funk-tech-house. Très mélodique, très progressive, très années 90, avec des classiques comme Ain’t Nobody (Loves me better).  Au devant de la scène, c’était une foule de tous âges qui dansait. La preuve, encore une fois, de la capacité rassembleuse de la house ! 

Leurs sets très vibrants ont su accueillir avec une joie non dissimulée l’artiste principale de la soirée, Skepta, performant sous son projet Mas tiempo, qui a rapidement augmenté le BPM d’un cran. Bien qu’il soit mieux connu pour ses performances-productions en tant que MC-rappeur, l’artiste Londonien a su se démarquer ces dernières années par ses mixs très rythmiques, parfois déconstruits, mais pourtant particulièrement progressifs et toujours très house. 

Au rendez vous: UK Drill et Grim, drum and bass, house, pour finir sur de la techno prog. La foule était déjà déchaînée, alors que plus d’une dizaine de couples vus, du haut de ma terrasse, monter sur les épaules des uns et des autres. Y’a des ballons qui volent dans les airs, les corps qui se percutent en dansant, les voix s’égosillent et des flocons de neige tombent sur le haut de nos têtes. 

Une très belle clôture de soirée d’hiver, pour une très belle programmation de ce samedi soir d’Igloofest.

Afrique

Alain Oyono : le nouveau saxophoniste en ville !

par Sandra Gasana

À la base, je ne comptais pas couvrir le spectacle de samedi passé à la Brassée, j’y allais en mode spectatrice, pour découvrir celui dont tout le monde me parle en ce moment, Alain Oyono. Originaire du Cameroun, mais vivant au Sénégal depuis plus d’une décennie, le saxophoniste, qui fait partie de l’orchestre « Super Étoile de Dakar » de Youssou N’Dour, nous en a mis plein la vue. À tel point qu’il était difficile de garder ça pour moi, alors voici.

En guise d’introduction, il opte pour la douceur avec le morceau The Beginning, qui marque aussi le début de la carrière solo de l’artiste, avant de nous faire découvrir ses talents de chanteur sur Loba qui signifie Dieu en douala, langue parlée dans la région littorale du Cameroun. Des airs qui me font tout de suite penser à Kenny G, que j’écoutais en boucles durant ma jeunesse.

Sur fond d’instrumentaux soigneusement agencés, et muni d’un laptop, de pédales, d’une mini-console, Alain, qui est également auteur, compositeur, interprète, parvient non seulement à jouer son instrument tout en étant ingénieur de son. Sur certains morceaux, des notes de piano, de l’afrobeat ou de l’afro jazz servent de base pour lui permettre d’improviser dessus à sa guise. Sur d’autres morceaux, il introduit des bruits d’ambiance pré-enregistrés, des chœurs, et d’autres sons qui viennent complémenter son instrument.

Dans son dernier EP sorti en 2023, intitulé Transcendance, il rend hommage à la nature, notamment dans le titre « Ma nature ». « Cet album est dédié à l’écosystème, surtout dans ces moments difficiles. Heureusement, vous ramenez de la chaleur ici ce soir » dit-il en s’adressant à la foule.

Plusieurs instruments se rajoutent les uns après les autres durant la deuxième partie du concert.

Alain revient sur scène d’abord accompagné par Dauphin Mbuyi à la basse, puis quelques chansons plus tard, Deo Munyakazi rejoint le duo avec son inanga, instrument à cordes traditionnel rwandais qui s’apparente à la cithare. Ensemble, ils parviennent à créer de la magie sous nos yeux ébahis. Viennent ensuite se joindre à eux Dicko Fils, du Burkina Faso, à la voix envoûtante, nous rappelant le Sahel et la charmante Sylvie Picard, qui nous ont enchanté chacun à leur manière.

Et alors qu’on pensait que le concert tirait à sa fin, Raphaël Ojo est arrivé avec son djembe pour rajouter sa touche finale. Le concert se transforme en jam session, au grand plaisir du public, qui réalise peu à peu qu’il est en train de vivre un moment unique. Le propriétaire de la Brassée m’a d’ailleurs confié que c’était l’un de ses concerts préférés. « Est-ce que toi aussi tu trippes autant que moi en ce moment ? » me demande-t-il à l’oreille, entre deux morceaux ? « Je plane », lui ai-je répondu.

Le concert ne pouvait pas terminer sans un hommage au géant Manu Dibango, avec une reprise du classique Soul Makossa, ce qui a beaucoup plu au couple assis à côté de moi. Bref, tout ça pour dire que le public de la Brassée peut s’estimer chanceux d’avoir découvert un artiste qui fera sûrement parler de lui sur la scène artistique montréalaise en 2025 et au-delà !

Crédit photo: Peter Graham

classique occidental / période romantique

OSM | Entre les basses islandaises et « l’inoubliable » concerto de Bruch

par Judith Hamel

L’Orchestre Symphonique de Montréal (OSM), sous la direction de la cheffe Dalia Stasevska et du violoniste virtuose Randall Goosby, présentait mercredi soir un programme mettant de l’avant les compositrices Thorvaldsdottir et Price ainsi que les compositeurs Bruch et Dvořák.

Archora d’Anna Thorvaldsdottir, fruit d’une commande de plusieurs grands orchestres et créée en 2022, a ouvert le concert sur un paysage sonore envoûtant d’une vingtaine de minutes. Conçue pour évoquer un univers texturé, l’œuvre transporte l’auditoire dans une exploration des potentiels sonores et énergétiques de l’ensemble. 

Dès les premières notes, les hypergraves envahissent l’espace, créant une masse sonore imposante, palpable. Les crissements des cymbales ajoutent une dimension organique, tandis que les vents cliquent leurs clés et usent de leur souffle pour amplifier l’atmosphère mystique de l’œuvre. Tout ça insufflant un narratif quasi vivant. Puis, l’orgue, par sa présence imposante, amplifie l’impression d’immensité, d’une pièce plus grande que nous. Ces vingt minutes se sont écoulées avec une grande fluidité, comme une unique vague qui nous renverse. La stabilité apparente des sons, obtenue par l’entrelacement des respirations des musiciens, donnait une impression surhumaine. 

Le soliste américain Randall Goosby est ensuite monté sur scène pour offrir un jeu droit et porté avec finesse par sa grande maîtrise de l’instrument. « L’inoubliable » Concerto pour violon no 1 de Max Bruch, bien qu’ayant quelque peu frustré le compositeur par son pouvoir éclipsant de ses autres concertos, demeure une œuvre phare dans le répertoire romantique allemand. Ce soir, dans l’« Adagio », Goosby a su exprimer toute l’intensité de cette romance intérieure. C’est toutefois dans le troisième mouvement que la prestation du soliste a pris tout son éclat. Il s’est déployé dans les thèmes dansants et passionnés qui laissent transparaître les origines hongroises de Bruch ainsi que dans les passages techniques finaux. Ces accents enjoués ont résonné particulièrement avec son jeu empreint d’une légèreté et d’une facilité apparente. Un jeune virtuose qui ne nous a pas renversés par sa musicalité, mais dont la technique et l’aisance qu’il porte sont impressionnantes. 

Adoration de Florence Price a ouvert la deuxième partie dans une version orchestrée pour violon et orchestre de J. Gray, mettant une deuxième compositrice à l’honneur. Cette courte pièce a particulièrement bien convenu à Randall Goosby, qui a su transmettre efficacement la charge émotionnelle à travers son jeu droit, mais honnête. Toutefois, un concert de l’OSM n’y échappe pas, au moment de lever son archet, Goosby est interrompu par le téléphone d’un membre de l’audience qui réécoutait l’enregistrement de sa prestation de la première partie à plein volume. Avec humour et patience, il a baissé son archet et lancé : « You can play it again if you want ». Mais à peine a-t-il commencé à jouer qu’une sonnerie de criquet retentit dans la salle. Des criquets qui heureusement n’étaient pas de circonstance, mais qui ont bien fait rire l’audience. 

Bien que l’œuvre concertante ait donné le titre à la soirée, c’est la Symphonie no 8 de Dvořák, dirigée avec fougue par Dalia Stasevska, qui s’est imposée comme le moment le plus marquant. La cheffe d’orchestre s’est particulièrement illustrée par une direction mettant de l’accent sur des contrastes drastiques de nuances et par des exagérations de certains passages rythmiques. Cette symphonie à l’atmosphère bucolique s’est donc déployée à travers des moments de légèreté, des traits droits de trompettes et par les caractères populaires exagérés de certains thèmes dansants. Le quatrième mouvement, qui s’ouvre sur un appel flamboyant des trompettes et qui se termine avec des passages chromatiques bien groovés, a terminé le concert sur une note de jeunesse bien appréciable.

crédit photos:  Randall Goosby – Kaupo Kicks ; Dalia Stasevska – Antoine Saito

jazz / musique contemporaine

Le Vivier | I Am Vertical: Du Sylvie Plath sur un rythme latin

par Judith Hamel

Au cœur de l’Espace Orange de l’Édifice Wilder, une collaboration entre l’ensemble de percussions Sixtrum et l’ensemble Cordâme a donné lieu au concert I Am Vertical, un projet porté par le contrebassiste et compositeur Jean-Félix Mailloux visant à rendre hommage à la poétesse américaine Sylvia Plath. 

À travers ses réinterprétations des poèmes, Mailloux a taillé une œuvre sur mesure pour cette collaboration, dont les mots tourmentés ont pris une nouvelle vie sur des textures sonores inspirées du jazz et de la musique contemporaine.

Le programme s’est ouvert avec I Am Vertical, où Plath y dévoile son désir d’horizontalité en comparaison à la verticalité des arbres et des fleurs : « It is more natural to me, lying down. Then the sky and I are in open conversation. And I shall be useful when I lie down finally: The trees may touch me for once, and the flowers have time for me. » Cette recherche d’authenticité et de contact véritable trouve écho dans l’esprit collaboratif du concert, où contrairement au titre de l’événement, une horizontalité incarne l’authenticité des interactions entre les musicien·ne·s sur scène.

Portée par la voix expressive de Coral Egan, chaque pièce du programme explore une facette particulière de l’univers de Plath. Des poèmes profondément tourmentés, comme Daddy qui évoque sa relation complexe avec son père, décédé lorsqu’elle était enfant, côtoient des textes plus légers, quoique toujours empreints d’une mélancolie sous-jacente. Balloons, par exemple, évoque les ballons à moitié dégonflés après une fête soulignée par des percussions stables, des petits motifs ascendants mis en boucle et une orchestration plus enfantine. 

Soliloquy of the Solipsist, composée pendant un voyage professionnel à Hong Kong et Shanghai, s’ouvre sur une envolée de violoncelle soutenue par des coups de grosse caisse. Fidèle au poème, la musique navigue entre un rythme stable de marche et des instabilités qui reflètent l’aspect onirique et surréaliste du texte. 

Parmi les moments les plus marquants, Ariel, tiré du recueil posthume du même nom, se distingue par son audace de sa réinterprétation. Portée par un rythme latin affirmé, cette pièce capte avec finesse les tensions entre l’élan créatif et l’instabilité psychologique de la poétesse. Le texte évoque l’imaginaire d’une balade à cheval qui évolue vers une libération et une évaporation corporelle. Le choix de Mailloux d’interpréter ce texte sur un rythme dansant, qui lui-même invite à une libération physique, est donc un choix très intéressant.  

Enfin, Poppies in October clôt magnifiquement le programme en illustrant, dans un court arrangement porté par le udu et les cordes, le contraste entre la douceur de la nature et la brutalité sous-jacente de l’existence humaine. 

Malgré la qualité exceptionnelle de tous les musicien·nes, certains textes poétiques ont été difficilement perceptibles dû à l’acoustique limitante de la salle. Heureusement, le programme, qui comprenait l’intégralité des poèmes, a pu pallier cette difficulté technique, bien que l’expérience du concert en aurait bénéficié. 

Sous la plume inspirée de Jean-Félix Mailloux, Sixtrum et Cordâme ont offert un concert de grande qualité avec une relecture audacieuse de l’œuvre de Sylvia Plath. 

crédit photo: Claire Martin

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baroque / classique occidental

Arion Orchestre Baroque | Une soirée musicale bien caféinée

par Alexandre Villemaire

Pour son premier concert de l’année 2025, Arion Orchestre Baroque recevait deux musiciens dont la venue était attendue depuis cinq ans, contexte pandémique oblige. Le programme de concert était donc porté par le violoniste Pablo Valetti et la claveciniste Céline Frisch, cofondateurs et directeurs artistiques de l’ensemble Café Zimmerman. La dernière présence de l’ensemble lui-même au Canada remonte à 2015, mais c’est la première fois que Céline Frisch et Pablo Valetti se joignent à l’effectif d’Arion pour en présider la destinée le temps d’un programme de concert.

Le nom de l’ensemble fait référence à l’établissement éponyme de Gottfried Zimmermann à Leipzig, un lieu où on ne fumait pas que la pipe et buvait du café – boisson exotique très en vogue à l’époque – mais aussi un endroit de rassemblement où les étudiants, les marchands et les membres de la bourgeoisie venaient discuter et débattre dans un environnement où « l’expérimentation musicale et l’échange intellectuel jouaient un […] rôle de premier plan ». C’est sur ces aspects que le programme de la soirée était clairement constitué, avec une première partie dédiée à la musique de J. S. Bach, Johann Friedrich Fasch et Georg Philipp Telemann, clairement campée dans l’univers sonore baroque, et une deuxième aux deux fils de Bach, Wilhelm et Carl Philipp Emmanuel, plus expérimentale et préfigurant l’esthétique de la période classique.

« L’Ouverture » tirée de la Suite en ré mineur de Fasch a offert une belle entrée en matière, avec un thème royal majestueux porté avec son affirmé, plein boisé par les musiciens d’Arion. Le jeu de Mathieu Lussier, directeur musical et artistique de l’ensemble, qui a tronqué ses habits de chef pour revêtir le temps d’un concert celui d’instrumentiste, s’est illustré dans le Concerto pour basson en do majeur de Fasch. C’est une œuvre aux dynamiques variées avec des lignes musicales actives dans lesquelles le basson est en constantes activités. Le deuxième mouvement offre un changement de caractère, passant d’un univers sonore sautillant et lumineux à un monde plus sombre et langoureux avec des lignes mélodiques plus lyriques.

Sous-titré « alla Francese », le Concerto en do majeur de Telemann adopte un style pastoral, notamment dans le premier mouvement avec douceur sous forme de rondeau. Les hautboïstes Matthew Jennejohn et Karim Nasr, accompagnés au basson par Mathieu Lussier, ont été au centre de cette œuvre vivante et animée. À la fois soliste et chef de file pour les musiciens, Pablo Valletti a été d’une grande justesse dans l’interprétation du fameux Concerto pour violon en la mineurde Johann Sebastian Bach. Dans le deuxième mouvement notamment, Valetti a mis en valeur des lignes musicales soutenues où il fait chanter son instrument sans entrer dans des épanchements virtuoses superflus. Son jeu est élégant et signifiant. Le mouvement perpétuel entre les violons et la basse continue vers la fin du dernier mouvement Allegro assaiinstaure un climat transcendantal à la fois énergique et méditatif.

Après avoir exposé une trame narrative musicale virtuose et conventionnelle dans la première partie, c’est véritablement dans la deuxième partie que les velléités exploratrices des deux fils de Bach ont été exposées. La Sinfonia en fa majeur de Wilhelm Friedemann Bach surprend avec son langage harmonique trituré et ses passages chromatiques qui sonnent étranges à nos oreilles. La soirée s’est conclue avec une interprétation aérienne par Céline Frisch du Concerto pour clavecin en la majeur de CPE Bach, dont les deuxième et troisième mouvements étaient particulièrement inventifs avec des effets respectivement planant et endiablé. En mettant comme trame programmatique les soirées musicales et intellectuellement effervescentes du XVIIIe siècle à Leipzig, Arion et ses invités du Café Zimmermann ont fait une part belle aux œuvres musicales de cette époque. Si nous avions une critique à faire sur cet aspect, c’est que la portion « expérimentale » aurait pu être plus garnie, ou à tout le moins semblable à la première portion du concert pour mettre encore plus en évidence les différences stylistiques et les arômes musicaux des différentes œuvres

crédit photo: Annie Éthier

électronique

Igloofest 2e soir : gros menu avec Apashe, Marie Davidson, Dileta

par Loic Minty

Marquée par des contrastes musicaux sauvages et des approches audacieuses, cette deuxième soirée d’Igloofest nous rappelle une fois de plus le dynamisme de la scène locale montréalaise. Nous avons une fois de plus été témoins de la puissance des breaks et des basses pleine puissance. Alors que les dj’s montaient le son, nous avons vu la montée en puissance des légendes locales de la récolte dans une exposition parfaite de la musique de danse.

La tête d’affiche de la scène Videotron était nulle autre que Marie Davidson. Dans ce dj set, son emblématique son synthwave a révélé ses origines dans un flux constant de techno analogique de fin de soirée, couronné par certains de ses propres morceaux comme Work it qui a fait perdre la tête à la foule. Marie Davidson nous a donné un aperçu de son génie musical et, comme lors de ses concerts, sa présence aux yeux écarquillés et ses paroles honnêtes ont attiré sans effort la foule dans son aura audacieuse et sans complexe.

Avec cette énergie, Honeydripp a prouvé une fois de plus qu’elle était la reine des sons cinétiques en liquéfiant les genres dans son propre mélange de breaks, de basses et un remix groovy de Fergalicious. Jouant avec le silence et l’espace, ses rythmes taquinent la ligne des modèles reconnaissables, occasionnellement interrompus par des sections basses influencées par le dub qui secouent la scène.

En terminant sur une note positive avec des breaks hachés qui entrent et sortent du temps, la réputation de homegrown harvest pour les longues nuits de danse n’a pas été démentie. Alors que Dileta nous entraînait dans un tourbillon temporel de rythmes de batterie de plus en plus riches et de séquences de basses acides à faire exploser le toit, la foule a rapidement compris qu’il s’agissait d’une expérience sans pareille. La vaste sélection de morceaux dark leftfield de Dileta, les transitions fluides et les accents tranchants des samples rétro ont fait groover les jeunes et les moins jeunes d’un côté à l’autre dans l’unisson.

Pendant ce temps, sur la scène de Sapporo, nous avons assisté à une montée en puissance de la folie avec Jeska, qui a réalisé une performance virtuose de drum and bass, passant d’un son large avec des breaks minutieusement précis à un style hard qui fait vibrer les têtes. Imanu n’a eu aucun mal à maintenir cette énergie grâce à ses textures synthpop bienfaisantes et a fait rebondir la foule sur des samples pop classiques mélangés à une house densément énergique.

Il semblait que la nuit se poursuivrait dans cette succession de sons de plus en plus extatiques, jusqu’à ce que, soudainement, la musique classique du répertoire d’Apashe transforme tout le festival en une scène de l’Enfer de Dante.

Alors que la brume de la rivière recouvrait progressivement les lumières fluorescentes, les gens commençaient à ralentir, s’attendant presque à ce qu’une ballerine se lance dans un pas chassé. Mais tout cela faisait partie du plan d’Apashe. Après 20 bonnes minutes, un manifeste apparaît sur l’écran et, en un instant, la scène est inondée de stroboscopes.

Le reste de la soirée était la propriété d’Apashe. Avec sa conception artistique de l’EDM combinée à la scénographie et au son à l’échelle du stade, elle restera dans les mémoires. Son style « majestueux » se caractérise par l’utilisation de visuels cinématographiques en synchronisation avec les transitions et les instruments, créant ainsi une expérience audiovisuelle hypnotique. Après un set riche en émotions, Apashe nous laisse une fois de plus avec les douces sonorités d’un orchestre qui nous emmène dans les rues de neige. Le bourdonnement de la foule se transforme en cris et nous savons tous ce dont nous venons d’être témoins : ce vendredi, l’Igloofest est à la hauteur du battage médiatique.

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