Olga Kudriakova et la Chapelle historique du Bon Pasteur : grande musique et résilience en partage

par Frédéric Cardin

Hier après-midi, c’était jour de rentrée pour la Chapelle historique du Bon Pasteur. Oh, bien sûr, pas à la Chapelle historique. Les réparations qui doivent remettre l’édifice en état suite à l’incendie du 25 mai dernier ne sont même pas encore commencées. C’est plutôt dans la salle Paul-Desmarais du Centre canadien d’architecture que prendra refuge la programmation ainsi que l’administration de la Chapelle pour la saison 2023-2024 (au moins). Et c’est hier, donc, que fut inaugurée cette saison « en exil » avec un récital exceptionnel d’une artiste elle aussi exilée, la pianiste d’origine ukrainienne Olga Kudriakova. 

Kudriakova est arrivée à Montréal en août 2022 avec mari (Russe) et bagages pour fuir la guerre et la répression que l’on connaît. La jeune dame était déjà en pleine ascension de carrière quand a commencé l’invasion russe : enseignante et concertiste, elle avait déjà plusieurs prix de concours dans sa besace et une renommée qui commençait à s’étendre. Elle a dû laisser tout cela en plan en précipitant sa fuite, mais pas pour longtemps. Aussitôt arrivée à Montréal, on l’a remarquée et elle a rapidement et résolument commencé à prendre sa place dans l’écosystème artistique de la métropole culturelle. Si bien qu’une année à peine après avoir déposé ses valises dans sa nouvelle maison, la dame est admirée par un nombre toujours grandissant de mélomanes et a été invitée à donner le récital inaugural de la Chapelle, noble institution culturelle s’il en est une ici. Elle fait même la couverture du programme de la saison d’automne. 

Reportage de Radio-Canada sur Olga Kudryakova et son mari Maxim Chatalkine peu après leur arrivée à Montréal

Qui plus est, elle est hyper dynamique : elle a mis sur pieds une fondation qui soutient l’enseignement musical des jeunes ukrainiens qui ont dû interrompre leurs études en raison de la guerre, et elle vient tout juste de participer à la création d’un nouvel espace de récitals appelé Dissonances Studio qui offrira sur abonnements des expériences de concerts classique renouvelées. Dans le style des salons amicaux du 19e siècle et dans un espace non conventionnel, les curieux et les mélomanes pourront s’y présenter avec leur propre nourriture et leur propres boissons, et assister à des concerts dans une ambiance décontractée et ouverte. La petitesse de l’endroit rendra les contacts entre artistes et public très intimistes. L’initiateur du projet, Mathieu Baribeau, en rêvait depuis plus de 20 ans. Il a donc investit de sa poche les fonds pour mettre l’endroit en ordre et acheter un beau piano Bechstein D282. Bref, Olga Kudriakova sait s’entourer et se faire remarquer!

Deux exilées, donc, la Chapelle et Olga Kudriakova, dont le destin a fait des partenaires de résilience dans un concert qui fut tout à fait mémorable. On est d’abord heureux, habitués de la Chapelle, d’entrer dans la salle Paul-Desmarais du Centre canadien d’architecture, une salle de belle configuration classique rectangulaire, à la scène bellement boisée et de couleur ambrée chaleureuse. Le piano Fazioli, rescapé de l’incendie, trône fièrement et, dès les premières notes, sonne magnifiquement (restauré minutieusement par l’indispensable Oliver Esmonde-White).

Et les notes parlons-en! Un programme tout romantique, réservoir de textures délicates et de sonorités puissantes, était à l’honneur. Les quatre Impromptus D.899 de Schubert lançaient le bal. Une vision limpide, dépouillée de trop de rondeurs, presque baroque surprend mon compagnon de concert, un connaisseur de l’œuvre. Moi je suis déjà sous le charme, car je sais que cette clarté du discours est une particularité de la jeune pianiste, mais que jamais elle n’oublie la charge émotionnelle de la musique. Et le miracle se produit : une architecture musicale dessinée à la pointe fine s’imprègne, subtilement, d’un couvert délicat d’émotions, du simple fait que l’on comprend parfaitement où chaque phrase se dirige et ce qu’elle veut exprimer. Il y a très peu de failles techniques (rarissimes) dans le doigté de la néo-montréalaise, si bien que c’est un délice à écouter toutes ces superbes notes perlées qui percolent à travers l’espace sonore de la salle. D’autant plus que l’acoustique est très bonne. On applaudit chaleureusement. Mon ami aussi, conquis.

Suit le Prélude de Tristan et Isolde de Wagner, dans une transcription d’Ernest Schelling, un entremets qui sert de tampon textural entre les papillonnements schubertiens précédents et la monumentale et tempétueuse Sonate en si mineur, S.178 de Franz Liszt. Encore une fois, la clarté technique de Kudriakova ainsi que sa maîtrise remarquable du discours des œuvres qu’elle joue transforment une exécution musicale en moment de communion ou même le plus profane des spectateurs réussirait à suivre les circonvolutions lisztiennes sans se perdre! Le squelette ainsi parfaitement équilibré, la pianiste y insère une substantifique moëlle spirituelle, du muscle sonore et une chair émotionnelle palpable qui émerveillent les sens du public nombreux (la salle était comble, même à peu près deux fois plus grande que la Chapelle).

La salle en question sera vite adoptée par le public, je le prédis. On se dit même qu’une fois que la Chapelle pourra retourner dans ses quartiers habituels, on se plaît à rêver de saisons régulières de musique de chambre en bonne et due forme et comme legs de cette nouvelle collaboration! Jusqu’à maintenant, il y avait principalement des conférences qui s’y donnaient. Je pense que cette utilisation devra être étoffée musicalement pour un avenir durable.

Si j’étais morbidement cynique, je dirais que la présence d’Olga Kudriakova à Montréal est peut-être le plus beau cadeau que Vladimir Poutine et sa guerre stupide aient pu nous faire. Sinon, quelle raison aurait pu avoir une si grande et belle artiste à venir s’installer chez nous? Mais maintenant que c’est fait, soutenons sans relâche son immense talent et aidons-le à se déployer au maximum de son potentiel. Olga Kudriakova est l’une des pianistes les plus intéressantes de la nouvelle génération sur la planète en ce moment. J’ose le déclarer. C’est comme ça. 

Les Violons du Roy à la Maison Symphonique : Une ode à la Seine et à la France… en italien

par Rédaction PAN M 360

Les Violons du Roy ont entamé dimanche après-midi leur saison montréalaise sur les planches de la Maison Symphonique. On a pu y entendre un orchestre extrêmement bien rodé, il s’agit après tout de la troisième représentation de ce concert, avec les deux premières jouées au Palais Montcalm à Québec, et une œuvre d’une forme bien particulière.

La Senna festeggiante est une sérénade, une forme à cheval entre la cantate (païenne) et l’opéra, qui fait l’éloge de la France à travers une allégorie parfois subtile, parfois moins, construite grâce à trois personnages incarnés par les trois solistes : la soprano Robin Johannsen, la mezzo-soprano Ana Reinhold, et la basse Alex Rosen.

Ces solistes ont été fantastiques, transportant le public sur les rives de la Seine avec des duo enchanteurs de la part des voix féminines, et des arias puissants de la part de Rosen, qui rappellent par moment les bouffes italiennes. L’orchestre était lui aussi de très bonne qualité. Derrière les directions minimalistes du chef Jonathan Cohen, souvent occupé au clavecin, on sent tout le travail et la rigueur des musiciens. D’un effectif plus réduit que l’on est habitué d’entendre à la Maison Symphonique, on peut regretter le volume un peu bas, qui évoque l’ambiance d’un salon de l’époque, mais qui est peu adaptée à la salle. La partition est quant à elle typique de Vivaldi. On reconnait bien la structure des ses mélodies, ainsi que quelques emprunts à ses anciennes compositions. On remarque avec plaisir les références à la musique française de l’époque, notamment avec l’ouverture à la française.

La saison à venir des Violons augure bien. On espère pouvoir les retrouver dans un environnement plus intime et adapté pour leur prochain concert, mais on ne peut que féliciter l’ensemble pour une superbe exécution!

OSM | Consécration (tardive) du prodige russe Alexander Malofeev

par Alain Brunet

Au début de l’invasion russe en Ukraine, soit en mars 2022, le jeune Moscovite Alexander Malofeev avait été retiré d’un programme de l’OSM. Le conflit trop récent avait alors conduit plusieurs sociétés de concert à jouer de prudence en « protégeant » les musiciens russes de débordements activistes et de tensions locales entre les communautés ukrainennes et russes. Ce fut le cas de l’OSM. 

S’il était plutôt simple de barrer la route aux musiciens ouvertement pro-Poutine (Valery Gergiev, Anna Netrebko, Denis Matsuev, etc.), ça l’était moins pour les autres artistes russes ne pouvant s’exprimer ouvertement sur le conflit pour des raisons évidentes de possibles représailles à leur endroit ou à leurs proches comme c’est souvent le cas dans les régimes autoritaires. Ainsi, la diffusion culturelle occidentale ne savait pas sur quel pied danser dans ce contexte et les excès de prudence ont fait des victimes avant que le tir soir rajusté. Le pianiste Alexander Malofeev avait fait les frais de cette guerre naissante qui s’enlise aujourd’hui. À l’OSM, on a fait visiblement la part des choses car les musiciens russes font partie des programmes, dont celui de vendredi et samedi à la Maison symphonique.

La musique a eu tôt fait de l’emporter sur les humeurs guerrières, il fallait être carrément bouché pour refuser l’éblouissement de ce pianiste prodigieux, qui aura 22 ans en octobre. Il a encore l’air d’un gamin, il a un physique relativement frêle, mais ce physique est capable de grandes choses. L’articulation de la main droite est absolument impeccable, la main gauche est plus que sûre (on le constatera au rappel côté Scriabine), l’expressivité du musicien étale toutes les nuances de l’émotion humaine, de la passion à l’introspection. Les fans de haute virtuosité en ont eu pour leur argent à travers les mouvements de cette œuvre magistrale (andante-allegro, andantino con variazoni, allegro ma non troppo), surtout le premier et le troisième où la vélocité de l’exécution pianistique cadrait parfaitement avec le style intense de Rafael Payare. Qui plus est, les mélomanes ont pu également savourer les nuances de son phrasé dans les séquences plus paisibles du Concerto no 3. 

En somme, on a pu assister à une version extraordinaire de l’œuvre et une réelle consécration d’Alexandre Malofeev à Montréal, avec cette conviction profonde que la musique est cette langue universelle à laquelle adhèrent tous les humains de bonne volonté. 

En début de programme, on a eu droit à un poème symphonique d’une autre artiste russe :  Lera Auerbach est une surdouée cumulant les fonctions exigeantes de compositrice, cheffe d’orchestre, pianiste, poétesse et artiste visuelle. Icarus, son œuvre au programme, avait été créée en juillet 2011 par l’Orchestre symphonique du festival de Verbier (en Suisse) sous la direction d’un certain Charles Dutoit. Inspirée du mythe d’Icare, cette œuvre substantielle a le pouvoir de plaire aux mélomanes plus conservateurs car elle maintient plusieurs balises de la musique consonante tout en explorant des zones rythmiques, harmoniques et timbrales nettement plus audacieuse. Rien à voir avec  le post-romantisme, encore moins avec le néo-classicisme, donc; on a plutôt affaire à un continuum contemporain très inspiré, avec le souci de paver la voie du mélomane de la musique symphonique moderne vers la musique orchestrale d’aujourd’hui, sans cette nostalgie ronflante qui étouffe trop souvent les perceptions soi disant expertes.


En deuxième partie de programme, Rafael Payare et l’OSM ont exécuté la Symphonie no 1 en ré majeur, dite Titan. rappelons que le processus de création de l’œuvre fut jadis relativement laborieux, soit de 1884 à 1906, année de sa version définitive en quatre mouvements. Au début de sa carrière de symphoniste, Gustav Mahler était tributaire de la période romantique qui l’avait précédé et sa facture orchestrale naissait dans un effort normal de synthèse de ses connaissances profondes. L’identité mahlérienne n’y était pas encore parfaitement affirmée d’entrée de jeu, les citations stylistiques (canons, valses, musique traditionnelle juive, entre autres) ne se fondaient pas toujours dans un tout parfaitement fluide, quoique tous les bourgeons de la façon Mahler étaient visibles. Cela dit, cette « synthèse » demeurait et demeure au-dessus de la moyenne symphonique de l’époque de sa conception, inutile d’ajouter que son exécution sera toujours pertinente. Celle de l’OSM? Jeudi soir, elle était fort défendable mais on ne peut conclure à une exécution aussi achevée et aussi mémorable que celle de la Symphonie no 5 en do dièse mineur de Mahler, en mars dernier.

Entre Bruce Liu et l’OM, « c’est l’amour! »

par Alain Brunet

crédit photo: François Goupil

Samedi soir, l’Orchestre Métropolitain jouissait une fois de plus du charisme remarquable et de la réputation béton de son chef, et lançait sa saison dans une Maison symphonique archi pleine. De surcroît, une foule archi enthousiaste devant son orchestre préféré et son chef bien-aimé.

Controlled Burn, fait  état d’une pratique autochtone ancestrale, visant à déclencher des feux préventifs afin de régénérer la forêt et aussi éviter une propagation des incendies ravageurs. La compositrice et violoncelliste crie Cris Derksen, formée à UBC en Colombie Britannique, a intégré les sonorités forestières et les crépitements du feu via les coups d’archets et autres procédés percussifs.

Harmoniquement, on est dans le typique néoclassicisme consonant des blockbusters cinématographiques et de séries télé nord-américaines, autour desquels la compositrice et soliste pour l’occasion, a greffé certains effets et manipulations électroacoustiques en temps réel – plutôt ténus. Chose sûre, les référents de cette esthétique étaient bien assez évidents pour que la vaste majorité du public présent à cette création y adhère au point d’ovationner sans réserve.

Comme nous l’a rappelé YNS en parlant de lui à la 3e personne, Richard Raymond avait joué ce concerto sous sa direction, en mars 2000. Il y a 22 ans, donc, le Concerto pour piano et orchestre no 2 en do mineur de Rachmaninov avait été joué et enregistré, et vu notamment  par le Montréalais Bruce Liu, soliste vedette de la soirée.

À l’évidence, cette œuvre post-romantique se veut un autre choix consensuel cohérent avec la direction artistique de l’OM, surtout pour le fameux thème du deuxième mouvement (adagio sostenuto) qui fut repris en 1975, disons-le une énième fois, par le créateur (et mashupper) du mégatube All By Myself, Eric Carmen, repris comme on le sait par Céline Dion – à tel point que certains pensent aujourd’hui qu’il s’agit d’un hit de Céline.

Bruce Liu avait joué l’œuvre récemment avec le Philadelphia Orchestra et prolongeait le plaisir à MTL pour une toute première fois avec l’OM sous la direction du même chef – comme on le sait. Entre Bruce Liu et l’OM, « c’est l’amour », a souligné son chef avant l’exécution du Concerto no 2 de Rachmaninov. La version de l’œuvre était relativement apaisée par rapport à d’autres versions connues dont l’originelle et sied fort bien au style de Bruce Liu, d’une extrême finesse et d’une grande circonspection si l’on prend en compte son jeune  âge (26 ans). 

Rappelons qu’on a ici affaire à un champion olympique du piano, grand gagnant du Concours Chopin en 2021, de surcroît le 1er musicien québécois à avoir ravi la première place après que son collègue Charles Richard-Hamelin eut ravi la seconde en 2016. Permettons-nous d’insister: cet honneur décerné à Bruce Liu est énorme sur la planète classique, d’où la nécessité de suivre de près la carrière de ce jeune musicien ayant joint l’élite mondiale.

Proposant un style ni trop éteint ni trop flamboyant, Bruce Liu affiche d’ores et déjà cette maturité des grands concertistes, et dont la personnalité affirmée nous réserve encore bien des surprises. Cohérent jusqu’au rappel, le soliste jouera un Prélude de JS Bach en mi mineur, BWV 855, jadis transposé en si mineur par Alexandre Illitch Ziloti qui avait dirigé la création du concerto no. 2 – à Moscou en 1901.

La seconde partie du programme était consacrée à l’enregistrement pour le label Atma Classique de la Symphonie no 2  en ré majeur op. 43 de Jean Sibelius, créée en 1902 à Helsinki. Cette captation en direct se faisait dans le contexte d’une intégrale discographique des symphonies du compositeur finlandais en cours de production. Le troisième choix au programme est aussi consensuel, cette symphonie de Sibelius étant la plus connue et forcément la plus jouée. Inutile de l’ajouter, nous sommes de nouveau sur ce territoire post-romantique que prise (entre autres) YNS. 

Cette très belle œuvre fut d’abord inspirée par un séjour en Italie et le personnage de Don Juan (imaginé au 17e siècle) et a souvent été comparée à la Pathétique de Tchaïkovski. Le caractère épique du premier et quatrième mouvement avaient alors une résonance nationale dans une Finlande opprimée par la Russie. Transfert de sens…
Malgré les agacements causés par les applaudissements réprimés par le chef et quelques épisodes de sanatorium dans l’amphithéâtre, on peut conclure à une solide exécution et à une une fluidité enviable entre les sections de l’OM, particulièrement aux troisième mouvement ( Vivacissimo — Lento e suave — Tempo primo — attacca) et au quatrième mouvement ( allegro moderato – Moderato assai – Meno moderato e poco a poco ravvivando il tempo – Tempo I – Largamente e pesante – Poco largamente – Molto largamente). La cohésion des pupitres, la rondeur et l’amplitude du son témoignent d’une connaissance profonde de l’œuvre par le maestro québécois. Avec quelques retouches il va sans dire, cette interprétation de la Symphonie no 2 de Sibelius pourra s’inscrire sans problème dans le répertoire discographique de l’OM chez Atma Classique.

Rare Morton Feldman pour inaugurer le nouvel Espace Kendergi

par Frédéric Cardin

Sans tambour ni trompette (c’est le cas de le dire), une nouvelle salle de concert a été inaugurée hier soir à Montréal. Une salle, c’est vite dit. Un espace intime réservé à la musique, mais aussi à des événements privés, des lancements ou des conférences serait une formule plus appropriée. L’Espace Kendergi, en hommage à Maryvonne Kendergi, musicologue, communicatrice et figure centrale de la vie musicale québécoise pendant plus d’un demi siècle, est une salle rectangulaire d’une capacité d’environ 30 personnes assises (excluant les musiciens) ou d’une cinquantaine debout (à vue de nez, qui n’a rien de scientifique, cela dit). 

À l’arrivée en ce mardi soir, on sent que c’est tout neuf. L’odeur de peinture flotte furtivement, l’espace en question est blanc immaculé, de belles mouloures décorent les murs autrement nus et le piano, un petit modèle à queue de marque Fandrich & Sons, trône tout au bout.

Espace Kendergi du Centre de musique canadienne au Québec, Montréal. Piano à queue de marque Fandrich & Sons

Si on est là ce soir, c’est pour venir entendre, sur ce piano justement, un monument rarement joué live de la musique contemporaine : les Triadic Memories de Morton Feldman, le ‘’plus gros papillon en captivité au monde’’, selon son créateur. L’artiste, Isak Goldschneider (que je vous présentais récemment lors d’une interview publiée ici) est une autre importante figure de la musique contemporaine montréalaise, autant musicien que compositeur et principalement directeur artistique de l’organisme Innovations en concert (dont c’était le lancement de la saison 2023-2024, ceci expliquant cela vous l’aurez compris). 

Lisez l’interview avec Isak Goldschneider au sujet d’Innovations en concert et de sa saison 2023-2024

Côté musique, un moment de communion a été réalisé grâce à cette œuvre massive en durée (environ 90 minutes, non-stop!), mais aussi délicate musicalement qu’un voile de soie transparente. La musique de Feldman est un minimalisme atonal simple et complexe. La simplicité se retrouve dans les formules et motifs rythmiques et mélodiques alors que la complexité se situe dans l’évolution et la transformation de ces cellules à travers un lent, mais irrémédiable processus de répétitions et de superpositions. Avec Feldman, il faut savoir prendre le temps d’écouter. Une trempette auditive de 2-3 minutes est contre-indiquée. Ce n’est qu’à la fin des 90 minutes (dans le cas de cette pièce), que la finalité du tout, qui surpasse aisément la somme des multiples parties, nous apparaîtra accessible et l’on pourra alors comprendre le sens de l’expérience vécue. Morton Feldman, c’est comme un tableau de Rothko, mais si on peut s’imprégner de la spiritualité proposée par le peintre états-unien en un seul regard holistique, il est impossible de prendre la pleine mesure d’une oeuvre de Feldman sans, comme je viens de le dire, prendre le temps. Et même prendre le temps de prendre le temps.

Feldman est un minimaliste, mais d’une tout autre trempe que Glass ou Reich. Contrairement à ses deux compatriotes, Feldman refuse la pulsation marquée. Celle-ci existe, mais elle est insinuée, suggérée. Il refuse également la précipitation extatique et fébrile des deux autres (ainsi que leurs disciples). L’expérience musicale que procure Feldman a probablement plus à voir avec le minimalisme ‘’mystique’’ d’Arvo Pärt, ou de John Tavener. Mais furtivement, car il maintient le lien avec l’atonalisme, au contraire des deux Européens. En fin de compte, Feldman est unique et difficile à imiter. Techniquement, ce serait probablement facile, mais pour obtenir le genre de plongée transcendante que procure sa musique, je pense qu’il faut se lever de bonne heure. Là ou des imitateurs finiraient par être insupportables et paraître interminables, les 90 minutes de Triadic Memories en on parues beaucoup moins. C’est parce que Feldman réussit à faire de cette longue marche auditive (comme les autres de son catalogue), un objet qui enveloppe toute l’écoute d’une aura d’incarnation émotionnelle et spirituelle. Un sens de la totalité qui englobe la musique elle-même, le son, sa résonance dans l’espace physique et la présence humaine en relation avec ce ‘’moment-espace’’ précis. La musique de Morton Feldman est l’une des plus humanistes que l’on puisse entendre en ce 21e siècle. 

Isak Goldschneider a paru nerveux avant de s’asseoir devant le piano. On peut le comprendre. Si les exigences techniques n’ont rien du concerto virtuose, l’implication émotionnelle, intellectuelle et spirituelle, dans ce genre de musique, doit être totale, sincère et profondément incarnée. Il semblait comme repu après la dernière note, et pour cause. Il venait de livrer un magistral exercice de communications empreint d’infinies subtilités ou l’intimité réclamée par l’œuvre se doit d’être d’une rare force de pénétration vers les auditeurs. Une musique en équilibre constant sur un fil ténu, faites de délicates ‘’griffures de silence’’, comme le disait Renaud Machart dans Le Monde, mais qui, une fois réussie sa traversée, offre une marque mémorielle indélébile.

Le public a chaleureusement manifesté son approbation. C’était mérité.

Lisez A question about rhythm in Triadic Memories de James Pritchett, pianiste, sur les dessous de l’interprétation de cette oeuvre

L’acoustique de la salle est très bonne, mais elle doit conjuguer avec la rue montréalaise, ici Crescent, le nouveau nid du Centre de musique canadienne (CMC) au Québec. On a été habitué à cette dynamique urbaine, grâce à la salle Bourgie (située à quelques pas!), dans laquelle il n’est pas impossible d’entendre occasionnellement une sirène de police ou un le vacarme d’un camion-benne pendant une sonate de Schubert ou un récital de mélodies françaises. La différence avec cet Espace Kendergi, constatée lors de ce concert, c’est qu’il existe à proximité des clubs/discothèques. Ainsi, pendant les quelque trente premières minutes du concert, une vague tapisserie de ‘’pompe à beats’’, provenant d’on ne savait quel voisin, se laissait deviner dans les très nombreux interstices musicaux chers à Feldman. La sirène occasionnelle, on l’attend, mais le broum-broum continu d’un Dancefloor, ça peut devenir irritant. Ce fut le cas pour moi. Heureusement, ça s’est arrêté un moment donné. Mais on était un mardi soir! Ce que ce sera un jeudi, vendredi ou samedi, on ne peut que présumer. 

Il faudra peut-être considérer la programmation en vertu de cet élément. Un récital d’airs de Mozart, ça pourra cacher le bruit de fond. Mais du moment où les silences, ou quasi-silences, de pièces bien plus délicates seront plus présents, il y aura un risque. On verra bien ce qui en résultera, car Claire Marchand, Directrice générale et artistique du CMC, a annoncé qu’une programmation en bonne et due forme sera dévoilée plus tard. 

Ne boudons pas notre plaisir, cela dit, de voir arriver un nouveau joueur dans le réseau d’espaces de diffusion de la musique de chambre, qui plus est contemporaine et canadienne (Feldman est états-unien, mais quelques nobles exceptions de ce genre sont bien tolérables)! Juste pour cela, je crois qu’on pourra faire fi des quelques bémols joués par l’urbanité environnante. 

Et surtout, on devine que Maryvonne aurait été heureuse et honorée d’y être associée.

OSM | Le Sacre du printemps dans toute sa force et sa splendeur

par Rédaction PAN M 360

crédit photo:  Gabriel Fournier

Mardi soir à la Maison symphonique ouverture de la saison 2023-2024 de l’Orchestre symphonique de Montréal,  nous a réservé, peut-être à l’image de la saison dans son ensemble, quelques surprises fort intéressantes. Bien-sûr, le monument qu’est le Sacre du printemps d’Igor Stravinski était annoncé en grande pompe, mais cela n’a pas empêché le public de découvrir une autre forme de rituel en musique durant le concert.

La Messe glagolitique de Leos Janácek était une belle surprise, un choix étonnant comme première œuvre jouée de la saison, mais un choix qui mérite d’être félicité. Le mélange de la tradition liturgique et du romantisme tardif a façonné une œuvre qu’on ne peut qu’apprécier pour sa puissance et sa spiritualité. Une exécution remarquable, on souligne toutefois le volume magistral du chœur de l’OSM, de qualité incroyable comme toujours, qui étouffait un peu les solistes par moments.

Après un entracte bien mérité pour les musiciens, c’était au tour de la tête d’affiche de prendre la scène, ou plutôt les lutrins. Le Sacre du printemps est une œuvre difficile qui avait donné du fil à retorde aux musiciens pendant plus d’un mois,  lors de sa création en 1913. Malgré tout, l’OSM a su briller à maintes reprises au cours de l’œuvre. Les timbres étaient parfaits, les sonorités claires et soutenues, et il est justifié de féliciter la performance des bassons, des flûtes et de la section des cuivres qui ont été excellents tout au long de la pièce. La section rythmique était plus que solide. Elle a su porter l’œuvre pour qui le rythme est si important.

Le choix des tempi est à noter pendant la première moitié du Sacre. On souligne le pesante des « Rondes printanières » qui était un peu carré, mais surtout une aisance dans la vitesse des parties vives et rapides. À l’image de leur mantra depuis deux ans, l’OSM et Rafael Payare excellent dans l’intensité. De plus d’une manière, l’exécution de la seconde moitié de l’œuvre de Stravinski le démontre à merveille. La maîtrise de la tension grandissante menant au sacrifice et la puissance de l’orchestre ferait chaud au cœur du compositeur. Une finale parfaite pour un superbe concert d’ouverture et, on le sent, une superbe saison à venir!

Kaytraminé au Piknic: vitaminé !

par Jacob Langlois-Pelletier

En avril dernier, le producteur & DJ montréalais Kaytranada et le rappeur américain Aminé en ont surpris plus d’un en annonçant la naissance de leur duo KAYTRAMINÉ. En peu de temps, ils ont dévoilé 4EVA, un premier titre dance & hip-hop en collaboration avec le grand Pharrell Williams, et annoncé la sortie imminente d’un album homonyme. 

C’est à la mi-mai que les deux hommes ont fait paraître KAYTRAMINÉ, un effort de onze titres d’une durée de (seulement!) 34 minutes. Après avoir été vanté avant sa sortie comme étant LE projet de l’été, il faut dire que les attentes étaient (très) élevées, et c’est l’une des raisons pourquoi cet opus en a laissé plusieurs sur leur faim. KAYTRAMINÉ est loin d’être un mauvais projet, comprenez-moi bien. Cependant, l’ambiance des différents morceaux n’est pas nécessairement ce à quoi l’on s’attendait après avoir écouté 4EVA. Malgré cela, l’album comporte de bons couplets du rappeur, d’intéressants invités dont Freddie Gibbs et Big Sean ainsi que d’excellentes productions qui servent à merveille les différents interlocuteurs. Le premier effort collaboratif des deux artistes ne passera certainement pas à l’histoire, mais demeure une proposition intéressante et différente de ce qui se fait présentement dans le hip-hop. 

Ainsi, me voilà au Parc Jean-Drapeau un jeudi soir pour voir KAYTRAMINÉ sur scène. Hier, les deux artistes donnaient le coup d’envoi de leur courte tournée de cinq concerts. Étant un fan du matériel solo des deux protagonistes, ce rendez-vous était un incontournable pour moi, d’autant plus que Montréal était leur seule date au Canada. Kaytranada et Aminé ont offert un excellent concert 3-en-1 d’environ 75 minutes et ont régalé l’imposante foule amassée près de la Scène FIZZ. 

KAYTRAMINÉ a commencé en force avec quelques titres issus de leur album, débutant par l’introduction Who He Iz suivi de UGH UGH. Sur scène, Kaytranada se retrouve à l’arrière-plan derrière sa console, tandis qu’Aminé occupe la scène. D’entrée de jeu, les deux artistes brillent par leur charisme et leur chimie. Il faut dire qu’ils se connaissent depuis plusieurs années; ils ont d’ailleurs collaboré sur le remix de la chanson Not at All en 2015 (qu’ils ont d’ailleurs jouée lors du concert) et la chanson Egyptian Luvr en 2018. Après une vingtaine de minutes, le DJ montréalais a quitté la scène et Aminé a enfilé plusieurs de ses titres les plus populaires, allant de REEL IT IN issue de ONEPOINTFIVE à Caroline de son premier album Good For You. On tend à l’oublier, mais le rappeur de 29 ans a plusieurs bons projets derrière la cravate depuis 2017. Nul doute, c’est pendant son moment solo que la foule s’est montrée la plus engagée. 

Vous l’aviez sûrement déjà deviné, mais après une quinzaine de minutes en solo d’Aminé, c’était au tour de Kaytranada de briller seul sur scène. Le Montréalais a transformé le Parc Jean-Drapeau en véritable piste de danse en offrant un excellent set de ses morceaux. Derrière sa table, le trentenaire était tout sourire, n’hésitait pas à danser et semblait passer un superbe moment. Par la suite, les deux hommes se sont rejoints sur scène pour conclure avec 4EVA, leur meilleur titre en duo (non pas une, mais deux fois lors du rappel).

KAYTRAMINÉ a donné tout un spectacle en cette soirée de Piknic Électronik à guichets fermés. L’énergie des deux artistes était contagieuse, et la construction du concert était franchement intéressante. Sur scène, les morceaux de KAYTRAMINÉ m’ont paru plus intéressants et plus estivaux, surtout avec les chants de la foule. Finalement, peut-être les deux vedettes avaient-ils raison: par “album de l’été”, ils voulaient signifier que ce projet était conçu pour les festivals d’été. 

Crédit photos: Alexanne Brisson

Ron Carter et les diplômés de l’U de M, triomphe académique

par Varun Swarup

Ce concert de l’Orchestre jazz des diplômés-es de l’Université de Montréal aura marqué la scène musicale locale, avec le concert de l’éminent contrebassiste Ron Carter comme premier l’invité inaugural.

L’atmosphère du Théâtre Maisonneuve était chaleureuse, avec un public essentiellement composé d’amis, de membres de la famille du big band et de passionnés de musique attirés par le concept : les meilleurs diplômés donneraient la réplique à Ron Carter.

Cependant… Bien que la liste des morceaux ait été principalement composée d’œuvres originales de M. Carter, rigoureusement arrangées par Rich deRosa et solidement exécutées par l’orchestre, il s’agissait d’une facture plutôt conservatrice, à tout le moins académique. Très peu de décalage, en fait, avec ce qu’on aurait pu entendre d’un très bon big band de jazz moderne dans les années 50, jusqu’au tournant des années 60.


Parmi les moments forts, citons la lyrique Little Waltz et Ah, Rio, une composition inspirée de la bossa nova qui a un tantinet changé la donne. Bien que la performance ait été techniquement impressionnante, elle a semblé un peu datée, surtout si l’on considère le rôle influent de Ron Carter dans l’histoire du jazz – surtout en tant qu’interprète, très peu en tant que compositeur. Carter a été un sideman de premier plan, acteur de nombreux mouvements qui ont repoussé les limites du jazz et même du hip-hop, et il aurait donc été intéressant d’assister à une sélection de compositions plus contemporaines et novatrices.

Un autre inconvénient de la soirée était l’équilibre du son. La basse semblait dominer le mixage, éclipsant parfois les autres instruments. S’il était incontestablement agréable d’entendre le jeu magistral de M. Carter à la basse, la position anormalement élevée de l’instrument dans le mixage empêchait d’apprécier pleinement les nuances de l’ensemble.

Il est néanmoins essentiel de reconnaître le talent exceptionnel qui s’est manifesté hier soir. Quoi qu’on en pense, ce concert a été une excellente vitrine pour nos propres maîtres de la musique ici à Montréal, mettant en lumière leurs indéniables compétences et leur dévouement à leur art. On pense notamment à David Carbonneau, trompette, Rachel Therrien, trompette, François D’Amours, saxo, Jérôme Beaulieu, piano, pour ne nommer que ceux-là.

En fait, il serait inutile et injuste de distinguer un musicien en particulier, puisque tous ont eu l’occasion de briller tout au long de la soirée, ceci incluant M. Ron Di Lauro, illustre prof de l’U de M fraîchement retraité après 25 ans de loyaux services à la barre de ce big band universitaire et plus encore. Avant de tirer sa révérence, il aura pu sortir sa trompette pour une heureuse Little Waltz.

FME JOUR 4: SAMWOY, Knitting, Comment Debord,  LUMIÈRE, Karma Glider, Hippie Hourrah, Saint Martyrs, TUKAN

par Rédaction PAN M 360

Deux rédacteurs de PAN M 360 sont de retour de la 21e édition du Festival Musique Emergente (FME) de Rouyn-Noranda, une prise de possession musicale de la ville pour voir certains des meilleurs et des plus brillants groupes émergents du Québec, de l’Ontario et de la scène internationale s’adonner au rock alternatif, au shoegaze, à la new wave, à la dream pop, à la synthpop, à l’art rock, au psychédélisme et bien plus encore. Sans plus attendre, voici quelques groupes que nous avons voulu mettre en lumière le dernier jour du FME.

Hop la nuit avec Saints-Martyrs

J’ai beaucoup appris lors de mon premier FME. Et l’une des leçons les plus essentielles (que j’ai apprise très tôt), c’est qu’on ne sait jamais à quoi s’attendre de l’artiste suivant. C’est ce qui s’est produit lorsque nous nous sommes entassés une dernière fois dans le Petit Théâtre pour assister au dernier concert du festival : Saints Martyrs, un groupe québécois d’art-rock bruitiste.

Le set a commencé par ce qui s’annonçait comme dix minutes d’un préambule grinçant, avec une batterie touffue et sans rythme, une guitare grinçante et méandreuse, et quelques cris rauques et atmosphériques du chanteur, Frère Foutre – qui était habillé tel un Raspoutine devenu vampire, avec un long manteau noir et des bottes à plateforme excessivement élevées. Soudain, un plafonnier bon marché s’est allumé au-dessus de Foutre, la lumière rouge baignant son visage enfumé tandis qu’il prononçait ses paroles de toutes ses forces. Le guitariste Souffrance (portant un masque à gaz) a sauté de la scène plus d’une fois pour essayer de remuer la merde sur le sol, à un moment donné, il a presque plaqué une femme qui se tenait près de nous.

Si j’ai globalement apprécié Saints Martyrs, je dois admettre que je me suis gratté la tête à la fin, lorsque Foutre a ramassé la moitié de la batterie, s’est dramatiquement écroulé sur le sol en dessous, puis a commencé à se glisser laborieusement sur le ventre sur une vingtaine de mètres jusqu’au bord de la salle. J’ai dû l’enjamber pour me diriger vers la sortie – je ne sais toujours pas si c’était impoli ou si c’était vraiment ce qu’il espérait.
– Lyle Hendriks

Knitting émet la vibration existentielle

Né des cendres de la pandémie montréalaise, Knitting est un groupe de bedroom pop à la rencontre de l’indie rock qui a donné un concert relax, question de soulager de nos gueules de bois quotidiennes un dimanche après-midi. Avec ses guitares pincées, ses voix poppy-emo et sa section rythmique tout à fait synchro, Knitting exhale la chimie d’un groupe qui a dix ans d’existence, et qui n’a pourtant pas cet âge avancé – pour un groupe. Un peu à la manière de Blur et The Postal Service, le rock de Knitting était existentiel avec une dose de mélancolie, états ressentis (et difficile à éviter) en quittant la salle. 

– Stephan Boissonneault

SAMWOY, cavale post-punk

Je n’ai assisté qu’à la fin du concert de SAMWOY au Cabaret de la Dernière Chance, mais je me souviens très bien avoir assisté à une interprétation punk rock du titre Sbwriel, alors que SAMWOY maniait un micro à rétroaction et une guitare à manivelle. Avec une musique aussi théâtrale que l’album Awkward Party de SAMWOY, je m’attendais à un peu plus de faste dans le set, mais j’ai été satisfait par un punk plus direct, mais quelque peu expérimental. Les petites histoires de SAMWOY sur le contexte des chansons étaient également une touche agréable, dérivant parfois vers ce qui ressemblait à des divagations post-punk, mais toujours divertissantes au maximum.

 
– Stephan Boissonneault

Comment Debord – que le funk soit avec toi


Funky, frais, dégustant chaque instant passé sur scène, le groupe rock montréalais Comment Debord était le début parfait de notre dernière journée au FME à Rouyn-Noranda. Le groupe a une approche détendue et décontractée, son rock groovy, si soigneusement peaufiné, semble presque sans effort. C’est particulièrement évident lorsqu’on observe la synergie magistrale entre le bassiste Étienne Dextraze-Monast et le batteur Olivier Cousineau, les deux formant un duo électrique qui a propulsé l’ensemble du set sans qu’aucun faux pas ne soit apparent.

Nous avons également eu droit à d’excellentes performances vocales de la part du groupe, avec des harmonies magnifiquement construites par chaque membre. On frappait dans le mille au moment opportun, ce qui permettait de mener un crescendo essentiel pour ensuite se fondre à nouveau dans un groove doux et charnu. Pendant tout ce temps, les cinq membres présents étaient rayonnants, totalement absorbés par chaque petit mouvement au programme. Il y a un sens du jeu et de la joie dans le travail chez Comment Debord, ces mecs ont fait en sorte que nous nous amusions au max tout au long du concert.
– Lyle Hendriks

LUMIÈRE, ou le glam au FME

Combinant le rock poilu des années 80, le classic rock des années 70 et l’esthétique androgyne et sexy qui dominera sans doute les goûts de notre proche avenir, LUMIÈRE a offert un spectacle étrange et merveilleux sur les rives pittoresques du Lac Osisko de Rouyn Noranda, dimanche soir. Emmenée par la chanteuse Étienne Côté (Canailles et Bon Enfant), la formation nous a entraînés avec passion dans un setlist serré et explosif de glam rock scintillant auquel il était difficile de résister. Côté, en particulier, apporte un charme irrésistible au spectacle, s’appropriant totalement la scène, hurlant et braillant à souhait.

À un certain moment, Côté a quitté la scène en galopant, tandis que ses phénoménaux choristes prenaient la relève, chantant, tapant sur la tête et entraînant la foule dans une frénésie totale. Entre-temps, Côté s’est glissé dans une tenue plus confortable, un justaucorps moulant avec des culottes et une poitrine ouverte. Avec autant de théâtralité et d’assurance, il était difficile voire impossible de détourner le regard de LUMIÈRE.

Karma Glider s’envole et s’imprègne du soleil dans le parc

Après avoir vu JP de Mothland s’illustrer comme bassiste remplaçant pour La Sécurité, je me doutais bien que nous allions assister à un autre de ses projets au FME. C’est ce qui s’est passé avec Karma Glider, le quartette shoegaze pop rock dirigé par Susil Sharma (Heat), par un magnifique dimanche soir. En toile de fond, un coucher de soleil sur le lac Osisko, alors que nous étions tous assis dans un amphithéâtre envahi par la végétation pour écouter ce rock alternatif, personnel et profond.

C’était vraiment l’endroit idéal pour écouter en temps réel des morceaux comme In Deep Ocean , Burning Up et le Lou Reed-esque Cherry , issus du premier album de Karma Glider, Future Fiction. Le FME devrait utiliser davantage cet amphithéâtre, car nous nous attendions tous à ce qu’un autre groupe surgisse après Karma Glider pour profiter davantage de la nature.
– Stephan Boissonneault

Hippie Hourrah, tableaux d’une exposition au FME



Ces gars savent comment faire du rock psychédélique groovy qui, bien que bourdonnant, oscille entre les genres, sans jamais s’éterniser. La fantastique musicalité de Hippie Hourrah à la Guinguette chez Edmund, sur l’eau, a été un ajout bienvenu juste après Karma Glider. Le public a adoré, surtout la femme qui a fait trois fois du crowd-surf.

Ce n’est que plus tard que j’ai appris qu’elle était suivie par une troupe de cirque et qu’elle avait répété le crowd surfing à plusieurs reprises, ce qui a un peu enlevé le côté inédit de la chose. Malgré tout, Hippie Hourrah est une véritable source d’inspiration, surtout pour les jeunes de Rouyn-Noranda qui jouaient de la air guitar près des fleurs. Qui sait, peut-être joueront-ils un jour au FME et pourront-ils remercier Hippie Hourrah.
– Stephan Boissonneault

Tukan fait 3 en 3


Le groupe bruxellois de techno/jazz/post-rock analogique Tukan était LE spectacle à voir au FME – et c’est une bonne nouvelle, car vous avez eu trois occasions de le faire. D’abord le vendredi devant la Fonderie Horne, hideusement industrielle (mais indéniablement cool), puis le samedi dans le sous-sol moite du Petit Théâtre, et une fois de plus le dimanche à l’Espace Lounge, Tukan a été une force de la nature au FME 2023, et tout cela à la demande générale.

Ayant vu les trois spectacles en trois jours, je suis rapidement passée du statut de non-initiée au Tukan à celui de fervente adepte – chansons préférées et tout le reste. Ce qui m’a le plus frappé en regardant ces quatre jeunes artistes se produire soir après soir, c’est l’enthousiasme qu’ils éprouvent pour leur musique et la façon dont elle nous incite à bouger. C’est particulièrement évident lorsque l’on observe le synthétiseur Samuel Marie, qui est constamment au bord de l’euphorie totale, rayonnant sur la foule et ses compagnons de groupe alors qu’il conduit chaque chanson à travers ses étapes fluides et changeantes. Il y a une passion, un amour, un besoin de créer ce type d’art entre les quatre membres de Tukan, et cela vient avec une urgence électrique qui traverse l’air comme un éclair sous nos yeux émerveillés.
– Lyle Hendriks

Fête de la Musique de Tremblant | Toutes nos recensions

par Alain Brunet

Pendant tout le week-end de la fête du Travail, le village piétonnier de Mont-Tremblant fut peuplé à pleine capacité, une météo quasi parfaite a assurément  contribué à ces conditions gagnantes pour son activité maîtresse, la Fête de la Musique, présentée un 23e fois depuis la première, 28 ans plus tôt. La direction artistique d’Angèle Dubeau gardé le cap : choix consensuels de musique classique et pop de qualité, éclectisme fédérateur, de la pop occidentale aux accents balkaniques ou afro-latins. En voici les moments forts, recensés par PAN M 360.

Jean-Michel Blais, néoclassicisme et profonde humanité

Dans cette charmante petite église de Mont-Tremblant, lieu autrefois sacré et transformé en salle de concert sans en perdre l’arôme originel, Jean-Michel Blais présentait vendredi une version réduite de sa musique pour orchestre de chambre. Aubades est certes apprécié par le public néoclassique. 

Séduit par la composition strictement acoustique pour un ensemble exigeant une rigueur polyphonique et donc une maîtrise acceptable du langage classique, le musicien met de côté ses qualités de producteur et se concentre sur son jeu pianistique, sa composition instrumentale et ses qualités d’arrangeur, acquises plus récemment. On ne reprendra pas ici ce débat sur le néoclassicisme triomphant auprès des vingtenaires, trentenaires et plus encore… Cette approche a des limites évidentes mais, quoi qu’on en pense,  demeure une zone d’élévation pour les mélomanes biberonnés à la pop et ses déclinaisons indies.

Super sympathique, intelligent et sans prétention malgré son remarquable succès, Jean-Michel Blais ne réinvente pas la roue et, néanmoins, met de l’avant ses qualités de mélodiste au service de la musique de chambre. Mélodies et harmonies tonales, contrepoint serré, une instrumentation à quatre, économie oblige : piano, violoncelle, violon, bois. Les partitions ne sont pas d’une grande complexité, cette musique peut certes sembler prévisible pour quiconque connaît la musique romantique et moderne (fin 19e  siècle début 20e), ou encore plusieurs musiques de films français, exigent néanmoins une exécution rigoureuse de la part des interprètes mis à contribution. En somme, un moment très sympa avec un être humain qui mérite pleinement le succès qui lui est accordé en ce moment.

Kleztory… tout sauf klezthéorique

Le groupe est composé d’Elvira Misbakhova (violon), d’Airat Ichmouratov (clarinette, clarinette basse, duclar), Mark Peetsma (contrebasse), Raphaël D’Amours (guitare), Mélanie Bergeron (accordéon). Musiciens classiques de haut niveau,  Elvira, aussi violoniste chez I Musici de Montréal et altiste à l’Orchestre Métropolitain, et Airat, également compositeur post-romantique de plus en plus joué par nos orchestres, avaient fondé cette formation peu après être débarqués au Québec dans les années 90. Kleztory demeure un projet important pour ces musiciens classiques à la rencontre d’interprètes spécialisés, notamment dans la musique des Balkans, plus précisément celle qui dominait avant les migrations forcées et exactions causées par le nazisme dans les années 30. Au fil des ans, Kleztory a réussi à se rapprocher davantage de l’esprit klezmer et autres musiques compatibles tel le jazz. On note plus de souplesse et de sensualité dans le jeu d’Elvira, la virtuose de cette formation autour de laquelle se greffent d’excellents musiciens. Outre le klezmer, cette musique juive de  Kleztory et ses explorations modales avec quarts de ton, vous pourrez d’ailleurs le réaliser une fois de plus, soit  le 21 septembre prochain à la Salle Bourgie, avec un pianiste en prime, David Ryshpan.
Tout sauf… klezthéorique !

Charles Richard-Hamelin, médiation culturelle à Tremblant

Vu son calibre et sa stature déjà immense, le pianiste Charles Richard-Hamelin pourrait fort bien ne pas se prêter à ce type de médiation culturelle et refuser un bain de foule dans un petit festival. Eh bien non! Le virtuose, certes un de nos pianiste les plus accomplis au pays, à tout le moins dans le top 5 canadien, reste humble et accessible. Installé sous un petit chapiteau, entouré de mélomanes curieux venus à sa rencontre, le pianiste s’est prêté au jeu à quatre reprises, rien de moins. Une de ces représentations d’une heure consistait à fournir des détails de sa fameuse deuxième place au Concours Chopin, certes le plus prestigieux des concours de piano sur Terre, 2e place gagnée en 2016 parmi  450 interprètes d’excellent niveau, « un peu comme les olympiques du piano ». Il aura joué entre autres une pièce peu jouée de Chopin, l’Allegro de concert, op. 46, pendant laquelle on pouvait entendre les murmures de la foule, les chiens qui jappent et les bébés qui gémissent dans les poussettes. On aura eu aussi droit à 6 valses de Chopin, pour la plupart archi-connues. Entre les pièces, Richard-Hamelin nous a fourni plusieurs détails de sa préparation au concours remporté en 2015. En fin de programme, ses fans lui demanderont de fournir des détails sur sa préparation, sur l’autorité parentale et la nécessité de répéter quotidiennement durant toute son enfance et plus encore. Mine de rien, ces généreux rapprochements contribuent à souder la relation des grands interprètes avec leur public.

Ayrad, mahgrébin avec attitude rock

Formation multiculturelle et multi genres à dominante maghrébine,  Ayrad est chapeauté par le guitariste et compositeur d’origine marocaine Hamza Abouabdelmajid, assisté d’Annick Beauvais (hautbois amplifié, basse, voix), d’Anit Ghosh (violon, choeurs), de Kattam Laraki-Côté (percussions, choeurs), de Sylvain Plante (batterie, percussions) et de Gabriel Brochu-Lajoie (basse, clavier). Depuis  une décennie, on connaît cette approche nord-africaine avec attitude rock, intégrant le raï, le chaâbi, le gnawa, le blues touareg du désert, mais aussi le funk, l’afro-latin ou même le bhangra indien. La machine Ayrad est rodée à souhait, on a ici affaire à des professionnels sérieux qui roulent leur bosse depuis nombre d’années. 

Yves Lambert, nouveau cycle à la veille de ses 67 ans

C’était écrit dans le ciel, notre Yves Lambert national coifferait les 90 minutes triomphales de son spectacle d’un enchaînement de La cuisinière et Dans nos vieilles maisons, mégatubes de La Bottine souriante qu’il a quittée deux décennies plus tôt mais dont il fut la figure emblématique. Ce programme audacieux et diversifié était constitué d’un hommage bien senti à Philippe Bruneau, de reprises de chansons traditionnelles dont une de Jean-Paul Guimond et une paire de classiques signés Oscar Thiffault, aussi de chansons originales et de deux pots-pourris de la Bottine Souriante. Depuis sa rupture avec la Bottine, Lambert a connu différents cycles de création, le plus récent se vit aujourd’hui en formule quartette (voix, accordéon diatonique, violon, guitare, podorythmie) et l’album à venir relance ses ambitions orchestrales. Dans ce contexte, les arrangements de Gabriel Schwartz complètent l’ensemble avec quatre instrumentistes supplémentaires (flûtes, sax sopranino, basson, clarinettes, claviers) et nécessitent une sonorisation délicate afin que ces très beaux  arrangements soient perceptibles, surtout dans les séquences les plus rythmées du répertoire au programme. Et puisque ce nouveau cycle vient à peine de débuter, des ajustements sont nécessaires et on peut déjà prévoir qu’Yves Lambert aura tôt fait de peaufiner tout ça. Quoi qu’il advienne, la majorité absolue de ses fans seront ravis par la proposition, n’y verront que du feu.

Serhiy Salov, un hommage à l’Ukraine

Dimanche midi, le premier concert au programme était donné par le pianiste ukrainien Serhiy Salov, établi à Montréal depuis exactement 10 ans. S’étant produit à maintes reprises sur les scènes montréalaises, le Québécois d’adoption avait reçu la commande d’un hommage à son pays natal dont on sait la souffrance quotidienne. Ainsi, il a joué des compositeurs ukrainiens, romantiques ou modernes, dont Mykola Lysenko, un contemporain de Liszt, ou encore Igor Naoumovitch Chamo et Miroslav Skoryk, ayant tous deux vécu au 20e siècle. Le pianiste jouera également la 12e étude de Chopin op 10, dont le pays d’origine jouxte l’Ukraine. Le compositeur avait écrit cette étude tempétueuse après avoir appris la reconquête de Varsovie ar les troupes russes pendant  l’insurrection polonaise de novembre 1830 contre les abus de la tutelle russe. Parallèle évident avec l’actuelle tentative russe de dominer l’Ukraine, il va sans dire, et tout à fait compatible au style intense de Salov, pour employer un euphémisme. « Dessert ou digestif », au programme, une chanteuse azérie  (qui fut réfugiée vu la guerre) s’est jointe au pianiste. Accompagnée de son hôte, la soprano Irane Ibragimli chantera ce requiem de guerre de Miroslav Skoryk, une pièce de circonstance dans le contexte de la guerre qui fait rage en Ukraine… et dont Serhiy Salov est un fier partisan.

The Lost Fingers 

On connaît The Lost Fingers depuis la décennie 2000, la dernière mouture remonte à 2014 : Valérie Amyot, chant, François « La Mitraille » Rioux, guitare solo,  Byron Mikaloff  guitare,   Alex Morissette, contrebasse. Inspirés à l’origine par le jazz manouche, The Lost Fingers ont construit un répertoire fondé à la fois sur la virtuosité guitaristique et un répertoire hybride entre jazz gitan et pop culture, ceci incluant de vivifiantes relectures de tubes tel Pump It Up. À l’évidence, le concept trouve encore preneurs, car la foule a fort bien réagi .

Lengaïa Salsa Brava, que calor!

Lengaïa Salsa Brava est un combo latin fondé à Montréal en  2012 par le tromboniste  guyanais Giany-Frantz Huyghues-Despointes. Comme Montréal, Lengaïa est multiculturel : ses membres proviennent de 7 pays différents : Guyane française, Cuba, Colombie, Pérou, Québec, Espagne et Venezuela, inutile d’ajouter que ses membres communiquent dans les trois langues qu’ils pratiquent au quotidien : français, anglais, espagnol. Conformément à l’instrumentation des  meilleurs orchestres latinos dans les 3 Amériques, cet ensemble est constitué de trois trombones et d’un saxophone baryton, d’une section de trois percussionnistes, d’un contrebassiste, d’un pianiste et de trois chanteurs. La vraie patente ! En 2023, Lengaïa a lancé un 3e album studio, Estética de un Rumbero dont le public de Tremblant a reçu en pleine gueule quelques vivifiants extraits. Salsa, rumba, guaguanco, cha-cha-cha, bachata, latin jazz et autres rythmes afro-latins propulsent carrément cette machine huilée au quart de tour. Qu’on ne s’y méprenne, Lengaïa n’est  pas un groupe latino de service, sous-produit d’une diaspora nostalgique. Il y effectivement de quoi être étonné par la qualité d’exécution de ces excellents musiciens, parfaitement soudés, inspirants pour les danseurs  de la Place Saint-Bernard où se trouve la scène principale au cœur du village piétonnier.

Résurrection de Diane Juster avec Angèle Dubeau et La Pietà


Chaque  Fête de la musique culmine, Angèle Dubeau et La Pietà intègrent à leur programme dominical un ou une invité.e de marque. Le 27 novembre, elle sera à la Maison symphonique avec un programme spécial, tout Philip Glass et Ludovico Einaudi, dont elle a joué quelques extraits devant une salle comble: côté Glass, Opening et le un mouvement de sa Symphonie no 3 pour cordes, côté Einaudi, Expérience et Choros. Avant quoi la Danse macabre de Saint-Saëns fut exécutée malgré une sonorisation quelque peu laborieuse et l’humidité qui impactait aussi les instruments – il faut dire que l’expertise en la matière de sonorisation de scènes extérieures pour des ensembles à cordes est rarissime, car ces formations classiques jouent généralement en salle, sans micros contacts. Vint ensuite la jeune prodige de 9 ans, Iza Kamnitzer, pour l’exécution de l’Hommage à l’Ukraine. Après les interprétations de la Rhapsodie roumaine d’Enescu et des deux titres d’Einaudi, une « grande dame de la  chanson », pour reprendre  l’expression d’Angèle Dubeau, nous est apparue. Diane Juster, que très peu de gens ont vue sur scène depuis de nombreuses années, a accepté de venir interpréter ses classiques, toutes des chansons de passion amoureuse : À ma manière, J’ai besoin de parler,Ce matin et l’incontournable Je ne suis qu’une chanson que Ginette Reno avait popularisée. À tout le moins instructive, cette plongée dans les années 70…

FME JOUR 3: Vanille, Night Lunch, AMMAR 808, Truckviolence, TUKAN, Les Louanges

par Rédaction PAN M 360

Deux rédacteurs de PAN M 360 sont actuellement à Rouyn-Noranda pour la 21e édition du Festival Musique Emergente (FME), une prise de possession musicale de la ville pour voir certains des meilleurs et des plus brillants groupes émergents du Québec, de l’Ontario et de l’échelle internationale s’adonner au rock alternatif, au shoegaze, à la new wave, à la dream pop, à la synthpop, à l’art rock, au psych, et bien plus encore. Sans plus attendre, voici quelques groupes que nous avons voulu mettre en lumière pour le troisième jour.

Photos: by Stephan Boissonneault

Vanille apporte le soleil et nous emmène là où nous devons aller

La prestation de Vanille à la Guinguette chez Edmund au FME a sans doute été l’une des plus belles du festival, avec sa pop ensoleillée des années 60 qui a fait naître un véritable lever de soleil sur le lac Osisko. Elle a joué une grande partie de son ancien album Soleil ’96 et quelques versions plus rock n’ roll de ses chansons baroques et médiévales du dernier album, La clairière. Les vibrations et l’atmosphère étaient fantastiques, et tout semblait être dans une brume sépia. Des enfants courent partout, un métalleux se détend en regardant le ciel d’un air endormi. Il n’y a pas grand-chose d’autre à dire, si ce n’est que c’était le fantastique début d’une journée ensoleillée.

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– Stephan Boissonneault

AMMAR 808 et sa foudroyante danse tunisienne

Sofyann Ben Youssef, alias AMMAR 808, un DJ tunisien installé au Danemark qui a un penchant pour les basses lourdes et l’électro européenne qui rappelle les clubs allemands faiblement éclairés, était l’un des artistes prévus pour tuer le temps avant Blesse. À un moment donné, le micro d’AMMAR s’est coupé, mais il s’est dit « Fuck It », on va le faire en direct, et il a commencé à mixer sur place, en improvisant, tout en contrôlant l’énergie de la foule. Ce qui distingue le son d’AMMAR 808, c’est son mélange en direct de rythmes agressifs et implacables et de voix pan-maghrébines. C’est trippant et lourd, parfait pour le dancefloor quand on veut se dissocier, ce que beaucoup d’entre nous étaient déjà en train de faire.
– Stephan Boissonneault

TUKAN Post-Everything Jazz Electro Bliss


Day 3 of FME was graced by the analog electro-jazz mania of TUKAN in a basement, but their secret show set on the train tracks in front of the Horne Foundry was the true magic hour. TUKAN has the same energy and aptitude as say an electro-trance producer, but uses live instruments to create their dancy soundscapes. Floating Points, BADBADNOTGOOD, Wetpaint, Popul Vuh; these influences and more can be heard in TUKAN’s set. Though the fact they are recreating everything live makes it an exhilarating experience; especially for the two men fronting a catwalk fashion show during the train tracks set. The basement set was definitely more of a club setting, but this scrappy band from Brussels is not one to be missed. – Stephan Boissonneault

Night Lunch (Served at 3PM)


There’s nothing like a generously-cut grey suit, dark shades, and a little analog synth to instantly transport you to an ideal world of yesteryear—one of carphones and glittering city skylines. This specific moment of time was brought to life last night by Montreal art pop outfit Night Lunch. Featuring a cool, calm performance from lead singer and human ice cube Lukie Lovechild, he was backed up in style by rock-solid bass grooves and soft, cushiony chords and melodies coming from synth player Wesley McNeil.

Despite the pop influences that Night Lunch so proudly wear on their sleeves, there’s a darker, sexier side to their sound than you might first expect—just as at home in the dusky, subterranean venue we saw them in as they would be at the front a cigarette haze nightclub. In each track, ’80s-style synths and lead guitar come together to create passage after passage of resonant, endlessly satisfying changes that simply make you want to boogie the whole night away.
– Lyle Hendriks



Truckviolence – Violence As Community Service


Les garçons de Truckviolence ne sont pas vraiment effrayants ni menaçants, mais on vous pardonnera de penser le contraire après avoir vu ce trio se déchaîner sur scène. Tonitruant et agressif, Truckviolence s’enfonce dans votre crâne comme une cartouche de calibre 12, avec un travail de batterie puissant et presque incompréhensiblement complexe grâce à Ryley, des guitares gutturales, et bien sûr, la volonté et l’intensité absolues du chanteur Karsyn Henderson, qui n’a pas perdu de temps pour se déshabiller et sauter dans la fosse pour un peu de violence à son tour.

Malgré la violence caractérielle que ce groupe incarne avec perfection, cette approche n’est pas dépourvue de subtilités cachées, ni même de moments plus doux. À un moment donné, Ryley a pris une pause bien nécessaire de la batterie pour qu’Henderson et le guitariste se lancent dans un jam country étonnamment sombre et beau, avec rien d’autre qu’un doux banjo et les douces tonalités d’un homme tatoué qui ne porte rien d’autre que le cœur sur lmain. Et une fois que c’était fait, nous nous sommes remis au travail, nous cognant les uns contre les autres, headbangnant au point de faire gicler de la bière dans tous les sens – telle est la dualité tout à fait captivante de Truckviolence. – Lyle Hendriks

Les Louanges balancent les règles du jeu


Tant d’artistes prétendent défier les conventions et les genres, mais peu y parviennent aussi efficacement que Les Louanges l’ont fait sur la scène principale du FME, samedi soir. Armés de flûtes, de saxophones, de synthétiseurs et d’énormes pantalons emo, Les Louange ont donné un spectacle très varié, de la meilleure façon possible. Parfois, je devais m’assurer qu’un nouveau groupe n’avait pas pris le relais sans que je m’en rende compte, mais dans tous les cas, il s’agissait simplement d’une nouvelle approche aventureuse. Se promenant avec aisance dans d’innombrables genres, du jazz au funk, en passant par le R&B et une touche de danse latine, un profond sentiment de confiance et de joie émanait de l’ensemble du groupe, mais en particulier du chanteur Vincent Roberge.

J’ai eu le plaisir de voir d’innombrables jeunes gens passer possiblement la meilleure soirée de leur vie, surfant sur la foule, sautant, lançant des bâtons lumineux au groupe en guise de remerciement. À un moment donné, Roberge a dû prendre un moment, apparemment submergé par les quelque 1000 représentants du public qui chantaient chaque mot de sa chanson, tandis qu’il continuait à sourire. Avec tant d’éléments qui nagent et se transforment dans la musique des Louanges, il s’agit d’un groupe à suivre de près, encore et encore.
– Lyle Hendriks

FME JOUR 2: Annie-Claude Deschênes, RIP Pop Mutant, FouKi, La Sécurité

par Rédaction PAN M 360

Deux rédacteurs de PAN M 360 sont actuellement à Rouyn-Noranda pour la 21e édition du Festival Musique Emergente (FME), une prise de possession musicale de la ville pour voir et entendre certains des meilleurs groupes émergents du Québec, de l’Ontario et de l’échelle internationale s’adonner au rock alternatif, au shoegaze, à la new wave, à la dream pop, à la synthpop, à l’art rock, au psych, et bien plus encore. Sans plus attendre, voici quelques groupes que nous avons voulu mettre en lumière pour le deuxième jour.

Photos par Stephan Boissonneault

Annie-Claude Deschênes au restaurant

L’hyper théâtrale Annie-Claude Deschênes (PYPY et Duchess Says) a présenté vendredi son spectacle de synthwave sur le thème du restaurant au Petit Théâtre du Vieux Noranda, et l’ambiance est devenue bizarre. En fait, tout est bizarre dans le personnage qu’Annie-Claude adopte sur scène, mais c’est tout à fait captivant à regarder. Elle installe de la techno sombre,  » répond  » à un appel téléphonique concernant une réservation et dresse la table. La toile de fond est constituée de spatules, de mélangeurs, de cuillères et de fourchettes qui flottent. Le spectacle est plus une pièce de théâtre qu’un concert, mais les petits délires synthpunk d’Annie-Claude sont la raison pour laquelle beaucoup sont restés jusqu’à la fin. C’était une expérience multidimensionnelle, tout à fait à la hauteur si vous connaissez Annie-Claude Deschênes ou l’un de ses autres projets.


– Stephan Boissonneault

La Sécurité, donneuse de leçons !


Si vous avez suivi PAN M 360 au cours de la dernière année, vous savez que nous sommes de grands fans du groupe new wave et post-disco punk montréalais La Sécurité, et sa performance au Diable Rond n’a pas déçu. En entrant, je me suis rendu compte que nous allions assister à un set de faces B et de morceaux plus obscurs du premier album de La Sécurité, Stay Safe !, avec le shoegazeux K9 , le riot-punk Hot Topic et l’humoristique Waiting For Kenny. La danse d’Eliane était bien sûr au rendez-vous, mettant le public dans une transe frénétique et sensuelle de moiteur. Le cofondateur et bassiste Félix Bélisle était en tournée avec Chose Sauvages, mais le remplaçant Jean-Philippe Bourgeois (de Mothland/shoegaze pop band Karma Glider) a joué chaque note à la perfection. Surtout sur le funky Serpent, qui m’a fait penser que Félix Bélisle venait d’apparaître sur scène.

– Stephan Boissonneault

Augmenter le niveau d’énergie avec FouKi


Parfois, tout ce dont on a besoin, c’est d’un petit spectacle pop pour se sentir mieux. Pour moi, ce soulagement est venu sous la forme de FouKi, un rappeur montréalais qui n’a apporté rien d’autre que de la hype et de l’énergie aux gens du FME. En plein centre de l’immense foule, il était difficile de ne pas se nourrir des gens qui vibraient autour de nous – la plupart d’entre eux chantaient à tue-tête.

FouKi a une présence sur scène imposante et une assurance dans sa prestation qui le rend difficile à ignorer. Bien que ses beats ressemblent à des sons de club standard et qu’il se repose peut-être un peu trop sur son autotune à la Travis Scott, il nous a fait vibrer à des milliers de reprises. Même lorsqu’il a fait exploser un haut-parleur vers la fin de son set, la foule n’a pas semblé s’en soucier, sautillant joyeusement au rythme des kicks croustillants et des voix distordues et gutturales. FouKi s’est amusé comme un fou, et il l’a fait généreusement. C’était la façon idéale de commencer la soirée du vendredi au FME.

– Lyle Hendriks



Rip Pop Mutant se fait étrange au FME


Synthétique, sombre, trippeux, futuriste, Rip Pop Mutant a pris la scène d’assaut vendredi soir au FME. Avec des instruments grinçants et inquiétants portés par des basses lourdes, des touches épicées et une batterie induisant la transe, le chanteur Alex Ortiz s’est élevé au-dessus de tout cela avec des effets lourds sur sa voix, chantant en trois langues et se sentant indéniablement lui-même.

Ortiz portait un manteau en peau de serpent, conférant à son set une ambiance excentrique à laquelle je ne m’attendais pas, ajoutant à cette pop plus sombre qui se présentait à moi. L’un des moments forts du concert a été celui où Ortiz s’est emparé d’un faux saxophone en papier juste à temps pour « jouer » son solo, s’agenouillant et haletant avec tout ce qu’il avait en lui. La vision d’Ortiz est crue et authentique, avec ses aspérités et son engagement total pour l’imperfection. Mais plutôt que de donner l’impression d’être négligé ou de manquer d’effort, c’est clairement le résultat d’une véritable intention. Je pense que vous conviendrez que le nom de Rip Pop Mutant est tout à fait approprié lorsque vous entendrez les nuances tordues et mutantes de la musique pop qui se dégage de ce trio plein d’énergie.

– Lyle Hendriks

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