Festival de Lanaudière | L’OSM et Payare au service de Mahler, un samedi parfait

par Alain Brunet

Ce fut un samedi 3 août tout simplement parfait au Festival international de Lanaudière, avec l’OSM et son chef Rafael Payare. L’amĥithéâtre Fernand-Lindsay y accueillait  l’exécution exemplaire de la Symphonie no 7 en mi mineur de Gustav Mahler, seule œuvre au programme.

Fidèle à lui-même, le chef principal de l’orchestre montréalais a insufflé beaucoup d’éclat et de ferveur à cette œuvre magistrale, mettant en lumière  tous les éléments de son orchestre essentiels à la réussite de son exécution. Entre autres ravissements, on aura remarqué l’excellence des cuivres et des bois, respectivement dans le premier et le deuxième mouvement.

D’une durée de 77 minutes, cette immense symphonie déclinée en 5 mouvements, aussi nommée Chant de la nuit, fut composée de 1904 è 1905. Intitulés Nachtmusik I et II, les mouvements 2 et 4 avaient été imaginés avant les autres et en constituent le corps thématique, empreint de mystère et de clairs-obscurs. 

Mais… le premier (Langsam-Adagio) et le dernier mouvement (Rondo- Finale) expriment au moins autant de génie. Le sombre thème d’introduction et de conclusion du premier mouvement donne le ton à cette œuvre fantastique qui passe aisément de l’onirisme joyeux aux ambiances spectrales, ce qui semble dépeindre avec justesse le for intérieur du compositeur.

Chaque mesure de cette œuvre  colossale comporte des procédés compositionnels extrêmement raffinés et complexes, on se dit en temps réel que son concepteur disposait d’une palette hallucinante. Les amateurs de musique moderne y détectent l’actualité criante du propos mahlérien, soit une réelle transition entre les périodes romantiques et modernes. 

Autre caractéristique importante, l’insertion de musiques populaires (marches, valses, etc.)  dans une œuvre aux formes visionnaires et cérébrales, ce qui produit une étrange impression d’entrée de jeu. Mais on finit par admettre ce trait de la personnalité créatrice de Mahler, on se rappelle qu’il a maintes fois procédé de cette manière au long de son parcours.

Voilà certes une des symphonies annonciatrices de cette première phase de la modernité, clairement démarquée par ses innovations harmoniques et orchestrales. Sous la direction de Payare, l’OSM en proposait  une version éloquente où les  séquences introspectives ont été transmises avec justesse et les moments les plus intenses sont soulignés à grands traits.

L’ovation de la foule fut assez puissante pour Payare revienne sur scène afin d’y récolter l’amour des mélomanes et de le partager avec ses interprètes. Lorsqu’il quitta définitivement, le tonnerre gronda et l’orage éclata un peu plus tard, lorsque nous étions à bord de la voiture. Samedi par-fait, disions-nous.

crédit photo: Annie Bigras pour le Festival de Lanaudière

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OSHEAGA 2024 : Mannequin Pussy nous mâche et nous recrache

par Stephan Boissonneault

J’adore voir un groupe qui n’a pas peur ou qui ne s’excuse pas d’emmener un public à travers ses croyances politiques et personnelles. Les punks thrash de Philadelphie, réunis au sein de Mannequin Pussy, forment un groupe de quatre personnes qui combinent le punk des années 90 et la musique de guitare thrash rapide/sludgy sous un tourbillon de batterie, de basse floue et de la voix de Marisa « Missy » Dabice.

C’est un groupe qui porte un message, celui de s’aimer soi-même et de dire un énorme Fuck You à tous ceux qui ne sont pas d’accord avec ce sentiment. Normalement, je n’aime pas les groupes qui font passer leur message tout au long de leur set, mais pour le set de Mannequin Pussy à Osheaga, c’était nécessaire et cela faisait partie du spectacle. Sur le plan instrumental, plusieurs groupes rappellent Mannequin Pussy – Amyl and The Sniffers (qui, fait amusant, jouent dimanche), Gouge Away, le groupe Hole des années 90 Live Through This , et même les Montréalais Whoredrobe – mais personne n’arrive à égaler la ténacité et la présence sur scène de Dabice.

Cette femme sait manier les mots et ses introduction aux chansons du dernier album, I Got Heaven, est magistrale et enjouée. Sain amalgame de sex-appeal, de rage débridée et de robe de bal pour vous attirer, parfois avec un murmure de call-girl sexy ou la gravité d’une femme punk en colère avec des cris douloureux. Elle veut vous exciter, vous faire croire que vous avez tout le pouvoir, puis vous l’arracher rapidement pour elle-même.

Cette femme pourrait facilement se trouver à la tête d’une secte, alors réjouissons-nous qu’elle diffuse un message positif, anticapitaliste, anti-guerre et anti-patriarcat. La figure de proue de Mannequin Pussy a une tribune et elle en est consciente. La rhétorique de Dabice sur l’hypocrisie de l’église était également palpable avant de plonger dans Split Me Open, et sa critique vicieuse des riches hommes blancs était littéralement de la musique pour les oreilles. En ce qui concerne son style vocal, on a l’impression qu’elle vous lit une histoire alléchante à l’heure du coucher, puis qu’elle vous lance un cri de deuil. C’est comme de l’ASMR poussé à travers un broyeur de bois qui crache. Il n’y a pas moyen de le dire autrement à ce stade.

Les autres membres de Mannequin Pussy méritent également des éloges. Le bassiste Colins Regisford est très précis et a son propre moment de chant qui fait penser à Bad Brains. La guitariste Maxine Steen a ce style hyper grunge et thrash metal qui rappelle un peu Anthrax, mais qui éclate ensuite en drones discordants. Je pourrais honnêtement la regarder jouer de la guitare pendant des heures. Le chaos sonore est maintenu par le batteur Kaleen Reading, ce qui permet à Dabice de vraiment s’éclater à certains moments.

Je suis curieux de voir à quoi ressemble le nouvel album et je doute sincèrement qu’il se rapproche de la messe de Mannequin Pussy en live.

Photos Courtesy of Osheaga

blues / bossa nova / Brésil / gospel / jazz / soul

Une chorale au Balattou pour Bïa Ferreira

par Sandra Gasana

« La dernière fois que j’étais ici, j’avais dit que j’allais revenir à Montréal et parler français. Mais je ne le parle toujours pas. Mais j’ai commandé mon souper en français ! », nous partage fièrement la chanteuse brésilienne Bïa Ferreira en anglais, alors qu’elle entame son deuxième concert à Montréal. Et tout comme la première fois, elle divise son concert en deux parties, l’une abordant l’amour et l’autre, revendicatrice et très engagée.

« Si vous sortez d’ici différents de lorsque vous êtes arrivés, alors j’aurai fait mon travail », ajoute-t-elle. Et c’est partie pour une entrée en matière sous forme de prière alors que sifflement, voix et guitare se mêlent pour nous livrer un beau cocktail sonore. En effet, elle est peut-être seule sur scène avec sa guitare, mais par moments, on a l’impression qu’ils sont cinq.

Elle nous sert également du Xote, un rythme musical brésilien qui se danse souvent à deux. « Quand j’ai écrit cette chanson, j’étais très en amour. Mais j’étais la seule qui aimait », nous dévoile-t-elle. Avec sa voix qui porte et son timbre particulier, elle maitrise son rapport avec le micro, sachant quand il faut s’en éloigner ou s’en approcher. Avec mon amie Juliana qui est tout aussi mélomane que moi, on se disait que sa musique était à la fois empreinte de blues, jazz, soul, gospel, le tout à saveur brésilienne. Sa signature reste le sifflement qui revient dans plusieurs chansons et qu’elle maitrise très bien, mais aussi les nombreux autres bruits qu’elle fait avec sa bouche, en plus du beatboxing. D’ailleurs, sur un de ses morceaux, elle rajoute un bout de Easy Like a Sunday morning, de Lionel Richie, ce qui surprend mais plait tout de suite à l’audience.

« La dernière fois que j’étais ici, c’était en février et il faisait très froid. Alors je me suis dit qu’il fallait que je revienne en été. Et je suis là ! » sous les applaudissements du public.

Sur le morceau Saudade, on a parfois l’impression d’entendre du cajón et parfois du piano, alors qu’elle fait tout cela avec sa guitare. Elle termine ensuite avec un rythme bossa nova, ce qui vient rajouter du relief au morceau. « C’est difficile de traduire Saudade. Ce n’est pas “Tu me manques”! C’est autre chose, c’est un sentiment qui te rend malade ! »

Bïa Ferreira est également une excellente conteuse. Elle prend le temps d’expliquer toutes les chansons mais même durant certains morceaux, elle nous raconte des histoires, parfois avec un débit vocal très rapide mais toujours théâtral. C’est le cas notamment sur Molho Madeira, qui va figurer dans le prochain album d’Ellen Oléria, mêlant des passages où elle parle et elle rap, valsant entre douceur et agressivité, tapant sur sa guitare qui lui sert de percussions.

« Toutes les églises ont une chorale. Alors pour terminer cette première partie, j’aurai besoin de vous sur la chanson Levante a bandeira do amor, aux accents de raggamuffin.

La deuxième partie, plus engagée et plus politique, débute avec un a capella reprenant Zé do Caroço, de Seu Jorge,un classique de la musique brésilienne.

Après un hommage à Leci Brandão, la reine du samba, elle débute la deuxième partie avec un morceau reggae très rythmé, avec un peu de beatboxing, ce qui donne le ton à ce qui arrivera. Elle rend d’abord hommage aux femmes à travers le monde dans Não precisa ser Amélia, dans laquelle elle crie par moments, laissant paraitre ses cordes vocales en pleine action.
Le summum de la soirée à mon avis est lors de la chanson Diga não (ou Dîtes non !), dans laquelle elle dénonce le silence face au génocide qui sévit en Palestine. « En restant silencieux, vous choisissez un camp. Votre silence aide les oppresseurs ! » La salle participe fortement et prend son rôle de chorale très au sérieux, surtout sur le morceau A conta vai chegar (ou la facture va arriver) faisant allusion aux dettes liées à la colonisation.

Elle a terminé sur une bonne note avec Sharamanayas, principe qui consiste à garder ce qui est bon pour nous, et se débarrasser de ce qui est mauvais. Une chose est sûre, le concert de Bïa Ferreira a fait du bien aux spectateurs venus la voir, même si je me serais attendue à une salle plus comble, comme lors de son premier passage. Alors que nous sortons à peine du Festival Nuits d’Afrique, cet événement a peut-être échappé aux radars de plusieurs adeptes de sa musique.

Crédit photo: Inaa

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jazz / jazz contemporain

Yannick Rieu lance son nouvel album, Symbiosis

par Vitta Morales

Le soir du vendredi 26 juillet, Yannick Rieu lançait son dernier album, Symbiosis, à Dièse Onze. Accompagné sur scène et sur disque par de solides musiciens plus jeunes que lui (une pratique éprouvée dans les carrières d’Art Blakey et de Miles Davis, pour ne nommer que ceux-là), ses interactions musicales avec ses collègues semblaient en effet s’apparenter à une sorte de symbiose qui élevait la musique et l’expérience de son écoute.

Sur le plan de la composition, Rieu explique dans les notes de pochette de l’album que les pièces de Symbiosis ont été inspirées par la musique de Brahms, qui l’a toujours ému. Rieu a cependant cherché à invoquer l’esprit de Brahms sans nécessairement se limiter au vocabulaire harmonique et formel que l’on peut attendre d’un tel exercice. En conséquence, je dois admettre que je n’ai perçu qu’une ressemblance ténue ; et je soupçonne que c’est seulement parce que j’ai été informé à l’avance de l’objectif de canaliser le compositeur allemand.

Quoi qu’il en soit, le jeu (et la composition) ont été réalisés à un très haut niveau, Johnathan Cayer, Rémi-Jean Leblanc et Louis-Vincent Hamel apportant tous leurs compétences à la musique de leur employeur chevronné. Parmi les points forts, citons l’impressionnante dextérité de Leblanc à la basse, la solide composition de Cayer avec ses harmonisations brillantes, le ton puissant de Rieu et le jeu de batterie dynamique de Hamel qui, grâce aux micro-mouvements de ses poignets et doigts, a pu réaliser des motifs proches de la batterie et de la basse à certains moments.

Tout cela a généré l’appréciation d’un public qui a rempli le club presque à ras bord. Je dirais donc que ce lancement du nouvel opus de Rieu, jazz contemporain cette fois inspiré par la période romantique, s’est déroulé aussi bien qu’on pouvait s’y attendre.

classique occidental

Festival d’art vocal de Montréal 2024 | Un gala plein de promesses

par Alexandre Villemaire

Les chanteuses et chanteurs de la promotion 2024 de l’Institut canadien d’art vocal (ICAV) ont donné le coup d’envoi du premier concert de la vingtième édition de son Festival d’art vocal dimanche dernier. Réunis dans l’enceinte du Salon Richmond, ancienne église reconvertie en somptueuse salle de réception, la cohorte de jeunes artistes de la nouvelle génération a présenté un concert gala placé sous le signe de l’amour et de l’exubérance, interprétant plusieurs pages connues du répertoire lyrique, que ce soit des duos, des trios, quatuor ou grand chœur. Au cadre champêtre et soigné de l’endroit s’adjoignait une énergie bonne enfant incarnée tant par les interprétés que par Étienne Dupuis, co-directeur artistique et Nathalie Deschamps, metteur en scène du concert et coordonnatrice artistique de l’ICAV dans leur mot d’introduction. La complicité entre eux – elle a enseigné à Étienne Dupuis lorsqu’il était étudiant au Cégep de Saint-Laurent – a donné le ton de l’après-midi avec humour et légèreté. Leur allocution a surtout rappelé que le festival, au-delà d’être un événement artistique, ce festival et les événements de l’institut qui s’y rattachent demeurent une opportunité de formation et de travail ainsi qu’une plateforme d’expérimentation pour ces jeunes interprètes vocaux qui viennent s’y perfectionner. Ils étaient accompagnés par un petit ensemble à cordes dirigé en alternance par deux jeunes chefs en formation, Daniel Black et Madeleine Krick, ainsi que le chef d’expérience Simon Charette et des pianistes accompagnateurs également en formation à l’institut.

La qualité vocale d’ensemble des interprètes a été donnée en numéro d’introduction alors qu’ils ont entonné, se dirigeant vers la scène de manière processionnelle, la pièce « Climb Ev’ry Mountain » de Richard Rodgers extraite de la comédie musicale La mélodie du bonheur. Illustrant de manière symbolique le chemin parcouru, qui reste à parcourir pour atteindre ses rêves, elle a été rendue avec force, puissance et énergie. S’en est suivi un enchaînement de diverses pièces au caractère varié, allant de l’opéra mozartien au bel canto en passant par le vérisme, l’opéra français et l’opérette. Le quatuor « Bella Figlia Dell’Amore » extrait de Rigoletto fait partie des numéros les plus marquants. Les voix d’Abigail Sinclair (soprano, Canada), Maddie Studt (mezzo-soprano; États-Unis), Sébastien Comtois (ténor; Canada) et Keunwon Park (basse; Corée du Sud) ont chacune offert un bel accord vocal.

Comptant parmi un des stagiaires les plus expérimentés de la cohorte, le baryton canadien Geoffrey Shellenberg a fait mouche à chacune de ses présences, tant pour la maîtrise de sa voix que par son jeu d’interprète et sa présence sur scène. Son duo avec la mezzo-soprano Natalia Pérez Rodriguez, « Pronta io son » extrait de Don Pasquale de Donizetti, extrêmement vivant, pétillant et désinvolte, contrastait avec le caractère vindicatif de son Belcore dans l’air « Venti Scudi » de L’Elisir d’Amor chanté avec le Mexicain Jair Padilla, un ténor à la voix cuivrée et claire. Parmi les autres exécutions qui nous ont marqués, les deux extraits du Consul de Menotti, exécutés avec une rondeur sonore et une belle musicalité, les extraits de Carmen de Bizet, dont le trio « Mêlons, mêlons! » nous a permis de découvrir le timbre grave d’Isabella Cuminato, ainsi que les numéros tirés des opéras de Mozart Die Zauberflöte et Cosi fan tutte qui ont fait découvrir un ensemble de chanteurs et chanteuses aguerris tant vocalement qu’au niveau de la présence scénique. Surprise au programme, un peu comme un clin d’œil à son propre parcours, Étienne Dupuis a interprété l’air « Cortigiani, vil razza dannata » de Rigoletto avec une intensité et une maestria enlevante. La soirée s’est terminée par une interprétation du chœur « Brüderlein und Schwesterlein » de Die Fledermaus, chantée en français, question de lancer l’invitation à la représentation de l’opéra les 10 et 11 août prochains.

De ce concert de la cohorte 2024 de l’ICAV, nous en sommes ressortis avec une belle impression, malgré quelques petites faiblesses au niveau de la projection et de la diction de certains ainsi que des directions au podium parfois inégales. Rien qui ait été matière à venir déséquilibrer le concert. Cela prend beaucoup de détermination, d’investissement et surtout une bonne dose de plaisir à se mettre à nu vocalement. Pour un spectacle qui a été monté en trois jours, chacun et chacune ont présenté de belles qualités vocales qu’il nous tarde de contribuer à découvrir dans la programmation du festival.

crédit photo: Tam Photography

Pour la programmation du Festival d’art vocal de Montréal, cliquez ici

Chanson francophone

Céline Dion aux JO | Le ciel bleu sur elle peut s’effondrer

par Alain Brunet

« Le ciel bleu sur nous peut s’effondrer »… on probablement convenu les fans ragaillardis de la ressuscitée, après une performance aussi magistrale.

Dans un film documentaire extrêmement populaire à l’heure où ces lignes sont écrites, Céline Dion a révélé le mal qui l’accable depuis trop longtemps. Elle se montre fragile et vulnérable devant les caméras, troublée devant un destin qui pourrait s’avérer tragique. Et puis le vent se met à tourner comme dans les scénarios hollywoodiens. Tourner provisoirement? Nous n’en sommes certes pas à la fin heureuse de ce film, personne ne sait ce qu’il adviendra de la santé de Céline Dion mais, aux deux tiers théoriques de sa vie, ces soubresauts nous mènent à croire que la chanteuse a décidé de se battre et de revenir à son art par la grande porte. Ze big comeback.

La mise en circulation de ce documentaire choc (Je suis Céline Dion) et son apparition aux Jeux Olympiques sont les événements constitutifs d’un retour en force et même de la naissance d’un mythe que l’on ne pouvait soupçonner depuis l’annonce de ses problèmes de santé.

Ce qui frappait surtout vendredi, c’était le tonus extraordinaire de Céline Dion dans les circonstances. Et surtout, la disparition miraculeuse de la plupart de ses affects grossiers lorsqu’elle étale ses capacités techniques que l’on sait phénoménales. Ses problèmes physiques auraient-ils eu raison de ses sparages vocaux d’un goût discutable, ou plutôt auraient-ils mené la chanteuse à se questionner sur l’esthétique de sa propre interprétation ?

Qu’importe, Céline Dion n’a jamais si bien chanté, s’appropriant mieux que quiconque L’Hymne à l’amour , cet hymne quasi sacré d’Édith Piaf, sans que personne ne puisse froncer les sourcils ou opposer quelque bémol. En pleine maîtrise de sa personne malgré le mal physique et toutes autres manifestation cruelles de l’adversité, elle n’a jamais été autant… Céline Dion. Le ciel bleu sur elle peut s’effondrer, elle est toujours là, impériale. Cette résilience en est la démonstration plus qu’éloquente. Le « narratif » s’avère par-fait.

classique moderne / classique occidental

Festival de Lanaudière 2024 | Intelligence et envoûtement avec le Quatuor Diotima

par Alexandre Villemaire

Le Festival de Lanaudière recevait, pour la première fois au Québec, le Quatuor Diotima pour un concert à l’église de Saint-Alphonse-Rodriguez en début de semaine. Fondé en 1996, il compte parmi les ensembles les plus reconnus en Europe et à l’international, notamment pour l’intelligence de leur jeu et l’intensité de leurs interprétations. 

Nous étions donc impatients d’entendre résonner le son de Diotima alors que le groupe présentait un programme proposant un voyage en profondeur dans l’évolution du langage du quatuor à cordes avec des œuvres de Karol Szymanowski et Erich Korngold en première partie et de Maurice Ravel en conclusion de soirée. À en juger par l’intensité des applaudissements, le quatuor français a réussi son entrée au Québec et a fait forte impression avec un répertoire accessible, mais qui n’était pas non plus sans représenter un certain défi d’écoute.

Ouvrant la soirée avec le Quatuor à cordes no 2 de Szymanowski, la formation a fait émerger du silence le plus profond un son d’une douceur presque surnaturelle et dont l’intensité se développe en enveloppant l’espace instantanément. En quelques secondes, nous sommes happés dans un univers sonore d’une grande expressivité. Après un deuxième mouvement à la fougue colérique, le troisième mouvement a mis de l’avant le jeu et la sensibilité de chaque instrumentiste avec un thème mélancolique qui se développe en canon.

C’est enchainé par la suite dans un grand naturel avec le Quatuor à cordes en ré majeur d’Erich Korgold. Naturel, car la parenté des langages de Szymanowski et Korngold est frappante au point que le premier mouvement de l’œuvre de Korngold aurait facilement pu passer pour un quatrième mouvement dans le quatuor de Szymanowski. Les traits dramatiques, les sonorités nerveuses ainsi qu’une harmonie et des textures complexes caractérisent les deux œuvres en bonne partie. La différence notable est dans le traitement du langage. Alors que Szymanowski emploie un son beaucoup plus âpre, Korngold se distingue par un plus grand lyrisme dans les lignes mélodiques. Le troisième mouvement de l’œuvre à ce titre a été parmi les moments les plus enlevants et captivants de la soirée. Présentant un thème folklorique mélancolique et mystérieux porté par les violonistes Yun-Peng Zhao et Léo Marillier, oscillant entre frénésie passionnée et énergie tragique, le public a été transporté dans un univers onirique où il a été tenu en haleine jusqu’à ce que résonne la dernière note dans un aigu éthéré.

Œuvre emblématique s’il en est du répertoire, le Quatuor à cordes en fa majeur de Ravel est venu apporter une grande fraîcheur en dernière partie de concert. Composition antérieure aux deux autres de la première partie, son harmonie et sa construction sonore étaient foncièrement plus épurées que celles de Szymanowski et Korngold, plus fournies. Il s’agissait donc d’un grand contraste amené par cette richesse et délicatesse de langage exprimant une palette de couleurs qui séduit par ses jeux de dynamiques, ses modes et ses harmonies. Particulièrement mordant et percussif, le deuxième mouvement a été le théâtre de la seule déconvenue de ce concert alors que vers la fin du mouvement, en plein passage de pizzicato, une corde de l’altiste Franck Chevalier a cédé, forçant l’arrêt du concert le temps que le musicien effectue son remplacement. De retour de l’opération chirurgicale sur son instrument, le quatuor a repris comme si de rien n’était et a enchainé le reste de l’œuvre avec lyrisme, vélocité et nuance. Après des applaudissements nourris, Diotima réinvestit la scène pour offrir en rappel un arrangement du troisième mouvement du cycle Musica Ricercata de Ligeti, démontrant la variété de leur catalogue et leur malléabilité au niveau du style et du son.

 Et c’est précisément cela que nous retenons de notre soirée à Saint-Alphonse-Rodriguez, au cœur des Basses-Laurentides : le son unique et plein, l’intelligence de l’interprétation, la direction et la dynamique qui habitait chacune des œuvres pour la faire vivre de manière unique ont assurément séduit les mélomanes lanaudois. La porte est maintenant ouverte pour une prochaine visite en terre d’Amérique de Diotima. Une visite qui, nous l’espérons, se fera plus tôt que tard.

crédit photo: Gabriel Fournier

blues saharien / funk / funk psychédélique / indie / rock

PAN M 360 au Festif! Flashs d’une super soirée

par Baby Lafrance

Cette année 2024 marquait la quinzième édition du festival Le Festif! de Baie-Saint-Paul. Près de 45 000 personnes se sont déplacées dans la petite ville de Charlevoix. Voilà la plus-value d’une centaine de groupes et d’artistes, répartis sur une vingtaine de scènes un peu partout dans la ville. Du 18 au 21 juillet,  mélomanes, touristes et population locale ont pu entendre la grande diversité de la programmation en commençant par la musique d’ici, mais également plusieurs artistes internationaux. Baby Lafrance y était pour PAN M 360,  elle vous offre quelques flashs de la soirée d’ouverture en souvenir !

Five Alarm Funk

On a entendu entre les branches que la formation donnerait tout un spectacle, et ce fut effectivement le cas. Le groupe originaire de Vancouver faisait un arrêt à Baie-Saint-Paul, dans une tournée qui marque 20 ans de carrière… et de funk. La formation est composée de huit musiciens:  saxophone baryton, saxophone alto , trompette, batterie,  congas, guitares,  basse. 

L’entrée sur scène était prometteuse avec ces accoutrements  frôlant la caricature du funk et du disco. La première chanson fut introduite par une simple chorégraphie des musiciens, tout de même très efficace. La foule ne s’est pas fait prier pour danser sur cette musique invitante, ce  groove de feu. On est également surpris de constater que c’est le batteur qui fait la voix principale. On sent l’influence du hardcore et même du métal parfois dans le timbre du chanteur , accompagné du second percussionniste (aux congas) qui harmonise et apporte un soutien vocal essentiel à la performance. Ce dernier qui d’ailleurs, change de costume entre chaque chanson pour quelque chose de plus en plus loufoque. La boutique de déguisement  y passe au complet,  gorille, hot-dog, requin ou même un énorme masque d’alpaga. 

Bref, le groupe semble avoir du plaisir sur scène et il sait définitivement transmettre sa bonne énergie au public tout sourire du début à la fin. 

Five Alarm Funk, c’est une solide performance d’une heure et trente minutes qui donne chaud et qui fait danser, quoi demander de mieux pour une première soirée du Festif!

Bombino

Après avoir fait un arrêt au Festival d’été de Québec le 14 juillet et au Festival International Nuits d’Afrique à Montréal le 16 juillet dernier, l’artiste touareg Bombino poursuit sa tournée de spectacles en sol québécois, cette fois au Festif. La performance envoûtante du musicien nigérien n’a pas laissé son public indifférent. 

La scène extérieure était pleine à craquer avant même le début du spectacle, ce qui n’empêchait pas les gens à forcer leur entrée dans une foule qui était déjà bien saturée. La disposition des musiciens est simple: une batterie, une basse électrique, deux guitares et microphones. Avec Bombino,  la guitare est mise de l’avant, avec des motifs mélodiques qui mélangent le traditionnel et une approche plus contemporaine. 

La musique est très rythmique et la basse électrique fait office d’ostinato. L’une des deux guitares vient également apporter ce type de soutien musical, alors qu’une autre montre différentes prouesses mélodiques sous un tonnerre d’applaudissements. On sent tout le talent des musiciens sur scène dans cette répétition qui pourtant est loin d’être lassante. C’est la précision du tempo et de la technique qui rendent la performance captivante, avec une voix vibrante qui livre chaque note avec justesse et précision. 

Crédit photo : Étienne Miloux aux Nuits d’Afrique

Model/Actriz

Quoi de mieux pour terminer la soirée que le groupe rock Model/Actriz. Avant même que le groupe monte sur scène, le public est averti que le chanteur Cole Haden risque de se déplacer un peu partout dans la foule. La formation new-yorkaise débute sa performance avec un duo guitare-basse dans un jeu de pédales d’effets qui rappelle le détournement audio typique de la musique expérimentale/contemporaine. Il y a énormément de distorsion au point où les instruments semblent complètement dénaturés de leur sonorité habituelle. La batterie et la voix viennent casser ce son très brutal afin de donner un aspect plus rock au groupe. Model/Actriz sait comment naviguer entre ces différents genres musicaux afin de rendre sa musique accessible à un large public tout en mettant de l’avant un style qui est d’habitude beaucoup plus présent sur la scène underground

La voix de Cole Haden est parfaitement assortie à la musique du groupe. Il y a un jeu entre le parlé-chanté et le fry scream typique d’un groupe de métal. Certains motifs mélodiques interprétés par la voix et la guitare rappellent le nu-métal, style popularisé il y a une trentaine d’années par le groupe américain Korn. La particularité de Model/Actriz, c’est la répétition des mots et des rimes ainsi que la précision du son distortionné. Cette combinaison offre une musique agressive musicalement mais également extrêmement calculée. Cette caractéristique musicale est souvent exploitée dans les sous-genres de musique punk rock et alternatives en général. Même si l’influence est loin, on entend tout de même un peu de Egg Punk/Devocore (micro genre apparu en 2010),  de par la structure et le côté expérimental. Bref, c’est une belle mise en lumière d’un style musical sous-représenté dans les festivals grand public. 

Crédit photo: Eric McNatt

cumbia / folk / rumba congolaise / soukouss

PAN M 360 aux Nuits d’Afrique 2024 | Dernière soirée à saveur congolaise et colombienne

par Jacob Langlois-Pelletier

Dimanche vers 18h au Festival international Nuits d’Afrique, c’était au tour de Blaise LaBamba, artiste originaire du Congo-Kinshasa et installé à Montréal depuis 1999, de monter sur la grande scène extérieure. D’entrée de jeu, les intentions du récipiendaire du Syli de Bronze en 2022 étaient claires; LaBamba allait faire danser les gens présents sur des airs contagieux de rumba congolaise, zouk et soukous.

En spectacle, l’ancien membre du Big Stars du Général Defao est accompagné par de nombreux musiciens, danseurs et choristes. Les différentes propositions du Congolais sont agrémentées de guitare, batterie, claviers, synthétiseurs, percussions ainsi que de nombreux coups de sifflet. Ces derniers dictent les nombreux déhanchements des danseurs sur scène et gens présents dans la foule.

Le rythme effréné de la prestation a certainement su charmer l’impressionnant amas de festivaliers aux abords de la scène TD – Radio-Canada. En tapant des mains à de nombreuses prises, la foule a manifesté son appréciation des longues envolées instrumentales de Blaise LaBamba et sa formation. Difficile de demander une offrande plus festive pour lancer cette dernière soirée d’activité du FINA 2024.

Place à la cumbia avec Stephanie Osorio

Après s’être éclatés avec Blaise LaBamba, les amateurs sur place ont eu droit à une proposition plus douce et maîtrisée de la part de Stephanie Osorio, Colombienne et Québécoise d’adoption. Établie au Canada depuis 2010, l’autrice-compositrice-interprète roule sa bosse depuis plus d’une décennie et a récemment récolté le fruit de ses efforts. En plus d’avoir été sacrée « artiste féminine de l’année » aux Latin Awards Canada en 2022 et 2023, Osorio a brillé à l’international grâce à sa contribution sur la chanson thème de la populaire série américaine The White Lotus.

En mars 2023, elle a fait paraître Fruta del Corazón, son premier album solo au confluent de la cumbia, la pop, la folk et l’afro-latin. C’est d’ailleurs en grande partie des morceaux issus de ce projet qu’elle a fait découvrir lors de son spectacle.

Vêtue d’une longue jupe colorée, Osorio est en pleine confiance sur le plateau, maracas ou guitare dans les mains. À l’instar de LaBamba, la chanteuse est bien entourée; saxophone, basse, guitare, batterie, percussions diverses et flûtes se font bien bien sentir. Quelques minutes après son entrée, la Colombienne a comparé sa musique à un fruit. « Il y a beaucoup de saveurs et d’odeurs différentes dans ce que je fais », explique-t-elle.

Bien qu’elle puise une partie de son inspiration au cœur de ses racines carthaginoises, Osorio incorpore de nombreux éléments actuels à sa musique. Vers la fin de son passage sur la scène Loto-Québec, la chanteuse a offert un superbe moment a cappella. Admirative, la foule s’est tue, se laissant bercer par sa voix feutrée.

Sans flafla ni paillettes, Stephanie Osorio a su nous faire voyager là où il fait très chaud, définitivement plus qu’à Montréal en cette soirée de juillet.

Crédit photo: André Rival

afro-pop / Antilles / Caraïbes / dancehall / konpa / soul/R&B

PAN M 360 aux Nuits d’Afrique | Retour sur le triomphe de Rutshelle Guillaume en clôture

par Rédaction PAN M 360

Lorsque Rutshelle Guillaume a rempli le Rialto au printemps dernier, son rayonnement était alors communautaire. Voilà qui est chose du passé. Présenté sur la grande scène des Nuits d’Afrique devant un parterre archi-plein, le spectacle de la chanteuse de Port-au-Prince (relocalisée en Floride) a débordé le marché de la diaspora haïtienne qui lui était déjà acquis en majeure partie… et très présente en cette soirée dominicale.

Une décennie de travail a mené Rutshelle Guillaume à cette altitude. Si ses affaires sont bien menées pour la suite des choses, cette authentique conquérante pourrait possiblement atteindre le niveau supérieur de la pop internationale.

Ses fans les plus fervents l’ont sacrée « reine du konpa », et on a écouté attentivement son répertoire exécuté sur scène avec chorégraphies pour y constater que le konpa, le groove haïtien par excellence, est cette fois assorti d’autres influences caribéennes, africaines et nord-américaines : dancehall, ragamuffin, afrobeats, power ballades et soul/ R&B persillent ce konpa global, surtout exprimé en créole haïtien.

Avec une telle présence sur scène, Rutshelle Guillaume coche toutes les cases de la superdiva mondialisée. Prévu avant la fin de l’année, son prochain album studio nous en dira long sur son avenir professionnel. Autre signe de reconnaissance, elle obtient ce lundi 22 juillet, à l’hôtel de ville de Montréal, le Prix Nuits d’Afrique pour la Francophonie « décerné à un artiste au rayonnement international, qui incarne une vision rassembleuse de la Francophonie et de la diversité des expressions culturelles de l’Espace francophone international ».

Et ça vient d’Haïti! Quoi qu’on pense du chaos qui y sévit, il faut y avoir voyagé pour en percevoir les immenses vertus culturelles et artistiques. De loin, est-il impensable qu’une telle pop globale fleurisse dans les gravats? Probable. De près, bien au contraire, on sait que c’est possible. En voilà une autre preuve ! Dans le contexte où Haïti se trouve au pire du pire de ses difficultés, voilà certes un gage d’espoir et de fierté surgi in extremis de l’Île Magique.

Difficile d’imaginer une meilleure clôture des 38e Nuits d’Afrique.

En cette occasion, PAN M 360 vous propose un compte-rendu croisé : Keithy Antoine, communicatrice d’ascendance haïtienne et collaboratrice de PAN M 360 en discute sur place, pendant le concert, avec Alain Brunet. Voici l’échange de textos!

AB : Grosse machine de variétés!

KA : Oui, elle est puissante.

AB : C’est quand même incroyable qu’une telle artiste se soit développée dans un contexte aussi difficile.

KA : Oui mais elle a beaucoup voyagé, et elle est bien entourée.

AB : Aucun artiste issue de Port-au-Prince n’a eu l’impact qu’elle aura.

KA : Elle travaille pour ça! C’est magnifique.

AB : Elle est la diva attendue d’Haïti

KA : Elle est populaire, pas encore une icône.

AB : Il y a des artistes haïtiens de Port-au-Prince qui sont des icônes mais aucun n’a obtenu un tel impact à l’étranger, aussi rapidement.

KA : On est dans une autre époque, ça se compare difficilement. Mais je ne minimise pas sa popularité.

AB : En données quantitatives, c’est clair qu’elle dépasse les standards antérieurs à son époque.

KA : Oui. Je ne minimise pas.

AB : C’est aussi la revanche du konpa dans l’histoire récente de la musique antillaise. Le konpa était très fort dans les années 50, 60 et 70. Le revoilà revenir en force.

KA : On peut dire. Ou sa véritable ascension.

AB : On peut voir le konpa comme le fondement du groove créole moderne. Avec Rutshelle, ça peut devenir gros.

KA : Chacun son tour! Mais chercher à gagner un plus grand public, ça change le son aussi.

AB : Mais les bases restent là. Les sons d’orgue Farfisa, les guitares, les congas, enfin tous les éléments typiques du konpa sont là lorsqu’elle emprunte cette direction.

KA : Mais ce n’est pas du pur konpa non plus. Et le konpa doit changer comme les autres styles.

AB : Pas du konpa pur et dur, effectivement. C’est plutôt de la pop globale à base de konpa.

KA : Avec un vernis de variétés. En fait, je me suis bien amusée pas pas éclatée. Cette pop est propre propre.

AB : Exact. C’est de la pop-variétés. Il y a de jolies réformes mais cela peut être perçu comme de l’éculcoration. Artistiquement, en tout cas, ce n’est pas encore marquant.

KA : C’est pas mal ça. C’est bon, elle est très bien, elle plaît beaucoup. Bon dodo!

crédit photo: M.Belmellat

Afrique / musique traditionnelle d'Afrique centrale

PAN M 360 aux Nuits d’Afrique – Les Aunties, de Ndjamena à Montréal

par Sandra Gasana


Neuf femmes, tout à fait ordinaires, à l’image d’autres femmes tchadiennes, des mamans, toutes habillées d’une jupe orange et d’un haut noir, assises en forme de cercle, chacune avec son micro et sa calebasse.


D’ailleurs, elles massent toujours leurs calebasses avant de taper dessus. Et malgré une pluie forte dès les premières minutes du concert et pendant une bonne partie, le public est resté au rendez-vous, avec leur parapluie ou leur imperméable, pour ceux qui avaient prévu le coup.

Selon les chansons, il y en a une qui se met à chanter, pendant que les huit autres répondent à l’unisson. Parfois, elles marchent en rond avec une qui chante et les autres qui font les chœurs. D’autres moments, l’une d’elles chante, une autre se met à danser autour d’elle, et les autres restent derrière. Bref, nous avions plusieurs configurations sur scène mais toutes captivaient l’attention du public fasciné de voir ses dames d’un certain âge sur scène.

Juste à côté de la scène, je pouvais voir la grande star du Tchad Afrotronix, venu encourager ses compatriotes. Ce n’est qu’à la fin du spectacle qu’on apprend qu’il est à l’origine de ce groupe. « C’est un mouvement qui commence. On a grandi en voyant nos mamans, ce sont ces femmes qui ont fait ce que nous sommes aujourd’hui », dit-il en mentionnant au détour que sa maman est dans le public.

Les Aunties parlent souvent des femmes et de leur droit à l’éducation dans plusieurs morceaux ce soir-là ainsi que de violence conjugale. « Femmes de Montréal, comment ça va ? » demande l’une, en remplaçant ensuite Montréal, par Kinshasa, Cameroun et Ndjamena. Et à ce moment-là, nous entendons des applaudissements dans la foule et on comprend vite que la communauté tchadienne de Montréal est présente en force.

À un certain moment du spectacle, elles portent toutes une tenue traditionnelle du Tchad, par-dessus leur jupe initiale et continuent à chanter ensemble, assises ou debout, avec ou sans calebasse, en cercle ou en rangée. Lors d’un morceau, dont j’ignore le titre, la musique est plus calme et elles se mettent en rangée comme si elles allaient faire une prière à la mosquée, avant d’enlever cette tenue traditionnelle et revenir à la tenue initiale. Parfois, l’une d’elles se met au centre, et toutes les femmes autour l’encerclent, s’adressent à elle avec bienveillance et chantent pour elle visiblement.
Chacune prend la parole à un moment donné du concert et s’adresse au public dans sa langue maternelle. Et c’est là qu’Afrotronix joue le rôle de traducteur pour traduire les propos vers le français.
Mais cette fois-ci, l’une des femmes s’adresse directement en français aux femmes dans la foule : « Je vous encourage à aller à l’école, à avoir de l’argent avant de vous marier. Comme cela, vous serez respectée. Si vous n’êtes pas d’accord avec quelque chose, vous dîtes :
ça non !», dit-elle sous les applaudissements de la foule. On voit bien que ces femmes n’ont pas peur des mots et qu’elles parlent en connaissance de cause dans leur volonté de briser le silence.
À partir de ce moment, c’était la folie sur scène : nous avons assisté à des performances de danses de plusieurs membres de la communauté tchadienne qui sont venus faire des pas de danse traditionnelle, au centre du cercle formé par les Aunties.
Le pas qu’ils faisaient souvent consiste en des mouvements saccadés d’épaules et de poitrine, un peu comme le Eskesta d’Éthiopie.
Un percussionniste s’est également mis de la partie en improvisant sur un des morceaux tandis qu’une des Aunties était aux platines, casque sur la tête avec une console devant elle. Par moment, Afrotronix venait régler des boutons sur la console de la DJ Aunty. En effet, c’était toute la communauté artistique tchadienne qui était dans la place et qui a contribué au succès de ce groupe original samedi soir. Morale de l’histoire : Il n’y a pas d’âge pour suivre ses rêves. Si les Aunties l’ont fait, alors tout le monde peut le faire.

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Afrique / afro-soul / hip-hop

PAN M 360 aux Nuits d’Afrique – Une pluie de bénédiction pour Fredy Massamba

par Sandra Gasana

La pluie est souvent associée à une bénédiction dans plusieurs cultures africaines et sûrement dans d’autres parties du monde. Ce samedi soir, alors que le concert tirait à sa fin, la pluie a peut-être éloigné certains festivaliers qui sont allés se mettre à l’abri, mais plusieurs sont restés jusqu’au bout du tout premier concert de Fredy Massamba à Montréal. 
Pour l’occasion, il s’était accompagné de celui qu’il nomme le « maitre », Donald Dogbo à la batterie, de Willie Bareto au clavier, de Christian Obam à la basse, Charles William Mpondo à la guitare, Hendry Massamba, aux chœurs et aux percussions et Floric Kim également aux chœurs. Les deux choristes étaient arrivés il y a trois jours de Brazzaville pour l’occasion. Et quelle bonne idée c’était de les inclure dans ce spectacle!

Dès le premier morceau, il nous plonge dans son univers, avec en son centre le tambour, ou Ngoma, titre qui figure dans son plus récent album Trancestral. « J’ai trois albums à mon actif : Ethnophony, Makasi et Trancestral », rappelle-t-il à la foule. « Je vous invite à faire un voyage ensemble entre Bruxelles, Brazzaville, Kinshasa en passant par Douala, Ndjamena et ici à Montréal ! », ajoute-t-il.
Il fait ensuite un retour en arrière dans le temps avec Zonza, qui figure dans son premier album Ethnophony , beaucoup plus groovie et qui se prête bien pour une performance dans le cadre d’un festival.

On sent que Fredy affectionne particulièrement le continent africain. Il en parle dans plusieurs chansons, il en énumère plusieurs et porte d’ailleurs une chemise blanche avec des cartes de l’Afrique dessus. Le choix des deux choristes a été très judicieux puisqu’ils contribuent énormément au succès de la formation. Ils font un travail remarquable sur scène, on sent leur complicité avec Fredy, qui semblait apprécier leur présence.

Il mentionne les femmes du Kivu, de Goma dans le morceau Bidilu Bio, et dénonce « cette guerre qui n’a aucun sens ». Cette chanson commence de manière douce, mettant en évidence la voix soul de l’artiste, et soudain on s’en va vers du reggae, ce qui donne envie de bouger malgré le sujet sensible. De plus en plus à l’aise sur scène, il donne à son tour l’espace aux choristes (sapés comme jamais) de briller, ayant des occasions de faire des couplets à tour de rôle, tout en faisant participer le public.

« On m’a dit que je dois chanter une chanson d’amour.  D’où je viens, au Congo, on a Koffi Olomidé, Fally Ipupa, Lokua Kanza. Ce n’est pas ça qui manque, des chansons d’amour », dit-il devant un public souriant, avant d’entonner Makwela.
On découvre ses talents de rappeur sur le morceau Nkembo mais le moment le plus touchant est lorsqu’il nous propose d’inviter Papa Wemba (Paix à son âme) sur scène.

Il s’en va le « chercher » dans les coulisses et nous donne l’impression qu’il revient sur scène avec le grand artiste qui nous a quitté il y a quelques années. Son imitation est remarquable et émeut les festivaliers qui connaissaient la grande star congolaise. Fredy nous partage d’ailleurs qu’il a toujours voulu faire un featuring avec Papa Wemba mais qu’il n’en a jamais eu l’occasion. D’où le geste symbolique.

Et c’est après ce moment rempli d’émotions que la pluie s’est abattue sur la scène Radio-Canada (Coïncidence ? Je ne crois pas) C’est d’abord les choristes et Fredy qui entrent ensemble sur le morceau Zua Idée, avant d’être suivis par tous les musiciens. « Même dans la pluie vous êtes là ! » dit-il avec gratitude. On voit le professionnalisme des musiciens lorsqu’une situation comme cela arrive. Le groupe a poursuivi le spectacle comme si de rien n’était, Fredy chantait avec la même fougue. Les spectateurs n’ont pas été découragés par la pluie, bien au contraire, ils attendaient impatiemment que ça s’arrête pour retourner danser. Et c’est ce qu’ils font pour la dernière chanson du spectacle, Ntoto, durant laquelle il sort sa fameuse bouteille sur laquelle il s’amuse à souffler et dont on avait parlé lors de notre entrevue quelques jours plus tôt (PAN M 360 aux Nuits d’Afrique | Fredy Massamba, un Congolais (de Montréal) sur 3 continents – PAN M 360). Et c’est ainsi que se clôture le tout premier spectacle de Fredy Massamba, béni par une pluie d’été.
« Merci à Nuits d’Afrique, à mon papa Touré, mes amis, ma famille, RFI, Hangaa Music, Vanessa Kanga, et vous, en train de me regarder en pleine pluie. »

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