Michael Formanek a poursuivi sa série de concerts avec L’Off Jazz vendredi soir dernier, cette fois en duo dans un O Patro Vys à guichets fermés.
Le Montréalais Steve Raegele l’a rejoint sur scène avec deux guitares et une panoplie de pédales pour injecter la couleur et la texture nécessaires à l’improvisation de paysages sonores, d’ostinatos et de solos en tandem. Formanek, pour sa part, n’a utilisé qu’une basse et un archet pour créer les sons qu’il souhaitait, mais il a eu recours à divers moyens pour y parvenir, notamment le spiccato, les hammer-ons de la main gauche et les harmoniques. Ensemble, les deux musiciens ont réussi à créer des moments hypnotiques et de transe avec des paysages sonores qui ont profondément captivé le public. Mon seul vrai reproche concerne le format de la soirée.
Le concert était divisé en deux parties solo, respectivement par Raegele et Formanek, suivies d’une troisième partie où les deux musiciens ont finalement joué en duo. Le set en duo, à mes oreilles, était nettement meilleur que la somme de ses parties, et j’aurais préféré l’entendre plus souvent plutôt que de jouer à haut niveau sur un seul instrument à la fois. En tant que duo, les hausses de volume, les réglages de retard à répétition rapide et les passages de trémolo de la guitare de Raegele avaient enfin quelque chose avec quoi interagir ; de même, les accords de puissance, les licks pentatoniques et les ostinatos de Formanek étaient recontextualisés en tant que base pour être joués par-dessus.
Il est possible qu’ils aient organisé le spectacle de cette façon pour gagner du temps, ce qui est compréhensible étant donné le calendrier chargé de Formanek avec le festival cette année, mais je suis resté sur ma faim en voulant un peu plus de ces deux-là.
Michael Formanek (basse), Chet Doxas (anches) et Vinnie Sperrazza (batterie) se sont produits au Diese Onze le soir du 4 octobre sous le nom de The Drome Trio dans le cadre de l’édition partielle de L’Off Jazz en cette 25e année d’activités. Les trois musiciens chevronnés ont présenté les compositions de Formanek, que l’on peut décrire comme un mélange de « free », de compositions et aussi de cellules mélodiques.
En outre, il y avait des sections intercalées de swing up-tempo, d’interaction polyrythmique et de vamps qui se répétaient avec des variations jusqu’à ce qu’elles évoluent vers un tout nouveau matériel. J’ai même appris plus tard dans la soirée que nombre de ses compositions pour le Drome Trio étaient basées sur des mélodies palindromiques (musique qui joue la même chose à l’envers qu’à l’endroit). Inutile de dire que ceux qui souhaitent commencer leur week-end avec du blues à douze mesures et des standards de la chanson auraient été bien avisés d’aller voir ailleurs.
Formanek a commencé par un solo de basse dans lequel il a parcouru différents modes mineurs et gammes octatoniques, les jouant de manière dense dans différents registres de l’instrument. Contrairement au stéréotype bien connu du jazz, il s’agissait d’un solo de basse au cours duquel personne ne parlait.
Doxas et Sperrazza se sont ensuite joints au trio avec des trilles rapides au saxophone et des rafales linéaires à la batterie, tandis que Formanek ponctuait le tout d’accords puissants. Le reste de la soirée se déroulera de manière similaire, mais jamais identique, le trio atteignant des textures très intenses. Et sur le plan individuel, tous les solos ont été joués avec beaucoup de conviction.
Je ne connais pas suffisamment les compositions de Formanek pour en faire une analyse formelle détaillée mais, apparemment, les sections « libres » cédaient la place à des moments de matériel explicitement écrit, les trois musiciens battant des rythmes à l’unisson à divers moments. Il est clair que ces moments étaient décrits dans les partitions, car à différents moments, les yeux du trio étaient fixés sur leurs tableaux et je pouvais sentir une détermination à jouer aussi précisément que les compositions l’exigeaient.
Mais il va sans dire qu’il m’a été impossible de déterminer la précision de leur jeu, la frontière entre « libre » et contraint étant si floue. En fait, il ne me semblait pas insensé de dire que le trio brouillait également les lignes entre le jazz et quelque chose de plus proche de la musique de chambre moderne. J’apprendrai plus tard que cela s’explique par le fait que nombre de ces compositions ont commencé par des partitions graphiques, réinterprétées ensuite en notation standard.
Bien que je doive admettre que ce style de jazz ne fasse pas partie de mes préférés, je peux l’apprécier lorsqu’il est bien fait. Pour le profane qui trouve ces styles abrasifs, je l’explique de la manière suivante : Il faut beaucoup d’habileté pour jouer volontairement de la sorte et tout autant de temps pour entendre ce qui se passe réellement. Je compterais certainement le public de Diese Onze, de taille respectable, parmi ceux qui sont capables d’apprécier ce qui se passe, car ils sont restés captivés par le Drome Trio de Michael Formanek jusqu’à la toute fin du set.
QMP | L’art de faire musique dans Ce qui reste quand la peau se détache du corps
par Alexandre Villemaire
« Décloisonner les genres et provoquer les rencontres. » C’est ainsi qu’Isabelle Bozzini a introduit la première soirée de trois concerts à Montréal de la quatrième édition de Québec Musiques Parallèles (QMP), festival décentralisé de musique contemporaine dont la programmation éclatée est répartie à travers plusieurs villes du Québec ainsi qu’au Nouveau-Brunswick. Cette première soirée présentait un plateau double avec l’œuvre performative Ce qui reste quand la peau se détache du corps de Sara Létourneau et Chantale Boulianne et le Long Gradus de Sara Davachi interprété par le Quatuor Bozzini (Isabelle Bozzini, violoncelle; Stéphanie Bozzini, alto; Clemens Merkel et Alissa Cheung, violons). La rencontre des genres était effectivement au rendez-vous avec deux oeuvres au format très différent.
Dernier né d’une collaboration initiée entre Davachi et le quatuor en 2020 dans le cadre du Composer’s Kitchen, la résidence de création professionnelle du quatuor destinée à des compositeurs de la relève. L’œuvre de Davachi joue sur la notion de temps et de son élasticité. Formée de quatre parties, la pièce se développe par une succession lente et soutenue de notes qui créent un effet de suspension auréolé d’accords carentiels qui sont joués. Il n’y a point de grande virtuosité acrobatique dans cette œuvre, mais une endurance et une maîtrise technique forte pour contrôler l’égalité du flux sonore et faire évoluer les différentes hauteurs. L’atmosphère intensément méditative tranchait de manière dramatique – un peu trop peut-être d’ailleurs – avec la performance de Létourneau et Boulianne en première partie.
Dès que l’on entre dans la salle du Théâtre La Chapelle, nous pénétrons dans l’univers des créatrices, avec une scénographie dense sur scène : deux arches en bois, des ampoules suspendues, diverses structures aux formes variées et une console de sons nous accueillent. Spectacle à la croisée des chemins entre la performance, l’art sonore et les dispositifs scéniques, l’œuvre est un parcours où différents tableaux se déploient sous nos yeux et nos oreilles. Le spectacle joue sur la thématique de la corporalité, des angoisses, de la vie, de la mort en mettant en scène un environnement sonore, mais surtout, les instruments, uniques et surdimensionnés confectionnés par le duo d’artistes. Au fil de la prestation de 75 min, les artistes dévoilent des tableaux musicaux qui mettent en scène des instruments de leur confection qui rivalisent d’ingéniosité, de symbolisme.
Un soufflet géant – confectionné suite à un atelier de formation avec un facteur d’accordéon –, qui crée du vent et fait vibrer des mobiles de métal, une basse contre-poids dont la hauteur du son est déterminée par la masse qu’on y applique, le rond-koto, sont parmi les quelques éléments qui jalonnent la structure de l’œuvre, le tout amplifié et magnifié par les jeux d’éclairages et par les traitements sonores qui envahissent l’espace. On se laisse ainsi emporter et on est happé par la performance, impatient de découvrir quel nouvel instrument va émerger de l’espace, quel son il produira et par quel moyen. Un des moments les plus forts de la performance survient quand les deux artistes se livrent à un numéro de lutherie sous nos yeux et confectionnent un immense instrument appuyé par une trame sonore au rythme mécanique.
Au fil du déroulement de la performance, le terme musicking ou « musiquer » du musicologue Christopher Small (1927-2011) nous est venu en tête. En résumé, pour Small, la musique n’est pas un nom, mais un verbe. Ce terme implique que la performance est un élément central dans l’expérience musicale et l’action de performer inclut aussi bien les artistes que le public. Chaque élément de la confection des instruments, à l’intermédialité de la démarche artistique, le bruit des pas, la théâtralité des gestes et des propos, les billes qui tombent et roulent de manière aléatoire, allumer une lumière, se déplacer, les réactions du public : tous ces éléments constitutifs sont constitutifs de l’œuvre et sont musique. C’est ce qui la rend unique et accessible.
Alors, qu’est-ce qui reste quand la peau se détache du corps? Une œuvre complète, captivante, mais surtout une performance-expérience qui ne peut uniquement être décrite en mots, mais qui doit être entendue, vécue et vue.
FLUX | Le violoncelle intime et intense de Lori Goldston
par Frédéric Cardin
Vous l’avez peut-être entendue aux côtés de David Byrne, Terry Riley, Malcolm Goldstein, Natasha Atlas, Threnody Ensemble ou Nirvana lors du célèbre concert Unplugged en 1993. Elle s’appelle Lori Goldston et compose/improvise, enseigne, écrit et milite pour une nouvelle façon de faire de la musique ‘’savante’’. La musicienne basée à Seattle était à la Sotterenea hier soir pour un concert qui affichait également le guitariste montréalais Stefan Christoff, l’autrice libano-palestino-québécoise Elissa Kayal et la chanteuse/harpiste Christelle Saint-Julien. Le concert faisait partie de la programmation du nouveau festival montréalais Flux, focalisé sur les musiques alternatives, d’allégeance classique contemporaine, improvisée, indie, rock, expérimentale, électro, etc. Écoutez d’ailleurs l’entrevue d’Alain Brunet avec l’un des initiateurs de l’événement, Peter Burton :
Il faudra repasser pour la performance de la pauvre Christelle Saint-Julien, minée par toutes sortes de problèmes techniques de sonorisation. Elle s’accompagne à la harpe (décidément, Montréal est un pôle mondial de harpistes ‘’indies’’!) avec une voix fragile qui est tout de même capable d’élans lyriques plus solides. Les moments forts de la soirée ont plutôt été assurés par, d’une part, Elissa Kayal qui a lut en intro de spectacle un texte puissant sur le déracinement, l’identité, et la misère de tout un peuple (palestinien). Des phrases percutantes telles ‘’La tristesse, je la pisse hors de moi!’’ ont assuré un premier contact émotionnellement puissant avec le programme de la soirée.
Lori Goldston elle-même s’est présentée avec son violoncelle et a entamé un tour de piste constitué de quelques pièces seulement, mais d’une conséquente longueur, toutes improvisées dans un langage plutôt modal qui s’élabore à peu près toujours dans la même tessiture d’environ deux octaves. À travers cette démarche en apparence assez simple, la technique classique ultra solide de l’artiste transparaît. Interchangeant les textures entre un archet généreux et du pizzicato volubile, Goldston nous invite musicalement dans un univers personnel viscéral et émotionnellement expansif. Cela dit, il n’y a rien d’abrasif ou agressif dans son style d’impro savante contemporaine. Plutôt une porte ouverte sur un intérieur vibrant d’intensité et, j’oserais dire, modernement romantique.
Le guitariste Stefan Christoff s’est joint à Goldston pour la fin du concert. La rencontre du violoncelle lyrique et de la guitare électrique planante, éthérée, de Christoff a permis à la soirée de se terminer comme sur un coussin d’air méditatif. Très très beau.
Dans le même esprit, je vous invite à découvrir ci-contre l’album A Radical Horizon de Goldston et Christoff, paru plus tôt cette année. Même si Christoff est au piano plutôt qu’à la guitare, vous y ressentirez sensiblement la même chose qu’hier soir.
Pour des infos sur le reste du festival Flux, consultez
Où en sommes-nous avec le jazz contemporain pour big band ? Parmi les contributions au genre, le contrebassiste et compositeur Michael Formanek fournit une réponse à travers ses œuvres et arrangements conçus pour grand orchestre de jazz. L’exemple le plus probant de ses travaux se trouve dans l’album The Distance, paru en 2016 sous étiquette ECM avec l’ensemble Kolossus, fait sur mesure pour interpréter son art et regroupant des artistes de très haut niveau – Mary Halvorson, Kris Davis, Tim Berne, Chris Speed, Mark Helias, etc.
L’album était constitué de la pièce titre de l’opus, suivie d’un prélude intitulé Exoskeleton précédant 8 parties distinctes regroupées en quatre mouvements. Il s’agissait bel et bien d’un projet d’envergure sous la gouverne de Michael Formanek.
Les choix rythmiques correspondent en bonne partie à ceux des compositeurs / improvisateurs les plus aguerris de cette génération. Il réussit à conserver le swing ou l’impression de swing tout en exploitant une variété rythmes à mesures composées, bien au-delà du binaire ou du ternaire. Les choix harmoniques puisent dans plus d’un demi-siècle de musique moderne ou contemporaine, écrite ou improvisée, européenne ou américaine.
Cette fois, une part congrue de l’élite jazzistique de Montréal participait à cette relecture intégrale des six pièces de Distance. Fort belle tablée de musiciens au service de Michael Formanek, on a eu droit à d’excellentes improvisations des trompettistes, particulièrement Bill Mahar et Jocelyn Couture, appuyés par les non moins compétents David Carbonneau et Aaron Doyle. Le plus expérimenté des saxophonistes a été le plus éloquent, Jean-Pierre Zanella a toutefois partagé l’exécution et les impros avec Annie Dominique, qu’on commence à connaîre, et des habités de haute tenue, côté Samuel Blais, Frank Lozano et Alexandre Côté. Les trombones nous ont révélé aussi des changements dans l’alignement avec Margaret Donovan. Teodora Joy Kadonoff et Taylor Donaldsonqui se joignaient à Dave Grott.
On aura observé que tout ce personnel s’est fort bien adapté aux défis harmoniques que posent les œuvres de Michael Formanek. On a aussi vu la pianiste Marianne Trudel et le guitariste Steve Raegele tenir un langage souvent atonal ou sériel, parfaitement en phase avec l’esthétique de vaste projet.
Pour que ces musiques de Distance gagnent en puissance, eh bien il faudrait que plusieurs ensembles les jouent et en transcendent les versions connues. Jeudi, en tout cas, l’exécution fut rigoureuse, studieuse, appliquée.
PROGRAMME
Chef d’orchestre | David Russell Martin
Artiste invité | Michael Formanek (Contrebasse)
Orchestre national de jazz |
Saxophones | Jean-Pierre Zanella, Samuel Blais, Annie Dominique, Frank Lozano, Alexandre Coté
Trombones | Dave Grott, Margaret Donovan, Taylor Donaldson, Teadora Joy Kadonoff
Trompettes | Jocelyn Couture, Aron Doyle, David Carbonneau, Bill Mahar
Piano | Marianne Trudel
Guitare | Steve Raegele
Marimba | João Catalão
Batterie | Paulo Max Riccardo
1The Distance (Michael Formanek)05:59
2Exoskeleton: Prelude (Michael Formanek)09:04
3Exoskeleton Parts I-III: Impenetrable / Beneath the Shell / @heart (Michael Formanek)21:34
4Exoskeleton Parts IV-V: Echoes / Without Regrets (Michael Formanek)15:42
5Exoskeleton Parts VI-VII: Shucking While Jiving / A Reptile Dysfunction (Michael Formanek)11:29
6Exoskeleton Part VIII: Metamorphic (Michael Formanek)
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Traverser une débâcle et un désert et en sortir transformé: voyage dans les univers sonores de Marc Hyland et Nour Symon
par Alexandre Villemaire
Le cadre industriel du Théâtre La Chapelle a ouvert une fenêtre sur des univers musicaux à l’intensité émotionnelle bien de notre époque et au monde intérieur des interprètes et des compositaires. À l’honneur de cette soirée, une production Ad Lib présenter par Le Vivier, deux créations immersives de Marc Hyland et de Nour Symon qui étaient d’une poignante complémentarité.
En ouverture, le public – nombreux et attentif de ce concert – a été le témoin d’une débâcle sonore avec Le grand dégel, pièce pour voix, guitare électrique et bande. L’œuvre prend comme source Orlando, roman phare de Virginia Woolf. L’extrait que Marc Hyland a choisi d’illustrer parle d’un grand dégel et d’une peine d’amour, que l’autrice représente et décrit comme « une effroyable débâcle, où les flots et les glaces emportent avec elles humains, animaux et objets ». Plongée dans une pénombre avec comme seul éclairage une lumière rouge projetée sur le cyclo en fond de scène, l’œuvre s’ouvre sur une récitation déclamatoire accompagnée par une trame électroacoustique qui augmente progressivement en intensité et en transformation, faisant apparaître des galops de chevaux, dont le mouvement est la « force vitale » servant de matériau motivique qui se fond dans l’introduction de la guitare électrique. Une fois cette introduction lancée, nous entrons dans une deuxième phase de l’œuvre où l’interaction se passe entre le guitariste Simon Duchesne et le baryton Vincent Ranallo qui dialogue dans un récitatif déjanté. Il faut saluer et noter la performance des deux artistes pour leur prouesse technique respective. Ainsi, Ranallo s’illustre dans ce long récitatif à saveur opératique où il alterne avec aisance passage en falsetto et sa voix grave, tandis qu’il est accompagné par des grappes sonores à la guitare que Duchesne traite de différentes manières. Progressivement, les sons et même la voix se tordent, accentuant le dramatisme du texte et l’effet de vague sonore qui y est sous-jacents.
Tant les œuvres de Marc Hyland et de Nour Symon demandent un abandon total et un laisser aller de l’esprit de la part du spectateur et de l’auditeur. Les univers sonores dans lesquels ils nous transportent sont si chargés au niveau des sens qu’ils demandent un temps d’adaptation. C’est particulièrement le cas pour la deuxième œuvre du programme J’ai perdu le désert du compositaire Nour Symon. De son propre aveu, son univers musical est si chargé et chaotique qu’il demande une nécessaire acclimatation avant que l’auditeur et les interprètes trouvent leur vitesse de croisière. J’ai perdu le désert, de par son titre, laisse présager un lien avec la précédente grande œuvre de l’artiste, soit son opéra Le Désert mauve, basé sur le roman éponyme de Nicole Brossard. L’intensité du propos de l’œuvre et de la musique y demeure, mais l’approche y est ici plus personnelle. En effet, Nour Symon nous convie à une traversée de ses déserts intérieurs et à nous aventurer avec ielle dans une quête de l’identité sous une forme de tarab, une méditation sonore emblématique de la culture égyptienne « où toutes les émotions qui nous habitent sont convoquées en même temps ».
Pièce-fleuve d’une heure, elle présente un effectif instrumental éclaté : piano (Symon); harmonica (Benjamin Tremblay-Carpentier); oud (Nadine Altounji); violon (Lynn Kuo) et violoncelle (Rémy Bélanger de Beauport) qui évoluent avec des partitions graphiques projetées en fond de scène qui servent de guide pour les musiciens, mais aussi pour le public. Chaque image, chaque trait et vidéo présenté, surimposé dans la présentation, a une signification musicale à laquelle les artistes répondent, évoluent, s’écoutent et improvisent avec moult techniques de jeu étendues.
Malgré l’apparence de désorganisation, l’écriture de Nour Symon est d’une étonnante précision, chaque changement de dynamique et de matériau sonore et visuel s’exécutant à la seconde près. Du désert égyptien aux alentours du Caire en passant par le désert aquatique et même par le désert d’un sentier de neige, la musique de Nour Symon fait appel à nos sens. Si ielle expose en filigrane la confrontation entre son identité et ses origines égyptiennes, notamment par les extraits vidéo tirés de ses propres voyages, c’est aussi l’expérience du choc vis-à-vis du génocide palestinien qui a habité la création de cette œuvre. Des moments de grande intensité, de colère et de chaos s’alternent ainsi avec des passages plus apaisés. Ces derniers sont vécus un peu comme si on reprenait notre souffle après qu’on eut hurlé et pleuré toutes les larmes de notre corps, avant de plonger à nouveau dans cet univers sonore.
Entre la symbolique d’une débâcle à la fois émotionnelle et environnementale et l’incommensurabilité du désert, confronté à ses identités multiples et à la violence du monde, tant physique qu’intérieur, nous sommes sortis de cette soirée cathartique avec des images fortes imprimées sur notre rétine, une myriade sonore accrochée dans nos tympans et des émotions fortes ancrées en notre être.
Il y a encore une semaine, je n’avais jamais entendu parler de Marcos Valle, pourtant fan finie de musica popular brasileira (MPB). Lorsque mon étudiante brésilienne m’en a parlé lors de notre dernier cours, et que mon boss m’a proposé de couvrir ce spectacle, ça m’a donné envie. Et c’est ce que j’ai fait jeudi soir, au théâtre Fairmount, le concert ne pouvant pas se tenir à la Tulipe pour les raisons qu’on sait.
Ce show tenu à guichets fermés a rassemblé une foule majoritairement brésilienne (dont une large part qu’on ne voit pas souvent aux concerts de la communauté locale) mais aussi bon nombre d’amateurs de musique brésilienne, issue de toutes les générations.
Marcos Valle était accompagné pour l’occasion par une formation complète – batterie/ percussions, basse, claviers, trompette. Assurément, le vétéran et ses collègues ont mis le feu au Fairmount,
Vêtu d’une chemise orange, cheveux longs, l’air post hippie du haut de ses 81 ans, il s’installe avec une certaine nonchalance devant l’un de ses deux claviers de la soirée et entame une chanson instrumentale bien rythmée, question de donner le ton de la soirée. Son phrasé au clavier est fluide et solide, dans le contexte de son œuvre. Il se lève par moments en plein milieu d’une chanson et se poste devant l’un des musiciens en le regardant dégainer son solo. Qui plus est, il conserve les atouts de son ancienne vie de chanteur de charme bossa nova.
« Je suis heureux d’être ici avec vous. Cette tournée américaine et canadienne, c’est pour célébrer mes 60 ans de carrière », nous partage l’octogénaire entre deux exécutions, avant d’entamer Cinzento, un morceau qu’il a composé avec le rappeur engagé Emicida.
Sa voix a pris un petit coup de vieux mais le chanteur parvient tout de même à tenir ses notes et à susurrer ses rimes comme lui seul sait le faire. Mais peut-on réellement demander la perfection à un octogénaire qui continue à remplir toutes les salles lors de son passage ?
Malgré les soucis techniques en début du spectacle, cela n’a pas déteint sur le reste de la soirée. Patricia Alvo, épouse et choriste de Marcos Valle, a également pu déployer son talent vocal… lorsque son micro fut mieux réglé par le sonorisateur.
Son hit Mentira a plu énormément à la foule, qui s’est empressée de sortir les cellulaires pour immortaliser le moment.
« Je suis ravi que la nouvelle génération continue d’écouter ma musique. Tout a commencé avec la prochaine chanson qui s’appelle Crickets Sing For Ana Maria », annonce-t-il. Nous avons eu alors droit à un long solo de batterie, suivi d’une version de Rocking you internally. Marcos Valle a également joué plusieurs morceaux de son récent album Túnel Acústico, tels que Feels so good et Toda Dia Santo (un de ses classiques repris dans cet album), qui a reçu un bel accueil du public.
Ainsi nous sommes passés du funk des années 60/70 au jazz groove avec des harmonies typiques de la musica popular brasileira, le tout exécuté sur fond de rythmes samba, jazz, disco, baião ou même batucada. En fin de programme Patricia Alvi s’est amusée à filmer la foule en liesse et les musiciens ravis, consciente que cette tournée internationale est peut-être parmi les dernières de ce grand artiste… qui affiche néanmoins une forme exemplaire ! Seule déception : nous n’avons pas eu le plaisir d’écouter Samba de Verão (Summer Samba), comme je l’espérais lors du rappel mais à la place, on a eu le morceau Bicicleta (Marcos serait un adepte de vélo) au sein de laquelle la trompette a occupé une grande place.
Une chose est sûre : c’est le rêve de tout artiste d’être encore sur scène à 81 ans et de faire des tournées aussi réussies que celle de Marcos Valle.
De lumière et de velours : premier concert de la saison de la SMCQ
par Frédéric Cardin
L’entrée en matière de la saison 2024-2025 de la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ) a été une réussite. Un programme d’une grande cohérence stylistique a permis aux différents interprètes de la SMCQ, additionnés des Petits chanteurs du Mont-Royal, de faire rayonner une musique magnifique, contemporaine dans sa rigueur et son exigence, mais parfois romantique dans ses affects suggérés. L’amusante pièce pour chœur Horloge Tais-toi de Kaija Saariaho lançait la soirée dans une version avec piano seulement, et la terminait aussi, dans une version avec orchestre. Comme le titre le laisse deviner, il y a quelque chose de mécanique et ludique dans cette pièce où les tic-tacs insistants de l’objet semblent s’incarner particulièrement bien dans la bouche d’enfants qu’on imagine redouter l’heure du lever pour aller à l’école. Une version de la Maîtrise de Radio France disponible sur YouTube montre une spatialisation élargie du chœur, qui laisse beaucoup de place entre les chanteurs et chanteuses. Ce n’était pas le cas hier, les Petits chanteurs étant regroupés de façon traditionnelle, en groupe serré. J’aurais aimé entendre le résultat avec la disposition des Français. Je pense que l’effet des tic-tacs doit être plus impressionnant.
Suivait une autre pièce de Saariaho, Lichtbogen, inspirée directement des aurores boréales. Si vous imaginez un tant soit peu le genre de musique qui pourrait émaner de ces ondulations colorées hypnotisantes, il y a de fortes chances que cela sonne comme Lichtbogen. Un orchestre de chambre étoffé fait naître un kaléidoscope sonore d’abstraction luminescente et scintillante d’autant plus agréable qu’il est chaleureux. Les projections d’authentiques aurores boréales ont ajouté une magie visuelle entièrement appropriée.
Je ne savais pas à quoi m’attendre du jeune compositeur Hans Martin, qui m’était inconnu jusqu’à hier. J’avouerai avoir été agréablement séduit par sa proposition musicale pour chœur (encore les Petits chanteurs) et orchestre, intitulée Stance et appuyée sur un texte du poète de la Renaissance Claude de Pontoux. Le poème traite du passage du temps qui détruit tout, sauf, apparemment, le caractère de la personne visée (la bien-aimée?). Ce qui frappe surtout c’est la rondeur sonore dessinée par Martin, qui se gorge d’une tonalité charnue mais fuyante car une fois sa plénitude atteinte, elle est parcourue de frissons dissonants qui l’invitent à s’échapper plus haut dans la gamme. Mais celle-ci est toujours rattrapée, dans une course poursuite lente et soutenue. C’est franchement très beau et j’aurai beaucoup de plaisir à la réécouter, un jour ou l’autre.
Jardin secret de Saariaho, pour support stéréo et appuyé de projections graphiques, amorçait la deuxième partie du concert avec une expression électronique vaguement impressionniste.
Le morceau de choix de la soirée suivait, soit Arras de la Montréalaise Keiko Devaux, une belle et grande plage de musique mouvante, organique, somptueuse, comme le laisse deviner le titre, qui ramène à la ville du Pas-de-Calais qui fut un haut-lieu de la tapisserie flamande au Moyen-Âge. Telle une commande pour les ducs de Bourgogne du 14e siècle, Devaux tisse un riche entrelacs de motifs et de textures, assemblées dans un canevas général montrant un arrière-plan d’harmonies qui cherchent la consonance. Sur ce panorama, des saillances modernistes viennent camper la partition dans notre 21e siècle. Comme un paysage romantique estival sur lequel une brume voilée se dépose, et qui serait parcourue de frémissements et de percées laissant voir la perspective sous-jacente.
Musicalement, on sait par Devaux elle-même que beaucoup de références personnelles et de souvenirs musicaux sont intégrés à la partition. On sent et on entend dans le soutien harmonique un Romantisme fondamental auquel s’ajoutent des velléités exploratoires contemporaines. La fusion est magnifique et Arras mérite d’être joué en Europe, à Arras même, berceau inspirant de cette musique exceptionnelle.
J’ai dit ailleurs que Devaux est à mon avis l’une des plus stimulantes compositrices de la génération actuelle en Amérique. Je le redis sans hésitation et j’ajouterai que l’Europe est tout à fait à sa portée (en souhaitant qu’elle reste ici pour toujours, cela dit!).
La 59e saison de la SMCQ, si le concert d’hier était un indicateur, sera un bon cru.
Quand on est la progéniture de l’une des figures les plus importantes de l’histoire de la musique moderne, on n’a d’autre choix que celui de vivre un peu dans l’ombre d’un succès considérable. Quand on est l’enfant de Bob Marley, il est tout simplement impossible d’échapper à l’héritage du paternel.
Le plus grand album de Marley, Legend, a passé un total de 853 semaines non consécutives sur la liste des 200 albums du Billboard américain (à partir de ce mois-ci), la deuxième plus longue série de l’histoire du classement – il est donc impossible d’échapper à ce genre d’attraction magnétique, alors pourquoi la combattre ?
Depuis son décès en 1981, plusieurs des enfants de Bob (il a eu des enfants avec plusieurs femmes différentes) se sont lancés dans le métier, notamment Ziggy, qui a connu un grand succès en 1988 avec la chanson Tomorrow People, et Damian, qui a dominé les charts lorsqu’il a accueilli les auditeurs dans le monde du Jamrock en 2005. Parfois, cependant, la somme des parties apporte plus que les pièces individuelles.
Cette année, certains des enfants de Bob, les frères Ziggy, Stephen, Julian, Ky-Mani et Damian, ont repris le légendaire recueil de chansons de Marley pour ce qu’ils appellent le Legacy Tour, qui s’est arrêté à la Place Bell le lundi 30 septembre.
Dès le début du concert, un vent de mysticisme naturel soufflait dans l’air, alors que les frères montaient sur la scène et que le groupe délivrait un son profond et une ligne de basse qui ébranlait les fondations du bâtiment. Avec un groupe d’accompagnement qui peut rivaliser avec les Wailers originaux et qui s’adapte à chaque groove et riddim, les frères se sont relayés pour chanter les chansons qui ont fait de leur père une force musicale si puissante, chacun d’entre eux possédant une petite qualité nuancée de la voix de Bob et de la livraison vocale qui est unique à l’ADN de Marley.
Ils ont tous été à la hauteur, chacun possédant sa propre personnalité sur scène, passant du chant aux guitares et à la batterie Nyabinghi, mais une mention spéciale revient à Ky-Mani, dont la voix grave a atteint le même point que Bob lorsqu’il creusait vraiment dans les tréfonds de son organe vocal. Les performances ont été irréprochables, entraînant la foule adorée dans une frénésie prolongée qui ressemblait à une fête géante non stop, ornée d’images de l’histoire du reggae et de la régale. Il suffisait de jeter un coup d’œil au public pendant le spectacle pour voir des gens de toutes les générations danser, chanter et vivre une expérience transcendante.
C’était magique au sens où les Marley Brothers (et les fans) rendaient hommage à ce répertoire de chansons sacrées Tuff Gong (qui est un mode de vie en Jamaïque), avec des succès folkloriques (oui – le reggae, à la base, est de la musique folklorique – de la musique du peuple) qui ont ému les gens, des chansons comme Get Up Stand Up, So Much Trouble in the World (avec un fantastique toast dancehall de Damian), Coming In From the Cold, War, Could You Be Loved, One Love, et une version dynamite d’Iron Lion Zion qui a fait naître un immense sourire sur le visage de chaque personne présente dans le bâtiment.
Dans tous les sens du terme, les enfants de Marley perpétuent soigneusement son héritage, et une telle énergie ne mourra jamais !
OSM | Quatre saisons, deux époques, Vivaldi et Piazzolla
par Alexis Desrosiers-Michaud
C’est par un bel après-midi ensoleillé que près de deux milles personnes se sont entassées dimanche dans la Maison Symphonique pour entendre l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) en format réduit et dirigé par la cheffe et soliste Rosanne Philippens enchaîner les Quatre saisons d’Antonio Vivaldi et celles de Buenos Aires d’Astor Piazzolla.
Il est intéressant, et courant, de présenter les deux corpus dans le même programme, d’autant plus qu’ils sont séparés par environ 230 ans et quelques 11 000 kilomètres. Ce qui surprend cependant, c’est d’alterner les Saisons de Vivaldi par celles de Piazzolla. Comme auditeur, il est facile de passer du baroque au tango, mais l’inverse est moins fluide. Il n’est mentionné nulle part dans le programme les raisons de cette décision. Notre hypothèse est que comme l’une des deux œuvres fait deux fois la longueur de l’autre, un ordre permet de présenter deux parties de concert d’une durée égale.
Il est utile de rappeler ce que sont les Saisons de chacun. Chez Vivaldi, ces quatre concertos s’accompagnent de poèmes, probablement écrits de la main du compositeur. Ceux-ci font allusions essentiellement à des activités (une fête, la chasse), des personnages humains ou animaux, la température ou encore des sentiments et des ressentiments (la peur, le froid). À ce titre, il aurait été préférable d’opposer les deux pupitres de violons avec un continuo au centre plutôt que d’opter pour la formation orchestrale traditionnelle. Ainsi, les oiseaux ne chantent pas tous du même côté et le vent tournoie dans tous les sens.
Il ne fallait pas être hypermétrope pour pouvoir suivre la musique avec les poèmes imprimés dans le programme, tant la luminosité était peu présente au milieu du parterre. Le Printemps s’annonçait pas grand-chose d’intéressant; les cordes étaient lourdes et on ne sentait pas et la légèreté du chant des oiseaux. Les longues notes ne se prêtaient pas au rythme pastoral du troisième mouvement et l’esprit de danse passait inaperçu. Au moins, cette articulation rendait justice au chien jappant représenté par l’alto dans le deuxième mouvement.
Heureusement, ce fut le seul moment moins réussi du concert. Dès l’Été, on sent la terreur et la tempête se déchainer dans un tempo vif dans une articulation marquée. L’Automne passe aussi le test, malgré que le mouvement lent, la nuit, est joué trop vite pour une indication Adagio Molto. Les successions d’accords de ce mouvement sont magnifiques et méritent qu’on les délecte, laissant le champ libre au claveciniste.
L’Hiver est de loin la saison la plus réussie, car il y a beaucoup plus de liberté dans les effets sonores et le tempo, alors que les trois autres concertos ont été interprétés plus traditionnellement. Les violons sont grinçants et on sent le froid nous pénétrer, le vent tournoyer et les « dents claquer », comme écrit dans le poème.
Chez Piazzolla, les Cuatro Estaciones Porteñas (porteñas signifie les habitants de Buenos Aires)« décrivent musicalement les différentes périodes de la vie des habitants de la banlieue de de Buenos Aires en fonction des changements saisonniers ». L’exécution de dimanche fut tantôt mélancolique, tantôt très énergique et vivante. Les rythmes de tango étant marquées à point, il était amusant de voir le théorbiste taper du pied en attendant de rejouer, tentant le public de faire pareil. Les effets de claquement et de glissandos surprenaient par leur précision. Chapeau à l’OSM mené par un dynamique Olivier Thouin d’avoir réussi à jouer cette œuvre sans chef menant avec la baguette.
Rosanne Phillipens est une bonne violoniste et une très bonne communicatrice. Malgré quelques erreurs de justesse, elle passe d’une partition à l’autre sans problème. La communication entre elle et les musiciens est fluide et la balle se passe comme si de rien n’était. Mention honorable également au joueur de théorbe dont le nom n’apparaît nulle part et au claveciniste Luc Beauséjour, qui ont ornementé avec brio les Vivaldi. M. Beauséjour a eu l’honneur de terminer le concert sur une pointe d’humour; dans l’arrangement de Leonid Desyatnikov, le PrimaveraPorteña de Piazzolla se terminant par un écho du début du Printemps de Vivaldi au violon. Relayé au clavecin, cela fait drôlement allusion à une sonnerie de téléphone cellulaire, qui heureusement, n’a pas sonné dimanche après-midi.
Sans surprise, ce fut un retour au bercail réussi pour Kaytranada, samedi soir au Parc Jean-Drapeau. La superstar a enflammé l’île Sainte-Hélène dans le cadre de sa tournée Timeless, dont l’objet est aussi de défendre l’album du même nom, paru en juin dernier.
Avant l’entrée en scène de Kaytranada, trois artistes ont foulé la scène dans l’ordre qui suit: Kitty Ca$h, Lou Phelps (frère de Kaytra) et Channel Tres. Tous trois ont contribué à préparer la foule pour l’événement principal avec des sons rythmés et entraînants, permettant au public de se réchauffer et de se laisser aller avant le plat principal. Mention spéciale à Channel Tres qui, avec ses danseurs, a réussi à hausser le niveau d’énergie grâce à une performance haute en couleur.
Place au clou de la soirée ! Sur le titre Pressure, l’intro de son nouvel album, Kaytranada entre sur scène vers 21h15, enveloppé d’un épais nuage de fumée. Énergique et accueillante, la foule était prête à exprimer tout son amour pour le héros local. Il enchaînera alors plusieurs morceaux du nouvel opus, tous aussi bons les uns que les autres. Ce qui a immédiatement captivé la foule, qui semblait déjà bien connaître ce répertoire tout neuf, malgré sa sortie récente.
Kaytranada a poursuivi en alternant ses classiques comme YOU’RE THE ONE et 10% avec des titres plus récents de Timeless, ainsi que des remixes récemment sortis, comme son remix de l’excellente Neverender de Justice et Tame Impala.
Il est souvent facile de perdre sa concentration lors d’un set de DJ/producteur, mais Kaytranada sait éviter ce problème et maintenir l’attention du public grâce à des pas de danse soignés, des effets visuels envoûtants. En somme, un spectacle très cohésif avec des transitions parfaitement exécutées entre les morceaux.
Notre homme terminera son concert en beauté après plus d’une heure et demie d’enchaînements de morceaux puissants, clôturant avec la chanson qui l’a fait connaître, Be Your Girl, concluant ainsi le spectacle de façon magistrale. Après une courte pause, il revint pour un rappel avec deux dernières chansons tirées de Timeless : Call U Up, accompagné de son frère Lou Phelps, et Drip Sweat, avec Channel Tres. Les deux artistes sont montés sur scène pour interpréter leurs parties respectives.
Dans l’ensemble, les fans montréalais de musique électronique n’ont pas été déçus par la performance de leur coqueluche québécoise, prestation explosive en cette douce soirée de septembre.
POP Montréal | Trafic magnifique sur la route de Lhasa
par Michel Labrecque
Comment ne pas trépigner devant l’affiche de ce spectacle hommage ? Entendre l’Acadienne Marie-Jo Thério, l’Argentine Juana Molina, la Québécoise Klo Pelgag et le groupe arizonien Calexico, entre autres, pour commémorer Lhasa de Sela sur une même scène, ça intriguait, pour le moins.
Le Rialto était bondé pour l’occasion : une foule multi-générationnelle, franco, anglo, latina, est venue assister à cette grand-messe culturelle, dédiée à une chanteuse qui est devenue un icône depuis son décès tragique en 2010, d’un cancer, à 37 ans.
Il a suffi de trois albums pour cette Mexicano-américaine, qui a vécu à Montréal et en France, pour atteindre ce statut mythique qu’on lui connaît. Un quatrième opus vient de s’ajouter: comme son titre l’indique, First Recordings est chronologiquement le premier album.
Je connais des gens et même des collègues journalistes qui trouvent ce phénomène exagéré. Une amie m’a confié ne pas comprendre cet engouement, que la voix de Lhasa l’agaçait. Mais, en ce dimanche 29 septembre, il n’y avait pas de place pour ces sceptiques. Une spectatrice se rappelait avoir découvert Lhasa lors de ses premiers concerts, intimes, au Barouf ou au Quai de Brumes, des petits bars, enfumés à l’époque, où Lhasa nous ouvrait les oreilles aux sons mexicains et latinos.
C’est aussi ça l’héritage de Lhasa au Québec : nous donner une ouverture vers l’autre, tout en s’intégrant ici.
La présentatrice du spectacle, la comédienne et auteure Nathalie Doummar, nous l’a dit d’emblée : ces trois heures de musique allaient nous permettre d’entendre la presque totalité de la musique et des textes de Lhasa. Et nous avons commencé à flotter.
La première vague a mis en vedette Helena Deland, Klo Pelgag, Feist et Laurence-Anne, toutes des chanteuses indie-pop, qui ont mis la table, chacune à leur façon, avec des balades en anglais et en espagnol. Avec les excellents musiciens accompagnateurs, la soirée était lancée.
Impossible ici de commenter chacune des vingt-deux interprétations, durant ces deux-cents minutes de concert. On a entendu également des extraits d’entrevues avec Lhasa de Sela, un témoignage vibrant de sa soeur Gaby, des lectures de quelques-uns de ses textes. Il y a eu du moins bon et de l’excellent, jamais du mauvais. Et surtout, beaucoup de diversité musicale.
Entre le groupe folklorique Ambroise, Juana Molina seule avec ses claviers, le guitariste Yves Desrosiers et le Alt-Rock de Bibi Club, chacun avait sa façon de s’approprier une chanson de Lhasa. Dans certains cas, cela aurait eu avantage à être plus approfondi, mais l’émotion et la spontanéité compensaient.
À mon humble avis, le moment le plus fort de la soirée a été l’apparition de la chanteuse mexicaine Silvana Estrada et du groupe Calexico. Le registre vocal de Silvana Estrada, dont j’ai parlé dans une autre critique de concert, a éberlué la salle. C’était comme une Lhasa De Sela puissance 3. Après deux chansons en solo, elle a accompagné Calexico et la salle s’est mise à danser. Le groupe de Tucson était en grande forme.
Il y a eu d’autres moment particuliers : la chanteuse folk Myriam Gendron a livré une version presque crimsonienne de Anywhere On This Road. On a aussi entendu les Barr Brothers, Bia, Marie-Jo Thério, Samantha de la Vega, La Force…et j’en passe.
Un petit bémol, dont m’ont fait part plusieurs spectateurs: la plupart des artistes sur scène n’ont pas été présentés. Parfois, on se demandait qui chantait. Ce n’est pas tout le monde qui connaît certains artistes plus nichés telles Silvana Estrada et Samantha de la Vega.
Quoi qu’il en fût, la foule était rassasiée, les fans en ont eu pour leur argent. S’il reste des places pour le 30 septembre, je vous encourage à y aller.
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