musique contemporaine

Émanants (Ensembles ILÉA & Bakarlari) – Composer pour l’espace; spatialiser avec l’auditoire 

par Laurent Bellemare

Vous vous promenez dans les couloirs de la Chapelle Cité-des-Hospitalières, entre les drones graves des synthétiseurs modulaires et les bruits de clés des instruments à vent. Les interprètes habitent totalement l’espace, en mouvement ou juchés au troisième étage. Les sonorités acoustiques des instruments traditionnels s’y confondent parfaitement avec celles des instruments amplifiés et électroniques. Par votre trajectoire, vous complétez la spatialisation de cet espace sonore plein et conçu pour le lieu. De quoi raviver la flamme du happening en musique contemporaine.

Dernière d’une série de quatre représentations, le spectacle Émanants présenté par les ensembles ILÉA et Bakarlari, en partenariat avec Innovations en concert, exemplifiait élégamment le type de proposition qui ne se capture qu’en présentiel. Ces deux ensembles chevronnés en improvisation ont constitué un programme d’environ 1h15 où le jeu collectif spontané et les pièces pour solistes se succédaient, selon une progression cohérente. Pour la plupart, ces transitions se sont faites de façon très fluide, brouillant les débuts et les fins de pièces. 

À son meilleur, cette fluidité créait un réel continuum sonore, particulièrement frappant entre la cinquième improvisation et la pièce Une musique soluble dans l’air, interprétée à l’orgue par Gabrielle Harnois-Blouin. Très envoûtante, cette composition de Kevin Gironnay construisait, variait, puis déconstruisait de belles harmonies statiques rappelant la musique d’une Ellen Arkbro. C’est également dans un tel statisme que se déployaient bon nombre de ces compositions imaginées pour le lieu. Pensons à Corps suspendu / Ballet for Past Skin de Kim Farris-Manning, interprétée par la clarinettiste basse Charlotte Layec. Cette œuvre faisait notamment usage de boucles activées par un looper et par-dessus lesquelles des contre-mélodies produisaient un effet de lamentation. À certains moments, ce qui semblait être d’un regain d’amplification et de distorsion de l’instrument  enrichissait la palette de timbres, tout comme les interventions chantées et déclamatoires. 

En contraste, une œuvre comme Ruderalia, écrite par Olivier St-Pierre pour la trompettiste Émilie Fortin, était beaucoup plus éparse dans ses articulations et faisait bon usage du silence. La pièce exposait par ailleurs de nombreuses techniques étendues, interprétées avec dynamisme et virtuosité. Mentionnons aussi le grondement massif de basses fréquences qu’était  Insightful, Instructive, Geometrically Satisfying! d’Andrew Noseworthy. 

Interprétée aux synthétiseurs modulaires par Pierre-Luc Lecours, cette pièce a immédiatement mené le public à se déplacer pour recevoir de plein fouet toutes ces vibrations selon divers points d’écoute. Si cette œuvre a fait entrer la chapelle entière en vibration, sa transition avec l’improvisation suivante est toutefois tombée un peu à plat. Plus tard, un “Remix” de cette même œuvre est venu installer un dialogue entre le tromboniste Kalun Leung et les résonances naturelles de la chapelle, dans un langage passant aisément de la rugosité au lyrisme.

Pour leur part, les sept improvisations ont su captiver l’attention d’une manière ou d’une autre. Entre les qualités spectrales du quatrième segment, qu’on aurait pu confondre avec une œuvre de Gérard Grisey ou de Tristan Murail, et les harmonies lumineuses de Bakarlari sur le cinquième, la plupart des textures que l’on aurait pu souhaiter d’une musique si contemplative ont été exploitées. On a également eu droit à une montée progressive en intensité dans la deuxième improvisation, alors que tous passaient d’une certaine quiétude à des sonorités instrumentales plus hurlantes. C’est également sur un moment de création spontanée que le concert s’est terminé, dans une sorte de transfert d’énergie d’un interprète à l’autre, réexposant une dernière fois les qualités de solistes de chacun avant de s’éteindre sur une improvisation vocale qu’on aurait voulu plus longue.

Alors qu’on accepte de facto le décorum classique et les programmes décousus dans le monde des musiques nouvelles, c’est un événement comme Émanants, entièrement sculpté pour un lieu et selon un récit expressif réfléchi, qui justifie réellement de se déplacer pour entendre de la musique contemporaine en direct.

classique occidental

Justin Saulnier remporte le Prix du violon d’or 2024-2025

par Alexandre Villemaire

Au terme d’une compétition relevée, c’est le violoniste ottavien Justin Saulnier qui a remporté le Prix du violon d’or 2024-2025. Le jeune interprète de dix-neuf ans se voit ainsi décerner un prix en argent d’une valeur de 30 000$, ainsi qu’une prestation de concert dans le cadre de la série Schulich@Bon-Pasteur qui se tiendra le 26 février 2025 au Centre canadien d’architecture. Le deuxième prix est revenu à Joey Machin, qui se voit attribuer une bourse de 15 000$. Jueun Lee ferme la marche de cette édition du Prix du violon d’or en repartant avec un prix en argent de 5000$.

Devant une salle Tanna Schulich bien garnie, Justin Saulnier a livré un programme techniquement habile et empreint d’une musicalité sans faille. En ouverture de son programme, il a interprété les Trois romances de Robert Schumann. Dans chacune des pièces, il a insufflé un caractère différent avec doigté, tandis que dans la Sonate pour violon seul d’Ysaÿe, il a illustré sa maîtrise technique dans un élan virtuose où les traits violonistiques étaient d’une grande précision.

Mais la portion centrale de son programme dédiée à la Sonate pour violon n1 d’Alfred Schnittke, une œuvre complexe mettant en valeur une multitude de techniques de jeu, tant au violon qu’au piano, a été le moment fort de sa prestation. Cette œuvre était un choix judicieux et à son avantage. À l’image de son programme de demi-finale, Saulnier a été le seul à proposer une œuvre résolument ancrée dans le langage du XXe siècle – l’autre exception étant la Fantaisie pour violon seul d’Ellen Taafe Zwilich interprétée par Jueun Lee. Ce changement de caractère était plus que bienvenu dans un programme de soirée qui était sinon pétri de l’univers tonal du XIXe siècle. Comparé à ses collègues, Saulnier est celui qui a présenté le programme le plus varié et le plus versatile au niveau du style et de la technique.

Jueun Lee s’est présentée sur scène en interprétant la Fantaisie de Zwilich, la Sonate pour violon no 1 de Fauré et Tzigane de Ravel. Lee a présenté son répertoire avec la même vigueur qui a caractérisé son passage en demi-finale. Elle a fait montre d’un aplomb virtuose à bien des égards, notamment dans les œuvres de Zwilich et Ravel. L’intensité de ses interprétations a cependant, par moment, pris le pas sur sa virtuosité. Le jeu de timbre et de texture, ainsi que l’exposition des traits idiomatiques présents dans la pièce de Ravel, était bien présent, mais inégal, notamment dans les passages extrêmement véloces ou dans les changements de technique de jeu. La grande œuvre instrumentale de son programme, la sonate de Fauré qui oscillait entre mélancolie et intensité, a été exécutée avec zèle, mais manquait d’éclat dans l’expression de ce curieux langage harmonique.

Succédant à Jueun Lee, Joey Machin a interprété les Cinq mélodies de Prokofiev, Souvenir de Moscou d’Henryk Wieiniawsky et les troisième et quatrième de la Sonate pour violon de César Franck. Il est lui aussi demeuré dans une certaine continuation de son programme de demi-finale en offrant une performance raffinée et claire. Les mélodies de Prokofiev ont été exposées avec un son égal et stable de même que la sonate de Franck. Son jeu et sa maitrise des dynamiques ont été démontrés dans la pièce de Wieiniawsky, où il a fait ressortir avec beaucoup de justesse et de style les éléments folkloriques qui parcourent l’œuvre. Une performance qui a tout de même été émaillée de quelques accrocs mineurs à la fin dans les passages aigus marqués più vivo.

Le jury qui a évalué les épreuves de demi-finales et de finales était composé d’Andrée Azar, de Carole Sirois, de Joshua Peters, de David Stewart et de Jonathan Crow. Le professeur André Roy agissait à titre de président non votant. Les finalistes étaient accompagnés au piano respectivement par Gaspard Tanguay-Labrosse, Itamar Prag, Félix Marquis et Veola Sun.

crédit photo : Tam Lan Truong

baroque / chant choral / chant lyrique / classique occidental

Les Violons du Roy et La Chapelle de Québec | Brillant Messie!

par Mona Boulay

QUÉBEC

Pour commémorer leurs quarante années d’existence, les Violons du Roy proposent une série de concerts exceptionnels, dont celui qui suit : Le Messie de Handel avec Bernard Labadie. 

Dans un premier temps, on ne peut que souligner l’impact visuel d’un tel ensemble sur la scène du Palais Montcalm : un orchestre de chambre baroque avec au centre un théorbe qui attire l’œil, en arrière duquel performent et patientent les solistes, le tout surplombé du chœur de La Chapelle de Québec, trente chanteur·euse·s disposé·e·s harmonieusement en demi-cercle autour de la scène. La vue est grandiose, digne du célèbre oratorio que l’on va nous donner à entendre.

Le chef d’orchestre Bernard Labadie, fondateur des Violons du Roy, revient prendre sa place le temps du concert, chaise qu’il a laissée depuis 2014 à Jonathan Cohen. C’est sous son impulsion que débute notre concert, avec une ouverture instrumentale parfaitement exécutée. On poursuit tout de suite avec un premier soliste, le ténor Andrew Haji, qui dès les premières notes de Comfort Ye, nous captive. Le chanteur manie les nuances avec une grande virtuosité et ne cherche pas la surenchère : ses notes tenues sans vibrato sont un véritable régal pour nos oreilles, autant que ses mélismes tout à fait maitrisés. Le chœur intervient ensuite pour sa première apparition avec And the glory of the Lord et sa puissance est frappante : quel impact ! Le groupe semble ne former qu’une seule voix angélique, la pureté des sopranos est mêlée à la profondeur des basses aisément, le mélange des timbres s est total. Et déjà, nous entendons Thus saith the Lord, premier solo de la basse William Thomas, jeune chanteur britannique promis à une grande carrière. En contraste intervient par la suite le contre-ténor Iestyn Davies dans But who made abide, impressionnante performance soutenue par l’orchestre de chambre, notamment avec ses prestissimo, véloces et précis. L’oratorio se poursuit et nous pouvons enfin entendre Liv Redpath, soprano. Son entrée est peut-être moins remarquable dans un premier temps que celle des autres solistes, avec un jeu dans les nuances qui semble d’abord restreint, malgré une précision vocale impressionnante. On dirait que les premières interventions manquent un peu de vie.

Le Messie se déroule tout au long de la soirée, ponctué par des moments forts (comment ne pas frissonner pendant l’Hallelujah clôturant la deuxième partie ?), mais aussi parfois par quelques longueurs. À titre d’exemple, nommons He was despised, long solo du contre-ténor qui n’en finit pas. Est-ce Handel qui a eu la main trop lourde ou bien l’interprétation qui manquait de direction, je ne saurais dire, mais le temps sembla plus long pendant cet air). Il se termine en beauté avec le « Amen », profusion de joie intense, parfaitement exécuté.

Le concert est rendu brillant par l’ensemble instrumental qui aura eu l’occasion tout le long du concert de nous donner à entendre sa grande capacité de contraste, toujours maniée dans l’élégance et la pureté propres à la musique baroque. Pas une seule fois une note est trop appuyée, pas une seule fois on tombe dans le trop. Une fois n’est pas coutume : Les Violons du Roy excellent dans la subtilité. Les solistes sont chacun remarquables, malgré́ les critiques énoncées plus haut, on est conscient d’entendre une certaine élite du chant lyrique. Le chœur de La Chapelle de Québec est excellent dans son rôle, et ne nous déçoit pas une seule fois : ses interventions sont toujours un moment de grand plaisir. Une soirée dans l’ensemble réussie, et même plutôt avec brio.

crédit photo : David Mendoza Hélaine

Le Messie de Handel avec Les Violons du Roy et Bernard Labadie sera présenté à la Maison symphonique de Montréal le samedi 14 décembre à 19h30. Pour vous procurer des billets, c’est ici

classique occidental

Prix du violon d’or 2024-2025 | Les finalistes dévoilés

par Alexandre Villemaire

Alors que la pluie, le vent et le froid s’abattaient dans la soirée du 11 décembre, une petite foule s’était amassée, bravant les intempéries pour venir entendre et voir se déployer le jeu instrumental des six demi-finalistes de cette édition du Prix du violon d’or.

Au terme de la ronde de demi-finale, ce sont les violonistes Jueun Lee, Joey Manchin et Justin Saulnier qui ont été recommandés par le jury pour passer à l’ultime ronde qui se déroulera le vendredi 13 décembre.

Leurs performances ont respectivement mis en relief des qualités de jeu, d’interprétation et de maîtrise technique dans des programmes diversifiés aux dynamiques contrastantes. Originaire de la Corée du Sud, Jueun Lee, accompagnée au piano par Itamar Prag, a entraîné l’auditoire dans l’univers étincelant de Mozart avec la Sonate pour violon et piano n22 et dans le monde folklorique d’Edvard Grieg avec la Sonate pour violon no 2 en sol majeur. En plus d’un son clair et d’une articulation précise, c’est la présence scénique et l’énergie de la jeune interprète de même que la complicité apparente avec son pianiste qui a capté l’attention.

Joey Manchin a offert une interprétation sentie et soignée du deuxième mouvement de la Sonate pour piano n2 en la majeur de Beethoven, de la Sonate pour violon seul n2 de Paul Hindemith et des deux premiers mouvements de la Sonate en la majeur de César Franck. Le dialogue intimiste entre le piano et le violon dans l’œuvre de Beethoven a mis en valeur une pureté de son et une clarté des lignes que s’échangent les deux instrumentistes. Plongeant l’auditoire dans une esthétique complètement différente, la sonate de Hindemith était truffée de lignes chromatiques et de différentes techniques de jeu dont Manchin a su faire la démonstration. Dans la sonate de Franck, accompagnée par Veola Sun, il a exprimé dans les sonorités vaporeuses de l’œuvre un contrôle franc des différentes dynamiques, passant de lignes langoureuses à des passages animés et vifs.

Justin Saulnier a quant à lui brillé en mettant de l’avant des lignes pures et un discours musical limpide dans la Sonatine en ré majeur de Schubert, alors que le court Caprice no 17 en mi bémol majeur de Paganini, avec ses traits violonistiques véloces, a mis en valeur sa maîtrise technique. Il a par ailleurs été le seul des demi-finalistes qui proposait dans son programme deux pièces de compositeur·ices contemporain, soit la pièce Chant d’Ana Sokolovic et le troisième de la Sonate pour violon et piano du compositeur et chef d’orchestre Dinuk Wijeratne. La présentation de ce type de répertoire, aux antipodes de la majorité des œuvres que nous avons entendues durant la soirée, a apporté une dose de variété bienvenue en plus de démontrer les capacités de Saulnier dans ce type de langage et de discours musical où il était appuyé par Gaspard Tanguay-Labrosse.

Les trois compétiteurs qui n’ont pas été retenus n’ont pas à rougir de leur performance. L’altiste Alexander Beggs nous a fait forte impression avec un son chaleureux, boisé et d’une grande stabilité. Son programme, composé du Divertimento en ré majeur de Franz Joseph Haydn – dans un arrangement de Gregor Piatigorsky –, et de la Sonate pour alto et piano de Rebecca Clarke, est celui qui était esthétiquement le plus introspectif. Cela a permis de mettre en valeur sa musicalité, mais lui a peut-être desservi au niveau de la virtuosité et des contrastes. La violoniste américano-japonaise Satoka Abo a misé sur un programme où primait la virtuosité technique. Ses prestations de la Sonatensatz de Brahms et de la Carmen-Fantaisie de Franz Waxman ont été des moments de hautes voltiges, mais qui à quelques endroits manquaient de précision. Le pétillant premier mouvement de la Sonate en si bémol majeur de Mozart et la chaleureuse Romance d’Amy Beach ont apporté contrastes et apaisement à son programme explosif. Finalement, le violoncelliste François Lamontagne a offert une performance contrastante avec un extrait de la Sonate pour violoncelle n3 de Beethoven et de la Suite pour violoncelle seul de Gaspar Cassado, qui était d’une belle intensité, mais qui aurait pu être davantage dansante.

La finale du Prix du violon d’or 2024-2025 aura lieu le vendredi 13 décembre à 19h à la salle Tanna Schulich.

ENTRÉE LIBRE

Pour visionner la retransmission web, cliquez ici

Dans le labyrinthe Mothland avec Yoo Doo Right + Victime + We Owe

par Lyle Hendriks

Il n’y a pas de fête comme celle de Mothland. Avec une mer de spectateurs vêtus de noir, de la bière de merde qui coule à flot et un buzz industriel, c’est une scène familière qui s’offre à nous au Théâtre Plaza pour la sortie du double album de Victime et Yoo Doo Right.

Tout d’abord, nous avons assisté au tout premier concert de We Owe, le projet solo de Christopher Pravdica (Swans, Xiu Xiu). Armé de sa basse et soutenu par Brian Chase (Yeah Yeah Yeahs) à la batterie, Pravdica s’est lancé dans un pot-pourri de bruits industriels induisant la transe, comme si un équipement d’excavation lourd était retourné pour la première fois depuis des décennies.

Avec une sorte d’effet qui double sa basse, We Owe sonne comme le travail de bien plus qu’un duo, les deux maniant habilement leur instrument avec une aisance ludique satisfaisante. Chaque virtuose du grincement semble avoir des parties plus composites les unes que les autres, comme une tour de Jenga sonore de plus en plus haute qui, contre toute attente, se tient toujours debout à la fin. Pour les amateurs d’instrumentaux aventureux et hypnotiques, le deuxième concert de We Owe (quand il aura lieu) ne manquera pas de plaire.

Victime, qui a présenté son plus récent album, En conversation avec (2024), était également de la partie. Il y a une urgence dans ce trio power-rock post-tout qui frise parfois la douleur, la chanteuse Laurence Gauthier-Brown se dédoublant souvent en délivrant des proclamations grondantes et des climax catalytiques. Libre, agressif et incroyablement abstrait, le son de Victime vous fait grimper dans la colonne vertébrale avec ses basses inquiétantes, ses guitares stridentes et ses percussions frénétiques et imprévisibles. C’est un son qui nie la commodité du drame, insistant sur sa propre tapisserie compliquée d’influence qui semble impossible à analyser. S’il semble que j’essaie d’expliquer le son de Victime, c’est parce que c’est le cas. Si vous aimez la rugosité, Victime est plus qu’heureux de vous satisfaire.

Enfin, c’était l’heure des chouchous montréalais Yoo Doo Right, dont le son a été devancé par leur installation scénique tout à fait ridicule, composée de piles d’amplis imposantes. En regardant chaque ampli s’allumer, j’ai enfoncé mes bouchons d’oreille et me suis préparé au bruit. Le nouvel album de Yoo Doo Right, From the Heights of Our Pastureland, est tout à fait anxiogène – des respirations rapides et peu profondes qui n’atteignent jamais le fond de vos poumons, laissant vos épaules se soulever et votre cœur s’emballer. Ils traversent changement après changement, ne restant jamais au même endroit assez longtemps pour vous permettre de reprendre pied. La pochette de l’album (une tornade diaboliquement apocalyptique) ne pourrait pas être plus appropriée à la musique. C’est un maelström infernal, des débris et de la poussière qui défilent plus vite que vous ne pouvez les identifier, tandis qu’un grondement grave et effroyable emplit votre corps au-delà de ses limites.

Heureusement pour moi, il y a eu un répit bienvenu vers la fin du concert, lorsque le groupe s’est lancé dans le morceau « Lost in the Overcast », avec une section sombre mais magnifique de deux trompettistes invités (qui ont été complètement noyés par un mur de basse pour le reste de la performance). Ce morceau donne l’impression que les nuages se dissipent, que les rayons du soleil s’approchent prudemment et embrassent les cicatrices que la tempête a laissées derrière elle. C’est magnifique, complexe et contemplatif, et c’est le point culminant de leur set. Après cela, nous avons eu droit à quelques morceaux plus anciens du trio original, qui semblait bien décidé à infliger de graves dommages auditifs à la plus grande partie du monde possible. Malgré mes oreilles qui bourdonnaient, c’était un plaisir de voir Yoo Doo Right faire ce qu’il fallait pour ses fans.

baroque / classique / musique sacrée

L’OM et YNS choisissent l’immersion du Messie à la Basilique Notre-Dame

par Alain Brunet

La Basilique Notre-Dame accueillait lundi le premier de deux concerts de l’incontournable Messie de Händel par l’Orchestre Métropolitain (OM), son Chœur ​​​ et son chef Yannick Nézet-Séguin, de retour chez lui au temps des Fêtes.

Assister au Messie de Händel dans un tel temple catholique est en soi une expérience d’immersion caractérisée par une acoustique particulière : plus de réverbération que dans une salle conçue pour la musique, moins d’intelligibilité avec l’augmentation de la distance entre la scène et le banc d’église; lorsqu’on dépasse la moitié du parquet vers le fond, la limpidité décline. La perception du son est donc différente selon la position du siège nais bon, c’est aussi l’idée de se recueillir au temps des Fêtes et profiter aussi de l’ambiance inhérente à la Basilique Notre-Dame de Montréal.

Yannick Nézet-Séguin a parfaitement saisi cet enjeu acoustique et mis en œuvre pour ces lieux un Messie interprété avec douceur, sobriété, recueillement et précision. La courbe de l’intensité dramatique a aussi bien été planifiée par le chef québécois, une première partie pastorale et réconfortante (prophéties et Nativité) la deuxième partie (passion, résurrection et ascension du Christ) culminant à la 39e station avec le fameux Alléluia de la résurrection chanté par le chœur, suivi d’une troisième partie plus courte et plus abstraite, méditation compositionnelle de Händel sur la rédemption chrétienne.

Du casting des solistes, on aura retenu d’abord l’apport circonspect de la mezzo Emily D’Angelo, ayant plusieurs fois atteint l’équilibre idéal entre l’expressivité fervente du texte religieux et cet état mystique perceptible dans la rondeur de sa voix, état intrinsèque à l’interprétation du chant sacré.

Le ténor Frédéric Antoun a aussi été éloquent et solide dans le contexte, il serait toutefois intéressant d’en savoir plus long de sa part sur son assomption de légères aspérités dans le timbre de certains passages.

La soprano Anna- Sophie Neher aura aussi brillé avec sobriété, pureté et puissance, le casting de l’OM s’est aussi avéré très pertinent en ce sens, soit dans ses 9 interventions au cours des 47 stations du Messie.

Notons également que le baryton Geoffroy Salvas a brillamment remplacé son collègue Jonathon Adams.

La neige et le froid de cette soirée de lundi constituaient un contexte parfait pour marcher dans les rues et se réfugier au chaud d’un tel programme dans le plus considérable des temples chrétiens du centre-ville de Montréal. Expérience de tradition et de spiritualité au solstice d’hiver, quelle que soit la nature de notre croyance ou de notre scepticisme quant à l’au-delà.

crédit photo: François Goupil

LE MESSIE EST JOUÉ DE NOUVEAU PAR L’OM À LA BASILIQUE NOTRE-DAME DE MONTRÉL, MERCREDI 11 DÉCEMBRE. BILLETS ICI

baroque / classique occidental

Un Noël baroque avec Arion | Quand la vielle à roue réveille l’esprit des fêtes

par Judith Hamel

Dimanche après-midi, l’orchestre baroque Arion se produisait devant une salle bien remplie à la salle Bourgie, proposant un programme consacré aux Noëls français, suisses et allemands. Dans une instrumentation mêlant cordes, clavecin, théorbe et basson, trois solistes — à la flûte, au hautbois et à la vielle à roue — sont venus enrichir ce concert où se succédaient des airs de Noëls baroques, tantôt bien connus, tantôt obscurs.

Le concert s’est ouvert avec l’extrait « Où s’en vont ces gais bergers » de la Simphonie des Noëls de Michel-Richard Delalande, un choix d’air familier qui a donné un ton enjoué au concert. 

Mathieu Lussier a ensuite présenté la première soliste, Tobie Miller, une joueuse de vielle à roue virtuose réputée. Alors qu’il l’annonçait, c’est plutôt le flûtiste Vincent Lauzer qui est entré en scène, déclenchant un rire franc du public. Ce moment léger a été suivi par le Concerto n4 « Noëls suisses » de Michel Corrette, une pièce pour flûte à bec et ensemble qui, dans un mélange d’espièglerie et de virtuosité, a permis à Vincent Lauzer de briller par son expressivité. 

« C’est marrant, ça sonne comme la flûte à bec, la vielle à roue », annonce Mathieu Lussier en référence à sa coquille. Cette fois, Tobie Miller entre véritablement en scène pour interpréter une œuvre de Nicolas Chédeville, le Concerto « Les Plaisirs de la Saint-Martin ». Cette pièce célèbre la Saint-Martin qui autrefois apportait des célébrations presque aussi importantes que la fête du Saint-Nicolas. Bien que l’œuvre soit de Chédeville, celui-ci aurait probablement eu des problèmes de droits d’auteur aujourd’hui puisqu’il emprunte largement ses matériaux de Vivaldi. 

Puis, le troisième soliste, Daniel Lanthier au hautbois, a offert une interprétation du Concerto a 5 con oboe obligato de Bonaventure Gilles. Son jeu habité et expressif donnait envie de se retrouver sur scène à leurs côtés. La musique semblait palpable tant l’énergie du soliste et des musicien·nes était communicative.

Avant l’entracte, l’ensemble a interprété sept airs de Noël de Charpentier, clôturant ainsi la première partie du concert. Mathieu Lussier en a profité pour inviter le public à glisser un disque d’Arion dans leurs bas de Noël cette année. Une suggestion qui donne envie d’opter pour une bande-son baroque pour les festivités de cette année !

Pendant l’entracte, des projections éducatives ont offert des informations sur l’accord des instruments baroques, sur la fabrication des instruments d’époque et sur le répertoire présenté. Un beau moyen pour contextualiser leur démarche artistique et enrichir l’expérience du public.

Au retour, Vincent Lauzer a repris la scène avec le Concerto n° 5 « Noël allemand » de Michel Corrette. Le mouvement lent captait par sa délicatesse, tandis que l’Allegro, avec ses syncopes rythmiques, apportait une touche ludique.

C’est ensuite au tour de Tobie Miller de revenir sur scène. Après nous avoir parlé un peu de l’histoire de la vielle à roue, elle interprète le Concerto « L’Hiver » de Nicolas Chédeville, une œuvre magnifique, notamment pour son Largo, qui place l’instrument soliste à découvert et qui permet d’entendre toutes les subtilités du jeu de la vielle à roue. 

Finalement, l’orchestre a interprété Les Saturnales de François Colin de Blamont, un compositeur peu joué, mais apprécié de l’ensemble. Ce morceau, tiré des Symphonies des Fêtes grecques et romaines, recréait parfaitement l’atmosphère festive de ces célébrations antiques, menant le concert vers sa conclusion. 

Avec un chapeau de Noël sur la volute de la contrebasse et sur la tête de Mathieu Lussier, le concert s’est achevé sur un rappel surprenant : Minuit Chrétien. Ce n’est pas tous les jours qu’un public chante « Peuple debout » accompagné d’une vielle à roue!

alt-folk / électro-minimal / indie pop

Dear Criminals au théâtre Outremont | Rallumer la flamme

par Sami Rixhon

Ça faisait longtemps qu’on ne s’était pas vu! Comment allez-vous, chers criminels? Le trio électro-minimal Dear Criminals donnait sa première performance d’envergure à Montréal, sa ville d’origine, en cinq ans cette fin de semaine au théâtre Outremont.

C’était au Gesù, en 2019, que Dear Criminals s’était produit pour la dernière fois dans la métropole dans une formule régulière. Il s’est passé beaucoup de choses depuis. On dirait que le monde est devenu un peu plus violent, un peu plus anxiogène. Heureusement qu’il nous reste encore la musique.

Le groupe amorce sa performance avec Visions, Starless et Waste Land, trois morceaux tirés de son album Fatale. Pratiquement tout le projet de 2017 sera interprété ce soir, et ce n’est pas un hasard : les compositions requièrent l’apport d’un quatuor à cordes qui répond présent ce soir (comme un bassiste et un batteur), chose plutôt rare dans les spectacles de Dear Criminals. Pour sa seule performance de l’année à Montréal, autant y aller all in, donc, me disait Frannie en entrevue il y a quelques jours.

Ce qui frappe dans les performances scéniques de Dear Criminals, c’est la capacité du groupe à installer rapidement des ambiances vaporeuses et tendres. Il y a quasiment une tension sensuelle qui flotte dans l’air tant les notes chantées et jouées sont choisies avec soin et parcimonie.

Ce qui frappe également aux oreilles de l’auditeur, encore plus sur scène qu’en studio, c’est à quel point les trois membres de la formation se complètement à merveille. Frannie Holder a une voix cristalline et fragile, Charles Lavoie tricote plutôt dans une sorte de romantisme arrogant alors que Vincent Legault fait vivre le son Dear Criminals de plus belle entouré de ses claviers. Rien ne ressemble à Dear Criminals à Montréal, et c’est tout à leur avantage.

Si la prestation dans son ensemble était fort agréable, on sent tout de même que le groupe se retrouve ce soir plus près du rodage que de la proposition grandiose à laquelle il habitue son public depuis 10 ans déjà. Dear Criminals s’était, au cours de précédents spectacles, notamment attaché les services d’une chorale d’élèves du secondaire (à l’église Saint-Jean-Baptiste, qui plus est), d’effets 3D ou de danseurs contemporains.

La proposition du jour est plus convenue… et ce n’est pas plus mal comme ça. Le trio a besoin de se retrouver avec ses anciennes chansons, il a besoin de rallumer la flamme avant de revenir sur les planches avec un concept encore plus fou. L’année 2025 signera probablement d’ailleurs une nouvelle production scénique ou studio pour le groupe, encore une fois, de source sûre (l’information vient de Frannie Holder, en fait. Il n’y a pas plus fiable).

Dear Criminals clôture le segment régulier de son spectacle avec Stay Tonight, probablement la plus belle chanson que le groupe ait jamais écrite. J’entretiens un rapport un peu particulier avec ce morceau. Je l’avais entendu en mai 2020, alors que la Covid faisait rage, au cabaret Lion d’Or. Le projet s’appelait Lone Ride. J’étais cloîtré derrière trois murs de plexiglas. J’étais seul sur scène, eux, de l’autre côté, étaient trois à jouer et à me regarder. Drôle d’époque, hein. Ça a l’air loin tout d’un coup. Je n’avais eu droit qu’à une chanson, il fallait que je laisse ma place à une autre personne seule ensuite. Tout ça n’a duré que trois, quatre minutes, et pourtant, c’est resté. Je considère encore cet instant comme étant l’une des expériences musicales les plus fortes vécue ces dernières années.

Je réentendais pour la première fois cette chanson en live. C’était 800 fois moins intime (800 étant le nombre de personnes présentes ce soir), et pourtant, ça m’a fait réaliser le chemin qu’on a tous parcouru depuis.

Ça fait du bien de se retrouver.

LISTE DES CHANSONS AU PROGRAMME

1. Visions
2. Starless
3. Waste Land
4. Little Thief
5. Yet Not the End
6. Mark my Words
7. Nelly
8. Coldwave
9. Gravedigger
10. Song for Elisabeth
11. Lover’s Suicide
12. At Bay
13. Lies in Blue
14. Lala
15. Coco
16. Rose
17. Slowdisco
18. Stay Tonight

Rappel

1. 7
2. Petite mort
3. Where We Started

Crédits photo : @yagubphotography

chanson keb franco / Neo-soul / R&B

Rau_Ze au Club Soda | La voix d’une jeunesse montréalaise

par Sami Rixhon

Braver le froid pour une dose de R&B, une autre de soul. Rau_Ze, projet gravitant autour d’un jeune duo formé par Rose Perron et Félix Paul, s’offrait une supplémentaire du lancement de Virer nos vies au Club Soda, son premier en carrière. En fait, pas vraiment.

Pas vraiment, car la salle de la rue Saint-Laurent avait, il y a un peu plus de deux ans, vu Rau_Ze remporter la 26e édition des Francouvertes. Il y avait en quelque sorte une boucle à boucler là-bas, sur ces planches, avant d’aller atteindre encore de plus hauts sommets.

Talkin’ ’bout my generation

La file devant le Club Soda s’étend sur la moitié du bloc plusieurs dizaines de minutes après l’ouverture des portes. Le vestiaire est plein (littéralement) et on peine à se trouver une place au balcon. La ferveur est bien là, réelle.

Rau_Ze et une demi-douzaine de musiciens accèdent à la scène et ouvrent leur prestation sur la chanson-titre de leur album, Virer nos vies. Tout le monde le répète, tout le monde sait déjà, mais qu’est-ce que Rose Perron a un don pour chanter. Sa personnalité est unique, elle respire l’assurance plus elle se laisse emporter par ses envolées vocales. Perron semble pourtant tout de suite plus timide quand les mots qu’elle prononce ne sont pas agrémentés de notes de musique, quand elle s’adresse d’une manière impromptue à une foule si fidèle entre deux chansons. La musique transforme l’être.

Sumerset, Pas la peine, L’Habitude (surtout L’Habitude) : Rau_Ze peut, à peine six mois après le lancement de son album, déjà s’appuyer sur de vrais hits se trouvant probablement sur nombre de playlists de Montréalais dans le vent. J’ai d’ailleurs vu passer le nom du duo plusieurs fois ces derniers jours dans les rétrospectives Spotify et Apple Music de mes amis. C’est simple : Rau_Ze est le plus grand phénomène musical de la génération Z au Québec depuis Hubert Lenoir, en 2018. Ce n’est pas rien, de remplir complètement le Club Soda après un premier lancement réussi, qui avait eu lieu dans une salle deux fois plus petite, et sans avoir sorti du nouveau matériel depuis.

Rau_Ze joue toutes les pièces de Virer nos vies, s’offre une reprise de Claude Dubois, Femmes de rêve, et clôture le tout avec deux jams déments de free-punk-jazz-psychédélique-expérimental qui laissent place à des pogos au pied du parterre.

Au début de leur vingtaine, les membres de Rau_Ze sont un vrai exemple de réussite et de rigueur pour quiconque de leur âge qui aspire à se surpasser. L’offre est professionnelle et particulièrement mature, et le plafond, déjà très haut, s’élèvera plus le groupe prendra de l’expérience.

Un MTELUS en leur compagnie dans un an ou deux, ce sera diablement plaisant.

Crédits photo : Camille Gladu-Drouin

afrobeat / konpa

Joé Dwèt Filé a enflammé l’Olympia

par Sandra Gasana

C’est une foule immense qui faisait la file sous les températures hivernales pour venir voir à l’Olympia LA star du konpa de l’heure: Joé Dwèt Filé. Les caméras étaient toutes braquées sur la scène, avant même qu’il fasse son apparition. Casquette noire, lunettes fumées, muscles bien en évidence, et muni d’un micro rouge vif, c’est ainsi qu’il apparaît, accompagné de ses cinq musiciens.

« Montréal, comment ça va ce soir ? » répète-t-il à plusieurs reprises durant le concert. D’ailleurs, il a déjà une date de prévue pour le 12 décembre 2025 au Centre Bell, rien de moins. Avec un public majoritairement féminin et jeune, on pouvait tout de même remarquer plusieurs générations dans la salle, avec une prédominance de la communauté haïtienne. « Y a-t-il des femmes célibataires dans la salle ? », demande-t-il. « Beaucoup de femmes souffrent en ce moment et cette chanson est pour elles », annonce-t-il avant les morceaux tirés de ses albums Goumin Terminé, Calypso : Winter Edition ou encore Daddy9. Plusieurs fois durant le concert, la foule, qui connaissait les paroles par cœur, chantait à sa place. Avec ses musiciens, ils alternaient entre afrobeat à la manière de Tayc, et konpa, ce qui plaisait énormément aux amateurs de ce style de musique. Il rajoutait sa fameuse signature « zigizigizigazi » qui venait ponctuer ses chansons, annonçant l’entrée des claviers synthétiques.

« Y a-t-il des gens mariés dans la salle ? », demande-t-il avant de chanter Oui. Bref, les histoires d’amour sont au cœur des chansons de ce crooner des temps modernes. Certains morceaux étaient plus courts, permettant un enchaînement plus fluide entre eux.

JDF interagissait souvent avec la foule, notamment lorsqu’il a fait monter deux jeunes femmes sur scène pour chanter le morceau Confiance avec lui. « Attention, vous allez représenter Montréal ce soir », leur dit-il, histoire de leur mettre la pression mais elles ont tout de même relevé le défi, alors qu’une d’entre elles a fondu en larmes après l’exercice. Un moment qu’elles chériront longtemps.

Il termine avec un enchainement de tous ses tubes à succès, Kitem Ale, Abimé, ou encore Merci à mon ex et Jolie madame, sur lequel il fait un featuring avec Ronisia. Pour certaines de ses chansons, il suffisait d’entendre la première note pour que le public se mette à hurler. C’était le cas pour Pozysion, un autre de ses hits. Il prend même le temps de faire un petit concours avec quatre personnes du public qui devaient reconnaître les morceaux le plus rapidement possible. 

Il finit par faire un bain de foule en traversant le parterre de l’Olympia, les cellulaires le suivant à chaque pas, accompagné de son garde du corps, avant de terminer la soirée avec les deux plus gros titres de sa carrière Fem Voyé et bien entendu 4 Kampé, qui en est à 15 millions d’écoute sur Spotify et autant de vues sur YouTube depuis sa sortie il y a quelques semaines.
Seul hic de la soirée, le temps que ça a pris pour sortir de l’Olympia à cause de la longue file pour récupérer les manteaux. Après un show de 90 minutes, il nous a pris presque une heure pour sortir des lieux. Une organisation qui aurait pu être mieux gérée à mon avis.

Crédit Photo: Shadia Uwanje


Bond symphonique, d’abord un festival des chansons-thèmes

par Alain Brunet

Les fans québécois de l’agent 007 sont servis ce week-end avec un programme de 18 exécutions symphoniques et un rappel. Ils remplissent 3 salles Wilfrid-Pelletier pour y apprécier un programme largement dominé par les chansons thèmes/ bandes annonces d’autant de films de James Bond, fameux agent fictif de Her Majesty’s Secret Services. Sous la baguette de Francis Choinière, l’Orchestre FilmHarmonique présente précisément 6 extraits instrumentaux et 13 bandes annonces sonores par Véronique Dicaire et Benoît McGinnis.

Ces 19 exécutions mettent en relief le travail archi-connu des compositeurs et paroliers Monty Norman (fameux thème de James Bond), John Barry (Thunderball, Goldfinger, We Have All the Time in the World, Moonraker, A View to a Kill, You Only Live Twice, Diamonds Are Forever), Lionel Bart (From Russia with Love), Pål Waaktaar du groupe A-Ha (The Living Daylights), Marvin Hamlich & Carole Bayer (Nobody Does It Better), Jimmy Napes & Sam Smith (Writing’s on the Wall), Bono & The Edge (Goldeneye), Duran Duran (A View to a Kill), Leslie Bricusse (You Only Live Twice), Michel Colombier & Madonna & Mirwais Ahmadza (Die Another Day), David Arnold (You Know my Name, Night at the Opera, The World Is Not Enough), Paul & Linda McCartney (Live and Let Die), Adele & Paul Epworth (Skyfall).

Fait à noter, la direction artistique de ce marathon Bond exclut des projections d’extraits de films et mise plutôt sur l’animation divertissante des chanteurs et leur interprétation de tous ces mégatubes gravés dans l’imaginaire collectif planétaire.

Ainsi, sur les 19 exécutions, seules 6 sont strictement instrumentales. On en déduit qu’on a estimé que le grand public retient essentiellement la chanson thème de ces fameux blockbusters, ces chants qu’on sert en guise de bande-annonce et qu’on fait jouer pendant le générique.

À n’en point douter, Véronique Dicaire et Benoît McGinnis ont une solide expérience en théâtre ou en humour, et c’est un plus pour la bonne marche de cette production. Ils expriment à qui mieux mieux leur attachement à ces blockbusters mettant en vedette l’agent dévoué à la couronne britannique, personnage de fiction imaginé dans les années 50 par le romancier anglais Ian Fleming (1908-1964). On aura retenu entre autres que Véronique a un faible pour Sean Connery et Daniel Craig!

On sait aussi l’indéniable talent d’acteur de Benoît McGinnis, on reconnaît sa présence sur scène, et on peut aussi apprécier ses réelles aptitudes de ténor/contre-ténor… néanmoins inférieures à celle de Véronique Dicaire (mezzo et contralto), plus puissante, plus texturée, meilleure technicienne en tous points et, comme chacun sait, capable d’imiter moult chanteuses à voix. Cela dit, la différence de niveau des interprètes importe peu car les interventions théâtralisées entre chaque pièce sont aussi des facteurs propices à la réussite de l’entreprise.

Quant à l’orchestre FilmHarmonique, on observe que la direction de Francis Choinière se rapproche davantage d’un orchestre symphonique que de cette forme hybride entre symphonie moderne et big band de jazz que souhaitaient certains compositeurs cruciaux de ces bandes originales, surtout ceux des années 60 et 70. On n’a pas toujours cet éclat souhaité des instruments à vent, notamment les cors et les trombones qu’aimait tant John Barry, pour ne citer que lui. Mais bon, on imagine que chaque soirée à venir verra l’orchestre prendre du muscle et se bonifier.

Et on vous assure que les fans passent une belle soirée, que le plaisir soit coupable ou pleinement assumé.

Crédit photo: Karl André

Bond Symphonique est présenté les 6 et 7 décembre à la Salle Wilfrid-Pelletier, aussi le 8 mars prochain

Le 27 mars au Grand Théâtre de Québec

classique / jazz / pop / pop orchestrale / trad québécois

Scintillante magie de Noël, de l’OM… et d’Antoine Gratton!

par Frédéric Cardin

Loin de moi l’idée, par ce titre, de diminuer la qualité des prestations offertes hier par les artistes invités lors du (désormais) classique concert de Noël éclectique de l’Orchestre métropolitain et Yannick Nézet-Séguin. Mélissa Bédard en impose dans Glory Alleluia et le Minuit, chrétiens. Sa voix de contralto ample et très juste, sans fioritures inutiles, s’est agréablement démarquée. Kim Richardson fait de même avec d’autres classiques comme Noël blanc ou I’ll be Home for Christmas. Et puis la sensation lyrique de l’heure, Élizabeth St-Gelais nous a offert les Anges dans nos campagnes et un Sainte Nuit (en innu) plutôt réussis. Un très beau duo avec Michel Rivard aussi, avec un Gens du pays bien senti. Ce dernier a également offert C’est dans la famille, initialement un peu fragile, mais authentique. 

Taurey Butler, M. Charlie Brown Christmas à Bourgie, avec les excellents Wali Muhammad à la batterie et Morgan Moore à la contrebasse, y est allé de jolies envolées jazz au piano (pas de Charlie Brown, cela dit. C’est réservé pour l’autre salle) dans quelques titres traditionnels du répertoire, et le violoniste trad David Boulanger nous a lancé un très agréable Petit concerto pour Carignan et orchestre d’André Gagnon, avec Oleg Larshin, premier violon de l’OM. Contrastes bien maîtrisés entre les solos ‘’classiques’’ de Larshin et trad de Boulanger, échos modernes de Yehudi Menuhin et de Jean Carignan, pour qui l’œuvre a été composée. Un vrai chef-d’œuvre miniature, qui était accompagné par un autre incontournable de Dédé : un extrait de son album Noël de 1992, la chaleureuse et doucement mélancolique Ronde des bergers. Je n’avais jamais porté attention à ce détail auparavant, mais les solos de cor y sont redoutables! Même le toujours parfait Louis-Philippe Marsolais l’a appris à ses dépens (Oh, à peine un accroc. Mais dans son cas, c’est rarissime). Bien entendu, la finale a été assurée par tout le monde en même temps, communion indispensable qui s’est incarnée par le classique de Beau Dommages/Michel Rivard : 23 décembre. Grande réussite rassembleuse écuménique à l’image du Québec à la fois ‘’de souche’’ et coloré par sa diversité moderne. Bravo. 

Bref, tout le monde était à la hauteur, et plus encore. La bonne humeur régnait, Yannick dirigeait avec son habituel pep, les musiciens de l’OM souriaient amplement, la scène et la Maison symphonique dans son ensemble brillaient de mille couleurs, dans une ambiance molletonnée et invitante. Chapeau bas, donc. Mais, la raison pour laquelle je tenais à inscrire le nom d’Antoine Gratton dans mon titre, c’est que le lien suprême entre tous les morceaux, toutes les prestations, tous les styles musicaux évoqués dans cette messe laïque et musicale, l’unifiant qui a permis de passer presque deux heures, sans entractes et sans véritables longueurs, bien accrochés au déroulement, cet indispensable secret de la réussite, ce sont les arrangements d’Antoine Gratton.

L’auteur-compositeur-interprète qui s’est un temps fait appeler A Star, est également depuis quelques années un très habile arrangeur pour des concerts pop symphoniques. Hier, il a fait flèche de tout bois grâce à l’originalité des partitions qu’il a réalisées pour l’orchestre et le chœur qui accompagnaient ainsi avec brio les prestations ci-haut mentionnées. Peu importe que les airs soient archi connus, Gratton sait parsemer ses arrangements de multiples surprises pour les oreilles, qu’elles soient harmoniques, coloristiques ou rythmiques. Je prends un exemple parmi d’autres : ce contrepoint entre les clochettes de l’orchestre et les clappements de mains des choristes dans un passage de My Favourite Things. Réjouissant. 

L’arrangeur est trop souvent oublié dans ce genre d’événement, mais il ne le faut pas, et surtout pas dans le cas de ce concert qui aurait pu virer à la litanie de mélodies sirupeuses enchaînées interminablement, s’il eut été d’autres plumes moins créatives. Des milliers de soupers de dinde, de tourtière et d’atocas se ressemblent un peu partout au Québec pendant les fêtes. Mais il y a parfois un.e chef.fe en cuisine, caché.e derrière ses chaudrons, qui réussit à réinventer la sauce et unifier le tout de façon assez originale pour qu’on la remarque. Et cela sans tomber dans une témérité exagérée qui laisserait un goût amer à l’expérience. Dans des cas comme celui-là, invitons cette personne à la table et honorons-la (ce qui a d’ailleurs été fait sur scène hier). 

Ne doutons pas un seul instant qu’il y aura une édition 2025.

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