autochtone / classique

OSM | Du ciel à la Terre

par Alexis Desrosiers-Michaud

Tout comme il y a deux ans, l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) termine sa saison 2024-25 avec Gustav Mahler, cette fois avec son Chant de la Terre. En première partie, pas de concerto, mais bien deux co-créations visant à souligner la réalité des peuples autochtones présents sur notre continent. En prélude, « une cérémonie innue du tambour teueikan [souligna] la portée symbolique de l’événement. Instrument sacré, le tambour est au cœur de plusieurs traditions spirituelles et culturelles des peuples autochtones » par l’ainé Charles-Api Bellefleur. 

La première cocréation, You Can Die Properly Now, de la compositrice Ana Sokolovic sur un texte de Michelle Sillyboy est chantée en langue Mi’kmaq par la soprano Emma Pennell, est, musicalement surtout un environnement sonore sombre et lugubre pour servir le texte. Considérant que ce dernier nous plonge directement dans la cruauté du sort des enfants autochtones ont été envoyés dans les pensionnats, à qui, justement, l’œuvre est dédiée, on n’aurait pas imaginé autre chose. Ajoutant la transcription de la graphie des symboles de la langue originale en direct sur écran géant par l’écrivaine, cela donne un résultat très réussi. 

La seconde création, Un cri s’élève en moi, d’Ian Cusson sur un texte de Natasha Kanapé Fontaine, est on-ne-peut-plus contrastant à You Can Die Properly Now.  Chantée en français par la soprano québécoise Elisabeth St-Gelais, est très mélodique, avec plus de couleurs harmoniques et orchestrales. Cette œuvre rendant hommage à la vie et au rôle de la femme dans les peuples autochtones, si importantes dans ses traditions. De facture tonale, cette pièce de 10 minutes est construite un peu comme de la musique de scène, soit selon les émotions transmises par le texte et par St-Gelais pour une finale avec des mots que nous connaissons bien ici : « Je me souviens ». 

Le Chant de la Terre de Mahler, symphonie pour alto et ténor et orchestre occupe une place à part dans l’œuvre du compositeur. Empruntant également la forme du lied, elle est arrivée tard dans la vie du compositeur et n’a rien à voir avec ses symphonies les plus connues.  Les mouvements 1, 3 et 5 sont chantés par le ténor, Nikolai Schukoff en ce qui nous concerne. Celui-ci, très enthousiaste, se débrouille bien. Son timbre est clair et il chante par cœur, aspect non-négligeable. Sa diction est claire et son interprétation physique nous embarque avec lui, notamment lorsqu’il fait l’ivrogne. Sauf que ça devient trop quand il continue ses mimiques quand il ne chante pas. Ce n’est pas son rôle de livrer le texte, encore moins à jeter un regard au chef et aux musiciens qui l’entourent. 

Michelle DeYoung est la mezzo-soprano qui alterne avec Schukoff. Elle est moins expressive de corps, mais tout passe par son visage et ses yeux, surtout. DeYoung ne chante pas par cœur mais c’est à peine si elle regarde la partition; à l’instar de son acolyte, elle est là pour raconter une histoire, avec sa voix ronde et profonde. 

Comme dans d’autres œuvres de Mahler, le dernier mouvement est le point culminant de toute l’œuvre. 
Alors que nous avons eu droit à cinq mouvements assez pastoraux, avec tellement de légèreté que la musique vole à certains endroits, notamment grâce au brio des bois, l’Adieu final est sombre. Sans passer du côté tragique toutefois, DeYoung se surpasse dans le ressenti de la musique, accompagné par un OSM qui lui colle à la voix. Les touchantes  « Pour toujours », répétées inlassablement résonnent dans sa voix comme un mantra, une prière.

Crédit Photo: Gabriel Fournier

opéra contemporain

« Hiroshima, mon amour »: une soirée pour se rappeler

par Marilyn Bouchard

Co-produit par Carte Blanche et Chants Libres dans le cadre du FTA, l’adaptation du chef-d’œuvre cinématographique Hiroshima mon amour  en opéra contemporain était un pari ambitieux. Pour rendre hommage à ce film d’une grande beauté jadis primé à Cannes, le metteur en scène Christian Lapointe et sa collaboratrice et compositrice Australienne Rosa Lind se sont penchés sur la musicalité de cette œuvre en invitant le Quatuor Bozzini, une harpe, une clarinette, une flûte et des percussions à se joindre à la distribution afin de mettre en notes la poésie d’amour et de mort par Marguerite Duras.
Le premier acte s’ouvre au « studio voix », dans lesquels les interprètes Yamato Brault-Hori et Ellen Wieser enregistrent leur dialogue devant les micros et où on comprend que l’adaptation nous réservait une surprise : le personnage de Marguerite Duras est également présent, incarné par Marie-Annick Béliveau, comme une mise en abîme de la créatrice dans la création. Le deuxième acte se situe dans la loge où les acteurs se déshabillent et se rhabillent, se retrouvant partiellement dénudés à la manière d’après l’amour. Dans le troisième, on joue au plateau avec les protagonistes qui redeviennent ceux de 1959 en répliquant avec une exactitude renversante les placements et expressions originales. Dans le quatrième acte, on est dans la fiction, notamment avec le personnage de l’amant allemand qui s’ajoute et qui fait brûler la pellicule, symbolisant l’oubli de cette mémoire, de ce film et de ses évènements, exactement tel que le propos l’affirme. Dans le cinquième, les décors tombent et nous permettent de voir apparaitre clairement les musiciens. On assiste, sur une scène dénudée, à la discussion avec les artistes où le quatrième mur n’existe plus et où on nous laisse sur le duo de Yamato et Ellen à l’avant-scène qui lentement, fondent au noir comme nos souvenirs.
Cinq actes qui se suivent dans l’ordre d’une production, faisant écho à la création de ce film mythique et à son rêve de paix. Tout au long du spectacle, les plus de 400 projections issues du film s’enchaînent, à la fois sur tulles géants mais aussi sur écrans, multipliant les formats et les effets, et la caméra live rend floue la ligne entre le film et la scène, en faisant un clin d’oeil au présent. On nous quitte sur une projection finale : Arrêtez le génocide à Gaza, la seule et unique qui est tirée de la modernité.

Une soirée où la mémoire et l’oubli, où le passé et le présent, s’entremêlent brillamment, sur une partition délicatement dissonante et merveilleusement exécutée. «Dans quelques années, quand je t’aurai oublié et que d’autres histoires comme celle-là, par la force encore de l’habitude, arriveront encore, je me souviendrai de toi (…)comme l’horreur de l’oubli » On espère tout de même qu’on oubliera pas celle-ci de sitôt. Pour découvrir ou redécouvrir cette œuvre magistrale mise en musique et en scène de manière brillante, je vous recommande de courir à l’Usine C.



 

Électro / euro-disco

L’art du trait: l’euro vision de Klangkarussell à la SAT

par Loic Minty

Tard dans la nuit, le boulevard Saint-Laurent est peuplé de personnages de bandes dessinées. Ils tournent religieusement autour de leurs désirs, les absorbent en les bloquant avec une cigarette et quelques bavardages, pour ensuite replonger dans l’abîme avec des oreilles fraîches. Quelque chose de rebondissant et de doux pour vous faire tomber, mais avec juste assez de substance pour retenir votre attention. Trance. Le duo électronique autrichien Klangkarussell est passé maître dans l’art du trait, l’art de la ligne.

Avant même que vous ne vous en rendiez compte, il est sous vos pieds, un accord rythmique sert de lit à des voix pleines d’âme qui restent dans votre tête jusqu’à ce que vous vous endormiez. C’est un manuel d’eurodance et de trance vocale qui mêle des éléments de disco, une musique destinée à être partagée et dans laquelle on entre et on sort. C’est l’ambiance de la vie nocturne sociale, où les bavardages – étouffés par les lourds kicks – font partie de la musique. Les gens s’accrochent les uns aux autres comme des bouquets d’herbe annonçant le printemps. Je parle à un couple qui me dit être venu de l’autre côté de la rivière pour voir Klangkarussell et je commence à me demander d’où ils viennent exactement.

Devenu populaire à la même époque qu’Avicii et Martin Garrix, Klangkarussell fait partie des exportations européennes qui ont réussi à mélanger des tubes pop avec des montées en puissance et des progressions d’accords et des rythmes conventionnels. Cette arrivée tardive de la pop électronique européenne en Amérique du Nord a été accueillie avec enthousiasme, car sa formule simple était empreinte d’un optimisme qui donnait envie de se laisser aller et de faire des folies. Je me souviens qu’il s’agissait de la bande-son de nombreuses fêtes d’anniversaire, mais à en juger par la foule plus âgée, j’imagine qu’il était tout aussi populaire dans les festivals à l’époque de la récession. Impressionné par la capacité de Klangkarussell à attirer les foules, je me suis approché de plus en plus près pour voir ce qui se passait. Tout sourire, leur excitation était contagieuse car elle annonçait la prochaine montée et la prochaine descente. Les mains en l’air pointant vers le ciel – quand l’hymne commence, il n’y a plus de limites à l’esprit.

Au fur et à mesure que la nuit avance, la piste de danse devient une sorte de communion, et Klangkarussell et ses grands prêtres silencieux. Leur musique n’exige pas l’attention, elle la mérite, attirant doucement les gens vers l’intérieur tout en les élevant. Dans un monde qui semble de plus en plus fragmenté, leur son offre une étrange cohésion, une pulsation partagée. En regardant la foule se balancer sous les lumières vacillantes de Saint-Laurent, je réalise qu’il ne s’agit pas seulement de nostalgie ou d’évasion – c’est un rappel que parfois, tout ce dont nous avons besoin, c’est d’un rythme auquel nous accrocher, et d’un endroit où nous perdre.

musique contemporaine / post-minimaliste

SMCQ | Le meilleur « concert au chandelles »

par Frédéric Cardin

Non, ce n’est pas un vrai concert ‘’Candlelight’’ dont je vais vous parler. C’est le concert final de la saison 24-25 de la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ), In Memorian Jocelyn Morlock, dont il sera question. L’un des plus beaux concerts de la saison, à mon humble avis. Musicalement envoûtant, spirituellement poignant. Alors pourquoi la référence aux concerts hyper populaires joués à la lumière des chandelles? Simplement parce que, hier soir à la magnifique Chapelle Notre-Dame-du-Bon-Secours, la sobre mais efficace mise en scène utilisait également de nombreuses bougies pour éclairer la scène, et que cela rappelait ce genre d’ambiance. Cela dit, esthétiquement, artistiquement et humainement parlant, ce concert de la SMCQ surpassait par un facteur 1000 tout ce qui ne s’est jamais donné dans la (vraie) série Candlelight (j’en ai vu quelques-uns). 

Memoriam Jocelyn Morlock par Frederic Cardin

Tel qu’indiqué par le titre, In Memoriam Jocelyn Morlock était un hommage à la compositrice vancouvéroise décédée subitement, et bien trop jeune, en 2023. L’esthétique musicale de cette femme a conquis une large portion du monde musical contemporain et continuera assurément d’influencer bien d’autres artistes dans les années à venir. Généralement consonante sans bouder les coloris saillants qui sortent du cadre et qui titillent savamment les oreilles, sa musique est extraordinairement agréable à écouter autant pour les profanes que pour les personnes plus aguerries au langage moderne. Autrement dit, Morlock fait l’unanimité autant sur le plaisir que sa musique procure que sur sa valeur intellectuelle. 

La qualité et l’intelligence de la construction du programme d’hier est à souligner : une heure et demie environ de musique lui rendant hommage, qu’elle soit de sa plume ou de celle d’autres compositeurs et compositrices dans un lent crescendo/decrescendo d’intensité et de volumétrie sonore. On est passé d’un très touchant soliloque pour hautbois solo nouvellement écrit par Samy Moussa (Jocelyn Morlock in memoriam – c’est toujours un plaisir de revoir Samy de retour à la maison, lui qui est installé à Berlin), à des pièces pour flûte, alto et harpe de Luis Ramirez (Volador) et Morlock (The uses of solitude), un arrangement pour quatuor à cordes de Sivunittinni de Tanya Tagag (le pic d’intensité sonore de la soirée, une pièce remarquable dans la justesse de ses évocations de chants de gorge inuit), la transcendante you are a vessel for joy de Rita Ueda, une nouvelle création pour cor anglais, quatuor à cordes et choeur, puis le très poignant Exaudi de Morlock, pour violoncelle et choeur (magistrale Chloé Dominguez!), le tout se terminant par une reprise du soliloque de hautbois de Moussa, dans la noirceur, tel un symbole du départ final de l’artiste célébrée (Mélanie Harel au hautbois, qui a imprégné son jeu d’une immense tendresse). 

LISEZ L’ENTREVUE DE MON COLLÈGUE ALAIN BRUNET AVEC SIMON BERTRAND, DE LA SMCQ, À PROPOS DE CE CONCERT

En est ressorti un sentiment de très forte communion spirituelle et humaniste, bienfaisante en ces temps de stress social et politique. 

Tous les musicien.ne.s sont à saluer dans cette performance artistique inoubliable : Voces boreales dirigé par Andrew Gray, le Trio Kalysta (Lara Deutsch à la flûte, Emily Belvedere à la harpe Marina Thibeault à l’alto, une combinaison à trois dont j’adore la finess technique, velours sonore et l’infinie capacité de coloration), les cordistes Robert Margaryan et Daphnée Sincennes Richard aux violons, Marie-Louise Ouellet à l’alto et Chloé Dominguez au violoncelle, Mélanie Harel au hautbois et cor anglais (excellente). 

Dans un monde bien plus idéal, un petit organisme comme la SMCQ aurait eu les moyens de filmer et enregistrer cet exceptionnel spectacle en haute définition, pour ensuite le diffuser le plus largement possible. Nous ne sommes pas dans ce monde, malheureusement, et il faudra se résigner à ce que seulement quelques 150-200 personnes (présentes et très attentives à la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours) restent imprégnées de façon mémorable par l’événement. À moins qu’on ne réussisse à porter ce concept ailleurs. Ce serait souhaitable. Si ça arrive près de chez vous, ne ratez pas votre chance. 

Oui, l’un des plus beaux concerts de l’année. 

classique moderne / classique occidental / musique traditionnelle sud-africaine

L’OSM et Abel Selaocoe : de ces soirées où l’on aimerait suspendre le temps

par Judith Hamel

L’OSM nous offre parfois des cadeaux. Des moments de communion inattendue comme c’était le cas le 22 mai dernier. Le programme du concert mettait avant tout de l’avant la pièce conclusive Roméo et Juliette, mais c’est surtout le voyage pour s’y rendre qui fut porteur de sens. 

Le concert s’est ouvert avec Ma mère l’Oye de Maurice Ravel, sous la direction expressive et précise de la cheffe Xian Zhang. Cette suite de contes musicaux a permis à plusieurs musicien·nes d’être mis de l’avant en tant que solistes. Dans Les entretiens de la Belle et de la Bête, le fameux solo de contrebasson, incarnant la Bête maladroite, a été brillamment interprété par Michael Sundell avant que le glissando désenchanteur de la harpe le transforme en prince. 

Puis, est entré en scène Abel Selaocoe pour interpréter Four Spirits qui évoque la communauté de Sebokeng où il a grandi, accompagné de l’orchestre et du multipercussionniste Bernhard Schimpelsberger. Selaocoe est un violoncelliste et chanteur d’origine sud-africaine apportant avec lui un bagage musical impressionnant. 

Par un recours inventif aux techniques de jeu étendues, il explore en profondeur les potentialités rythmiques, mélodiques, mais surtout timbrales de l’instrument qu’il met au service de l’expressivité. Avec son violoncelle, Selaocoe parvient à convoquer une pluralité de timbres et de fonctions : l’instrument devient tour à tour l’écho rythmique de sa voix, un double vocal, ou se rapproche d’un luth ou d’une guitare. Il se fait tantôt accompagnateur, tantôt porteur d’envolées lyriques, et assure le prolongement sensible de son corps. 

Pour sa voix, que dire… Déjà, que l’amplification bien dosée dans la Maison Symphonique met de l’avant l’étendue de ses jeux vocaux et permet d’assurer la grandeur de sa créativité et de ses expressions dynamiques. Encore là, il mélange plusieurs traditions, en insérant dans un solide contrôle vocal des doux chants de langues sotho du sud et en zulu et des chants gutturaux qui emplissent acoustiquement la salle. Ensemble, le violoncelle et la voix permettent d’exprimer les textes inspirés avec une gamme d’émotions dédoublée. 

Du quatrième mouvement, célébrant l’esprit de collectivité, sont sortis un timide murmure puis un chœur composé du public. Après une longue ovation, Selaocoe est revenu sur scène pour offrir un dernier air dédié à l’instant présent. Il nous rappelle que si nous n’avons pas su faire ce qu’il fallait hier, il est encore temps de le faire aujourd’hui. Et un dernier chœur se forma… 

En deuxième partie, retour aux classiques avec des extraits des deux premières suites de Roméo et Juliette de Prokofiev. Une œuvre qui on l’imagine a été jouée des centaines de fois par les musicien.nes, mais qui ne manque pas d’être agréable à entendre. Si l’interprétation n’a pas été la plus marquante de la soirée, elle n’en demeurait pas moins efficace. Entre les solides éclats de Pierre Beaudry au trombone basse et les envolées dramatiques portées par Zhang, le public y a trouvé son compte. 

Une soirée où la nouveauté et le déjà connu s’alterne et permet au public de ressentir les émotions sincères. En espérant que Selaocoe nous revienne vite ! 

Il y a des soirs comme celui-là qu’on aimerait déjà revivre bientôt. 

crédit photo : Antoine Saito

période romantique

Atteindre le ciel : le défi de Francis Choinière pour finir la 10e saison de son OPCM

par Frédéric Cardin

Il y avait finale et première d’un seul tenant hier soir à la Maison symphonique de Montréal : l’Orchestre Philharmonique et Choeur des Mélomanes (OPCM) terminait sa saison (la dixième de son existence) avec une première interprétation à vie d’une symphonie de Mahler, en l’occurrence la deuxième, ‘’Résurrection’’. Le chef Francis Choinière l’avait choisie pour sa beauté et sa magnificence, lui permettant ainsi de mettre en relief les capacités de son orchestre. La soprano Sarah Dufresne et la mezzo Allyson McHardy se joignaient à l’ensemble pour les courtes mais belles lignes lyriques des quatrième et cinquième mouvements de l’œuvre.

REGARDEZ L’ENTREVUE AVEC FRANCIS CHOINIÈRE À PROPOS DE LA SYMPHONIE RÉSURRECTION DE MAHLER. 

Francis Choinière dirige de façon posée, sans les effluves de ses collègues montréalais, Rafael Payare et Yannick Nézet-Séguin, ou encore l’historique Bernstein, un modèle en soi. Cela induit une attention à la clarté presque cristalline des lignes et des contrastes, nombreux, de la partition. Là où un Bernstein crée une viscéralité prenante, Francis dessine des portraits précis et plus réfléchis. Ce qui n’empêche pas l’atteinte de tutti impressionnants et efficaces lorsqu’ils sont nécessaires. 

J’ai particulièrement apprécié la caractérisation qu’il a donnée aux cordes, très belles et riches de tempérament. Chapeau à la première chaise de l’orchestre, la violoniste Mary-Elizabeth Brown, qui a effectué des solos vibrants et très chantants. 

Le deuxième mouvement, andante moderato, avait une belle tenue pastorale et débonnaire. Même chose pour le Scherzo (troisième mouvement), avec un ‘’allant’’ de danse bien tenu. 

Urlicht, ce moment de grâce (quatrième mouvement) nous a donné l’occasion d’apprécier la mezzo McHardy dans une projection sonore un tantinet sombre pour les besoins de la partition, mais donné dans un très agréable raffinement tonal et esthétique. 

Le mouvement final et ses nombreuses pauses dynamiques est un redoutable morceau à attacher, car il faut s’assurer que la fluidité de la ‘’montée’’ vers la lumière finale, qui s’amorce ici et se termine au mouvement suivant, ne s’en trouve pas diminuée et rendue moins pénétrante par ces fréquents arrêts. Ceux-ci doivent apparaître comme de simples respirations dans une ascension spirituellement continue, et ce malgré les changements de textures et d’affects. Je dois rapporter que, en écoutant furtivement quelques commentaires du public après le concert, cet aspect de l’œuvre n’a peut-être pas été parfaitement compris par tous. Si je n’ai pas senti, moi-même, l’irrémédiabilité de cette ascension pendant le déploiement du mouvement, la finale chorale a fini par réconcilier le propos avec l’objectif. En effet, Francis Choinière a mené ses quelque 200 musiciens à une apothéose qui a (encore des commentaires glanés dans le public) donné des frissons à bien des personnes présentes, votre humble serviteur compris. Ça valait la peine de s’y rendre car ce grand tutti avait du panache! Le ciel a été atteint, même s’il a bien failli attendre. 

Je souhaite noter, en bon critique qui doit chipoter sur des détails techniques, le manque de finition technique et esthétique des trompettes et des cors dans plusieurs passages délicats. Si on veut rejouer du Mahler, il faut absolument fignoler cet aspect. 

En tout et partout, une belle incursion chez Mahler par un très jeune orchestre qui montre son aptitude à jouer ce répertoire exigeant. Il aura tout le temps de peaufiner les détails et d’en offrir d’autres bientôt à son public, souvent nouveau venu à ce répertoire. Celui-ci, considérant sa réaction, a apprécié l’expérience et reviendra dans l’avenir.

Merci Francis et l’OCPM pour construire le public de demain de si belle façon. 

classique occidental / période romantique

OSL | Feher et Chang mènent une soirée de découvertes engageante

par Alexandre Villemaire

On nous annonçait une soirée de concert sous le signe de la découverte pour le dernier concert de l’Orchestre symphonique de Laval. Et, découverte nous avons eu tant au niveau du répertoire que de la direction. Pour conclure sa saison 2024-2025, l’OSL présentait le très peu connu et joué Concerto pour violoncelle de Marie Jaëll avec le violoncelliste Bryan Cheng comme soliste invité et le jeune chef Andrei Feher au podium. Tous deux ont offert dans cette pièce centrale du programme une performance toute en synergie et en complicité.

Née Trautmann en 1846 au nord de l’Alsace, l’éducation musicale de Marie Jaëll est marquée à la fois par l’Allemagne et la France. On ressent effectivement à travers cette œuvre à la fois la légèreté de la musique française et l’intériorité de la musique allemande. Le premier mouvement s’ouvre par un tapis de cordes au-dessus duquel se dresse un thème pastoral porté par le violoncelle vers une véloce ligne chromatique. Après un passage en mineur qui amène un élément de contraste typique de l’écriture avec une dose d’énergie dramatique presque wagnérienne, le mouvement se conclut par un retour au caractère pastoral avec les flûtes évoquant la légèreté de l’air et le vol des oiseaux. Le deuxième mouvement expose un lied dansant sur un rythme de valse.  Le caractère y est noble avec un dialogue serein entre le violoncelle et les cordes et des passages où les cuivres confèrent un écrin royal. Le dernier mouvement, énergique et vif, presque anxieux par moment, se conclut par une cadence frénétique. Bryan Cheng l’a interprété avec aplomb et une aisance naturellement musicale.

Il faut le dire, le concerto n’est pas novateur ou révolutionnaire dans la forme ou sur le plan de l’esthétique. Mais il est d’une finesse d’écriture tant dans les lignes mélodiques et l’orchestration que dans le traitement de l’instrument soliste au sein de celle-ci. Ce dernier n’est pas en proie à des traits virtuoses faits pour épater la galerie. Il met en valeur le son chaleureux du violoncelle en communion avec les autres instruments de l’orchestre. Le concerto était précédé de l’également peu joué Ouverture Genoveva de Robert Schumann qui, à l’image de la personnalité de son compositeur, alterne entre moments de bravoure et de mélancolie ponctués d’accents colériques aux cuivres.

C’est surtout dans la Première symphonie de Brahms que la direction d’Andrei Feher se deploie. Le chef, qui est également le directeur musical et artistique de l’Orchestre symphonique de Kitchener-Waterloo, construit une architecture sonore cohérente et bien définie, relevant les éléments importants de chaque mouvement avec justesse. Sa gestique est calquée sur les mouvements des cordes, dont il va puiser toutes les ressources. Il danse pratiquement avec des musiciens, indiquant des intentions claires avec précision et une intensité soutenue, que ce soit dans les moments de grandes intensités que les moments plus lyriques, comme dans le deuxième mouvement où Feher fait chanter les lignes des cordes ou encore dans le choral final du quatrième mouvement qui gagne en intensité. Feher incarne la musique fougueuse de Brahms autant que les musiciens l’interprètent. Il leur rend bien les intentions de celle-ci par une direction précise et centrée sur la forme et l’expression musicale.

Une performance remarquable donc d’une grande intensité chaudement applaudie qui est venue mettre un point final à cette saison. Il nous tarde d’entendre ce que l’orchestre lavallois prépare pour sa prochaine année et de voir à nouveau Andrei Feher au podium, ce dernier nous ayant laissé une forte impression.

crédit photo : Gabriel Fournier

électronique

Plafonds mystiques et architectes soniques : deuxième soirée d’Exposé Noir avec Helena Hauff, Wata Igarashi & Polygonia

par Félicité Couëlle-Brunet

La nuit de dimanche à lundi a révélé une nouvelle facette d’Exposé Noir. Alors que nous pensions avoir compris et intégré le paysage, le Hangar est apparu. Structure squelettique construite pour les intempéries et les raves, il n’offrait aucun mur, juste le toit d’un stationnement extérieur, suspendu au-dessus des corps, de la fumée et du son. On avait l’impression d’un passage. Quelque part entre la terre et le ciel, où la lumière ne se contente pas d’éclairer l’espace, mais fait partie de l’horizon. Helena Hauff a investi cet horizon et l’a ouvert pour nous.

La légende hambourgeoise a donné une classe de maître en matière de révolution sonore. Débutant avec une chaleur industrielle et une insistance percussive, elle a tissé des échos de la techno de Détroit – l’âme et la lutte derrière la machine. Son set était un voyage à travers le BPM et le terrain émotionnel, une montagne russe de tempos et de changements tectoniques. Brut, urgent, extatique, elle a donné le genre de set qui semble physiquement historique. Comme elle l’a dit un jour à Glamcult, « Rave est révolutionnaire ». Et ce soir-là, c’était vraiment le cas.

Ce qui a rendu le choc encore plus fort, c’est le cadre. Le brouillard s’est installé à l’air libre ; les lumières – audacieuses, intelligentes et non filtrées – semblaient faire partie du ciel. Elles ont élargi l’architecture au-delà de son échafaudage, encadrant la foule comme des silhouettes dans un orage électrique. La fumée n’obscurcit pas, elle révèle. Le set de Hauff ne fut pas seulement le point culminant de la soirée, il en fut la colonne vertébrale.

De retour au Belvédère, Wata Igarashi créait un enchantement d’un tout autre type. Le producteur japonais se produisait devant une foule de plus en plus nombreuse entre deux énormes haut-parleurs coniques, placés face à face, presque sculpturaux. Le résultat est une chambre d’écho immersive où chaque son semblait suspendu dans l’air. C’était ludique et hypnotique, terrarium de lumière verte et d’amphibiens dansants. Rythmé, précis, mais plein de joie, ce set avait un côté jazzy, une sorte d’élégance ludique. Il était facile de danser, mais encore plus facile de s’y perdre.

Puis vint Polygonia et le Belvédère se transforma. Une fois le set d’Helena terminé, la salle s’est remplie. Artiste pluridisciplinaire formée aux arts visuels, à la conception sonore et à la pensée écologique, Polygonia ne se contentait pas de jouer, elle construisait des écosystèmes sonores complexes. Sa prestation en direct nous a donné l’impression d’entrer dans un jardin sonore biodiversifié : riche en textures, polymorphe en rythmes et vivement spatial. Il n’était pas nécessaire de bouger sauvagement ; le son lui-même nous traversait et nous entourait. Tactile, immersif et intellectuellement sculpté, son set était à la fois méditatif et cinétique, une architecture sonore que l’on pouvait habiter.

Ensemble, ces trois artistes ont tracé l’arc final d’Exposé Noir, non seulement avec des rythmes, mais avec une vision. La deuxième nuit a confirmé ce que la première nuit avait déjà laissé entrevoir : c’était plus que du commissariat ou de la médiation. C’était de la composition, voire de la recherche fondamentale. Une étude sur les contrastes – la finesse et la grâce, la vitesse et l’immobilité, le corps et l’espace.

classique / musique traditionnelle arménienne / période classique / période moderne

Frangin et frangine d’Arménie aux sources de la grande musique et de leurs racines culturelles

par Alain Brunet

Le dernier programme montréalais de la saison Pro Musica réunissait le tandem frère-sœur Sergey et Lusine Khachatryan, respectivement violiniste et pianiste de même famille arménienne, ont misé sur des contrastes entre les périodes classique et moderne, c’est-à-dire deux sonates pour piano et violon de Ludwig Van Beethoven, chacune suivie de pièces plus récentes, moderne du côté de Claude Debussy et moderne/contemporaine du côté du compositeur arménien Arno Babadjanian.

La Sonate no 1 pour violon en  ré majeur op.12, de Ludwig van Beethoven avait été composée à la fin du 18e siècle par le jeune Beethoven dans un esprit classique qui ne laissait pas encore sa grande singularité s’exprimer avec l’autorité révolutionnaire qu’on lui connaît. L’exécution de dimanche fut impeccable, tant côté cordes que côté clavier. La maîtrise de ces excellents interprètes impliquent une suavité dans le jeu, sans sparages inutiles, sans transgressions aucune. On a observé encore plus de douceur dans le jeu de la pianiste alors que le violoniste témoignait d’une fermeté élégante et d’une grande précision par rapport à la partition. On a aussi observé que le public, dont une vaste part était d’origine arménienne, ne connaissait pas les codes du concert classique, applaudissant entre les mouvements… jusqu’à ce que le violoniste lui fasse comprendre d’un coup de tête, lors de la deuxième exécution au programme, soit la Sonate pour violon et piano en sol mineur de Claude Debussy. Un bond d’un peu plus d’un siècle (1916-17) et nous voilà sur le seuil de la modernité avec des harmonies nouvelles, des rythmes nouveaux et de nouvelles exigences techniques par voie de conséquence. Le finale du troisième mouvement est particulièrement éloquent à ce titre. Jouer Debussy n’est pas une mince tâche!

Nous étions aux oiseaux et prêts pour la seconde partie et la seconde Sonate de Beethoven, c’est-à-dire la no 4 en la mineur op 23. Toutefois, on a noté un petit problème de synchronisme entre le violon et le piano sur quelques mesures du dernier mouvement, ce qui a visiblement irrité les interprètes. Mais bon la vie est ainsi faite et les meilleurs peuvent parfois trébucher… sans que les mélomanes s’en rendent compte pour la plupart.

Le reste du programme, ceci incluant le rappel, fut exclusivement arménien. Arno Bagbadjanian a vécu au 20e siècle et son approche, du moins ce qu’on en a observé dimanche, chevauche les périodes moderne et contemporaine du répertoire, le tout aromatisé de référents traditionnels arméniens. L’atonalité peut parfois s’inviter mais le langage tonal moderne reste proéminent dans cette Sonate pour piano et violon en si bémol mineur. Il va sans dire, l’exotisme caucasien est le bienvenu dans un tel contexte, et consommé avec modération puisqu’il constituait le quart de ce programme somme toute réussi.

électronique

Velvet Fog & Hard Techno : Une nuit à Exposé Noir avec Yazzus, Tiga et DJ Tool

par Félicité Couëlle-Brunet

Nous sommes arrivés juste après la tombée de la nuit, accueillis par une nappe de brouillard et la douce lueur des lumières stroboscopiques. Exposé Noir était en pleine action. Les caméras des téléphones étaient scellées, volontairement oubliées, remplacées par un étrange sentiment d’intimité et de confiance. C’était plus qu’une fête. On avait l’impression d’entrer dans un microcosme étudié, un monde construit sur le rythme, le souffle et la sueur, où le respect mutuel faisait place à la joie simple.

Sur la Terrasse, Tiga est déjà en pleine effervescence. Légende montréalaise ayant un long héritage dans la musique électronique mondiale, il a traversé les époques sans effort apparent. Les lignes de basse disco bouillonnaient sous les textures vocales à la Björk. C’était élégant, surprenant, presque cinématographique. La vue du Belvédère en accentuait le surréalisme, Habitat 67 et la Biosphère se profilaient sur l’eau sombre comme les accessoires d’un rêve. Il y a eu un moment, juste après qu’un rythme soit tombé dans le silence, où nous avons regardé autour de nous et réalisé que les gens n’étaient pas en train de documenter cela. Ils le vivaient. On pouvait sentir l’intention dans la conception de l’espace : immersif, généreux, protecteur.

Mais c’est à côté, à l’intérieur du Belvédère, que le charme opérait. Le travail d’éclairage était époustouflant : doux, net, atmosphérique. Le brouillard enveloppait la pièce de velours. Les lumières s’y réfractaient, sculptant les corps en mouvement. Cela ressemblait à une cérémonie, comme si l’on entrait dans une transe collective.

Yazzus, la DJ britanno-ghanéenne issue de l’underground queer berlinois, a pris les commandes et a propulsé la soirée dans une autre dimension. Son set était radieux : rapide, sexy, explosif. Elle a puisé dans le ghettotech, la jungle et la nostalgie des raves du début des années 2000, mais le résultat était indubitablement le sien. Avec chaque drop et chaque build, elle créait un espace à la fois extatique et vulnérable. Très énergique mais joyeuse, elle nous a donné la permission de nous laisser aller. La salle a réagi de la même manière. Comme on nous l’a dit plus tôt dans la soirée, « c’est une question d’intensité, mais c’est aussi une question d’attention ».

Puis est arrivé DJ Tool, qui nous a plongés encore plus profondément dans l’obscurité. Membre du collectif berlinois Mala Junta , il est connu pour sa techno rapide et chargée d’émotions, d’une précision chirurgicale. Son set était implacable, industriel, physique et inébranlable. Si Yazzus nous a donné des ailes, Tool nous a enfermés dans le tunnel et a accéléré. Mais même ici, dans les moments les plus durs, il y avait un sentiment de contrôle et de confiance, celui d’être emmené quelque part dans un but précis.

Cette soirée à l’Exposé Noir ne s’est pas contentée de présenter trois DJ. L’événement a honoré l’architecture émotionnelle de la vie nocturne : comment la bonne énergie, le bon son et le bon cadre peuvent faire passer une salle de l’évasion à quelque chose de plus profond. Elle nous a rappelé à quel point il est bon d’être complètement, pleinement présent.

électronique / hyperpop

Piknic 1 : formule magique

par Loic Minty

Année après année, la formule Piknic prouve qu’elle fonctionne.

Il nʼest pas facile de répondre aux attentes liées à une telle réputation, mais une fois que vous avez franchi les portes et pénétré dans la foule, vous comprenez rapidement pourquoi ce festival continue d’attirer les gens. La toile de fond fluorescente, associée à une foule encore plus vibrante se déhanchant sur des rythmes contagieux et sautant d’une scène à l’autre, donne à l’événement un air de débauche ludique. C’est la crème de la crème des fêtes d’été, où les artistes se montrent sous leur meilleur jour.

Hommage à la diversité montréalaise, le Piknic offre un spectre complet de vie nocturne condensé dans les microcosmes de ses deux scènes. À la Scène Banque Nationale, aménagée comme une séance intime dans une chaufferie, nous avons eu droit à une soirée hyperpop trépidante. Pendant ce temps, de l’autre côté du ravin, sur la scène Fizz, l’ambiance était à l’hommage aux classiques des clubs. Chloé Lallouz a captivé la foule avec son mélange de genres délicieusement imprévisible. S’ouvrant sur un morceau de bachata, la salle en plein air s’est momentanément transformée en une fête tropicale décontractée.

À partir de là, elle a offert des aperçus de sons du monde entier – Inde, Maroc, Brésil et États-Unis du début des années 2000 – tous superposés sur un groove afro house régulier qui s’est transformé en baile funk et en amapiano. Des cercles de danse se sont formés, des bâtons de limbo se sont frayés un chemin à travers la foule et, surtout, son spectacle a mis en lumière l’essence multiculturelle de Montréal, rassemblant tout le monde dans un rythme commun.

Au fur et à mesure que la nuit se prolongeait, Stryv reprenait là où Lallouz s’était arrêté, transportant l’énergie collective et l’élevant à des sommets euphoriques. Producteur expérimenté, Stryv est passé maître dans l’art de l’anticipation, tenant les danseurs en haleine grâce à un équilibre subtil entre les accords et les textures vocales fantomatiques. Ses rythmes sont hypnotiques, évoluant de manière transparente sans jamais nous submerger. C’était comme regarder une tempête entrer et sortir, subtile mais puissante. À l’approche de la dernière heure, le ciel s’est métaphoriquement dégagé, libérant une vague d’énergie positive. Même trempée, la foule a refusé d’accepter la fin de la soirée, scandant « encore une chanson ! ».

Dans un univers parallèle, à cinq minutes de marche, ZORZA redéfinissait la techno avec une présence froide et posée. Naviguant aux confins de l’hyperpop et de la rave underground, sa tranquillité renouvelle sans cesse l’élément de surprise. Avec une oreille pour les trouvailles obscures d’Internet et les échantillons pop accélérés, l’inventivité de Zorzaʼs était une bouffée d’air frais. Avec des samples distordus qui donnaient l’impression que le système était sur le point de s’effondrer, les gens perdaient la tête. Tout autour de la scène et dans l’herbe boueuse, les gens sautaient, criaient et frappaient l’air. Partout, on sentait la libération et l’excitation de ce que cela signifie d’être ici au Piknic. C’est l’arrivée officielle de l’été, et le fait que, qu’il pleuve ou qu’il fasse soleil, la vie nocturne montréalaise est toujours vivante.

Le Piknicnʼest pas seulement un festival demusique, cʼest un baromètre culturel de la vie nocturne montréalaise en constante évolution . Que vous soyez attirés par la nostalgie, les rythmes mondiaux ou les DJʼs émergents, il y a de la place pour vous au Piknic. Et c’est peut-être là toute la magie du festival : dans une ville aussi éclectique que Montréal, ce festival trouve le moyen de faire danser tout le monde ensemble.

Balkans / klezmer / psychédélique

Le Yiddish’n’roll de Kallisto

par Frédéric Cardin

Je vous ai déjà parlé de Kallisto, quintette de klezmer folk-yiddish rock-psychédélique-turc swing-balkanique, etc. qui m’avait titillé les oreilles lors des Sylis d’or 2023 au club Balattou (LISEZ L’ENTREVUE QUE J’AVAIS RÉALISÉE ICI). J’ai eu l’occasion de les revoir live dimanche soir, 18 mai 2025 au Balattou, et l’impression initiale demeure : voici un band très solide, esthétiquement et musicalement, appuyé sur des bases de musique juive mais métissé de multiples influences qui s’amalgament organiquement et très festivement. Les sous-genres mentionnés plus haut se retrouvent tous, peu ou prou, insérés dans l’une des pièces du groupe, standard ou compo originale. 

Cela dit, le groupe n’est plus le même que celui de 2023, sauf pour la leader (manifestement, l’âme créative de l’ensemble) Jossée McInnis, également clarinettiste. La Montréalaise est une instrumentiste avec une science musicale béton, technique et précision tonale classiques, de toute évidence. Mais elle swingue bien et manipule les couleurs et les inflexions de la musique klezmer avec une parfaite aisance. La dame s’est entourée d’autres bonnes pointures, peut-être même meilleures que dans la version Sylis 2023 : Antoine Bensoussan à la guitare (habile surf-styler, entre autres), Jefferson Perez au violoncelle (brillant autant dans sa beauté tonale que dans ses capacités improvisatrices), Patrick Lebrun à la basse et Edward Scrimger à la batterie. 

Kallisto joue régulièrement dans de bonnes petites places, de Montréal à Sherbrooke en passant par Toronto, alors surveillez l’agenda de vos bars à musique live préférés. S’ils passent par chez vous, trempez-vous l’oreille. Ça passe super bien la soirée. 

Prochaines dates confirmées : 

9 juillet 2025 – Quai des brumes, Montréal

19 juillet 2025 – Duluth en Arts, rue Duluth, Montréal

SITE DE KALLISTO

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