On aurait pu craindre le rendez-vous raté d’un has been. Daby Touré n’a pas fait d’albums depuis une décennie. Il avait beau affirmer avoir composé assez de matériel pour trois albums neufs, on ne pouvait en témoigner puisque jamais écouté ces chansons inédites. Ces doutes étant énoncés, force est d’admettre restait assez d’aura à l’artiste ouest-africain pour redémarrer et recréer le buzz à son endroit.
Avoir été pris sous l’aile de Peter Gabriel, un quart de siècle plus tôt, demeure une carte maîtresse, en tout cas assez puissante pour attirer les médias traditionnels et ajouter des fans à celles et ceux qui n’avaient pas oublié son talent.
Talent évident. Je n’ai aucune idée des capacités de travail de Daby Touré, mais son intelligence aiguë et sa vision singulière du monde me semblent indéniables.
Ainsi on a pu reprendre contact avec ses « classiques » tirés d’albums sortis des zeroties à 2015, on a pu se rappeler qu’il était un mélodiste aguerri, un riffer inspiré, un percussionniste pour caisse de résonance de guitare (la Godin n’avait qu’à bien se tenir, son proprio s’en sert comme un tambour sur cadre!), un communicateur charismatique, un chanteur naturellement doué, et un improvisateur allumé qui sait prolonger les grooves avec ses musiciens, tous des locaux. Guitares, basse, batterie/percussions, chant : tous les membres de ce nouveau quartette sont originaires d’Afrique, Côte d’Ivoire, Cameroun, Sénégal, Mauritanie, tous sont des professionnels de très bon niveau.
Ce qui nous intéresse d’autant plus chez Daby Touré, c’est son alliage de musiques africaines modernes de l’Ouest (soninké, peulh, maure, etc.) et de folk-pop-rock plus occidental. Chez lui nous sommes ici et là-bas en même temps. Un peu plus là-bas d’entrée de jeu mais aussi chez soi, car les musiques de chez soi gravent aussi les pierres de cet édifice habité par les esprits de la musique.
Que Daby Touré ait retrouvé l’énergie de repartir la machine, et d’offrir déjà plus de deux heures de concert à un public multigénérationnel des Nuits d’Afrique, est une excellente nouvelle en soi.
Photo: M Belmellat