La grange est un projet à plusieurs facettes. Entre performance théâtrale, concert et installation, le public a été happé et tenu captif durant toute l’heure qu’a duré l’événement. Dès l’entrée en salle, au Bain Mathieu, on est accueilli par une ambiance tamisée. Tout le bassin de l’ancienne piscine a été aménagé pour recevoir le concert. Chaque élément de décor a été réfléchi pour aider à évoquer la fameuse grange qui donne son titre à l’œuvre de Félix-Antoine Coutu. Roues de vélo, étagères en bois et morceaux de tissus côtoient matériel d’amplification, écrans cathodiques et instruments de musique. Rien ne semblait déplacé dans ce décor, qui évoque parfaitement un espace rempli d’objets d’un autre temps, avec lequel le protagoniste doit composer (dans tous les sens du terme). Le public, pour sa part, est disposé tout autour du bassin, en hauteur. Cela donne l’impression d’observer de haut ce microcosme qu’est la grange. La mise en scène a été conçue en collaboration avec le Collectif Tôle, qui se spécialise surtout en théâtre.
En entrevue avec PAN M 360 plus tôt cette semaine, le compositeur Félix-Antoine Coutu nous a parlé de ses instruments inventés. Nous avons pu les voir à l’œuvre ce soir, dans tous leurs détails. Les moteurs faisaient vibrer des cordes à différentes vitesses, produisant ainsi des accords différents et des effets de drone. Il faut vraiment voir ces dispositifs pour apprécier pleinement l’ingéniosité de Coutu. Instruments électroniques et acoustiques se mariaient parfaitement pour créer une trame sonore épurée, malgré la présence de 8 instrumentistes. La grange est avant tout une œuvre évoquant des ambiances. L’on sent que quelque chose est en train de se préparer et que le temps passe, inexorablement. Non seulement Coutu performe musicalement, avec ses instruments électroniques, il offre également une prestation théâtrale. Son jeu est subtil, nuancé et silencieux (la trame narrative est uniquement évoquée par la musique, ainsi que par un programme numérique disponible en scannant un code QR en entrant en salle). Toute la psychologie du personnage est transmise par des gestes simples et des regards évocateurs.
L’œuvre se découpe en plusieurs tableaux, distingués par des changements subtils d’éclairage et d’instrumentation. Le protagoniste, Jude, gardien de la grange et inventeur, incarné par Félix-Antoine Coutu lui-même, déambule dans le décor, portant son attention sur différents éléments. Son objectif : réussir à faire décoller le drone sur lequel il travaille. Chaque tableau a une ambiance distincte, passant de la contemplation à l’anticipation, de l’anxiété à l’espoir. La présence scénique des 7 autres musiciens est également à saluer. Un petit orchestre de chambre, composé de percussions, piano, flûte, saxophone, clarinette basse, violon et violoncelle vient graduellement s’ajouter aux instruments électroniques pour construire et intensifier la structure musicale, qui mène par le fait même au paroxysme de l’œuvre. Il s’agit là d’excellents interprètes (membres du Duo Airs et de l’ensemble Paramirabo), maîtrisant chacun et chacune multiples techniques contemporaines. On a droit à de beaux moments musicaux, tantôt tendus, tantôt très mélodiques. La trame sonore s’apparente parfois à la musique de type ambient, parfois même à la musique de film.
La grange est véritablement un événement hors du commun. Durant une heure, on se sent détaché du monde, hors du temps. Une performance à voir absolument!
Deux représentations auront lieu le 30 septembre au Bain Mathieu, à 15h et à 19h30. INFOS ET BILLETS ICI.