Je me tiens debout, avec la gueule de bois, dans la salle chaude et lumineuse de L’Ordre Loyal des Mooses, m’apprêtant à écouter un groupe de musique country des années 1920. La moitié de la foule est assise sur le sol poussiéreux à l’avant, ce qui amplifie encore la sensation bizarre d’assister à un concours de talents. Hezekiah Procter et son équipe hétéroclite de messieurs portant des bretelles et des bidules montent sur scène.
Ils sont en costume d’époque. Un homme joue du sousaphone. Le violoniste demande aux cinq premiers rangs de se lever et de danser. Personne ne le fait. Ce qui suit est une expérience étrange et onirique, comme si j’avais tellement bu que j’avais voyagé dans le temps. Je me trouve dans la petite ville minière isolée de Rouyn Noranda, vers 1926, dans une salle bien éclairée remplie de travailleurs. Hezekiah, le chanteur itinérant de la compagnie pharmaceutique, est venu interpréter des chansons sur les syndicats, la crainte de Dieu et les nombreuses choses étonnantes que l’on peut acheter dans le catalogue Sears-Robuck.
Hezekiah et ses joyeux lurons sont hilarants, abordant ce projet de théâtre/histoire/bande avec à la fois de la légèreté et un véritable respect pour le matériau d’origine. Chaque membre a droit à sa propre chanson, et les instruments sont constamment remplacés par du matériel encore plus spécialisé du XXe siècle. Il y a des chansons qui tapent du pied, des chansons qui brûlent, des sections de soutien sponsorisées, des ballades meurtrières et un numéro acapella époustouflant.
J’ai découvert plus tard qu’il y avait une réception funéraire au sous-sol pendant ce concert, ce qui, pour une raison ou une autre, ne me surprend pas. Une performance absolument ravissante, peaufinée à la perfection, et un remède contre la gueule de bois étonnamment efficace.
photos par Stephan Boissonneault @a_1993_Santiago