Vendredi soir au Studio TD, l’impétueux tenorman Marcus Strickland (Bilal, Roy Haynes, Robert Gasper, Dave Douglas, etc.) nous a ramenés à une vibration très Brooklyn avec un band entièrement black : batteur costaud et parfait dans le heavy funk et le jazz contemporain, bassiste parfait dans cette esthétique et multi-claviériste aussi typique de ce jazz contemporain fusionné avec le jazz groove des années 70 et 80.
À cette époque de plus en plus lointaine, on ne s’imaginait pas une reprise aussi groovy et aussi électrique que Pinnochio, composée par Wayne Shorter pour le quintette de Miles Davis – dans le mythique album Nefertiti. Ce qu’on a pu écouter avec ravissement. Super version !
Le quartette du saxophoniste quadragénaire est lourd, aguerri, il y a du papier sablé, des aspérités malgré la finesse et la haute virtuosité de ces exécutions typiques du jazz noir américain et new-yorkais. Car il ne s’agit pas exclusivement de grooves polyrythmiques ou de de heavy funk-jazz, on fait aussi la place belle au swing, aux alternances binaires/ternaires, aux ballades tributaires du Great American Songbook et aussi de la soul/R&B. Qui plue est , Marcus Strickland s’inspire du chant d’un oiseau, de la planète Jupiter (merci Sun Râ), ou encore des chants pentatoniques des griots d’Afrique de l’Ouest. Mais d’abord et avant tout, le saxophoniste s’en remet aux esprits du jazz.
Ce type de jazz que pratique Marcus Strickland a peut-être manqué de souffle un moment, on s’y est désintéressé… et on y revient car, de plus en plus on observe les signes d’un retour en force. Depuis que le hip-hop en a échantillonné les prédécesseurs, de nouveau praticiens ont émergé et font avancer la forme depuis les débuts de leur carrière.
Et qui, semble-t-il, redeviennent cool et conquièrent un jeune public fasciné par un tel musicianship, de telles compositions, de telles improvisations, une telle culture, un tel groove.
Bonne affaire!