classique

Festival Classica |Un heureux Meslanges pour une fin d’édition en contraste

par Alexandre Villemaire

Le dimanche 16 juin se concluait la quatorzième édition du Festival Classica, dans le cadre intimiste du Foyer Saint-Antoine à Longueuil. C’est l’ensemble vocal à géométrie variable Meslanges qui est venu clore cette saison. En tout  23 programmes ont été présentés dans 6 villes, dont Longueuil, Boucherville, Saint-Bruno-de-Montarville, Brossard, Saint-Lambert et Montréal, mettant de l’avant le talent de différents artistes d’ici dans des projets qui sortent du cadre habituel et de l’ordinaire. Encore une fois cette année, le Festival Classica a effectivement proposé au public une programmation éclectique allant de la musique française en passant par le tango, le rock et le conte musical.

Co-fondé et dirigé par la soprano Marie Magistry, le quatuor vocal a cappella comprenant, en plus d’elle-même, la mezzo-soprano Marie-Andrée Mathieu, le ténor canadien d’origine libano-palestinienne Haitham Haidar et la basse William Kraushaar, a offert une mosaïque de la chanson française de la Renaissance à aujourd’hui où dominaient les thèmes de l’amour et de la nature.

Le concert était divisé en deux parties. La première comprenait essentiellement un éventail de chants de la Renaissance avec en toile de fond différents textes tirés du recueil de poésie Les Amours de Pierre de Ronsard. Bonjour mon cœur et Mignonne, allons voir si la rose étaient du lot. Parmi les morceaux les plus costauds du programme, nous pouvions notamment relever les Six chansons de Paul Hindemith, Le chant des oyseaulx de Clément Janequin et les deux extraits des Trois chansons de Maurice Ravel (Nicolette; Ronde).

Typique de la chanson parisienne, Le chant des oyseaulx fait usage de différentes onomatopées pour illustrer de manière idiomatique les multiples vocalisations de ceux-ci. Cette gymnastique vocale (et labiale!) exige une grande maîtrise, un certain abandon à la forme et à une certaine dérision. Quand le discours musical est saturé par des « fa-ri-ra; ty-py-ty; chou; thou-y thou; tu; frian; trr; huit » et autre, on ne peut s’empêcher d’esquisser un sourire face à cette « cacophonie » organisée et pleine d’humour.

De forme plus statique et moins imitative, les défis des Six chansons de Hindemith résident dans leur harmonie serrée, truffée de chromatisme et d’intervalles ouverts, aux couleurs particulières. Pour les pièces de Hindemith notamment, c’est le type de pièce où chaque ligne vocale, prise individuellement, est relativement simple, mais lorsque mises en relation avec d’autres, provoque un résultat qui est souvent déstabilisant et rend difficile le maintien de sa propre conduite de voix. Les quatre chanteurs ont offert pour ce difficile cycle de huit minutes, une performance solide et assurée, passant avec aisance d’un numéro à l’autre dans un flot presque ininterrompu. Les deux extraits des chansons de Ravel étaient dans le même esprit avec l’utilisation d’harmonies étendues colorées.

La deuxième partie a été marquée par cette même thématique de l’amour et de la nature avec entre autres la fameuse pavane de Thoinot Arbeau, Belle qui tient ma vie, Milles regretz de Josquin Després et deux extraits des Chansons françaises de Francis Poulenc. Nos pièces coup de cœur de cette seconde partie ont été les Deux chansons op.68 de Camille Saint-Saëns. Calme des nuits  avec ses harmonies lumineuses et éthérées a apporté un moment de plénitude que Les fleurs et les arbres est venu contraster par son ton léger.

Comme son nom l’indique, les quatre voix se « mélangent » à merveille. Chacun des interprètes joue son rôle sans prendre le dessus sur les autres et fait ressortir sa voix quand le moment est opportun dans le discours, que ce soit la voix cristalline de Marie Magistry en passant par le son riche et boisé de William Kraushaar complémenter par l’agilité, la rondeur et l’éclat des voix de Marie-Andrée Mathieu et Haitham Haidar. Leur communication et leur sens du jeu transmettent un plaisir qu’il est important de souligner dans cette performance.

On ne tiendra pas rigueur aux légers accrocs qui se sont produits, notamment dans Il est bel et bon de Pierre Passereau, dans lequel les entrées extrêmement rapprochées, représentent un défi rythmique. Être pro, c’est aussi accepter et rire de ses accrochages et être en mesure de retomber sur ses pattes sans s’arrêter. En cela, Meslanges a offert une belle leçon d’humilité dans le cadre d’un concert qui, dans sa globalité, a été d’un sans faute et qui a été fortement apprécié par le public.

En guise de rappel, le groupe a interprété Le Pont Mirabeau, poème de Guillaume Apollinaire mis en musique par le compositeur canadien Lionel Daunais. Évoquant les thèmes de la mélancolie, de la nostalgie et du temps qui passe, cette pièce résumait bien notre état d’esprit à la fin de ce concert. Alors que nous venions de passer une heure suspendue à l’écoute des plus belles mélodies françaises, le retour à la réalité nous fait se sentir peiné de quitter cet univers et impatient de réentendre les voix de Meslanges.

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