À deux semaines près, l’Ensemble Caprice et Matthias Maute préludaient les célébrations pascales avec la présentation de la Passion selon saint Jean de Johann Sebastian Bach. Dans son discours d’ouverture, Maute raconte que cette œuvre a beaucoup de liens, surtout dans les airs, avec l’art opératique. Comme il nous l’a mentionné plutôt en entrevue, « La Passion selon saint Jean alterne récitatifs, airs et chœurs pour porter le récit avec intensité. Les récitatifs racontent l’histoire, les airs expriment les émotions des personnages, et les chœurs incarnent la foule, renforçant le drame. L’orchestre soutient l’ensemble avec une écriture expressive qui souligne les moments clés. » La preuve nous en fut faite vendredi.
En l’absence de mise en scène, caractéristique de l’oratorio, il faut un narrateur, dans ce cas-ci, l’Évangéliste, pour décrire les scènes. Soutenant toute l’œuvre sur ses épaules, le ténor Philippe Gagné réussit haut la main le défi d’interpréter ce rôle ingrat, mais ô combien important. On voit clairement son intention de raconter réellement une histoire, avec une diction allemande impeccable et laissant les phrases textuelles dicter son interprétation, au lieu de suivre la partition, prêtant une confiance absolue envers le continuo.
L’autre découverte de la soirée est le choriste-soliste William Kraushaar – dont la composition nous avait subjuguées au dernier concert de Caprice -, dans le rôle de Jésus. Non seulement sa voix est claire, mais Dieu qu’elle porte ! Nous avons déjà hâte de l’entendre comme soliste lors de la prochaine saison. Bien qu’ils interviennent peu, le contre-ténor Nicholas Burns et la soprano Janelle Lucyk livrent leurs arias avec beaucoup d’émotion. Burns est très émouvant en duo avec la larmoyante viole de gambe dans Es ist vollbracht (« Tout est achevé »). Quant à Lucyk, sa voix est quelque peu retenue, mais se fond bien avec les flûtes dans l’ariaIch folge dir gleichfalls (« Je te suis »). Ces deux solistes livrent non seulement leurs arias avec musicalité, mais également avec une présence scénique envoûtante et émouvante.
Le chœur est très bien préparé, et les articulations sèches qui lui sont conférées cadrent bien avec le rôle qu’il occupe, soit la plèbe qui ordonne et acclame l’action du récit biblique. Le meilleur exemple est le morceau « Kreuzige » (Cruxifiez-le! ») où les articulations courtes et accentuées sont incisives.
À la toute fin de l’œuvre, il y avait quelque chose de solennel de voir les solistes (sauf Jean l’Évangéliste) rejoindre le chœur pour entonner un Rut Wohl dansant, et le choral final, en guise d’accompagnement, de remerciement et de célébration de la vie du Christ.