Assister à un spectacle au Quai Des Brumes, ce bar emblématique de la contre-culture du Plateau Mont-Royal, fait toujours ressortir une tonne de souvenirs. Les bières après les répétitions de chorale, les premiers shows de Lhasa De Sela, alors inconnue. Le lieu est magnifique et il est plein d’histoires.
Lesamedi 4 novembre, Coup de cœur francophone nous a présenté deux jeunes autrices-compositrices très différentes musicalement, mais très complémentaires au fil d’arrivée.
Likouri est chanteuse, accordéoniste et compositrice à la tête d’un sextette acoustique. Elle aime raconter ses histoires de vie, plutôt tristes, mais avec beaucoup d’humour. Dès le départ, elle nous invite à entrer dans son « chaos organisé », nous parle de fuite, de whisky et de déni du paradis.
Alors que ses monologues sont présentés en français québécois, ses chansons, elles, sont écrites en français de France. La musique est un mélange de valse musette, de tzigane, de klezmer, avec quelques saillies jazz. Accordéon, violon, violoncelle, contrebasse, clarinette et bandolim. Un joli mélange, que toutefois l’acoustique du bar ne permet pas d’apprécier pleinement.
Le spectacle reprend plusieurs chansons du seul album de Likouri, Aza ainsi que de nouvelles pièces, dont deux sont chantées dans un espagnol très convenable.
Mais c’est surtout la personnalité de Likouri, capable d’une grande autodérision, qui semble avoir gagné les cœurs.
À la fin de la performance, elle a revêtu un keffieh, le foulard palestinien, pour exprimer son indignation face aux bombardements Israéliens sur Gaza et à l’apartheid qui y règne depuis des décennies. C’était bien senti. Sauf qu’elle n’a jamais parlé des morts israéliens du 7 octobre. Ce qui m’a laissé sur un malaise.
Madame Autruche, alias Mélisande Archambault, a pris le relais, avec son violon et son trio de musiciens. Une musique folk, rock, atmosphérique, assortie de textes très personnels.
J’ai découvert Madame Autruche l’été dernier dans un lieu très improbable: Ste-Rose du Nord, petit village sur le fjord du Saguenay, où elle se produisait dans un bar minuscule. J’ai été séduit par la proposition. Cette femme a construit une identité personnelle.
Par la suite, j’ai appris que Mélisande Archambault a travaillé avec les groupes Canaille, Groenland et Les Royals Pickles. Et que Madame Autruche avait fait deux albums: Les Pentes Glissantes en 2019 et Réveillez-moi quand il fera beau en 2023.
S’il y a un trait commun entre Likouri et Madame Autruche, c’est la capacité d’autodérision. Féminine. Mais qui laisse une place à la jubilation.
Mélisande Archambault n’est pas une virtuose du violon, mais elle sait se servir très intelligemment de son instrument pour en tirer le meilleur. Les trois musiciens accompagnateurs sont talentueux , particulièrement le guitariste , qui a ficelé des solos très inspirés. On en aurait pris davantage.
L’esprit du Coup de cœur francophone, c’est la découverte. À cet égard, cette soirée est une mission accomplie.