Au cours des soixante dernières années, l’Afrique a popularisé en Occident certaines de ses stars les plus remarquables : Miriam Makeba, Fela Kuti, Touré Kunda, King Sunny Adé, Alpha Blondy, Youssou N’Dour, Salif Keita, Angélique Kidjo, Oumou Sangaré, Tiken Jah Fakoly et autres Yemi Alade. Le dernier frontman noir et non occidental ayant rempli un grand aréna canadien en tant que tête d’affiche fut Bob Marley… qui n’était pas natif du continent de ses aïeux, c’est dire !
Hors de l’Afrique où ils remplissent des stades en un claquement de doigts, aucun des artistes cités n’a eu eu en Amérique du Nord un tel impact que celui observé cette semaine. Il existe désormais une exception africaine, la première d’une longue série.
Burna Boy entre dans l’Histoire cette semaine, 18 mois après avoir fait sensation à Osheaga (août 2022), ce qui fut un signe précurseur de l’invasion de l’Amérique du Nord par la mouvance afrobeats, issue du Nigeria. Premier artiste africain à jouer deux fois de suite dans les centres Bell, le frontman incarne une transformation globale de la culture pop. Wow.
Environ 30 000 fans se seront rendus au Centre Bell cette semaine, deux soirs de suite, pour applaudir la plus grande star du mouvement Afrobeats, un style non occidental qui s’est mondialisé. L’influence de ce style se compare favorablement à d’autres mouvements puissants nés en dehors des États-Unis et de l’Europe occidentale, à commencer par le reggae et le reggaeton.
Jeudi soir, donc, un aréna bondé de diversité. Majoritairement peuplée de la génération 18-30 ans, la foule a chanté les propositions de DJ Lambo, une artiste de Lagos, l’une des premières parties d’un vaste programme ayant débuté vers 19h40 et qui s’est achevé peu avant minuit. Également du Nigeria, la chanteuse Nissi Ogulu aura fait de son mieux (avec des hauts et des bas, pour parler poliment) et le premier DJ du programme, Spaceship Billy, reviendra chauffer la salle avant que Burna Boy ne triomphe pendant deux heures. Généreux !
L’aire de jeu est un décor urbain inspiré d’un quartier populaire de Lagos. Une cabine téléphonique est installée devant plusieurs commerces de proximité, dont un barbier et une épicerie. Les 4 anches et cuivres surplombent la scène sur la droite, tandis que les 3 choristes font de même sur la gauche. La batterie et les percussions sont disposées aux extrémités, et le noyau harmonique de 4 musiciens (claviers, guitares, basse) se trouve au centre. Un trio de cordes (violon, alto, violoncelle) apparaît à quelques reprises, tandis que 6 danseurs s’expriment tout au long de ce spectacle des plus ambitieux.
Burna Boy est à la fois frontman, leader d’orchestre, crooner, groover, sex symbole au physique d’athlète, taillé au couteau il va sans dire. L’ascendant sur la gent féminine est plus qu’évident, ces dames sont clairement majoritaires à chanter avec lui ses mégatubes, particulièrement ses ballades romantiques.
Côté PAN M 360, on a préféré les groove afrobeats, épidermiques pour la plupart, mélange contagieux de dancehall, reggaeton, afro-funk, juju, konpa, soul/R&B ou même jazz, assorti d’une importante couche de culture nigeriane. Parmi la trentaine de chansons au programme, on aura remarqué l’exécution des succès suivants: I Told Them (également le titre de la tournée), Gbona, Pull Up, On The Low, On Form, Giza et plus encore.
Nous savons tous que l’humanité traverse une période critique de sa présence sur Terre, mais il n’y a pas que des mauvaises nouvelles. Le rééquilibrage des forces culturelles planétaires en est une bonne ! Burna Boy est là pour nous rappeler qu’il y a toujours de l’espoir pour les humains de bonne volonté.
Crédit photos: Stephan Boissonneault