D’entrée de je à la première soirée d’Akousma en ce mercredi 16 octobre, Mikael Meunier-Bisson nous a présenté son musicfriend, Vivian Li nous a accueillis dans des contextes qui lui sont familiers, Byron Westbrook nous a fait réfléchir sur le concept de rémanence.
Mikael Meunier-Bisson (ca)
Programme: musicfriend (2024) 8’00”
Compositeur de musique expérimentale et électroacoustique, Mikael, cet autodidacte aguerri et féru d’ambient texturé, a présenté sa pièce intitulée musicfriend. En empruntant la technique de la matériologie, principalement du domaine de la peinture où l’utilisation et l’assemblage de divers matériaux, souvent hétérogènes, créent des œuvres d’art, il peut ainsi transcender les limites du traditionnel.
Combinant collages et montages, la performance s’appuyait sur l’élasticité du son, du néant vers l’infini, entrecoupée de nappes douces. L’accent était mis sur la “reverse” par moment où l’Inversion physique d’une partie de la bande permettait de rebondir au plus vite sur la clarté d’une note singulière et lumineuse.
Tonicité. Globalité abstraite. Onirisme. Cette œuvre de 8 minutes était lacérée de violon électroacoustique ou d’effet dans ce sens. Chaque seconde, une nouvelle sonorité ou texture entrait en jeu comme à la minute 2’11 d’un vocal estomaqué. Au final, la sensation à l’écoute générale était plutôt douce et planante voire méditative.
Le corpus de l’œuvre était mis en relief grâce au travail de la fréquence modifiée. La rhétorique de ce projet était définitivement “parsemée de doutes, d’essais, d’erreurs, dans un va et vient continu”.
Vivian Li (cn/ca)
Programme: Memory Playback (2024) 7’00”
Voilà 7 minutes d’un journal intime sonore transpercé d’enregistrement de terrain style archéologie sonore tendant vers le familier et l’introspection. Résonance vibrante de décor intérieur et extérieur. Trait saillant de vocalises d’oiseaux. Note de synthé. Conversation lointaine en cantonais. Touche de douceur et de nostalgie. Plus on avançait dans l’écoute de la pièce, plus les séquences auditives s’entrechoquaient ou se brouillaient en flou contrôlé tel le jeu de la mémoire qui compartimente et mélange les souvenirs au gré des émotions.
Au dernier tiers, on percevait des notes claires d’instrument à corde électrifiées. Des rires d’enfant dans un écho tendance “new age”. La lauréate du Concours de Composition Acousmatique petites formes 2024 a ainsi exploré en profondeur les “propriétés thérapeutiques et temporelles du son” pour les sublimer dans Memory Playback.
Habituée des festivals nationaux et internationaux, tels que MUTEK (Montréal), Pique (Ottawa), Sound Art Lab (Struer), Inkonst (Malmö), Eastern Bloc (Montréal), perte de signal (Montréal), Kwia (Berlin), Fondation Phi x Nuit Blanche (Montréal), Hectolitre (Bruxelles) et Karachi Biennale, Vivian Li a conquis le public d’Akousma par la sincérité de son oeuvre.
Byron Westbrook (us)
Programme: Translucents (Remix) (2024) 20’00’’
Sculpturale et immersive, cette broderie musicale abstraite était digne d’une installation performative d’un musée d’art contemporain. Tapisser des enregistrements de terrain en milieu urbain comme un train, un hélicoptère en plein vol, l’écho d’un trafic routier, babil d’oiseaux, scène de vie du retour au domicile…combinés à une musique électronique performative, répétitive par séquence ainsi que d’inspiration de musique concrète.
Idéalement, il serait préférable de mentionner des scènes telles des chapitres qui s’ouvrent et se ferment par le biais d’une véritable construction, un étalage et une entremise de sons bruts qui se font, défont ou se refondent par moment avec des soubresauts de rebondissements et de ressorts sonores.
Translucents vous plonge dans les entremises complexes texturées de la mémoire où les espaces intérieurs et extérieurs se détachent et s’annihilent. Entre chaque phase de sons captés sur le terrain, une scène musicale électronique, acousmatique ou concrète s’immisçait brutalement comme pour symboliser la transmission complexe des souvenirs et du système neuronal. Puis, sans transition, on passait à une pseudo-pause pitchée ou de modulation fréquentielle parfois tendant vers le drone.
La pièce initiale dure 40 minutes, mais pour l’occasion du Festival, un remix a été retravaillé pour ne durer que 20 minutes concentrant ainsi toute l’énergie de l’œuvre.
Son travail a été présenté au Walker Art Center, à l’ICA de Londres, au MOCA de Los Angeles, au MoMA PS1, au MaerzMusik et aux festivals Rewire, entre autres.
Pour bien saisir la complexité de cette composition, il est pertinent d’écouter la pièce, disponible en ligne, en observant les peintures de l’artiste abstrait Blinky Palermo pour se confondre avec la démarche. Byron s’en est inspiré. On peut sans conteste conclure que le phénomène de la rémanence recherchée par le New Yorkais a été atteint.
crédit photo: Caroline Campeau