chant choral / classique occidental / période romantique

Festival de Lanaudière | Une soirée chorale réussie pour Akamus

par Alexis Desrosiers-Michaud

Vendredi et samedi au Festival de Lanaudière, étaient donnés en diptyque les oratorios Paulus et Elias de Félix Mendelssohn. Pour l’occasion, c’est l’Akademie für Alte Musik Berlin (Akamus) et l’Audi Jugendchorakademie qui nous visitaient, le tout sous la direction de Martin Steidler. À en croire le directeur artistique Renaud Loranger, « c’est la première fois au Canada, sous toutes réserves, que les deux oratorios sont présentés ainsi, et également, chantés en allemand ; la langue habituelle étant l’anglais. Nous y étions vendredi.

C’est devant un parterre épars et une pelouse presque vide que ce magnifique concert s’est donné. Pendant les deux heures et quelques qu’a duré la soirée, tout tombait en lieu et place. L’orchestre, grossi pour l’occasion, jouait sur des instruments anciens (avec un serpent !), ce qui laissait beaucoup de place au chœur. La prononciation des choristes est précise et impeccable. Ces derniers sont habiles à varier la palette de couleurs en étant, parfois incisifs (« Lapidez-le »), parfois tout en douceur, notamment dans les différents chorals. Un des meilleurs moments de la soirée fut l’apparition de Jésus, à la fin du premier acte. Interprétée par les voix de femmes, c’était un passage extrêmement lumineux, sans être angélique et mielleux.

Chez les solistes, c’est l’alto Ulrilke Malotta qui a été la meilleure, malgré qu’elle n’ait chanté que deux petites interventions. Elle a une voix profonde et résonnante. La soprano Marie-Sophie Pollak a une belle voix, mais qui ne se démarquera jamais au cours de la soirée. Le ténor remplaçant Magnus Dietrich fait bien, mais demeure cependant trop stoïque, malgré le fait qu’il était le soliste qui incarnait et « jouait » le mieux ses rôles d’Étienne et de Barnabas. Enfin la basse Krešimir Stražanac a connu quelques problèmes durant la soirée. Parfois trop en rondeur, on perdait les émotions et les mots. Il aurait gagné en se limitant à la partition et en ne cherchant pas à en donner plus.

Finalement, un petit mot sur la présentation générale du concert. Il y aurait place à l’amélioration quant au choix des images projetées sur les écrans géants. Trop souvent, il y a eu des images d’instrumentistes qui n’étaient pas à l’avant-plan, et cela ne rend pas service du tout au spectateur niché en haut du vallon. Ça, en plus de corriger les fautes dans les surtitres.

crédit photo : Gabriel Fournier

musique traditionnelle ouest-africaine / soul/R&B

Nuits d’Afrique | Soul Bang’s, le roi de l’improvisation

par Sandra Gasana

Que ce soit en anglais, en français ou en bambara, Soul Bang’s arrive à improviser en s’inspirant du contexte du moment. Il le fait à plusieurs reprises durant son concert au Balattou, parfois en répondant à un commentaire venant du public, composé principalement de jeunes mais aussi des moins jeunes.

J’ai rarement vu le Balattou aussi plein. En début de concert déjà, les places assises se faisaient rares, mais tout au long de la soirée, les festivaliers continuaient à affluer jusqu’à remplir ce lieu mythique. N’ayant pas pu ramener son band, il s’est entouré de musiciens d’ici qui ont appris les chansons en amont, dont un jeune et talentueux claviériste, un batteur, un bassiste, un guitariste et un percussionniste.

Avec sa tenue traditionnelle incluant un sarouel chic, des baskets blanches et un chapeau assorti à la tenue, il entre sur scène tel une star, à en croire les cris du public. Plutôt qu’avec de la soul, il décide d’ouvrir le bal avec du dancehall, donnant le ton au reste de la soirée. En effet, il alterne entre dancehall et soul, à quoi il insère quelques rythmes traditionnels guinéens, avec une bonne maîtrise de sa voix.
Il interagit avec son public, le faisant chanter sur ses plus gros succès. « Aujourd’hui, c’est un jour spécial, c’est ma première fois au Canada, première fois au Balattou, une salle pleine d’histoires mais aussi, mon album Victoire, Chapitre 1 sort aujourd’hui », raconte-t-il, dont la première chanson est dédiée à sa défunte mère.

Par moments, on avait l’impression d’entendre de la kora à travers la guitare, surtout lors des solos, et d’autres fois la basse sonnait comme une guitare. J’ai appris par la suite que le guitariste était sénégalais.
La chanson Djere Lele, parue en 2023, semblait particulièrement plaire à mon voisin de droite. C’est d’ailleurs lui qui m’a donné le nom de la chanson. Toute la salle chantait en chœur et nous avons eu droit à d’autres moments similaires durant la soirée. Cette superstar guinéenne a plusieurs succès à son actif.
Même si le nouvel album Victoire est sorti vendredi 19 juillet, le même soir certaines personnes connaissaient déjà les paroles. Ça en dit long sur le statut de la star.

Sa dualité parfois soul et parfois dancehall/ragga lui permet de naviguer dans ces deux univers, mais la place donnée au traditionnel gagnerait à être plus exploitée.
Il a choisi la deuxième partie de la soirée pour inviter son épouse et chanteuse Manamba Kanté sur scène pour quelques morceaux. Cette dernière se produira sur la grande scène le 20 juillet, mais a donné un avant-goût au public de son époux, tout aussi ravi de la voir. Une voix profonde, digne de la griotte qu’elle est, descendante d’une famille de griots des deux côtés, nous a enchanté et cette voix est venue compléter celle de son mari.

Autre moment fort, la portion kompa du concert. Tout comme pour Blaiz Fayah, la foule a beaucoup apprécié cette allusion à ce style de musique qui ne cesse de gagner en popularité, depuis l’effet Joé Dwet Filé.

Est-ce qu’une collaboration entre Soul Bang’s et un artiste haïtien serait un bon move à votre avis ? Quelque chose à envisager.

Crédit photo: André Rival

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Afrique / blues mandingue / soul/R&B

Nuits d’Afrique | Tyrane Mondeny: l’étoile montante est arrivée à destination

par Sandra Gasana

Je disais que Tyrane Mondeny était une étoile montante à la suite de mon entrevue avec elle, à quelques jours de son arrivée à Montréal. Mais après le show d’hier soir sur la Scène Loto Québec dans la série Femmes du monde des Nuits d’Afrique, la Lionne Tyrane nous a bel et bien montré qu’elle joue désormais dans la cour des grands.

Toujours avec une touche africaine dans ses tenues, elle est arrivée sur scène après ses musiciens, et dès le premier morceau, elle était déjà en feu, nous présentant sa soul mandingo, mêlée à du gospel et du R&B, avec des rythmes de chez elle, la Côte d’Ivoire. Clavier, basse, guitare, batterie, voici les instruments qui accompagnaient l’artiste, celle qui aime mettre en valeur ses musiciens. À plusieurs reprises, elle se rapproche d’eux pour les laisser briller à leur tour. J’ai reconnu celui que tout le monde s’arrache à la guitare, le géant sénégalais Assane Seck, qui accompagne plusieurs artistes à Montréal.

On reconnaît quelques sonorités arabes dans un des morceaux du début, petite allusion à son pays d’adoption, le Maroc, mais également de la soul à l’américaine, qu’elle maîtrise particulièrement bien, avec un anglais impeccable.

« J’ai parcouru 12 000 km pour être là ce soir », nous annonce-t-elle, avant son morceau hommage aux femmes et dénonçant les violences qu’elles subissent.

On découvre également une nouveauté lors de ce concert, elle joue de la guitare, instrument qu’elle ajoute à ses nombreuses cordes, en plus des percussions qu’elle joue sur scène et d’un instrument traditionnel ivoirien composé d’une tige de métal.

Elle rend également un hommage émouvant à ses parents au ciel, dans le morceau Prayer, que le public a ressenti même sans comprendre les paroles. Après ce passage en douceur, elle est redevenue la lionne qu’on connaît, et poursuit son déchaînement, avec des pas de danse dignes d’une professionnelle (elle a un passé de danseuse) en interagissant avec son guitariste.

« Est-ce qu’il y a des Ivoiriens dans le public ? » demande-t-elle à la foule qui devenait de plus en plus nombreuse, mais nous n’avions pas beaucoup de réponses.
Elle a repris un classique de chez elle qui semblait être apprécié par l’audience de par son aspect spirituel avant de rendre hommage aux enfants, dans une chanson riche en émotions. Elle parvient à faire chanter la foule, qui répond à ses moindres instructions. On voit que Tyrane est en contrôle et se sent de plus en plus confortable sur scène.

Elle invite rapidement une danseuse sur scène, que je ne connaissais pas, et avec qui elle fait quelques pas de danses traditionnelles.
« Si je suis là ce soir, c’est grâce à deux personnes qui se trouvent ici ce soir : Veeby et Fredy Massamba », en faisant allusion aux instigateurs du Festival afropolitain nomade, auquel elle a participé à plusieurs reprises.

Elle a terminé avec certains de ses classiques, entre autres son hit Hakuna Matata, dans la joie et la bonne humeur, devant un public qui la découvrait pour certains, qui l’avaient peut-être vue au Balattou en novembre dernier, ou encore à l’Afromusée en juin 2024 pour d’autres.

L’étoile montante est arrivée à destination et le public des Nuits d’Afrique était là pour voir ça. Nous lui souhaitons des scènes encore plus grandes, un public encore plus nombreux et du succès à n’en plus finir.
Crédit photo: M. Belmellat

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Brésil

Nuits d’Afrique | Mateus Vidal & Axé Experience, « uma festa » dans la flotte

par Michel Labrecque

Une partie de la communauté brésilienne montréalaise attendait avec impatience Mateus Vidal, ex-chanteur et percussionniste du légendaire groupe de Salvador da Bahia Olodum, sur la scène gratuite extérieure de Nuits d’Afrique sur l’espace tranquille. Sauf que les orages intenses de cette fin d’après-midi torride ont retardé le spectacle et ont mis la foule à l’épreuve.

Mateus Vidal habite désormais Montréal avec sa famille. Il a monté un nouveau groupe baptisé Axé Expérience, qui fait un mélange de musique axé et de samba-reggae. Les deux genres ont été popularisés dans les années 80, mélangent la samba, les percussions africaines et les beats jamaïcains. Ce sont des rythmes surnommés « afro-brésiliens », d’où leur présence tout-à-fait légitime aux Nuits d’Afrique.

Mateus Vidal ne s’est pas laissé décourager par les éléments. Avec sa section de trois percussionnistes, accompagnés d’un bassiste, d’un claviériste, d’un guitariste et d’un saxophoniste-flûtiste, il s’est démené sur la scène en chantant et sautant. Au bout de dix minutes, le soleil apparaissait, pour, au bout d’un autre 10 minutes, disparaître sous la pluie.

Nous avons alors vécu un moment magique, malgré les intempéries: pendant que Mateus Vidal se déplaçait d’un côté à l’autre de la scène, quelques dizaines de parapluies faisaient la même chorégraphie. D’autres continuaient de danser sous les grands parasols, ou à l’air libre malgré la pluie.

Le public trop parsemé était en grande majorité brésilien, de toutes générations. Les sourires étaient abondants, en dépit des circonstances. Je me permets quand même de questionner le choix du Festival de programmer une célébrité afro-brésilienne à 17h, pour une durée d’une heure. Mais la programmation d’un festival comporte toujours des aléas.

Mateus Vidal a visé large dans son spectre musical, reprenant des grands succès comme Bahia de Gilberto Gil, en mode samba-reggae et des pièces d’Olodum, entre autres.

Puis, la guigne s’est encore acharnée: le système de son est tombé en panne. Qu’à cela ne tienne: le groupe a poursuivi uniquement avec des percussions, ce qui a fait réapparaître le soleil et créé un autre moment magique.

Magie et imprévu! Il arrive parfois que ça opère. Il reste tout de même à souhaiter que le nouveau Montréalais et son nouveau groupe puissent profiter d’une meilleure fenêtre pour que les gens d’ici, Brésiliens ou non, puissent mieux l’apprivoiser et danser sur sa musique.

Crédit photo: André Rival

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Afrique / conte / Hip Hop / percussions

Nuits d’Afrique | Les mamans du Congo x Rrobin : un pari réussi !

par Sandra Gasana

Avec une entrée en matière qui se fait à travers la danse, nous entendons d’abord des bruits d’ambiance enregistrés, mêlés avec des sons joués par le DJ et ses percussions. C’est seulement là qu’arrive Gladys Samba sur scène, la leader du groupe, soufflant dans une casserole dont on voit la poussière.

Les deux danseuses, qui se trouvent de part et d’autre de l’artiste, sont talentueuses : elles chantent, elles jouent des personnages, elles dansent, alors que Gladys alterne entre hip-hop, chant, conte, et partage des messages engagés, principalement mettant à l’honneur les femmes ou dénonçant la violence faite aux femmes.
« Matondo, ça veut dire merci dans ma langue », nous apprend-elle entre deux chansons.
Des mouvements de la vie quotidienne ont trouvé un moyen de s’intégrer à la musique offerte par cette formation. On y voit par exemple les danseuses en train de piler le mil au même rythme joué par le DJ et le percussionniste.
Gladys est également actrice, si on se fie sur la petite scénette jouée avec les deux danseuses. Nous passions donc de la danse, au théâtre, en passant par le conte, le chant et la percussion. Plusieurs arts se sont côtoyés dans cette heure de performance, sous un soleil de plomb.
Nous avons eu droit à plusieurs berceuses traditionnelles mais revisitées, « pas pour vous faire dormir, mais pour vous faire sourire », nous annonce-t-elle, tout en faisant participer la foule dans la chanson dédiée à sa sœur Tombo.

La deuxième partie du concert portait sur le retour au village et sur le rôle capital des mamans, avec une fin en apothéose durant lequel tous les artistes jouaient au tambour, suivie d’une clôture en douceur, troquant le tambour pour des maracas.

Crédit photo: André Rival

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cumbia / latino

Nuits d’Afrique | Less Toches: un mélange latino-montréalais à suivre

par Michel Labrecque

Le groupe montréalais de cumbia Less Toches s’est produit à trois reprises dans le cadre des Nuits d’Afrique. À chaque fois, des concerts différents, avec des invités spéciaux, qui nous permettaient d’approfondir la diversité de ce style…tout en faisant danser.

Tout a commencé le 13 juillet, par une soirée Vallenato, mettant en vedette Remberto Zuniga, un vétéran chanteur et percussionniste installé à Montréal. Les Vallenatos sont des sortes de griots colombiens, qui vont chanter de villages en villages.

Au bout de cinq minutes, plus personne n’était assis, bien que la foule était peu nombreuse en cette fin de soirée d’averses diluviennes. Il faudrait reprendre ce concert dans un autre contexte.

Le second concert du 14 juillet visait à rapprocher la cumbia de la musique traditionnelle québécoise. L’invitée spéciale était Alice Bro, banjoiste tatouée au sourire radieusement contagieux, à la voix rauque, qui offre une version Tom Waits du trad-keb. Le mélange n’était pas parfait mais très prometteur. A approfondir. La foule, nettement plus nombreuse que la veille, a swingué à fond, incluant une professeure d’université serbe, rencontrée par hasard. Ces concerts permettent des rencontres inédites.

Le troisième concert, celui du 15, est le seul que j’ai raté. L’invité était Ons Barnat, musicologue, professeur à l’UQAM et passionné de reggae et de musique dub. Une autre proposition audacieuse, qui a dû emmener beaucoup de monde sur la piste de danse du Balattou.

Less Toches sont des anthropologues de la cumbia. Daniel Rodriguez, le percussionniste, flûtiste, qui imite parfaitement les chants d’oiseaux, vous raconte, dans un français impeccable, des tas d’histoires sur les différents styles et leurs adaptations plus récentes. Un puits de connaissance sans fond.

Less Toches est une réunion de nouveaux Montréalais d’origine colombienne, mais aussi argentine, cubaine et mexicaine. Contrairement à d’autres propositions cumbia récentes, comme la Chiva Gantiva de Bruxelles, entendue aux Nuits d’Afrique le 8 juillet, Less Toches ne mélange pas la cumbia avec l’électronique. Ni même avec les cuivres. Le groupe est basé sur les percussions multiples et l’accordéon, avec une basse électrique en appui et parfois la flûte traditionnelle. Mais ça fait mouche.

Il sera intéressant de suivre Less Toches dans les prochains mois. Le groupe travaille en ce moment sur son premier véritable album. Entretemps, il se promène dans de nombreux festivals cet été. Soyez prêts à « cumbier »!

Crédit photo: M. Belmellat

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Antilles / Caraïbes / dancehall / reggae

Nuits d’Afrique | Blaiz a mis le « Fayah » sur la grande scène TD

par Sandra Gasana

Il porte bien son nom. Fayah, ou encore fire prononcé à la jamaïcaine, n’a pas été choisi au hasard à mon avis puisqu’à peine arrivé sur scène, la température qui était déjà élevée, a explosé. Nous avons eu droit à du shatta pur et dur, ce dancehall martiniquais qui a son succès.

Le DJ officiel de cet artiste était instrumental puisqu’il a réussi à préparer la foule, pour la mettre dans les meilleures conditions pour accueillir Blaiz. Tout comme Mo’Kalamity, et plusieurs artistes interviewés pour cette édition, il en est à son tout premier séjour au Canada. Il est venu accompagné de ses deux danseuses et avec tous les musiciens, guitariste et batteur, ils avaient un « dresscode » : blanc et bleu, aux couleurs du drapeau fleur-de-lys qu’il portait sur lui par moments. En effet, on pouvait voir des ailes sur le dos de son t-shirt, celui dont la carrière est en plein envol depuis plusieurs années déjà.

La foule était en feu lorsque le guitariste s’est mis à jouer des rythmes kompa, qu’il semblait très bien maîtriser. Le DJ et Blaiz se sont même mis à danser avec les danseuses, imités par plusieurs festivaliers. Probablement un des moments forts de la soirée, tout comme lorsque l’artiste et son DJ ont pris un bain de foule en fin de concert.

« C’est ma première fois ici, je veux qu’on s’en rappelle toute notre vie », dit-il en mettant un peu la pression à son nouveau public.

On a eu droit à quelques pull-ups, qui vise à interrompre la chanson quelques secondes après son début, pour revenir en arrière et la refaire jusqu’au bout cette fois-ci.

On a eu droit à tous ses succès, et il y en a plusieurs, notamment Money Pull Up, Gimme This, LifeStyle ou encore Best Gyal, sur lequel les danseuses ont livré tout un spectacle. Plusieurs morceaux de son plus récent album Shatta Ting étaient à l’honneur mais pas que.

Il prend le temps de remercier les fans qui étaient nombreux à ma grande surprise, reconnaissant que c’est grâce à eux qu’ils existent.
Ce qui est impressionnant avec cet artiste, c’est qu’il peut chanter dans les aigus et dans les graves, passe parfois de l’un à l’autre dans la même chanson. C’est ce qui arrive sur Bubble and Wine, dans lequel le refrain est dans les aigus alors que les couplets sont dans le grave.

Mon coup de cœur de la soirée : la seule chanson que je connaissais vraiment, Propaganda, sur laquelle il est tout simplement impossible de rester assis. Elle est arrivée juste après One Life, qu’il a fait en reggae calme, sur fond rouge, avec guitare.

À la fin du concert, Blaiz Fayah avait conquis son public, qui était prêt à faire tout ce qu’il demandait, même quand il leur demandait de « reculer, avancer, sauter et crier ».

Non seulement les festivaliers ont apprécié le spectacle mais ont également dansé du début à la fin, puisqu’ils ne pouvaient tout simplement pas faire autrement. La soirée était fayah, au sens propre et figuré.


Crédit photo: Production Luna

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reggae / roots reggae

Nuits d’Afrique | Loin d’une calamité, Mo’Kalamity a été une bénédiction

par Sandra Gasana

Malgré une chaleur caniculaire, Mo’Kalamity a tout de même réussi à réchauffer la scène Loto Québec lors de sa toute première performance montréalaise. Pour l’occasion, elle était accompagnée par deux guitaristes, un flûtiste stylé qui faisait également les chœurs, un batteur, un bassiste et un claviériste. Et c’est toute vêtue de rouge qu’elle est apparue sur scène, avec son fameux foulard sur la tête, devenue sa signature.

Tout au long du concert, elle dansait, sourire aux lèvres, visiblement heureuse de rencontrer son nouveau public montréalais, qui devenait de plus en plus nombreux au cours de la soirée. Nous avons eu droit à plusieurs morceaux de son plus récent album Shine, mais également d’autres classiques de l’album Warriors of Light paru en 2007 ou encore Freedom of the Soul, paru en 2013.

« Bonsoir Montréal ! Etes-vous prêts pour un voyage à Kingston ? », nous demande-t-elle, juste avant Gotta Get Away. Elle s’adresse au public en français mais également en anglais, tandis que l’intensité augmente d’une chanson à l’autre, parfois sans transition. Le morceau What A Time a reçu un bel accueil, probablement parce qu’il tombe à point dans le contexte actuel.

Bien entendu, une chanson en portugais devait figurer dans la set list et c’est Cima Vento qu’elle a choisie, de l’album Freedom of the Soul. Elle en profite pour mettre à l’honneur son guitariste en l’invitant en avant de la scène pour un solo électrisant. Elle fait de même avec son flûtiste, qui nous a servi un bon dancehall très apprécié par le public. On aurait gagné à avoir plus de moments de ce genre. D’ailleurs, la flûte se mariait parfaitement bien avec les effets de guitares électriques dans le morceau Shine. Elle a même fait chanter la foule sur ce dernier morceau, un pari plus que réussi.
Le micro a eu un petit souci technique en plein milieu du concert mais heureusement, cela n’a duré que quelques secondes.
C’est peut-être un premier concert à Montréal mais ça ne me surprendrait pas qu’elle revienne très vite, maintenant que sa carrière est relancée après une trop longue pause à mon goût.

Crédit photo: Mark Lachovsky

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afro-funk / afro-pop

Nuits d’Afrique | Sahad : l’étoile de Dakar brille sur le Balattou

par Frédéric Cardin

On dit qu’il incarne le renouveau de la musique sénégalaise, un honneur que le chanteur et guitariste Sahad porte comme une responsabilité assumée, afin de faire rayonner l’art et la culture de son pays. 

LISEZ L’ENTREVUE AVEC SAHAD

Hier soir, au club Balattou, et à l’occasion du Festival Nuits d’Afrique 2025, l’artiste énergique et diablement efficace sur une scène a fait vibrer le célèbre bar montréalais, avec son mélange enlevant d’afrobeat, parfois tendance pop, du funk en masse et bien cuivré, puis de rares échos de mbalax, car si Sahad ne fait pas dans le mainstream de la musique pop sénégalaise, il nM’en est pas non plus complètement détaché. Il propose plutôt une fusion étroitement ficelée et propulsée par un chant vif et des mélodies simples mais efficaces. Un band archi coordonné répondait au doigt et à l’oeil de la star sénégalaise. Ils méritent d’être nommés, exceptionnels qu’ils étaient : Rémi Cormier (trompette), Lou Gael Koné (basse), Raphael Ojo (batterie), Louis Plouffe (sax alto) et David Ryshpan (claviers). Sahad est en famille à Montréal, si bien qu’il a invité des amis locaux comme Vox Sambou, le chanteur Freddy Massamba (qui a fait lever le plafond avec un Funk excitant), Afrotronix, Seydina Ndiaye et le duo Def Mama Def. Un tour des albums existants a constitué le premier set et le début du deuxième, mais la fin de celui-ci nous a permis d’apprécier quelques titres du prochain, African West Station, prévu pour l’automne. Funky Nation, We Can Do, des titres qui nous ont fait chanter et déhancher, et qui promettent un opus assez relevé merci. Oui, Sahad est véritablement l’une des voix les plus attachantes et irrésistibles du firmament artistique sénégalais. 

chant choral / classique occidental / musique contemporaine

Festival de Lanaudière | Une performance du tonnerre pour Chanticleer

par Alexandre Villemaire

D’emblée, il faut le dire, ce n’est peut-être pas le cadre de performance le plus idéal auquel le public lanaudois et les chanteurs de l’ensemble vocal a capella américain Chanticleer se seraient attendus pour leur première apparition au Festival de Lanaudière. La nature s’était effectivement invitée de manière plutôt audible sur le terrain de l’Amphithéâtre Fernand-Lindsay qui n’a pas échappé aux fortes averses qui ont balayé le sud du Québec ce dimanche 13 juillet. Imperturbables, d’une bonne humeur contagieuse et avec une grande maestria, les douze voix de l’ensemble ont bravé les éléments pour offrir une performance enlevante.

Tel que raconté dans l’entretien que nous avons réalisé avec le directeur musical de Chanticleer, Tim Keeler, le programme proposait un voyage aux sources de la polyphonie, mais surtout une synthèse de la manière dont cet art musical a façonné l’écriture de la musique pendant plus de cinq siècles. Des sources véritables de la polyphonie, le programme n’en a donné que quelques exemples, avec notamment l’extrait du « Gloria » de la Messe de Nostre-Dame de Guillaume de Machaut, qui s’insérait dans un segment la mettant en relation avec l’arrangement de la prière Our Father par le compositeur afro-américain Julius Eastman. La pièce d’Eastman fait usage d’harmonies ouvertes à la quinte, agrémentées de passages vocaux chromatiques au même titre que l’extrait de Guillaume de Machaut, dont la parenté surprend par son langage harmonique tendu. Ces deux pièces étaient précédées de pièces contemporaines, dont l’intéressante Hee-oo-oom-ha de Toby Twining, une mélopée vocale texturée, bourrée d’onomatopées, de rythmes irréguliers portée par un solo de yodel interprété par le ténor Andrew Van Allsburg qui fait preuve d’une grande maîtrise vocale dans le basculement entre la voix de poitrine et la voix de tête. Parmi les autres pièces « classiques » interprétées, mentionnons aussi Musica Dei donum optimi d’Orlando di Lasso, Cantate Domino de Giovanni Gabrieli et Finlandia de Jean Sibelius qui est venu clore la première partie.

La seconde partie du concert a continué de mettre en valeur des compositions classiques contemporaines ainsi que des œuvres du répertoire américain et afro-américain. L’interprétation du traditionnel African-American Spiritual Poor Pilgrim of Sorrow a donné lieu à un moment transcendantal, porté par la voix de contre-ténor du soliste Cortez Mitchell. L’autre spiritual de l’après-midi, Wade in the Water, était très à propos alors qu’un véritable rideau d’eau s’abattait autour de l’espace couvert de l’amphithéâtre. Les douze chanteurs sont demeurés en contrôle dans leur performance, enchaînant avec la suite Not an End of Loving de Steven Sametz et la composition d’Ayanna Woods Future Ones, une douce pièce qui s’interroge sur l’héritage que nous laissons aux générations futures.

Charismatique, énergique et s’adressant régulièrement au public, avec quelques mots en français, Chanticleer a ostensiblement fait bien plus que donner un concert de musique. Ils ont créé un moment d’unité et d’apaisement avec le public par l’entremise de leur interprétation solide, techniquement maîtrisée et engagée. Je trouve qu’il est parfois un peu cliché de mettre de l’avant le pouvoir quasi mystique de la musique d’unir les êtres comme étant une manne positive universelle. La réalité est parfois plus complexe. Mais, comme les membres du groupe l’ont mentionné, alors qu’il y a beaucoup de bruit discordant dans le monde actuellement, ce type de moments musicaux, aussi petits soient-ils, constitue des instants précieux dont on ne saurait se passer. Dans cette optique, Chanticleer a éprouvé une grande joie à venir partager cette passion avec leurs sympathiques et gentils voisins du Nord. Une parole qui, tout comme l’entièreté du concert, a été accueillie par un tonnerre d’applaudissements.

Afrique / folk / jazz / musique traditionnelle ouest-africaine

Nuits d’Afrique | Yawo transforme le Balattou en désert festif

par Michel Labrecque

Yawo est un musicien togolais expatrié depuis de nombreuses années aux États-Unis. En ce dimanche soir, dans un Montréal rescapé de pluies diluviennes et encore sous une canicule humide, il est venu jouer avec son trio dans un Balattou pas trop rempli. Mais ça n’allait en rien l’empêcher de dévoiler sa toile musicale festive. Il a même dit: « Ce n’est pas si mal pour un dimanche soir, merci d’être venus », avec son sourire contagieux. 
Yawo était accompagné d’un claviériste-pianiste enthousiaste et d’un batteur subtile. Lui-même a alterné entre la basse et la guitare. Il aime beaucoup la basse « slappée » et en use de façon intelligente. Par contre, le fait que cet adepte de l’afro-beat à la Fela Anikulapo Kuti se présente sur scène sans section de cuivres nous privait un peu de profondeur musicale. 

C’est un compromis à faire dans le cadre de festivals à petits budgets, mais qui, en contrepartie, offrent des concerts à des prix bien plus accessibles.

Yawo nous a plongés dans son univers musical, qui mélange les rythmes africains au jazz ou au folk. Il nous a parlé du Togo, de ces villages paisibles de sa tribu Éwé, mais également de la dictature qui l’a forcé à l’exil. Passant constamment du français à l’anglais, le musicien qui vit maintenant à Chicago nous a aussi parlé de l’actuel président, qui risque d’entraîner son pays d’accueil dans une nouvelle dictature. « Trump est mauvais, Trump is bad », s’est-il exclamé.

Mais Yawo nous a aussi raconté qu’il était « tombé amoureux en sol majeur ». Beaucoup de chansons parlent d’amour et de liberté, de rassemblement des différents peuples. Il a aussi rendu hommage au groupe sénégalais Touré Kunda en chantant, Em’Ma ainsi qu’à la grande chanteuse togolaise des années 60 et 70 Bella Bellow.

Et là, un moment improbable s’est produit : après avoir demandé à l’auditoire si quelqu’un connaissait la chanson de Bella Bellow, il a convié une spectatrice à chanter avec lui. Ce fut une fête. Cette jeune béninoise, fan de la chanteuse togolaise, a complètement assuré.

C’est ça la magie des concerts.

Puis, sur des rythmes tribaux éwés, Yawo s’est mis à slammer-raconter, puis il a quitté la scène pour danser en compagnie de quelques spectatrices.

Bref, malgré la foule parsemée, Yawo nous a donné un concert éclectique, pacifique et festif.

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Afrique / musique traditionnelle ouest-africaine

Nuits d’Afrique | La kora, de maître en maître

par Alain Brunet

Assister annuellement à cette Nuit de la kora que présente le Festival international Nuits d’Afrique au Gesù, cela implique un désir franc de bien saisir d’où proviennent les grandes musiques d’Afrique de l’Ouest. Et si on y retourne encore une fois avec ce désir de connexion, la rencontre de virtuoses s’avère nourrissante : Zal Sissokho, excellent joueur de kora, et son maître venu à sa rencontre, Toumany Kouyaté.

Depuis les années 80, les amateurs de musique non occidentale écoutent la kora, instrument central de l’Afrique de l’Ouest, dont la science du jeu est assurée par les griots de père en fils depuis des siècles et des siècles. 

Toumany Kouyaté fut formé par son père et d’autres maîtres pour en devenir un lui-même et enseigner son savoir profond à d’autres générations subséquentes dont celle de Zal Sissokho, authentique griot et Montréalais d’adoption, aussi formé par le paternel et autres maîtres rencontrés sur sa route, Toumany Kouyaté dans le cas qui nous occupe.

Ainsi, nous avions deux générations de griots passés maîtres de la kora, cet instrument à 21 cordes, mi-harpe mi-guitare. Il permet de produire une étoffe mélodico-harmonique qui permet au griot de s’accompagner et de chanter l’histoire et la destinée de la culture mandingue.

Depuis les années 80, on a vu se succéder des générations de griots de plus en plus virtuoses et compétents. Certains sont devenus des réformateurs du style  traditionnel, faisant exploser les standards techniques. 

Mais il existe aussi des interprètes rigoureux dont les réformes affinent un langage traditionnel déjà riche et complexe. C’était le cas dimanche pour Toumany Kouyaté, dont les modulations harmoniques révèlent des bijoux d’interprétation. On comprend l’admiration et l’amitié entre ce maître et son disciple Zal Sissokho, qui lui fait honneur au Québec en perpétuant une tradition dynamique, de plus en plus ouverte sur le reste du monde.

Le dialogue entre les deux musiciens a parfaitement témoigné de cette belle relation entre deux hommes de même souche, qui vivent désormais à des dizaines de milliers de kilomètres l’un de l’autre. Les retrouvailles constituent toujours un bon concept, n’est-ce pas?

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