Les 29 et 30 janvier prochains se tiennent les premières mondiales du programme Voivod Symphonique, rare manifestation grand public juxtaposant la “grande culture “ classique avec le monde souterrain du métal. Pourtant, nombreux sont les liens qui unissent ces deux traditions européennes, tant par leur musique que par leur histoire. Néanmoins, ce rapprochement reste méconnu, même chez les plus érudits, notamment chez les musiciens d’orchestre sauf exceptions. Pour démystifier le contexte duquel culmine cette collaboration hors du commun, notre collaborateur et musicologue Laurent Bellemare vous propose ici un brillant survol comparatif des similitudes entre ces deux univers.
Revendication d’un héritage
Avec à peine 60 ans d’existence, le métal a fait des bonds de géants dans son évolution stylistique et technique, une tendance exacerbée par la société technologique du XXIe. Répudiée par les institutions officielles et marginalisée dans la culture de masse, cette musique brute et inaccessible s’était abreuvée aux références classiques européennes dès le début, références tant compositionnelles qu’extra-musicales.
Si les premiers groupes de hard rock/métal avaient plutôt des racines blues-rock (Cream, Black Sabbath, Deep Purple, Led Zeppelin), un virage technique très net fut observé chez des Judas Priest et autres Iron Maiden. Cette rigueur d’exécution et un travail compositionnel de plus en plus détaillé des morceaux s’accompagnaient d’un usage moins systématique du pentatonisme blues – gammes à 5 notes, typiques du blues.
On observait en outre un lyrisme accru et un travail d’harmonisation dans les arrangements des guitares, le tout enrichi d’un jeu de batterie de plus en plus complexe, de plus en plus rapide.
Sous l’influence du rock progressif sur le métal, des vagues de groupes tels Queensrÿche et Dream Theater ont catalysé ce nouvel intérêt pour les formes complexes et longitudinales. Plutôt que de répéter des motifs simples, le métal a développé le matériau.
Cousins dans l’épique
Au-delà de la musique, identifions maintenant les similitudes thématiques entre les mondes métal et classique. Depuis la naissance du sous-genre rock, les groupes de métal s’inspirent librement de la mythologie judéo-chrétienne, que ce soit par blasphème avoué ou détournement subversif de ses symboles, comme l’on fait Black Sabbath, Venom, Slayer.
Également, les mondes fantastiques de J.R.R. Tolkien et d’H.P. Lovecraft ont pris une place importante dans les textes du métal.
La métaphore symphonique est très présente, du classique thrash metal Symphony of Destruction, de Megadeth, jusqu’aux Symphonies of Sickness de l’icône goregrind Carcass.
L’association avec l’orchestre symphonique, un autre symbole de puissance sonique, mais aussi de grandeur triomphale, est également corroborée dans le documentaire culte Metal : A Headbanger’s Journey (2008), où on voit dans le romantisme orchestral de Richard Wagner, ancêtre spirituel du métal.