Aucun autre média montréalais que PAN M 360 ne dispose d’autant de ressources humaines pour assurer une couverture experte du Festival International de Jazz de Montréal. Nous sommes nombreux à parcourir le site extérieur et les salles de concert : Jacob Langlois-Pelletier, Frédéric Cardin, Stephan Boissonneault, Michel Labrecque, Varun Swarup, Vitta Morales et Alain Brunet vous présentent leurs critiques d’albums, leurs comptes rendus de concerts et quelques entrevues. Bonne lecture et bonne écoute !
Laufey s’est produite à Montréal l’an dernier, je l’ai vue et entendue…froidement, sans émotion ressenties pour ces nobles et bons sentiments mis en musique jazzy. Pour moi, c’était assez vu et entendu, vraiment pas ma tasse de thé que de réhabiliter les vamps anglo-américaines de l’Après-Guerre. Mais… ces considérations étaient parfaitement inutiles, force est de constater un an plus tard. L’ébullition pop de la chanteuse sino-islandaise était déjà en marche, nous voilà en 2024, elle est LA superstar en salle de ce Festival international de jazz de Montréal, celle qui vend le plus de billets à fort prix.
Je vous invite à lire le compte-rendu respectueux de notre collaborateur Vitta Morales, il y rapporte que l’auditoire de Laufey est super jeune et embrasse, pour ne pas dire frencher goulument, cette esthétique pop des années 40 et 50 : ballades sentimentales with strings, bossa nova et autre torch songs que prisaient leurs grands-parents, alors adolescents ou jeunes adultes à une époque où triomphait une pop culture américaine encore tributaire du jazz. Puis vinrent les années 60 et 70, la contre-culture, le rock, le jazz électrique… et ces mélodies veloutées se sont butées à la réprobation de tous, à commencer par celle des jazzophiles, considérant cette approche pop ringarde, kétaine, morte et enterrée. Le temps passa, passa, passa et… surprise en 2024.
Évidemment, les ruptures se font généralement sans nuances, les générations ayant succédé à cette époque faste de la pop jazzy et orchestrale en avaient oublié la qualité des arrangements, la richesse harmonique, l’expressivité lascive et élégante, cette expression des hauts et bas de la vie sentimentale.
Pas moins de 8 décennies plus tard, Laufey reprend ces formes satinées et des millions de jeunes, surtout de sexe féminin, capotent. Sur toutes les grandes scènes du monde, les diffuseurs se frottent les mains, si rares sont les chanteuses associées à la chose jazzistique sont capables d’un tel impact de masse.
Régulièrement, la jazz business mise à mal au depuis le début de ce siècle, essaie de lancer une autre Diana Krall sans pour autant réussir à déborder le marché d’une nostalgie agonisante… puisque la majorité absolue des fans du genre ayant vécu cette époque ne sont plus de ce monde ou incapable de se déplacer dans une salle de concert. Et puis voilà cette résurrection d’un genre très longtemps jugé suranné.
Le phénomène Laufey n’est pas unique. Les médias sociaux, surtout TicTok dans le cas qui nous occupe, concourent déterrer, relancer et classiciser les formes musicales issues d’un lointain passé. Le néoclassicisme s’en nourrit avec les résultats que l’on sait, voici le jazz qui fait de même. Que dire de plus?
crédit photo : @frederiquema pour le FIJM