La Tulipe, la honte, la bouette…

par Alain Brunet

Au début de ma carrière, j’avais interviewé Gilles Latulippe à son bureau du Théâtre des Variétés, alors le temple par excellence du burlesque et de la comédie populaire. Je n’avais pas grand-chose à voir avec Manda Parent et Juliette Pétry mais j’étais très impressionné par l’histoire des lieux et surtout, par l’intelligence de Gilles Latulippe qui m’avait accordé une excellente interview.

Pendant plus d’un siècle, cet amphithéâtre n’a fait l’objet d’aucune réprobation, bien au contraire. Une seule personne s’est plainte avec détermination de ses pratiques et de son rôle dans la communauté. Et cette plainte a causé la fermeture de cet amphithéâtre parce qu’un juge a tranché avec une interprétation rigoriste du règlement sur le bruit tout en excluant le contexte de la plainte désormais célèbre.

Quelle honte. Un promoteur sans vergogne obtient un permis de construction, octroyé par un fonctionnaire totalement à côté de ses pompes. Le promoteur transforme la bâtisse en immeuble locatif (et non commercial) et puis se plaint du bruit une fois son œuvre achevée et occupée par des êtres humains qui n’ont visiblement pas réalisé le contexte dans lequel ils sont plongés aujourd’hui.

« Le jugement rendu lundi par la Cour d’appel donne partiellement raison au plaignant, Pierre-Yves Beaudoin, propriétaire du bâtiment voisin de La Tulipe, rue Papineau, qui se plaint du bruit depuis qu’il a acheté l’immeuble en 2016. M. Beaudoin avait déposé une demande d’injonction à cet effet en décembre 2020 », rapporte Isabelle Ducas dans La Presse.

« Partiellement raison » signifie pratiquement que ce jugement limite La Tulipe à des prestations relativement calmes sur scène, ce qui est totalement absurde pour un tel amphithéâtre chargé d’histoire, authentique monument de notre culture populaire. La Tribu, l’entreprise qui avait remis La Tulipe au goût du jour après avoir acheté jadis le Théâtre des Variétés, est ainsi contrainte de cesser ses activités car elles devraient se terminer beaucoup trop tôt dans le contexte du showbizz tel qu’on le vit en 2024. Musique de chambre et folk acoustique en exclusivité ??? Ben voyons. N’importe quoi.

Honte à Pierre-Yves Beaudoin qui n’a pas vu plus loin que le bout de son nez et de son portefeuille. Honte au fonctionnaire qui a dormi au gaz. Honte à notre système juridique, puisqu’un juge de la Cour d’appel du Québec ne peut prendre en cause dans sa décision l’erreur bureaucratique générant l’effet de domino menant à une injustice totale, c’est-à-dire une décision rendue au profit d’un entrepreneur sans vision, en voie de passer à l’histoire montréalaise comme un authentique destructeur de patrimoine.

Mais… pourquoi donc la Ville n’a-t-elle pas rectifié le tir dès qu’elle a su ? Il y avait peut-être anguille sous roche: «Si c’était du vaudeville comme ce l’était à l’époque de Gilles Latulippe, il y aurait du bruit, de la fureur, des chaises renversées et à 22h, c’est fermé. Là, ça dure jusqu’à trois heures du matin et c’est le son dans le tapis», a indiqué l’animateur Luc Ferrandez au 98,5, considérant que l’amphithéâtre était devenu une « discothèque » dans la majorité de ses interventions. L’ex-maire de l’arrondissement (où se situe La Tulipe) a-t-il exprimé ce que pensaient des fonctionnaires en poste, dont celui qui a autorisé la construction du promoteur Pierre-Yves Beaudoin? Ne prêtons pas d’intentions mais…

Quoi qu’il en fut, la « discothèque », c’était ainsi depuis de nombreuses années et la réprobation du voisinage était à peu près nulle, tout simplement parce que personne n’y dormait à proximité.

Les conséquences dramatiques de cette lamentable erreur bureaucratique peuvent-elles être réparées? Un revirement de situation est-il possible ? C’est ce que nous pourrons observer dans un avenir proche. Au delà-des réunions d’urgence, le maire d’arrondissement, Luc Rabouin, doit impérativement mettre ses culottes et contraindre les occupants du nouveau bâtiment connexe à La Tulipe à en endurer le son et assumer les conséquences de leur occupation à proximité.

Ces derniers devront-ils se conformer à une nouvelle réglementation du bruit ? Poursuivront-ils la Ville si tel est le cas ? Difficile à prédire. Chose certaine, un règlement protégeant les acquis des salles de spectacles à Montréal devient absolument essentiel, vu le flou règlementaire nous ayant menés à cette gadoue.

Quelle bouette….

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