Lanaudière en clôture : songe d’une pluie d’été

par Alain Brunet

La canicule des derniers jours s’étant conclue un peu trop tôt dimanche après-midi, des pluies torrentielles ont précédé l’ultime concert du Festival de Lanaudière et, malheureusement, démobilisé la vaste majorité des festivaliers ayant prévu se poser sur la pelouse. Dommage, car l’ondée s’est interrompue peu avant l’exécution des œuvres. Force est de conclure que ce programme fut à la hauteur de toutes les attentes d’une grande clôture festivalière.

Les places assises sous le toit de l’amphithéâtre Fernand-Lindsay étaient néanmoins toutes occupées. La première tranche du 19e siècle, soit la transition de la période classique à la romantique, était donc au programme de l’Orchestre Métropolitain sous la direction de notre Yannick Nézet-Séguin, superstar parmi les maestros de l’univers connu.

On passa d’abord une dizaine de minutes avec l’Ouverture en do majeur de Fanny Mendelssohn (1805-1947), moins connue que son frère Felix pour des raisons purement sexistes et patriarcales. Imaginez-vous femme compositrice il y a deux siècles! Il fallait une opiniâtreté hors du commun pour imposer son propre langage orchestral et briller parmi une communauté de compositeurs quasi exclusivement masculins. On ne s’étonnera pas que les partitions de son Ouverture en do majeur se trouvent encore dans les boules à mites, et c’est tout à l’honneur de l’OM d’en honorer la pertinence, ce qui fut fait après l’orage lanaudois.

La soliste invitée pour la deuxième œuvre au programme est une amie de YNS et de l’OM, soit la grande pianiste française Hélène Grimaud. On se souvient de mémorables moments brahmsiens passés à la Maison symphonique en juin 2014, deux ans après que la relation artistique fut amorcée entre elle et le maestro québécois avec le Philharmonique de Vienne. Nous voilà dix ans plus tard, Hélène Grimaud était dimanche invitée pour une première fois au festival de Lanaudière, afin d’y interpréter le Concerto pour piano en la mineur, op. 56 de Robert Schumann.  

La musicienne a établi le dialogue avec l’orchestre avec tous les attributs nécessaires aux excellentes interprétations : juste assez de liberté au service d’une partition parfaitement intégrée. On l’a constaté d’abord dans l’Allegro affettuoso, rigoureux et impressionnant pour son exactitude. Puis vint l’Intermezzo : Andante grazioso, séquence des plus suaves. On a vu alors Hélène Grimaud transcender sa concentration extrême et se laisser emporter par le flux symphonique pour ensuite offrir un dernier mouvement digne des plus beaux orages dominicaux, l’Allegro vivace, qui fut à la hauteur des attentes. 

La dernière œuvre au programme, une des plus connues de Felix Mendelssohn, fut composée entre 1829 et 1942. Un voyage en Écosse, où se trouvent les ruines du palais de Marie Stuart, en fut le déclencheur.

L’austérité et la gravité du premier mouvement, un Andante con moto évoquerait d’ailleurs les Highlands, le climat brumeux et froid de l’Écosse. Puis, le thème principal du second mouvement est repris par une clarinette évoquant la cornemuse. La facture générale de l’orchestre s’avère alors plus sereine, plus légère qu’au premier mouvement. L’Adagio qui suit se veut à la fois lyrique et martial comme le souligne le musicologue Robert Markov, c’est-à-dire l’imbrication d’un passage imposant et grandiose à une longue et placide envolée mélodique. La symphonie se conclut par un quatrième mouvement des plus énergiques, un Allegro vivacissimo de circonstance. 

Chose certaine, l’exécution de l’OM n’avait rien à envier à celle de la Chamber Orchestra of Europe, enregistrée chez Deutsche Grammophon sous la direction de YNS. Avec ces superbes mouvements enchaînés sans interruptions (et applaudissements inutiles), l’orchestre montréalais a visiblement comblé son chef, son public, ses profanes et ses connaisseurs.

La boucle du Festival de Lanaudière était bouclée en cet après-midi des plus écossais, comme l’a souligné d’entrée de jeu Renaud Loranger, son directeur artistique. Songe d’une pluie d’été, émergeant de l’ondée… pour employer une tournure shakespearo-mendelssohnienne.

CRÉDIT PHOTO : ANNIE BIGRAS

PROGRAMME

ARTISTES

Orchestre Métropolitain
Musiciens

Hélène Grimaud, piano
Yannick Nézet-Séguin, direction

OEUVRES

Fanny Mendelssohn

Ouverture en do majeur

Robert Schumann

Concerto pour piano en la mineur, op. 54

Felix Mendelssohn

Symphonie no 3 en la mineur, op. 56 « Écossaise »

Tout le contenu 360

Nastasia Y, sa culture ukrainienne infusée dans la canadienne

Nastasia Y, sa culture ukrainienne infusée dans la canadienne

BORN TO LEAVE (REVISITED) au Centre Phi: tragédie électronique sophocléenne aux saveurs du Liban

BORN TO LEAVE (REVISITED) au Centre Phi: tragédie électronique sophocléenne aux saveurs du Liban

Découvrez l’Afrobeat thaï de la Montréalaise Salin

Découvrez l’Afrobeat thaï de la Montréalaise Salin

Mount Kimbie – The Sunset Violent

Mount Kimbie – The Sunset Violent

CMIM: Shira Gilbert et Zarin Mehta nous causent de l’édition Piano 2024

CMIM: Shira Gilbert et Zarin Mehta nous causent de l’édition Piano 2024

Avant le coup d’envoi du CMIM, Chantal Poulin nous cause de l’édition Piano 2024

Avant le coup d’envoi du CMIM, Chantal Poulin nous cause de l’édition Piano 2024

Lorraine Vaillancourt, un dernier soir à la direction du NEM après 35 ans

Lorraine Vaillancourt, un dernier soir à la direction du NEM après 35 ans

Jonathan-Guillaume Boudreau – Un sortilège

Jonathan-Guillaume Boudreau – Un sortilège

Alix Fernz – Bizou

Alix Fernz – Bizou

St.Vincent – All Born Screaming

St.Vincent – All Born Screaming

Boogat – Del Horizonte

Boogat – Del Horizonte

RIP l’ami JP

RIP l’ami JP

Les Cowboys Fringants – Pub Royal

Les Cowboys Fringants – Pub Royal

Wake Island au Centre Phi: multidimensionnel !

Wake Island au Centre Phi: multidimensionnel !

Effendi : 25 ans de jazz Made in Québec

Effendi : 25 ans de jazz Made in Québec

Maureen – Bad Queen

Maureen – Bad Queen

Less Toches remporte le Syli d’Or 2024, viva la cumbia !

Less Toches remporte le Syli d’Or 2024, viva la cumbia !

Alex Henry Foster parle de la mort et de son nouvel album, Kimiyo

Alex Henry Foster parle de la mort et de son nouvel album, Kimiyo

Schoenberg pré-révolutionnaire et Beethoven à l’OSM

Schoenberg pré-révolutionnaire et Beethoven à l’OSM

OSM | La programmation 2024-2025 selon Rafael Payare et Marianne Perron

OSM | La programmation 2024-2025 selon Rafael Payare et Marianne Perron

Syli d’Or 2024: Shahrzad, virtuose persane et fan finie d’afro-latin

Syli d’Or 2024: Shahrzad, virtuose persane et fan finie d’afro-latin

Syli d’Or 2024: Less Toches, cumbia montréalaise

Syli d’Or 2024: Less Toches, cumbia montréalaise

Inscrivez-vous à l'infolettre