Kent Nagano dirige le Rachmaninoff International Orchestra, une phalange paneuropéenne créée par Mikhail Pletnev, dans trois œuvres pour violon et orchestre, avec la soliste Rebekka Hartmann.
Le Concerto funèbre de Karl Amadeus Hartmann (apparemment pas de relation entre les deux) est l’une des pièces pour violon et orchestre du 20e siècle les plus jouées de par le monde. Ce concerto expressionniste passe par le recueillement avant de virer en danse macabre et en hymne ombrageux à la toute fin. Il a aussi été enregistré avec maestria par Isabelle Faust et Thomas Zehetmair, pour n’en nommer que deux. Rebekka Hartmann réussit à dompter les élans incendiaires de cette pièce puissante, aux circonvolutions mélodiques complexes et aux rythmes propulsés avec muscle. La performance athlétique de Hartmann est appuyée par l’orchestre idéalement sombre et ténébreux de Kent Nagano. Une musique inoubliable qui bénéficie d’une lecture convaincante ici.
Le Tzigane de Ravel est joué avec caractère, Hartmann laissant virevolter son archet pour y insuffler l’âme nomade nécessaire, avec un orchestre éveillé, tour à tour lascif et titilleur. Le dernier morceau est une intéressante composition d’Aziza Sadikova, Stradivari, un hommage évident au célèbre luthier et, par extension, aux instruments de sa facture. L’œuvre est une commande de Rebekka Hartmann à la compositrice ouzbèque basée à Berlin spécifiquement pour cet enregistrement avec Kent Nagano. Stradivari dure environ 18 minutes et sa facture est moderne et expressionniste, exigeante pour la soliste. Hartmann s’en tire apparemment très bien et Nagano est dans son élément ici, avec une partition foisonnante qui marie les détails ultra fins d’une orchestration archi précise avec la musculature d’élans puissants et suggestifs. La finale a quelque chose de la musique spectrale fusionnée avec le grandiose hollywoodien de Don Davis dans sa musique orchestrale pour The Matrix.
Des partitions excitantes dans des interprétations soignées et passionnantes.