Le rap symphonique poursuit sur sa lancée auprès des férus de la forme, au tour de Nas de faire le trip et de faire tripper son auditoire. Tenue de gala, nœud papillon, costard rutilant de noir, verres fumés. Derrière lui, un band de jazz-groove-hip-hop, batterie, contrebasse, claviers, DJ. Derrière le band, carrément un orchestre symphonique sous la direction de Jean-Michel Malouf, directeur artistique et chef de l’Orchestre symphonique du Saguenay–Lac-Saint-Jean et de l’Orchestre symphonique de Sherbrooke. La grosse affaire!
Nas sortit du lot en 1994. Le premier de ses 15 albums, Illmatic, fut acclamé. On le considère aujourd’hui comme un classique du hip-hop de la Côte Est, à tel point qu’une version symphonique est présentée sur l’entière planète rap pour le 30e anniversaire de sa sortie. Et Montréal n’y fait pas exception, son autorité ne fait nul doute, 31 ans plus tard : deux salles Wilfrid-Pelletier remplies à capacité en autant de soirs.
La dégaine de Nas, 51 ans, est formidable. Cet authentique showman sait comment chauffer une salle de cette taille, sa parole est d’or aux oreilles de ses fans qui connaissent tout de cet album emblématique, typique du New York des années 90 avec des beatmakers et invités très importants à cette époque : Large Professor (pote d’adolescence de Nas et principal collaborateur de cet opus) mais aussi Marley Marl, Rockwilde, MC Serch, Nick Fury, Pete Rock, Faith N et même les archevêques du son boom-bap que furent Q-Tip et DJ Premier.
Au programme, donc, tous ces classiques d’Illmatic : The Genesis , NY State of Mind, Life’s a Bitch, The World Is Yours, Halftime, Memory Lane (Sittin’ in da Park), One Love, One Time 4 Your Mind, Represent, It Ain’t Hard to Tell.
Galvanisé par cette rencontre, le public connaissait toutes les répliques, applaudissait à tout rompre chaque étape de ce programme. Malheureusement, la sonorisation d’un tel mariage entre rap, band et symphonie n’était pas à la hauteur, les cordes étaient généralement enterrées par le groupe électrique, excellent au demeurant, et son MC. Les cuivres et les anches auront connu un meilleur sort dans le contexte mais on ne pourra conclure à une symbiose orchestrale réussie entre symphonie, groove et hip-hop. Impossible alors de se faire une tête sur les arrangements… En tout cas, tout porte à croire que l’ingénieur du son et l’acoustique de la salle n’ont vraiment pas aidé la cause de l’intelligibilité.
Ce qui, d’ailleurs, n’a pas eu l’air de déranger les fans, plus qu’heureux d’être là devant un showman à la hauteur de la situation. Ajoutons néanmoins que la partie du concert sans orchestre symphonique, mitraillée durant la dernière demi-heure, a été la plus percutante: The Message (Grand Master Flash), Street Dreams (moins sweet que ceux des Eurythmics), Got Ur Self a Gun, Oochie Wally, You Owe Me, Made You Look, The Don , If I Ruled the World (Imagine That), One Mic.
Tiens toi !

photos : Victor Diaz Lamich