Pro Musica | Sergey et Lusine Khachatryan, l’Arménie classique et… tout l’univers classique

Entrevue réalisée par Alain Brunet
Genres et styles : classique / classique moderne

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Le violoniste Sergey et la pianiste Lusine Khachatryan, frère et sœur, mènent chacun carrières de soliste à l’échelle internationale et se retrouvent sporadiquement en duo pour y interpréter des œuvres du grand répertoire et intégrer à leurs programmes des œuvres arméniennes modernes ou contemporaines. Issus d’une famille de musiciens d’Erevan où ils sont nés, Sergey et Lusine tiennent immanquablement à faire découvrir et savourer les œuvres des meilleurs compositeurs de leur nation, il sera question cette fois d’Arno Babajanian (1921-1983), qui fut aussi un pianiste de très haut niveau.

Rappelons au demeurant que Sergey Khachatryan a remporté le Premier Prix du VIIIe Concours international Jean Sibelius à Helsinki en 2000, et le Grand Prix du Concours Reine Elisabeth à Bruxelles en 2005.Quant à Lusine Khachatryan, elle est lauréate du Concours International de Piano à « Città di Ostra» (Italie 2023).Inutile de souligner que toustes deux se sont produit.e.s sur les plus grandes scènes d’Europe, d’Asie et d’Amérique.

Avant leur passage attendu du tandem à Montréal, soit ce dimanche à la Salle Pierre-Mercure dans un programme mis de l’avant par Pro Musica, Lusine Khachatryan répond aux questions d’Alain Brunet pour PAN M 360.

PAN M 360: Vous avez choisi d’interpréter une œuvre d’Arno Babadjanian. Vous avez également enregistré des œuvres de Komitas, d’Eduard Bagdasarian, d’Aram Khatchaturyan et d’autres encore, j’imagine. Pourquoi celle-ci, en ce dimanche à Montréal ?

Lusine Khachatryan: Nous avons décidé de créer un programme composé de deux sonates de Beethoven et deux sonates du 20ème siècle. La Sonate pour violon et piano d´Arno Babadjanian est une fantastique sonate, pour nous est une des meilleures sonates du 20ème siècle. Les compositions de ces trois génies sont influencées par leur origines, mais finalement toutes ces œuvres d´art deviennent universelles à travers le langage musical. Langage qui défie toute frontière.

PAN M 360 : Y a-t-il un danger pour vos carrières respectives si votre réputation est exclusivement liée à votre identité arménienne ? Cherchez-vous un équilibre entre l’Arménien qui est en vous et votre capacité à interpréter l’ensemble du répertoire ?

Lusine Khachatryan: En effet nous sommes arméniens, cela fait partie de notre identité. Mais en tant qu’artistes, le langage musical est notre façon de communiquer avec le monde et c’est un langage qui est universel.

PAN M 360: On peut aussi deviner qu’il existe une grande et solide tradition d’interprétation et de haute virtuosité du côté arménien, comme Sergei Babayan (classique) ou Tigran Hamasyan (jazz). Une source d’inspiration ?

Lusine Khachatryan: Oui, c’est vrai. Il a beaucoup de merveilleux musiciens et artistes arméniens. On pourrait en nommer indéfiniment. Personnellement, je m’inspire énormément des compositeurs et aussi d’autres formats comme le théâtre et la peinture par exemple. C’est ainsi que mon projet de piano – théâtre est né. En m’inspirant pour créer quelque chose de nouveau, pas seulement musicalement mais aussi visuellement. 

PAN M 360: Retournez-vous régulièrement à Erevan ? Quelle est, selon vous, l’ambiance après les récentes souffrances du peuple arménien dans le Haut-Karabagh (Artsakh) ?

Lusine Khachatryan: Nous voyageons en Arménie tous les ans, pour rendre visite à notre famille, à nos amis et pour jouer en concert. Cette année, nous aurons l’occasion de jouer, même deux fois, en tant que solistes. Après la perte d’Artsakh, l’ambiance en Arménie était profondément triste. Nous sommes toujours très inquiets des attaques constantes de la part de l’Azerbaïdjan à la République d’Arménie. Ce qui est également inquiétant, c’est la propagande qui continue à s’exercer contre les Arméniens : l’idée de l’Azerbaïdjan de l’ouest, le déni de l’identité arménienne, la propagande dans les écoles. Tout cela est extrêmement inquiétant. La relation entre l’Azerbaïdjan et la Turquie, pays qui jusqu’à aujourd’hui continue de nier le génocide arménien. Il y a beaucoup de chemin à faire vers la paix, et pour l’instant, la situation n’est pas très prometteuse. 

PAN M 360 : Quelle importance accordez-vous à votre travail en duo par rapport à vos carrières en solo ?

Lusine Khachatryan: Travailler en duo avec mon frère a ouvert beaucoup d’horizons pour moi, musicalement et personnellement. C’est une collaboration d’une grande valeur pour moi. Un espace familier où je me sens en sécurité, libre et très appréciée. Il règne entre nous une ambiance non compétitive, nous évoluons dans une zone qui n’est pas minée par l’ambition individuelle. Nos personnalités sont très différentes mais nos valeurs musicales sont très similaires, d’où le rôle et l’influence musicale de nos parents.

Artistiquement parlant, la musique est toujours notre première priorité. Ni notre carrière, ni notre persona. C’est toujours la musique qui doit prendre la parole, qui doit être la protagoniste. Bien sûr, cette mentalité, cette manière d’aborder la musique et l’interprétation a un côté positif mais comporte aussi beaucoup d’inconvénients dans le monde actuel. Un monde tellement concentré sur l’individualisme.

M 360: Quels ont été vos professeurs les plus influents ? Les plus grands interprètes de piano et de violon ?

Lusine Khachatryan: Notre première et principale influence ont été nos parents. Tous les deux sont musiciens, pianistes formidables. Par après nous avons beaucoup appris de nos professeurs au conservatoire: professeur Sontraud Speidel et professeur Dr. Saule Tatubaeva dans mon cas. Sergey a étudié avec plusieurs professeurs mais le professeur qui a vraiment marqué son apprentissage en tant que violoniste est Josef Rissin. 

PAN M 360: Avez-vous des compositeurs ou des œuvres préférés dans le répertoire classique ou contemporain ?

Lusine Khachatryan: Je suis devenue pianiste grâce à Chopin. Je considérais mon âme sœur dans le monde musical. Maintenant mes préférences et mon goût musical ont un peu changé. Je m’intéresse beaucoup et je suis très inspirée par les impressionnistes et la musique du 20 et du 21e siècle. Les compositeurs contemporains sont aussi très intéressants. L’année dernière, par exemple, j’ai joué la première à Paris d’une œuvre composée par Sona Talian In A-Mur. Pouvoir travailler avec elle et participer à la naissance et à la création de cette pièce m’a beaucoup inspirée.

PAN M 360: Comment avez-vous mis en place le programme de Montréal ?

Lusine Khachatryan: Nous voulions présenter deux époques contrastantes, deux ambiances. La première sonate de Beethoven et la sonate de Debussy ont plus en commun que la Sonate n.4 de Beethoven par exemple. La quatrième sonate de Beethoven est pleine de désespoir, d’inquiétude et de turbulence. Elle peut être comparable à la sonate de Babadjanian qui transmet un certain esprit tragique et combattant. 

La première sonate de Beethoven et la sonate de Debussy par contre se caractérisent par une certaine légèreté et insouciance. Elles se caractérisent toutes les deux par cet élément flottant, presque céleste. Debussy a composé la sonate juste avant sa mort, et elle transmet loin du tragique un sentiment presque de joie. Peut-être l’anticipation de la séparation du monde physique et matériel. 

Si notre programme devait être un tableau, ce serait un tableau de Vermeer pour moi. Avec des motifs plus obscurs, les ombres et puis des couleurs pleines de lumière qui éblouit le regard.

PROGRAMME

LUDWIG VAN BEETHOVEN, Sonate pour violon et piano No. 1 en ré majeur, op.12

LUDWIG VAN BEETHOVEN, Sonate pour violon et piano No. 4 en la mineur, op.23

-ENTRACTE-

CLAUDE DEBUSSY, Sonate pour violon et piano en sol mineur

ARNO BABADJANIAN, Sonate pour violon et piano en si bémol mineur

Durée : 90 minutes avec entracte

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