Nuits d’Afrique: Eliasse, les Comores, le rock zangoma, le monde

Entrevue réalisée par Alain Brunet
Genres et styles : Océan Indien / zangoma

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Près de l’Afrique et de Madagascar, l’archipel profondément métissé des Comores est riche en éruptions volcaniques et aussi culturelles. Eliasse en provient et en est vraiment imprégné, mais il se présente aussi comme un citoyen du monde se produisant avec un trio fondé en France. Avec attitude rock et esthétique mondialisée, Éliasse exprime ce mélange tonique de différents styles et rythmes comoriens et autres dialectes musicaux de l’Océan Indien, twarab, mgodro, chigoma… zangoma en somme, aussi le titre ce son prochain album dont il nous parle avant de monter sur scène aux Nuits d’Afrique, ce jeudi au Balattou.

PAN M 360 : C’est la première fois que vous venez à Montréal ?

Eliasse : C’est la première fois que je viens avec mon propre projet. J’y étais venu en 2005 en tant que musicien;  j’accompagnais alors un artiste comorien qui s’appelle Maalesh.

PAN M 360 : En tant que profane, je peux dire que la musique des Comores semble  proche de celle de Madagascar. Qu’en pense l’artiste comorien? 

Eliasse : Oui, on a une musique qui s’en rapproche.  Bien sûr, Madagascar a eu et a toujours une influence sur les Comores.

PAN M 360 : Cette région de Madagascar et des Comores est l’un des plus anciens territoires connus du métissage  inter-racial ou inter culturel. Les ascendances sont africaines, indiennes, asiatiques, occidentales. Ça paraît dans votre musique!

Eliasse : En tout cas, nous, déjà, ce peuple, il a été ainsi construit. Très mélangé!

PAN M 360 : Et ça produit à l’évidence une musique très différente des musiques du continent africain dont les Comores sont assez proches. 

Eliasse : C’est créole à notre façon parce que chacun est venu avec son petit ajout. Forcément, ça se créolise au fur et à mesure. C’est quand même assez différent de ce qui se crée ailleurs.

PAN M 360 : Où êtes-vous installé où exactement?

Eliasse : Je suis en France, à côté de Bordeaux. Ça fait huit ans que je suis en France,  pour des raisons personnelles et familiales, pas forcément professionnelles. J’ai quitté l’archipel des Comores à l’âge de 25 ans. 

PAN M 360 : Venez-vous donc avec un groupe à la fois comorienne et français? 

Eliasse : Oui, les musiciens sont français, tout à fait. L’idée, c’est justement d’exposer ça musicalement en ne faisant pas quelque chose de traditionnel. L’idée, c’est de montrer aussi ce mélange-là.

PAN M 360 : Vous êtes vous-même un mélange de genres, etc. Vous ne défendez pas que la musique comorienne. Vous défendez ce que vous êtes devenu.

Eliasse : Merci. C’est exactement ça. Je défends ce que je suis devenu et ce que je vis maintenant. Je pense continuer ce métissage là d’une façon naturelle.

PAN M 360: Et ce métissage est-il nommé ?

Eliasse: Mon prochain album va s’appeler Zangoma, le nom que je donne à mon style de musique. Comme vous l’avez remarqué, on a une grande richesse rythmique, des dizaines de rythmes distincts. Du coup, on pioche là-dedans, on fait nos petites chansons et on me pose la question « C’est quoi votre style ? » Baco, un chanteur de Mayotte, avait eu bien avant moi cette idée de donner un nom à tous ces gens qui font cette musique un peu bâtarde en mélangeant plusieurs rythmes. 

PAN M 360 : Et la langue comorienne? Elle ressemble à quelle autre langue ? 

Eliasse : Elle vient du swahili. Je ne parle pas le swahili, mais je reconnais des mots, des expressions, des phrases… je vais comprendre beaucoup de choses. Notre langue vient de là, il y a aussi du malgache. Il y a des coins aux Comores ou on parle le kibuchi, une version du malgache. Tout ça, c’est mélangé dans la langue comorienne, une somme de dialectes. Personne ne parle exactement la même chose, mais tout le monde se comprend parce que ces dialectes ne sont pas très éloignés.

PAN M 360 : Musicalement, vos patterns rythmiques sont plus élaborés que beaucoup d’autres cultures. Dans leur construction, vos chansons sont plus complexes que la moyenne.  

Eliasse : Ça, je laisse aux experts. Parce que pour moi, c’est quelque chose de très naturel. Je n’ai pas fait d’études en ce sens. On va inviter un musicologue pour venir en parler ! (rires)

PAN M 360 :  En tout cas vos beats sont élaborés, même dans vos chansons.

Eliasse : Parce que je pense aussi que le peuple comorien, il est complexe.

PAN M 360 : Haha!

Eliasse : Sans entrer dans tout ce qui est technique, c’est ce qui m’a donné confiance en me disant que peut être je pourrais faire de la musique. À travers l’artiste des Comores que j’accompagnais, je me disais pourquoi lui peut voyager ? Il y avait une particularité. Ça rejoint ce que vous dites, je pense aussi qu’on a une particularité aux Comores.

PAN M 360 : Vous avez grandi là-dedans, c’est naturel pour vous. Ce n’est pas forcé, ce n’est pas fabriqué, ce n’est pas une vision de l’esprit. Ça fait partie de vous. Et qu’est ce que votre génération apporte ? Par exemple, vous avez une instrumentation plus rock.

Eliasse : Bien sûr, chaque génération arrive avec son époque et les influences. Par exemple, j’ai ramené la guitare électrique. C’est pas qu’elle n’existait pas, elle existait derrière, au fond du son. Moi je la mets en avant et j’assume ce côté rock tout en gardant justement tous ces rythmes comoriens et aussi des chansons un peu traditionnelles.

PAN M 360 : Les guitares sont très importantes dans votre travail, de toute façon. Il y a beaucoup de guitares. Ça, c’est l’élément plus actualisé qui vient de votre génération ? Les générations qui suivent, utilisent-elles davantage les claviers, les ordis, le beatmaking à la hip-hop ? Moins guitare? Plus électronique ?

Eliasse : Oui, il y a beaucoup d’électro et de synthétiseurs comme un peu partout. Je ne dirais pas que ce n’est pas bien, c’est comme ça. C’est comme ça et oui, il y en a beaucoup qui composent de cette façon là.

PAN M 360 :Où se trouve votre marché d’après vous ?

Eliasse : C’est en développement, ce projet est quand même un peu jeune. Ça fait cinq ans que ça existe en trio, guitare-basse-batterie avec quelques machines et des percus. On est trois, on chante, on joue des percus tous les trois. C’est sûr qu’on est beaucoup plus en France et aussi l’océan Indien, puisque je viens de là. On commence aussi à chercher un peu plus loin.

PAN M 360 : Puisque l’on ne connaît rien de la langue comorienne, peut-on savoir un peu ce que vous chantez?

Eliasse : Je chante sur la société comorienne, la politique, les problèmes sociaux, les relations humaines, la protection de l’environnement, la violence etc. Je parle de cet archipel très instable politiquement mais très paisible, contradictoirement. Oui, les gens sont témoins des changements de pouvoir, mais restent calmes. Et puis je ne fais pas vraiment de chansons d’amour… En tout cas je ne les fais pas de manière très classique… Les sentiments y sont un peu cachés.

PAN M 360 : L’intimité n’est pas votre priorité dans vos textes, donc ?

Eliasse : Non. Remarquez, je peux écrire une chanson très, très intime, mais je l’écris au figuré, sans me mettre en scène. Je suis déjà en scène!

AUX NUITS D’AFRIQUE, ELIASSE SE PRODUIT CE JEUDI, 20H30, AU BALATTOU; INFOS ET BILLETS ICI

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